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2 janvier 2018 2 02 /01 /janvier /2018 03:44

« Ni trahison, ni demi-trahison. La guerre. Rien que la guerre. (…) Un jour, de Paris au plus humble village, des rafales d’acclamations accueilleront nos étendards vainqueurs, tordus dans le sang, dans les larmes, déchirés des obus, magnifique apparition de nos grands morts. Ce jour (…), il est en notre pouvoir de le faire. ». (Georges Clemenceau, le 20 novembre 1917 devant les députés). Seconde partie.


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Dans l'article précédent, j'ai évoqué Emmanuel Macron qui voudrait faire de l'année 1917-1918 une année Clemenceau.

Revenons à Clemenceau lui-même et rappelons que cela fait un siècle que le vieux personnage politique (il avait alors 76 ans) fut rappelé au pouvoir par son adversaire politique patenté, le Président de la République Raymond Poincaré. Clemenceau est redevenu Président du Conseil le 16 novembre 1917. Les deux hommes se détestaient mais chacun avait besoin de l’autre. La veille, Raymond Poincaré l’avait convoqué à son bureau de l’Élysée, à la suite du renversement du gouvernement de Paul Painlevé le 13 novembre 1917.

Une grande partie de la classe politique de cette époque, très lassée par la continuation de la guerre (en 1914, on pensait qu’on vaincrait les Allemands en quelques semaines ou quelques mois), déprimée par les pertes nombreuses et hélas inutiles du Chemin des Dames, et inquiète des nombreuses mutineries et désertions (au printemps 1917), était favorable à une paix négociée avec l’Allemagne, d’autant plus que la Révolution russe avait modifié considérablement la donne. L’allié russe allait arrêter la guerre et n’était plus fiable (dès le 26 novembre 1918, Lénine engagea les premières discussions pour obtenir une paix séparée avec les empires centraux, l’Allemagne et l’Autriche, ce qui a abouti au Traité d’armistice de Brest-Litovsk signé le 15 décembre 1917). Une paix négociée par la France aurait permis d’arrêter les pertes humaines, mais sur une base qui ne pouvait être acceptable pour les plus patriotes.

Or, il n’y avait pas beaucoup de monde déterminé à continuer coûte que coûte la guerre jusqu’à la capitulation allemande. Seul, Georges Clemenceau y était favorable, et sa stature lui permettait d’être très crédible dans cette volonté (qui n’était pas une simple posture politique). Raymond Poincaré, qui avait de bonnes intuitions, était lui aussi très opposé à une paix négociée. Il a donc appelé Clemenceau, le seul capable de reprendre les opérations en main pour aller jusqu’à la victoire : « En dehors de lui, je ne puis trouver personne qui réponde aux nécessités de la situation. ».

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Plus que l’intervention américaine, on peut dire que la victoire de 1918 fut acquise principalement par l’action de Clemenceau qui a remobilisé les troupes alliées. Guillaume II pensait que si la guerre était durable, les démocraties ne s’en relèveraient pas. Clemenceau a prouvé le contraire. On imagine à quel point l’absence d’un nouveau Clemenceau en mai 1940 a précipité la France dans l’enfer de la collaboration avec les nazis.

Pour l’anecdote, l’un des ministres du gouvernement de Clemenceau fut Albert Lebrun, l’un des plus mauvais Présidents de la République française, qui a désigné Philippe Pétain pour diriger le gouvernement alors que le conseil des ministres était majoritairement opposé à l’armistice. Notons que Clemenceau avait deux atouts : une vision ferme qui l’avait convaincu qu’il fallait se battre jusqu’au bout, et une caractère très fort qui a pu faire imposer cette intuition à toute la classe politique. Après lui, seul De Gaulle était de la même carrure… Paul Reynaud, qui avait eu une vision pertinente des événements de mai 1940, n’avait pas la personnalité assez forte pour avoir ce rôle de "leader rebelle".

Investi par les députés le 20 novembre 1917 avec 418 voix contre 65 et 40 abstentions (seuls, les socialistes ont voté contre), Clemenceau fut le véritable homme fort de la France pendant deux ans, et Raymond Poincaré lui a même reproché de ne pas être tenu informé des affaires de l’État, d’être mis à l’écart : « Les décisions sont prises, en réalité, par Clemenceau seul. ».

Clemenceau a mis au pas les hommes politiques favorables à une paix négociée, comme Joseph Caillaux (incarcéré en janvier 1918) et Louis Malvy (condamné en été 1918), et a nommé un gouvernement de personnalités dévouées et sans grande envergure, comme Georges Leygues (à la Marine) et Albert Lebrun (aux Régions libérées), ou alors des personnalités d’une grande fidélité, comme Jules Pams (à l’Intérieur), Charles Jonnart (aux Régions libérées), Jules Jeanneney (auprès de Clemenceau) et André Tardieu (aux Régions libérées). Clemenceau a lui-même pris le Ministère de la Guerre pour superviser lui-même les opérations militaires, reprenant son propre adage de 1887 : « La Guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ! ». Son directeur de cabinet fut le futur ministre Georges Mandel.

