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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 05:06

« Un vieux dogme voudrait qu’il n’existe aucune chance d’amélioration chez les patients sévèrement cérébrolésés depuis plus d’un an. Mais ce dogme est faux, comme le confirme cette étude. La plasticité cérébrale, cette capacité de remodelage et d’adaptation de notre cerveau, est parfois étonnante. » (Steven Laureys, "Le Monde", le 25 septembre 2017).


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La connaissance du cerveau humain est encore un territoire assez peu exploré en raison des difficultés de compréhension et malgré les moyens d’investigation que la technologie moderne autorise. C’est un champ de recherche scientifique qui, nécessairement, va apporter beaucoup de découvertes dans les années à venir.

Ce sont les journaux "Le Monde" (article de Florence Rosier) et "Science et Avenir" (article d’Elena Sender) qui ont présenté les premiers en France (sauf erreur de ma part), le 25 septembre 2017, cette information scientifique qui a été publiée dans la revue scientifique "Current Biology" le 25 septembre 2017. Une équipe de chercheurs français a réussi à "réveiller" un patient qui était dans un état d’éveil non répondant.

On pourra lire avec intérêt la source de cette information (pour les informations scientifiques, je recommande toujours de lire la publication scientifique à l’origine des dépêches qui, parfois, n’apportent pas tous les éclaircissements souhaitables), qu’on peut télécharger ici (exprimée évidemment en langue anglaise, comme toutes les publications scientifiques qui veulent être lues et citées dans le monde).

Avant d’aller plus loin, reprenons l’expression "état végétatif" ("vegetative state") utilisée régulièrement pour ce genre d’information. Je refuse de l’utiliser moi-même pour deux raisons (et cette information renforce ce refus). Quel que soit l’état de santé d’un être humain (même mort), un humain reste un humain et ne sera jamais un légume ou un "végétal". De plus, honorer sa dignité, c’est le respecter et ne pas le réduire à de simples fonctions biologiques même si l’apparence nous laisse entrevoir cette seule réduction : l’information ci-après montre au contraire que rien n’est simple et que le cerveau et le corps humains sont beaucoup plus subtils que l’on pourrait imaginer.

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J’utiliserai ainsi le terme "état d’éveil non répondant" qui signifie que le patient est dans une capacité de communication relationnelle impossible. Cela n’a donc rien à voir avec un coma profond et encore moins avec une "mort cérébrale" qui signifie l’absence totale et définitive de toute activité cérébrale (état dans lequel le contrôle des fonctions biologiques n’est plus assuré). Les spécialistes séparent "l’état végétatif" ("l’état d’éveil non répondant") de "l’état de conscience minimale" ("état pauci-relationnel"), le premier état étant pour des liaisons cérébrales les plus sévères, mais la distinction est d’autant plus ténue qu’il est difficile de comprendre, malgré certains moyens de caractérisation, ce que ressent réellement le patient (émotion, douleur, compréhension des sons, des visions, etc.).

Les travaux présentés (très succinctement) dans la revue "Current Biolog" sont le résultat d’une collaboration de chercheurs lyonnais : l’Institut des Sciences Cognitives Marc-Jeannerod (IMR5229 du CNRS) à Bron, de l’Université Claude-Bernard (Lyon I) et de l’Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer des Hospices Civils de Lyon.

Les quatre principaux chercheurs Martina Corazzol, Angela Sirigu, Guillaume Lio et Jacques Luauté, ainsi que leurs autres collègues des trois organismes de recherche cités, ont en effet souhaité appliquer à un patient dont la conscience était particulièrement altérée ce qu’on utilise parfois pour soigner, ou plutôt, pour accompagner certaines maladies neurodégénératives, et en particulier la maladie de Parkinson : appliquer sur le patient des influx électriques.

L’idée est assez logique puisque les nerfs retransmettent les informations entre le cerveau et les organes et muscles par l’émission d’un courant électrique. En simulant ce même courant électrique en cas de défaillance physiologique, on pourrait ainsi tenter de remplacer l’influx nerveux absent. Le corps humain est si compliqué que les conditions de cette simulation ne sont pas aisées à définir.

Pour cela, l’équipe a choisi un patient (dont la famille a accepté ce traitement particulier, tout comme le Comité consultatif national d’éthique) âgé de 35 ans qui fut victime des graves liaisons cérébrales à la suite d’un accident de la circulation et qui est dans un état d’éveil non répondant depuis quinze ans. Son état était considéré comme désespéré, quasiment sans chance de pouvoir évoluer et retrouver un meilleur état de conscience. Il vit chez lui et pas à l’hôpital.

C’était l’objectif : essayer avec une personne qui n’avait plus beaucoup de chance de voir son état progresser pour être sûr que les éventuels progrès observés puissent être correctement interprétés : « Ainsi, si des changements étaient observés après cette intervention, ils ne pourraient être attribués au hasard. » a expliqué Angela Sirigu (voir plus bas). Normalement, s’il n’y a pas de réponse aux stimuli extérieurs après un an d’un tel état, la capacité de "se réveiller" est (quasiment) nulle (le "quasiment" laisse toujours une porte de sortie, car les médecins ne savent pas tout, et cette étude le démontre).

