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13 décembre 2017 3 13 /12 /décembre /2017 03:29

« Nous sommes là avec sa famille : avec Sylvie Vartan, Nathalie Baye, Laeticia Hallyday ; avec ses enfants David, Laura, Joy et Jade, avec ses petits-enfants, Emma, Ilona, Cameron. Et je n’oublie pas que pour eux, c’est aussi un jour de souffrance intime. Nous vous avons si souvent volé votre mari, votre père, votre grand-père, aujourd’hui, nous devons aussi vous le laisser un peu parce que deuil est d’abord le vôtre. » (Emmanuel Macron, le 9 décembre 2017 à Paris).


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Petite réflexion sur la johnnymania qui s’est développée en France depuis ce mercredi 6 décembre 2017 vers 3 heures 30 du matin. Après avoir été Charlie, la France est-elle Johnny ? La semaine dernière qui vient de se passer a été édifiante. La démesure, l’overdose médiatique ou lacrymale, et en même temps (selon une rhétorique toute macronienne), l’émotion, la tristesse, l’effondrement ont coexisté pendant plusieurs jours dans le champ national au point d’éclipser de graves événements (comme la décision de Donald Trump le 6 décembre 2017 de reconnaître Jérusalem, pas même Jérusalem Ouest, comme capitale de l’État d’Israël).

Le Président Emmanuel Macron a été très "habile" en ayant fait passer comme une lettre à la poste cette grande cérémonie d’hommage, comme si elle avait été une évidence.

Rappelons néanmoins que cette idée du défilé aux Champs-Élysées remonte à l’époque du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Dès les gros ennuis de santé du chanteur en 2009, il était déjà question d’une telle cérémonie planifiée par l’Élysée, selon le livre "Johnny, les 100 jours où tout a basculé" (éd. First) des journalistes Renaud Revel et Catherine Rambert sorti le 6 mai 2010 (ce qui n’était pas très délicat pour les proches) : « Tandis que la France retient son souffle et prie pour que Johnny s’en sorte, on se prépare au pire au sommet de l’État (…). On évoque un rapatriement du corps dans l’avion présidentiel, des obsèques nationales et même une descente du cercueil le long des Champs-Élysées. ».

Après l’hommage populaire de ce samedi 9 décembre 2017, il est difficile de rester indifférent à Johnny Hallyday. Pas parce qu’il faudrait admirer ou détester la star rockeuse, mais parce qu’il y a trop de citoyens français qui ont été touchés pour que l’indifférence puisse perdurer. Il y a un fait sociologique qui sera probablement étudié dans l’avenir.

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Près d’un million de personnes (selon la préfecture de police) sont venues aux Champs-Élysées (avec 700 motards),à la place de la Concorde et à la Madeleine, parfois de très loin, l’un des rares week-ends de préparation de Noël, au froid et au risque de giboulées neigeuses (avec la chance insolente du soleil froid d’hiver). Plus de onze millions de personnes ont regardé la cérémonie à la télévision (et encore, on ne parle que des téléspectateurs de TF1 et France 2, sans compter les quatre chaînes d’information continue). Bref, tout ce monde montre à l’évidence que la mort d’une idole ne peut pas passer "inaperçue".

On peut être étonné voire en colère contre la démesure. Couper l’accès aux Champs-Élysées dès 8 heures du matin, faire un cortège digne d’un grand chef d’État, et encore, De Gaulle n’y a pas eu droit (heureusement, il ne l’aurait pas voulu, lui qui a défilé à la Libération de Paris). Certains journalistes ont rappelé la seule comparaison qui pourrait vraiment se faire, c’était avec le cortège derrière le cercueil de Victor Hugo, le 1er juin 1885. C’est un peu exagéré car la foule était de deux millions de personnes sur une population totale beaucoup plus faible, et le convoi avait alors une destination, le Panthéon !

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L’étonnement ou la colère, ils ont pu aussi peut-être s’exprimer en voyant que le lieu du "spectacle" était une église catholique (la Madeleine) et que l’officiant, c’était un prêtre. Le jour même du 112e anniversaire de la loi sur la laïcité. Pour ceux qui auraient une laïcité comprise comme un combat contre les religions (souvent d’ailleurs, contre le christianisme, de façon bien plus véhémente que contre d’autres religions qui sont aujourd’hui pourtant beaucoup plus "vivaces" ou "visibles"), il faut leur rappeler que de très nombreux athées ou agnostiques sont encore honorés dans une église catholique à leur enterrement, comme ils furent honorés lors de leur mariage le cas échéant. Emmanuel Macron a d’ailleurs compris la subtilité de ne pas s’exprimer à l’intérieur de l’église mais dehors, et aussi de ne pas faire un signe de croix devant le cercueil (l’aurait-il fait qu’il n’aurait évidemment pas remis en cause la laïcité de la République, mais en y renonçant, il évitait ainsi une polémique stérile).

Par ailleurs, le choix des proches du disparu n’a pas à être justifié. La douleur est suffisamment lourde pour ne pas avoir à s’expliquer sur ce qui est de plus intime pour la famille. J’aurais dû écrire "les choix", puisque le choix de la dernière demeure, là aussi, a été contesté, celui de l’île de Saint-Barthélemy, éloignement, souvenir de vacance …ou communion avec les dévastés de l’ouragan Irma ? Faudrait-il oublier que Jacques Brel, lui aussi, repose dans une île ensoleillée (aux Marquises), loin de la métropole ? L’inhumation a  eu lieu ce lundi 11 décembre 2017.