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Dans un discours célèbre devant les députés le 20 novembre 1917, Clemenceau déclara : « Nous nous présentons devant vous dans l’unique pensée d’une guerre intégrale (…). Un seul devoir, et simple : demeurer avec le soldat, vivre, souffrir, combattre avec lui. Abdiquer tout ce qui n’est pas la patrie (…). Nous avons de grands soldats d’une grande histoire, sous des chefs trempés dans les épreuves (…). Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. (…) Nous prenons devons vous, devant le pays qui demande justice, l’engagement que justice sera faite, selon la rigueur des lois (…). Faiblesse serait complicité. Nous serons sans faiblesse, comme sans violence. Tous les inculpés en conseil de guerre (…). Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. (…) La justice passe. Le pays connaîtra qu’il est défendu. ».

Réclamant à l’Assemblée de nouveaux crédits militaires et répondant à une interpellation du député Émile Constant, Clemenceau montra le 8 mars 1918 un véritable sens de l’État : « On dit : "Nous ne voulons pas la guerre, mais il nous faut la paix le plus tôt possible". Ah ! Moi aussi, j’ai le désir de la paix le plus tôt possible et tout le monde la désire, il serait un grand criminel celui qui aurait une autre pensée, mais il faut savoir ce qu’on veut. Ce n’est pas en bêlant la paix qu’on fait taire le militarisme prussien. (…) Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. (…) La Russie nous trahit, je continue de faire la guerre. La malheureuse Roumanie est obligée de capituler : je continue de faire la guerre, et je continuerai jusqu’au dernier quart d’heure. ».

La victoire du 11 novembre 1918 a apporté un immense soutien populaire à Georges Clemenceau qui négocia le fameux Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, qui a humilié les Allemands et fut l’une des causes de la future Seconde Guerre mondiale.

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Un dessin de l’Australien Will Dyson, publié en mai 1919 dans le "Daily Herald", proposa même cette lecture prémonitoire du traité, intitulé "Paix et chair à canon future" en faisant dire par Clemenceau : « C’est curieux ! J’ai cru entendre un enfant pleurer. », un enfant qui ferait partie du contingent militaire de 1940…

Bien qu’il n’eût aucune considération pour la fonction présidentielle qu’il méprisait tellement que, dans sa longue carrière politique, il a fait élire de nombreuses personnalités sans envergure à ce poste, il envisagea de se présenter à l’élection présidentielle du 17 janvier 1920, à la fin du mandat de Raymond Poincaré, pour quitter le pouvoir et prendre sa retraite avec les honneurs de la République (il avait alors 78 ans).

Comme à chaque élection présidentielle, une réunion préparatoire a eu lieu le 16 janvier 1920 pour désigner le candidat de tous les parlementaires républicains, largement majoritaires au Parlement. Or, si le peuple adorait Clemenceau, les parlementaires appréciaient nettement moins son caractère autocratique et le fait de ne pas avoir associé les parlementaires dans la conduite de la guerre. Si bien que les manœuvres de l’un de ses adversaires politiques Aristide Briand ont réussi à le rendre minoritaire parmi eux : Georges Clemenceau n’a en effet obtenu que 399 voix contre 408 à Paul Deschanel, le Président de la Chambre des députés et candidat récurrent depuis une vingtaine d’années. Les deux hommes se détestaient aussi (comme avec Poincaré), au point de s’être affrontés en duel à cause de l’affaire de Panama.

Piqué au vif, Clemenceau renonça à sa candidature le lendemain à Versailles (il a obtenu malgré tout 53 voix) et laissa Paul Deschanel gagner (avec 734 voix) face à son ancien ministre Charles Jonnart (64 voix). L’échec de Clemenceau fut historiquement injuste et a surpris tous les observateurs étrangers. Le Premier Ministre britannique David Lloyd George a même confié : « Cette fois, ce sont les Français qui ont brûlé Jeanne d’Arc ! » et le "New York World" a sermonné : « La défaite de Clemenceau ne fait pas honneur à la France. ».

Georges Clemenceau donna sa démission de Président du Conseil le 18 janvier 1920 et, comme Lionel Jospin et François Fillon après leur échec présidentiel respectivement de 2002 et 2017, il a quitté la vie politique, se contentant de passer le reste de sa vie à écrire ses précieuses (et féroces) mémoires et à voyager. Il est mort à 88 ans le 24 novembre 1929 à Paris.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La guerre civile européenne.
Emmanuel Macron.
La Première Guerre mondiale.
"Le Président".
Georges Clemenceau en 1917.
Georges Clemenceau en 1906.
Adolphe Thiers.
Charles De Gaulle.
Victor Hugo.
Charles Péguy.
Jean Jaurès.
Le patriotisme.
Les valeurs républicaines.
L’Europe à la Sorbonne.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171111-macron-clemenceau-2.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/clemenceau-macron-et-la-guerre-198652

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/01/02/35862405.html


 

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