« J’adresse à tous ceux qui ont voté pour moi (…) un message d’amitié et de reconnaissance. (…) À l’occasion des élections législatives, ils auront la possibilité de faire entendre la voix de la droite et du centre. Ne vous dispersez pas. Restez unis. Restez déterminés. Croyez-moi, votre force va compter. La France en a besoin. En attendant, il nous faut choisir ce qu’il y a de préférable pour notre pays. Je ne le fais pas de gaîté de cœur, mais l’abstention n’est pas dans mes gènes, surtout lorsqu’un parti extrémiste s’approche du pouvoir. Le Front national, ce parti créé par Jean-Marie Le Pen, a une histoire qui est connue pour sa violence et pour son intolérance. Son programme économique et social mènerait notre pays à la faillite. Et à ce chaos, il faudrait ajouter le chaos européen avec la sortie de l’euro. Je vous l’assure, l’extrémisme ne peut qu’apporter malheurs et divisions à la France. Dès lors, il n’y a pas d’autre choix que de voter contre l’extrême droite. Je voterai donc en faveur d’Emmanuel Macron. J’estime de mon devoir de vous le dire avec franchise. Il vous revient maintenant en conscience de réfléchir à ce qu’il y a de mieux pour votre pays et pour vos enfants. » (François Fillon, le 23 avril 2017).
Le candidat malheureux à l'élection présidentielle François Fillon a réuni, le 2 mai 2017 à la Mutualité de Paris, les parlementaires qui l'avaient soutenu et leur a vivement demandé de voter et faire voter en faveur d'Emmanuel Macron : « Je l'ai dit et je le redis, le programme économique du Front national appauvrirait la Nation de façon irrémédiable ; la violence idéologique de ce parti diviserait les Français ; son hostilité obsessionnelle à l'égard de l'Europe nous isolerait. ». Ses électeurs, selon lui, doivent faire « preuve de bon sens » : « Je sais leur amertume, leur colère, je la ressens aussi, mais notre devoir est de penser d'abord à l'avenir de notre pays. L'avenir, c'est d'éviter de voir la France présidée par l'extrémisme. ».
Tout le monde peut se tromper et personne n’est madame Soleil. Lors d’une interview au "Journal du dimanche" du 16 avril 2017, à une semaine du premier tour, François Fillon avait imprudemment confié : « J’ai une forme de sérénité, qui m’étonne moi-même. Je sais que je serai au second tour. J’ai cette conviction profonde. ». Cette conviction, il l’a nourrie avec son ascension phénoménale lors de la dernière semaine de la campagne du premier tour de la "primaire de la droite et du centre". Il était convaincu que ce phénomène se reproduirait à l’élection présidentielle. Il n’en a rien été. Il n’a jamais réussi à redécoller vraiment de son étiage à 18-20% depuis deux mois.
C’est donc un échec important, total, même, si l’on considère que cette élection était "imperdable" par Les Républicains. C’est vrai qu’à l’époque, lorsqu’on disait cela, on dissertait encore sur la rivalité entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.
C’est un échec car l’objectif du premier tour, c’était d’atteindre le second tour, et cette mission n’a pas été remplie. Inutile de rappeler ce qui a plombé sa campagne : non seulement l’affaire judiciaire, mais aussi un mauvais dimensionnement de son programme (la suppression de 500 000 postes de fonctionnaire a terrorisé un pays très respectueux de la fonction publique), une attitude de campagne peu rassembleuse humainement (sans liant entre ses soutiens, sans encouragement, sans motivation de ses troupes, comme savent si bien le faire non seulement Nicolas Sarkozy mais aussi …Emmanuel Macron), enfin, une stratégie de campagne erronée.
En quoi la stratégie de campagne de François Fillon a-t-elle été erronée ? C’était de faire une confiance aveugle aux sondages depuis trois ans, ce qui est un comble pour celui qui, justement, a su démentir les sondages en novembre 2016. Comme tous les médias, il considérait comme acquise la présence de Marine Le Pen au second tour, et convenait même qu’elle obtiendrait la première place au premier tour, comme cela a été lors du dernier test grandeur nationale, à savoir les élections régionales de décembre 2015.
La conséquence de cela, c’était que pour obtenir la qualification pour le second tour, il fallait prendre la deuxième place et le seul qui, au départ, pouvait le concurrencer, c’était Emmanuel Macron. On a vu un peu plus tard qu’un second challenger a surgi brutalement, avec la très bonne campagne de Jean-Luc Mélenchon. En vertu de cette analyse erronée, François Fillon a principalement matraqué le candidat Emmanuel Macron, qui, pourtant, était le plus proche de tous les autres candidats, au point de l’appeler "Emmanuel Hollande", une expression récupérée par l’extrême droite entre les deux tours.
