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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 01:40

« J’ai défendu quarante ans le même principe : liberté en tout, en religion, en littérature, en philosophie, en industrie, en politique, et par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. Le despotisme n’a aucun droit. » (Propos gravés sur une plaque à Lausanne).


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L’un des théoriciens français du libéralisme, Benjamin Constant, est né il y a exactement deux cent cinquante ans, le 25 octobre 1767, à Lausanne, en Suisse. Cet anniversaire ne semble pas faire beaucoup recette en France, pas plus que le libéralisme dans un pays qui a atteint 57% du PIB en dépenses publiques. Cet anniversaire a déjà été célébré en Suisse, notamment par l’organisation d’un colloque à Lausanne le 6 mai 2017 par le Cercle démocratique de Lausanne et l’Institut libéral, et par une exposition consacrée à son principal roman "Adolphe, postérité d’un roman" à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne du 18 février au 16 avril 2016. Avec le philosophe Alexis de Tocqueville (1805-1859) et l’économiste et industriel Jean-Baptiste Say (1767-1832), il fut l’un de ceux qui ont le mieux diffusé les idées libérales dans un pays particulièrement centralisateur et jacobin, mais aussi dans le monde entier.

Benjamin Constant n’est pas enterré au Panthéon mais aurait pu l’être. Il en était question à la sa mort à l’âge de 63 ans, le 8 décembre 1830 à Paris, mais les députés l’ont refusé, malgré les cent cinquante mille personnes venues assister le 12 décembre 1830 à ses funérailles nationales au Père-Lachaise. Et il n’a jamais été élu à l’Académie française, ce qu’il aurait largement plus mérité que d’autres académiciens de son époque bien peu …écrivains. Il est faiblement honoré en France, une petite rue dans le nord du dix-neuvième arrondissement de Paris alors que Lausanne lui a consacré une place et une avenue.

Il est pourtant un monument de la culture française du début du XIXe siècle. Il a eu trois types d’activité : il fut d’abord un écrivain très prolifique, romancier et essayiste ; il fut un philosophe du libéralisme et des libertés ; enfin, il fut également un homme politique, parlementaire qu’aujourd’hui, on situerait plutôt "à droite", mais à l’époque de la Restauration, situé dans les faits plutôt "à gauche", parlementaire de l’opposition au pouvoir absolu du monarque, quel qu’il fût.


L’homme politique

Orphelin de mère quelques jours après sa naissance, le jeune homme a fait ses études à l’étranger en raison des voyages professionnels de son père : il étudia à Nuremberg et à Édimbourg. Sa famille protestante originaire d’Artois s’était installée en Suisse après la révocation de l’Édit de Nantes.

L’homme politique s’est précisé dès la Révolution française. Il arriva à Paris en mai 1795 et suivit Germaine de Staël (1766-1817) dans son exil en Suisse en décembre 1795. L’écrivaine l’a décrit blasé et inapte au bonheur en 1807 dans "Corinne" sous les traits d’Oswald : « Il était découragé de la vie ; son esprit jugeait tout d’avance, et sa sensibilité blessée ne goûtait plus les illusions du cœur. (…) Rien ne lui causait un sentiment de plaisir, pas même le bien qu’il faisait : il sacrifiait sans cesse et facilement ses goûts à ceux d’autres (…). Quand on l’aimait, on sentait qu’il s’occupait du bonheur des autres comme un homme qui n’en espérait pas lui-même, et l’on était presque affligé de ce bonheur qu’il donnait sans qu’on pût le lui rendre. ».

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Favorable au Directoire (et lié d’amitié avec Paul Barras, puis avec Emmanuel-Joseph Sieyès), Benjamin Constant montra ses talents d’orateur et faisait partie des républicains modérés. Il n’est pas parvenu à se faire élire député du Léman aux élections législatives des 9 et 18 avril 1798 qui connut une vague de néo-jacobinisme (dans les sièges renouvelables, les Montagnards ont obtenu plus de deux fois plus de députés que le parti du Directoire), et fut exclu des élections législatives des 9 et 19 avril 1799 (les dernières élections avant celles des 8 et 22 mai 1815).

Le coup d’État de Napoléon Bonaparte du 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII) avait été préparé par Sieyès qui nomma le 24 décembre 1799 son ami Benjamin Constant au Tribunat, l’une des quatre chambres législatives du nouveau Consulat, celle qui préparait les textes de loi mais qui n’en avait ni l’initiative ni la responsabilité du vote (il en resta membre jusqu’au 27 mars 1802). Il participa donc à la rédaction du code civil et prononça au Tribunat son premier discours le 5 janvier 1800 en s’opposant à l’évolution monarchique du Consulat qualifié de « régime de servitude et de silence ».