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Les neurochirurgiens ont alors appliqué au nerf vague gauche de ce patient, un nerf qui va du cerveau à des organes vitaux dans le corps, un signal électrique pendant un mois (courant croissant d’environ un milliampère à 30 hertz pendant trente secondes toutes les cinq minutes). La conséquence, c’est que l’état de conscience du patient a progressé. Il est capable désormais de répondre à des consignes simples (tourner la tête à gauche, etc.). Ses yeux s’ouvrent plus grand lorsqu’on s’approche d’eux. Il est capable de pleurer lorsqu’il écoute sa musique préférée. Son activité cérébrale a progressé et ce progrès a été scientifiquement quantifié (par une méthode récente).

Interrogée par "Science et Avenir", Angela Sirigu (directrice de recherches à l’Institut Marc-Jeannerod) a expliqué : « Notre intervention consiste à activer le réseau thalamo-cortical, en jeu dans les mécanismes d’éveil, en stimulant le nerf vague. (…) Nos résultats montrent des changements au niveau cérébral. (…) [La conscience] augmente significativement après la stimulation, dans les zones importantes pour le mouvement, les sensations corporelles et la conscience. » (25 septembre 2017).

Elle a indiqué que le patient traité était passé de "l’état d’éveil non répondant" à "l’état de conscience minimale" : « Les changements, même chez les patients cliniques sévères, sont possibles lorsque la bonne intervention est appropriée et puissante. ». Et elle a apporté un nouveau champ d’espoir pour les patients qui souffrent de ce même manque de conscience : « Je crois que ce traitement peut être important pour les patients en conscience minimale, en leur donnant plus de chances de communiquer avec le monde extérieur. ». Avant de conclure : « En somme, nous montrons qu’en stimulant le nerf vague, il est possible d’améliorer la présence du patient dans le monde. ».

La diffusion d’une information médicale aussi importante doit toujours se faire de façon très prudente, car contrairement à d’autres sujets scientifiques (comme l’astrophysique), il y a des vies humaines, des familles, des proches qui sont directement "impactés" psychologiquement en apprenant ce genre de nouvelle. Et la prudence impose de ne jamais donner de faux espoirs.

Pour l’instant, cette étude n’a porté que sur un seul patient, et comme chaque situation est souvent unique, spécifique, il est nécessaire, pour que ce soit considéré comme fiable scientifiquement, que ce soit reproductible, et donc, que sur un nombre statistiquement significatif, cet effet extraordinaire de "réveil" puisse être observé. Ce sera d’ailleurs l’objet des travaux très prometteurs de cette équipe de recherche pour les prochaines années.

Interrogé par "Le Monde" le 25 septembre 2017, Lionel Naccache, de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière de la Pitié-Salpétrière à Paris, qui n’a pas participé aux travaux cités, s’est montré enthousiaste : « Cette avancée très importante ouvre une nouvelle piste thérapeutique pour des patients à l’état de conscience altéré. ».

Autre réaction, interrogé par "Science et Avenir", un neurologue du CHU de Liège, un des spécialistes mondiaux du domaine, qui n’a pas non plus participé aux travaux, Steven Laureys a commenté l’information le 25 septembre 2017 de cette manière : « Il ne faut pas donner de faux espoirs aux familles, mais pas de faux désespoirs non plus. Dans ce genre de cas, la base est une rééducation à mettre rapidement en place dans le meilleur centre possible. » et évoquant les décisions de poursuivre ou pas le dispositif pour maintenir en vie ces patients en état d’éveil non répondant (qui pourraient être, pour beaucoup, des candidats au don d’organes), il a ajouté : « On donne toujours une chance au patient. ».

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Au-delà de cette découverte scientifique pleine de promesses, il y a évidemment la réflexion à tenir sur le plan éthique. L’étude démontre que l’étanchéité entre les différents états de conscience est assez faible et qu’il peut y avoir des évolutions et des progrès même après quinze années sans espoir. Tout n’est pas (encore) permis mais la recherche dans ce domaine ne fait que commencer.

Avec ces résultats scientifiques, il est impossible de ne pas penser à Vincent Lambert et à la situation très difficile qu’il vit actuellement à Reims sans aucune rééducation ni aucun exercice de kinésithérapie. Ses parents réclament depuis plusieurs années qu’il soit transféré dans un centre spécialisé qui prenne en compte sa conscience minimale (il y a en France entre 1 500 et 2 000 personnes qui vivent dans un tel état de conscience minimale). Au lieu de cela, d’autres membres de la famille (son épouse, un neveu, etc.) poursuivent une sorte d’acharnement judiciaire pour parvenir à mettre fin légalement à la vie du jeune homme, au moment même où la médecine commence à se montrer optimiste sur des chances d’amélioration…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


(Les cinq illustrations sont des tableaux du peintre Magritte).

Pour aller plus loin :
Publication scientifique à télécharger : "Restoring consciousness with vagus nerve stumulation" ("Current Biology, vol. 27 n°18, pp. R994-R996, le 25 septembre 2017).
"Après 15 ans en état végétatif, il retrouve des signes de conscience après stumulation" : article d’Elena Sender dans "Science et Avenir" le 25 septembre 2017.
"Stimulé, un patient dans un état végétatif récupère une conscience minimale" : article de Florence Rosier dans "Le Monde" le 25 septembre 2017.
Le réveil de conscience devient possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Le congé de proche aidant.
Un génie très atypique.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
Un fauteuil pour Vincent !
Pour se rappeler l'histoire de Vincent.
Dépendances.
Sans autonomie.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Les embryons humains, matériau de recherche ?
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Indépendance professionnelle et morale.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170925-reveil-conscience-2017bp.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/le-reveil-de-la-conscience-devient-197173

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/09/27/35714954.html



 

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