Or, la réalité électorale a montré que le concurrent direct de François Fillon au premier tour n’était pas Emmanuel Macron mais …Marine Le Pen elle-même ! Si François Fillon avait dépensé un peu plus d’énergie à combattre le programme dément de Marine Le Pen, il aurait peut-être pu concourir pour le second tour.
Car finalement, l’écart des voix est assez faible. Marine Le Pen a obtenu un résultat beaucoup plus faible que les sondages d’il y a plusieurs mois qui l’avaient placée entre 25% et 30%. Avec 21,3% des voix, Marine Le Pen n’a gagné que 3% par rapport à sa précédente candidature présidentielle le 22 avril 2012, et est très loin des 27,7% des élections régionales, même si elle a gagné 1,2 million de voix entre 2012 et 2017.
Concrètement, l’écart entre François Fillon et Marine Le Pen n’est que 1,3%, soit moins de 466 000 voix ! C’est très faible dans une campagne nationale. François Fillon aurait donc pu être qualifié au second tour, et il aurait probablement perdu face à Emmanuel Macron. Le résultat serait probablement revenu au même, sauf qu’il y aurait eu un véritable débat pendant deux semaines sur la nature des réformes réalistes à mettre en œuvre dans le pays.
Certains considèrent que la candidature de Nicolas Dupont-Aignan, qui a obtenu 4,70% des voix, a empêché la qualification de François Fillon pour le second tour. Je pense qu’ils se trompent. Au même titre que les candidatures de Christiane Taubira et de Jean-Pierre Chevènement n’ont pas plombé celle de Lionel Jospin. Tous ceux qui voulaient voter pour François Fillon l’ont fait, d’autant plus que sa qualification n’était pas acquise. Alors, ceux qui ont voté pour un autre candidat se seraient probablement abstenus si cet autre candidat ne s’était pas présenté. Le premier tour est un vote d’adhésion, et s’il n’y a pas adhésion à la candidature (à la personne, au programme), alors il n’y a pas vote pour le candidat et le vote ira ailleurs.
Le 24 avril 2017 sur France 5, le politologue Pascal Perrineau a fait remarquer judicieusement que les 20,01% de François Fillon n’avait rien d’infâmant, en rappelant que Jacques Chirac avait obtenu ce niveau assez faible de voix au premier tour dans trois élections présidentielles (19,96% en 1988 ; 20,84% en 1995 ; 19,88% en 2002) et cela ne l’avait pas empêché d’être élu deux fois dans ces conditions.
Ce souvenir statistique ne doit pas évidemment masquer le fait qu’il a perdu dans une défaite historique puisque c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que le représentant du courant gaulliste qui est à l’origine de ces institutions et de ce mode d’élection n’est pas présent au second tour d’une élection présidentielle.
De plus, si "l’honneur" est sauf en étant arrivé en troisième position (comme les sondages l’avaient envisagé), ce fut d’extrême justesse, avec seulement 117 044 voix d’avance sur Jean-Luc Mélenchon et son programme de bouleversement généralisé (0,43% !).
François Fillon n’avait pas prévu initialement de participer à la réunion du comité politique de LR du 24 avril 2017 mais il est finalement venu dire aux responsables de son parti qu’il redeviendrait simple militant "de cœur" et qu’il ne mènerait évidemment pas ce parti pour la campagne des élections législatives. Il lui a fallu du courage à affronter tous ses collègues parfois en colère par cette défaite qu’on aurait pu imaginer évitable.
Son courage, il l’a prouvé aussi la veille, lors de la soirée du premier tour, quand il a reconnu son entière responsabilité (Lionel Jospin avait inauguré le rôle) et surtout, quand il a clairement appelé à voter pour Emmanuel Macron qui était pourtant son adversaire. Les valeurs de François Fillon ne pouvaient pas se satisfaire d’une ambiguïté et sa déclaration a été moralement irréprochable, impeccable. C’est aussi une réponse à tous ses contradicteurs qui le soupçonnaient d’être proche d’une droite intégriste liée au FN. François Fillon n’a jamais failli dans les valeurs républicaines, et il l’a prouvé, un peu à ses dépens, le 23 avril 2017 en acceptant sa défaite de manière "sportive".
D’autres responsables LR ont aussi clairement appelé à voter pour Emmanuel Macron, notamment Alain Juppé, Christian Estrosi, Bruno Le Maire, François Baroin, Thierry Solère, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Pierre Raffarin, Gérard Larcher, Xavier Bertrand, etc.