Il demanda en particulier, très perfidement : « Ne remarquez-vous pas l’inégalité prodigieuse qui existera dans les discussions entre les tribuns et les conseillers d’État ? Les uns recueillent leurs matériaux à loisir, s’accordent tout le temps qui leur est nécessaire, accumulent les connaissances positives qui donnent un corps à l’éloquence, et qui peuvent ne permettre aucune réfutation immédiate ; les autres, quelque délai qu’on leur accorde, n’ont jamais qu’un temps limité, ne possèdent jamais les données que le Conseil d’État se réserve, ne peuvent appliquer que des idées générales et nécessairement vagues aux lois que les conseillers d’État peuvent appuyer de faits précis, et placer sous le jour qui leur convient. À talents égaux, qui peut se flatter de surmonter ces désavantages ? » (5 janvier 1800). Cette opposition a conduit à son limogeage le 17 janvier 1802. Contraint à l’exil par Napoléon, Benjamin Constant séjourna en Allemagne, notamment à Weimar où il rencontra Schiller et Goethe.

Opposé au Premier Empire, Benjamin Constant participa aux travaux du Congrès de Vienne par Caroline Bonaparte, reine de Naples (femme de Joachim Murat). En 1814, il prôna le retour des Bourbons dans une monarchie constitutionnelle qui préserverait les acquis de la Révolution (la Première Restauration se proposait au contraire de rétablir la monarchie absolue). Mais le retour de Napoléon à Paris pour les Cent-Jours bouleversa ses positions politiques : bien qu’opposé à Napoléon (considéré comme plus odieux que Gengis Khan et Attila) et prêt à quitter la France pour les États-Unis, il accepta l’offre de Napoléon le 14 avril 1815 de rédiger une nouvelle disposition constitutionnelle (l’article 26 de l’Acte additionnel du 24 avril 1815 « portant qu’aucun discours écrit, excepté les rapports des commissions, ne pourrait être lu dans l’une ou l’autre des Chambres »). Il fut alors nommé membre du Conseil d’État le 20 avril 1815, mais le retour de Louis XVIII et sa condamnation à l’exil le 29 juillet 1815 le firent émigrer à Bruxelles le 1er novembre 1815, puis à Londres le 27 janvier 1816.

Il retourna à Paris le 27 septembre 1816 et eut une activité essentiellement de journaliste pendant quelques années. Il tenta de justifier ses positions contradictoires prises durant les Cent-Jours (favorable aux monarchistes puis à Napoléon). Il fut élu député le 25 mars 1819 avec 667 voix sur 1 051 votants (63,5%), dans la Sarthe (comme La Fayette). Dès sa première intervention en séance publique, le 14 avril 1819, Benjamin Constant donna le ton de ses positions très parlementaires et libérales alors que la majorité était très conservatrice et "à droite" (la fameuse "Chambre introuvable"). Il faisait partie des leaders de l’opposition "de gauche" aux côtés de La Fayette (1758-1834), ainsi que des futurs chefs du gouvernement Jacques Laffitte (1767-1844), né un jour avant Benjamin Constant, et Jacques-Charles Dupont de l’Eure (1767-1855), né huit mois avant Benjamin Constant.

Il fut réélu le 25 février 1824 à Paris (avec 737 voix sur 1 355 votants), puis le 17 novembre 1827 à la fois à Paris (avec 1 035 voix sur 1 1883 votants) et à Strasbourg (avec 124 voix sur 243 votants), puis le 23 juin 1830 à Strasbourg (avec 201 voix sur 275 votants) et enfin le 21 octobre 1830 à Strasbourg (avec 208 voix sur 237 votants). Sous la Restauration, entre 1819 et 1830, il fut donc dans l’opposition libérale, sous l’appellation des "indépendants", lorsqu’il participa à la chute de Charles X et à l’avènement du roi des Français Louis-Philippe et de la Monarchie de Juillet, un régime auquel il croyait beaucoup, qui, selon lui, serait favorable aux libertés publiques et qui abolirait l’esclavage. Il fut parallèlement nommé le 27 août 1830 président de section au Conseil d’État.


