« Je ne me suis jamais servi d’autre sortilège que de mon esprit. Est-il surprenant que j’aie gouverné la reine qui n’en a pas du tout ? » (Leonora Galigaï, à ses juges qui l’avaient accusée d’avoir ensorcelé Marie de Médicis).
Le maréchal de France Concino Concini, sorte de Raspoutine florentin de la famille royale française, a été assassiné il y a quatre cents ans, le 24 avril 1617, au Louvre, à Paris, par un proche du jeune roi Louis XIII (1601-1643). C’est l’occasion de revenir sur cette période de l’histoire de France.
Lorsque Marie de Médicis (1575-1642), la fille de François Ier de Médicis, fortement courtisée au Palais Pitti de Florence, fut sollicitée par une demande de mariage provenant du roi de France en personne, Henri IV (1553-1610), en mars 1600, la famille florentine proposa au roi une forte dot et l’annulation de la dette de la France (les Médicis avaient été en quelques sortes des banquiers pour la France).
Henri IV, roi de France depuis le 2 août 1589, voulait assurer la pérennité de sa dynastie (les Bourbons) et l’ascendance impériale de Marie la rendait possible (petite-fille de l’empereur du Saint Empire romain germanique Ferdinand Ier). Cela faisait quarante ans qu’aucun dauphin n’était né dans la famille royale.
Le mariage a eu lieu le 5 octobre 1600 par procuration à Florence et Marie de Médicis fit ensuite le déplacement pour rejoindre son royal mari. Elle quitta Florence le 23 octobre et arriva le 3 décembre 1600 à Lyon, où elle rencontra pour la première fois son époux le 9 décembre 1600. Le 27 septembre 1601, le futur Louis XIII allait naître.
La suite de Marie de Médicis qui l’accompagna dans son périple jusqu’à Paris fut composée de deux mille Italiens. Parmi eux, sa compagne de jeu lorsqu’elle avait 11 ans, Leonora Galigaï, quelques années plus âgée, fille de sa nourrice (donc sœur de lait). Concino Concini aussi faisait partie du voyage et séduisit Leonora avant même d’arriver à Paris, dès Avignon.
Né vers 1575, issu d’une famille de petite noblesse, Concino Concini était un aventurier audacieux, ambitieux, prétentieux et arrogant, et avait réussi à convaincre la future reine de l’accompagner. On pourrait imaginer le comparer à Raspoutine, ou à Bernard Tapie, Silvio Berlusconi, Donald Trump… comparaisons historiquement très douteuses, mais qui peuvent donner une idée du pouvoir d’influence sur la politique d’un État et de l’enrichissement colossal (selon une évaluation de 1617, le couple aurait accumulé une fortune équivalente au trois quarts du budget du royaume !).
Très vite, le roi Henri IV s’est méfié de ce couple d’intrigants, Concini et Leonora, au point de refuser leur mariage et d’accepter la présence de Leonora seulement si Concini repartait en Italie. Les déboires sentimentaux du roi furent l’occasion, pour Concini, de se rendre indispensable. Il est parvenu à concilier la reine Marie à la maîtresse du roi, Henriette d’Entragues (1579-1633), follement jalouse. Leonora aussi sympathisa avec la rivale de son amie. Henri IV accepta donc finalement le mariage de ce couple infernal, union qui a eu lieu le 12 juillet 1601 à Saint-Germain-en-Laye.
Leonora et Concini ne cessèrent de manœuvrer pour leur assurer honneurs et pouvoirs, faisant du trafic d’influence et utilisant parfois de nombreux artifices (comme l’astrologie, la magie, etc.)., et leurs intrigues ont même transformé Leonora en agente pour le compte de la cour de Philippe III, le roi d’Espagne. Certains ont évoqué la responsabilité de Leonora dans l’assassinat de Henri IV le 14 mai 1610, au lendemain du couronnement de la reine à Saint-Denis (le roi avait toujours voulu repousser la cérémonie).
La volonté du roi Henri IV d’intervenir dans un conflit de succession (il soutenait les princes allemands protestants contre l’empereur catholique) provoqua beaucoup d’opposition chez les catholiques et au sein même de sa cour. L’enquête officielle a conclu à l’acte isolé d’un catholique fanatique (Ravaillac) mais la consultation de plusieurs archives laisserait entendre l’existence d’un complot.
Pendant la régence de Marie de Médicis (du 14 mai 1610 au 2 octobre 1614), Leonora en profita pour doter son époux des plus prestigieux titres, comme maréchal de France en 1613 (alors qu’il n’avait jamais combattu sur un champ de bataille). Marie de Médicis garda le pouvoir après la fin de la régence (une fois Louis XIII déclaré majeur) en devenant chef du conseil du roi de France. Sa politique (de 1610 à 1617) fut de créer en Europe un axe catholique avec le rapprochement de la France avec Philippe III d’Espagne (concrétisé par le mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche, contre la volonté d’Henri IV).
Dans la cour de France, Concini, favori de la reine et surintendant de la maison de la reine, "principal Ministre d’État" du roi à partir de 1616 (l’équivalent de Premier Ministre), avait suscité beaucoup d’ennemis, dans la noblesse et dans le peuple, et en particulier, le jeune roi Louis XIII avait toutes les raisons pour l’écarter du pouvoir. Concini fut assassiné le 24 avril 1617 d’un coup de pistolet dans la cour du Louvre, résidence de la reine. L’assassinat, commis par Nicolas de l’Hospital, duc de Vitry (1581-1644), fait maréchal de France pour l’occasion, fut commandité par le roi lui-même qui voulait se libérer du pouvoir de sa mère. Le corps de Concini fut déterré et profané dans les rues de Paris quelques jours après son assassinat, pendu par les pieds au Pont Neuf, puis dépecé et les restes brûlés.
Ce fut ce 24 avril 1617 que Louis XIII prit réellement le pouvoir, exilant sa mère Marie de Médicis à Blois, honteux de sa manière de gouverner, de la corruption, de la vénalité de son entourage (Marie de Médicis parvint à s’échapper le 22 février 1619 et leva même une armée contre son fils).
Richelieu (1585-1642) venait d’être nommé ministre le 25 novembre 1616, au service de Concini, aux Affaires étrangères et à l’Armée, poste qu’il quitta le 24 avril 1617, disgracié au même titre que Marie de Médicis. Créé cardinal le 12 décembre 1622 à Lyon, il fut rappelé par Louis XIII le 29 avril 1624 comme "principal Ministre d’État" du roi, jusqu’à sa mort, sur recommandation de sa protectrice Marie de Médicis, réconciliée le 10 août 1620 avec son fils.
Quant à la femme de Concini, Leonora, elle fut rapidement arrêtée, le 4 mai 1617, internée d’abord à la Bastille puis à la Conciergerie, jugée et condamnée à mort pour sorcellerie. Elle évita d’être brûlée vive et fut décapitée en public le 8 juillet 1617, devant une foule en silence, impressionnée par le courage et la dignité de la femme. Ses restes furent brûlés et les cendres dispersées par le vent.
La fortune du couple, dont le château de Lésigny, fut confisquée et donnée à Charles d’Albert, duc de Luynes (1578-1621), favori du roi Louis XIII, futur connétable de France (à partir du 31 mars 1621) et considéré, à cause de sa rapide ascension, comme un second Concini.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (22 avril 2017)
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Pour aller plus loin :
Concini.
Henri IV.
Philippe V.
François Ier.
Louis XIV.
Lully.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170424-concini.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/concini-l-intrigant-favori-de-192194
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