Même Nicolas Sarkozy a levé toute ambiguïté dans un message sur Facebook le 26 avril 2017 : « C’est un séisme politique. Je regrette profondément ce résultat (…). Je considère que l’élection de Marine Le Pen et la mise en œuvre de son projet entraîneraient des conséquences très graves pour notre pays et pour les Français. Je voterai donc au second tour de l’élection présidentielle pour Emmanuel Macron. C’est un choix de responsabilité qui ne vaut en aucun cas un soutien à son projet. ».
Certains, en revanche, à LR, ont refusé d’appeler explicitement à voter pour Emmanuel Macron, en particulier Laurent Wauquiez, Pierre Lellouche (qui a démissionné le 26 avril 2017), Nadine Morano, etc. sans compter Jean-Frédéric Poisson qui a annoncé qu’il voterait blanc. Il y a donc une coupure entre ceux qui refusent absolument l’hypothèse d’une élection de la présidente du parti d’extrême droite et ceux qui penseraient plus à leur intérêt clanique plutôt qu’à l’intérêt national et qui essaieraient au maximum d’affaiblir Emmanuel Macron, au risque de l’impensable. Rappelons ici que c’est la trop faible mobilisation des électeurs démocrates qui a permis l’élection de Donald Trump en novembre 2016 alors qu’il avait réuni moins de suffrages que le candidat républicain de 2012.
Les responsables LR ont encore l’objectif de gagner les élections législatives, mais la question de l’unité de LR est posée. En effet, en cas d’élection d’Emmanuel Macron et de proposition à s’engager à ses côtés, des personnalités comme Bruno Le Maire et Christian Estrosi ont déclaré qu’elles étaient prêtes, alors que les appareils LR et UDI ont exclu toute entente électorale avec La République En Marche (Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, l’a confirmé le 24 avril 2017).
Seule l’unité permettrait d’envisager une cohabitation entre un gouvernement LR-UDI et un Président Macron. Car si des élus LR sont prêts à se jeter dans les bras d’Emmanuel Macron, ce dernier pourrait facilement trouver une "majorité centrale" chère au cœur de François Bayrou. Pour l’instant, de manière assez curieuse, François Baroin s’est déclaré "disponible", le 26 avril 2017 sur CNews, pour devenir le Premier Ministre d’une cohabitation avec Emmanuel Macron : « Si les Français veulent une alternance sans équivoque, s’ils veulent tourner la page de Hollande et de Macron réunis (…), alors ils choisiront un gouvernement de droite et de centre droit et dans ce cas-là, je suis disponible pour le gouverner. ». En cas de majorité LR, ce serait alors un formidable retournement politique en moins de six mois, qui verrait ainsi l’ancien numéro deux du plan B de la candidature LR propulser à Matignon. Le 2 mai 2017, le bureau politique de LR a confirmé à l'unanimité que François Baroin (bien que sénateur) serait le chef de file de la campagne des législatives pour LR.
Le risque, en parlant trop vite des élections législatives, avant le second tour présidentiel, c'était de mettre la charrue avant les bœufs. Il y avait en effet, d’abord, une autre bataille, plus urgente, dramatique, qui était loin d’être gagnée, celle du second tour de l’élection présidentielle, et il était nécessaire de répéter que malgré les sondages, rien, absolument rien ne permettait d’assurer la certitude d’un échec de l’extrême droite le 7 mai 2017. Emmanuel Macron doit sa grande victoire du second tour (à 66,1%) non seulement à son propre talent, exceptionnel, mais aussi, en partie, à l'appel clair et déterminé de François Fillon à ses électeurs.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (09 mai 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Fillon, artisan de la victoire du Président Macron.
L’élection d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017.
Matignon en mai et juin 2017.
François Fillon et son courage.
Premier tour de l'élection présidentielle du 23 avril 2017.
Macron ou Fillon pour redresser la France ?
François Fillon, le seul candidat de l’alternance et du redressement.
Programme 2017 de François Fillon (à télécharger).
La Ve République.
L’autorité et la liberté.
Un Président exemplaire, c’est…
Interview de François Fillon dans le journal "Le Figaro" le 20 avril 2017 (texte intégral).
Interview de François Fillon dans le journal "Le Parisien" le 19 avril 2017 (texte intégral).
Discours de François Fillon le 15 avril 2017 au Puy-en-Velay (texte intégral).
Discours de François Fillon le 14 avril 2017 à Montpellier (texte intégral).
Discours de François Fillon le 13 avril 2017 à Toulouse (texte intégral).
Tribune de François Fillon le 13 avril 2017 dans "Les Échos" (texte intégral).
Discours de François Fillon le 12 avril 2017 à Lyon (texte intégral).
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170502-fillon.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-artisan-de-la-192497
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/05/10/35268099.html
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