Le philosophe

La pensée politique de Benjamin Constant fut beaucoup plus cohérente que la réputation qui lui a collé à la peau de son vivant (notamment par l’influence très critique de l’historien et polémiste Henri Guillemin), une réputation de "girouette" à cause de ses allers et retours au cours des Cent-Jours. Benjamin Constant se moquait finalement des modes de gouvernement (république, monarchie, empire) tant que ce gouvernement était guidé par les principes politiques qu’il défendait, et en premier lieu, le principe de liberté (un manuscrit non publié de son vivant et rédigé entre 1795 et 1810, publié seulement en 1991, a confirmé cette cohérence intellectuelle) : « Puisque nous sommes dans les temps modernes, je veux la liberté convenable aux temps modernes. La liberté politique en est la garantie ; la liberté politique est par conséquent indispensable. » (1819).

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Ainsi, Benjamin Constant a mis en opposition l’intérêt de l’État et de la société en général, et l’intérêt de l’individu. Il faut selon lui que les individus puissent être protégés des lois, ce qui signifie notamment que certains sujets ne doivent pas être régis ni encadrés par des lois. Parmi ces sujets, il plaçait la religion (il était lui-même protestant), la circulation, la propriété, l’opinion personnelle, etc. Aujourd’hui, on pourrait aussi ajouter la sexualité (l’État n’a pas à se préoccuper de ce qui se passe sous la couette des citoyens). On peut aussi dire que l’État n’a pas à se préoccuper de la taille d’une banane ou d’une tomate.

Il constatait aussi que tout homme de pouvoir avait la tendance à vouloir élargir son pouvoir et qu’il fallait donc imaginer des contre-pouvoirs. La logique de Benjamin Constant va aussi dans le sens d’une protection des minorités qui ne doivent pas être soumises à la tyrannie de la majorité. L’épisode historique tragique de la Terreur a montré que le "peuple souverain" sans contre-pouvoirs n’était pas moins atroce que la monarchie absolue.

Pourtant, s’éloignant des thèses de Montesquieu, Benjamin Constant considérait que les contre-pouvoirs pourraient être autant de nouvelles tyrannies. On imagine sans peine qu’il aurait été très certainement défavorable au mille-feuilles territorial actuel avec de nombreuses baronnies locales, même s’il aurait pu accepter le principe initial de déconcentration du pouvoir central.

Pour Benjamin Constant, les vraies garanties de la protection des individus face au pouvoir, c’est, d’une part, la Constitution et la loi (pas de droit divin, donc !), d’autre part, une justice indépendante refusant tout abus et toute décision arbitraire et partiale (une justice plus importante qu’une loi pouvant être faillible car faite par les hommes), enfin et surtout, une opinion publique prête à s’opposer à des décisions iniques (comme le jugement de Wilfrid Regnault), ce qui donne à la presse (et aux médias plus tard) un rôle crucial (celui de façonner "l’opinion publique").

Inspiré par Voltaire (qui correspondait en 1772 avec le père de Benjamin Constant), il recommença effectivement une nouvelle "affaire Calas" en défendant Wilfrid Regnault, condamné à mort le 29 août 1817 pour l’assassinat d’une veuve et dont l’avocat était le futur chef du gouvernement Odilon Barrot (1791-1873). En s’appuyant sur "l’opinion publique", il sauva la tête du condamné qui fut libéré en octobre 1830 : « Tout Français a le droit de s’enquérir si on observe [les formes], si toutes les vraisemblances ont été pesées, tous les moyens de défense appréciés à leur juste valeur (…) Mille motifs se réunissent pour entraîner les hommes, sans qu’ils s’en doutent, hors de la ligne, devenue étroite et glissante, de la scrupuleuse équité. » ("La Minerve", 1818).

Benjamin Constant prôna donc une démocratie représentative (donc parlementaire), ainsi qu’une société commerçante sans esclave avec le travail comme seule possibilité pour subvenir à ses besoins. Sans esclave, les Athéniens n’auraient jamais eu le temps de débattre dans l’Agora : la démocratie directe n’est possible que dans des États minuscules pratiquant l’esclavage (comme dans l’Antiquité). Dans des États vastes et modernes, sans esclave et avec donc la nécessité d’entreprendre et de travailler, les citoyens n’ont pas le temps de s’occuper eux-mêmes de la chose publique et doivent la déléguer à des représentants dans le cadre d’un régime parlementaire.

Il considérait "ringardes" et dépassées les volontés de conquête par la guerre (comme celles de Napoléon) et imaginait une société moderne où le commerce remplacerait la guerre. Le commerce serait pour lui un facteur de paix pour toutes les nations : « La guerre est l’impulsion, le commerce est le calcul. Mais par là même, il doit venir une époque où le commerce remplace la guerre. Nous sommes arrivés à cette époque. » (1819).

Cette idée fut admirablement développée par Robert Schuman lors de son fameux discours du 9 mai 1950, à l’origine du Traité de Rome et de l’actuelle Union Européenne : dès lors que l’Allemagne et la France mettaient en commun leur production d’acier et de charbon, il leur serait impossible de se faire la guerre, pour des raisons logistiques évidentes.


L’écrivain

L’écrivain fut prolifique et précoce (un roman achevé dès l’âge de 12 ans). Il faut dire que sa liaison assez ombrageuse avec Madame de Staël, qu’il a rencontrée le 18 septembre 1794 à Lausanne, lui donna quelques éléments pour proposer des œuvres romantiques. "Le Cahier rouge" (1807) et "Adolphe" (1816) sont des romans psychologiques sur l’amour, assez novateurs à l’époque. Il fut marié deux fois, a eu des liaisons avec deux autres femmes, entre autres, et a eu avec elles des échanges également très intellectuels. Il n’a jamais cru au bonheur de l’amour.

Benjamin Constant a rédigé de très nombreux essais politiques ou constitutionnels, durant une période aux institutions très mouvantes, de la défense du Directoire (en 1796) à la justification (en 1820) de sa participation au retour de Napoléon pendant les Cent-Jours, après avoir descendu la politique napoléonienne (en 1814) dans "De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne", où il a écrit : « La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d’arriver au même but : celui de posséder ce que l’on désire. ».

Dans ce même ouvrage, il a résumé toute sa philosophie libérale ainsi : « Restez fidèles à la justice, qui est de toutes les époques ; respectez la liberté, qui prépare tous les biens ; consentez à ce que beaucoup de choses se développent sans vous, et confiez au passé sa propre défense, à l’avenir son propre accomplissement. » (1814). En ce sens, il rappelait que la justice valait plus que la loi : « La loi est l’ouvrage des hommes (…) et l’ouvrage ne mérite pas plus de confiance que ses auteurs. » ("Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri", 1822).

Cette citation de 1814 a été analysée de manière très intéressante le 23 avril 2016 par le blog de Nathalie MP, qui conclut ainsi : « Les libéraux ont toujours dû combattre sur deux fronts (…) : celui du conservatisme autoritaire qui pense systématiquement et à toutes les époques que "c’était mieux avant", et celui de la recomposition autoritaire qui pense avec Rousseau que "ce sera mieux dorénavant" à condition de façonner un "homme nouveau" à partir d’une "page blanche". On peut donc saluer la clairvoyance de Benjamin Constant, ainsi que sa parfaite actualité. ».

L’un des grands textes références de Benjamin Constant fut son discours prononcé le 20 février 1819 comme conférencier très écouté à l’Athénée royal de Paris : "De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes", où il fustigea toutes les références à la démocratie grecque antique qu’il ne considérait pas du tout adaptée aux temps modernes, sans esclave, sans guerre, et avec la nécessité de développer l’économie et de protéger des libertés individuelles. Chez les Anciens, la guerre pouvait être source d’enrichissement ou d’expansion. Chez les Modernes, elle est toujours charge et coût.

Autre texte de référence, ses "Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France", écrits en 1806 et publiés seulement en mai 1815, base de la démocratie libérale : « L’erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l’histoire un petit nombre d’hommes, ou même un seul, en possession d’un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal, mais leur courroux s’est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n’ont songé qu’à le déplacer. ».

Ainsi, il est très intéressant de relire Benjamin Constant qui opposait souveraineté et liberté : « L’individu n’est, même dans les États les plus libres, souverain qu’en apparence (…). Sa souveraineté est restreinte, presque toujours suspendue (…) et si, à des époques fixes et rares, et entouré de précautions et d’entraves, il exerce cette souveraineté, ce n’est jamais que pour l’abdiquer. » ("Principes de politique", 1814).

Lecteur assidu des écrivains et philosophes européens (dont Kant), il a publié aussi de nombreuses notes de lecture, écrit des essais très remarqués sur le sentiment religieux, en particulier "La Religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements" publié en 1824. Par ailleurs, sa très volumineuse correspondance (publiée ou en cours de publication deux siècles plus tard) donne un aperçu très précis de sa pensée et de ses positions au jour le jour.

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Mais l’essayiste, dont l’œuvre doctrinale très dense sert encore aujourd’hui de référence majeure à la pensée politique, pouvait parfois s’effacer derrière le romancier. "Le Cahier rouge" rédigé en 1811 et publié seulement un siècle plus tard, en 1907, après la découverte par hasard du manuscrit dans des archives familiales, retrace une vague autobiographie de ses vingt premières années, pleine d’audace, de légèreté et d’inconvenances.

"Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu, puis publiée", publié le 10 juin 1816, raconte une histoire d’amour qui s’évapore, entre sincérité et cynisme. Ce roman fut probablement un dérivatif pour reprendre le dessus sur les déboires amoureux de son auteur : « La grande question dans la vie, c’est la douleur que l’on cause, et la métaphysique la plus ingénieuse ne justifie pas l’homme qui a déchiré le cœur qui l’aimait. Je hais d’ailleurs cette fatuité d’un esprit qui croit excuser ce qu’il explique. ».

Dans "Adolphe" (toujours), la réflexion portait sur le fait d’être aimé ou de ne pas être aimé, et réciproquement : « C’est un affreux malheur de n’être pas aimé quand on aime ; mais c’en est un bien grand d’être aimé avec passion quand on n’aime plus. ». Ou encore : « Elle croyait ranimer mon amour en excitant ma jalousie ; mais c’était agiter de cendres que rien ne pouvait réchauffer. ». Une dernière citation de ce roman : « L’homme se déprave dès qu’il a dans le cœur une seule pensée qu’il est constamment forcé de dissimuler. ».

Le roman a été adapté par le réalisateur Benoît Jacquot dans un film qui est sorti le 30 octobre 2002 ("Adolphe") avec comme personnage principale Isabelle Adjani (dans le rôle d’Ellénore) et avec Jean Yanne, Jean-Louis Richard (réalisateur d’un excellent film sur Mata Hari et mort le 3 juin 2002 avant la sortie du film), Romain Duris, Isild Le Besco, etc.

On ne commence à véritablement connaître l’œuvre et la vie de Benjamin Constant que depuis 1952 avec la publication de son Journau intime, précieux car il n'était pas destiné à la publication, et même seulement depuis 1980, avec l’accès récent à de nouvelles archives.

Il quitta la vie malade et presque ruiné (par des dettes de jeu), renfloué in extremis par Louis-Philippe qui venait de prendre le pouvoir. Le dernier discours qu’il avait prononcé à la Chambre a eu lieu le 19 novembre 1830, vingt jours avant sa disparition.

Son épitaphe (proposée par la notice bibliographique de Larousse), il l’avait rédigée dès l’âge de 20 ans :

« Au sein même du port, j’avais prévu l’orage ;
Mais entraîné loin du rivage,
À la fureur des vents, je n’ai pu résister.
J’ai prédit l’instant du naufrage,
Je l’ai prédit sans pouvoir l’écarter. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 octobre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
"Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889" par Adolphe Robert et Gaston Cougny (cité par le site de l’Assemblée Nationale).
Biographie de Benjamin Constant (les conférences littéraires de Jacqueline-Mathilde Baldan).
Notice du Larousse.
Colloque du 6 mai 2017 à Lausanne.
J’écris ton nom, Liberté ! (blog de Nathalie MP).
La France est-elle un pays libéral ?
Benjamin Constant.
Saint-Just.
François Guizot.
Adolphe Thiers.
Napoléon III.
Georges Clemenceau.
Victor Hugo.
L’élection présidentielle de 1848.
Le Traité de Vienne.
Napoléon Ier.
Sarajevo.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171025-benjamin-constant.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/benjamin-constant-l-apotre-de-la-198060

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/25/35803557.html


 

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commentaires

S
ON rappelle que dans les faits cet homme, qui était d’extrême gauche, a soutenu le Coup d’État du 18 fructidor an V qui a centralisé le pouvoir, renforcer l’État et l’exécutif. <br /> <br /> Le libéralisme sont des belles paroles : un peu comme le Marxisme qui veut atteindre la fin de l’État, mais après la DIctature du Prolétariat. Benjamin Constant défend l’idéal d’un individu libéré de l’oppression étatique, mais dans les faits, il a soutenu un pouvoir d’État autoritaire pour assurer la transition révolutionnaire.
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