1. Le chanteur

Sa dernière apparition publique a eu lieu le 1er septembre 2017, lors de l’enterrement de l’actrice Mireille Darc. Atteint par la maladie, le chanteur a été très courageux à la fin de sa vie : « Mon homme n’est plus. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité. Jusqu’au dernier instant, il a tenu tête à cette maladie qui le rongeait depuis des mois, nous donnant à tous des leçons de vie extraordinaire. » (Laeticia Hallyday, le 6 décembre 2017).

Johnny Hallyday était un réel "phénomène". Pendant plus de cinquante-sept ans, il est resté toujours en tête des ventes chaque année (parmi les dix premiers de l’année). Cette endurance sur le long terme en a fait un chanteur sans équivalent en France. Non seulement il a été une star pour les gens de sa génération, mais aussi pour leurs enfants et même leurs petits-enfants. Normal que des septuagénaires l’adorent aujourd’hui, ils étaient adolescents à l’époque de ses débuts (ce qui n’était pas le cas du tout des septuagénaires des années 1960 !).

Eddy Mitchel a raconté, à propos de leur période entre 1958 et 1960 : « Johnny avait beaucoup de disques américains qu’on ne pouvait pas acheter en Europe, ce qui me permettait d’écouter tout ce que je ne pouvais pas écouter autrement, si bien qu’on passait souvent des après-midi et des soirées à écouter Presley, Bill Haley et des tas d’autres trucs qui n’étaient pas encore disponibles chez nous. » (1979).

Wikipédia donne des statistiques éloquentes sur sa carrière qui a démarré en 1958. Son dernier concert a eu lieu le 5 juillet 2017 à Carcassonne (avec Eddy Mitchell et Jacques Dutronc, trop effondré pour se montrer à la Madeleine). "Bête de scène", il s’est produit plus de 2 800 fois en France, et 450 fois à l’étranger dans 40 pays différents, au cours de 184 tournées, ce qui a rassemblé 29 millions de spectateurs. Il a sorti 79 albums (50 en studio, 29 en live) et 165 singles. Il a vendu 110 millions de disques (dont 68 millions en France), et a obtenu 5 disques de diamant, 40 disques d’or et 22 disques de platine. Il a été récompensé vingt fois par les Victoires de la musique (en 1987, 1991, 1994, 1996, 2000, 2001, 2009, 2010, 2014 et 2016), cependant deux fois de moins qu’Alain Bashung (1947-2009).

Au delà des Victoires de la musique, Johnny Hallyday a eu d’autres distinctions françaises : les Arts et les Lettres remis à Cannes le 31 janvier 1995 par Jacques Toubon, et la Légion d’honneur remise à l’Élysée le 24 janvier 1997 par Jacques Chirac : « C’est un grand privilège de te voir avec une cravate ! ».





Par ailleurs, Johnny était la personnalité la plus connue avec De Gaulle et Brigitte Bardot dans les années 1960. Il a bénéficié de 190 livres et de 2 500 couvertures de magazines consacrés à lui. Encore en 2015, il était la personnalité française la plus citée dans la presse avec François Hollande. Il était un candidat fabuleux poiur l’imitation humoristique (Thierry Le Luron, Laurent Gerra, Yves Lecoq, etc.).

Ceux qui ne connaissaient pas Johnny Hallyday pouvaient d’ailleurs avoir gardé l’image du "benêt" décrit par les Guignols de l’Info et sa "boîte à coucou" (ce qui aurait été très mal vécu par sa fille qui était encore petite). Pourtant, il était loin d’être un "benêt". Cet air provenait sans doute de sa grande timidité, ce qui était étrange pour quelqu’un capable de rassembler des dizaines de milliers de fans dans les salles de spectacles géantes (stades, etc.). Cette réputation de "non intelligence", il l’a même nourrie, ce qui lui permettait de ne pas être ennuyé par des questions culturelles (un peu à l’instar d’un Jacques Chirac qui lisait dans l’avion en cachette des livres sur l’art japonais en les recouvrant d’une couverture de "Play-boy" !).

Mieux. Johnny était plus cultivé qu’il ne l’avait montré. Il aimait lire et adorait les auteurs américains comme Jack Kerouac (1922-1969) et Tennessee Williams (1911-1983). Le rêve américain, toujours. Ce fut justement dans une pièce de Tennessee Williams, "Le Paradis sur terre" (créée le 27 mars 1968), qu’il a joué au Théâtre Édouard VII du 6 septembre 2011 au 19 novembre 2011 (dans une mise en scène de Bernard Murat).

À l’issue d’une de ces représentations, le 7 octobre 2011, Johnny Hallyday accepta de répondre aux questions de François Busnel dans "Le Grand entretien" que France Inter a rediffusé le soir du 6 décembre 2017. On pouvait y apprendre par exemple que s’il avait chanté au début, c’était d’abord pour se payer ses cours d’art dramatique.


2. Les médias

Les médias ont été en première ligne dans cette johnnymania. Celui qui branchait sa télévision dans la soirée du 6 décembre 2017 pouvait avoir l’amère impression du programme unique de télévision : Johnny sur la une, Johnny sur la deux, Johnny sur la trois, etc. Plus d’une chaîne de télévision sur deux sur l’offre TNT gratuite a diffusé une émission spéciale sur Johnny Hallyday. De quoi être dégoûté par overdose : trop de Johnny peut tuer Johnny.

Les médias avaient un avantage : des rumeurs de la disparition du chanteur ont été propagées dans les réseaux sociaux plusieurs semaines auparavant. De quoi se préparer pour monter des émissions et être "prêt". On imagine que Johnny n’était pas le seul. Après les rumeurs "alarmantes" du 21 septembre 2016 sur la santé de Jacques Chirac, j’imagine qu’à sa disparition, les médias auront déjà préparé les émissions hommages qui ne manqueront pas d’être diffusées dans la soirée…

Dès l’annonce de la mort de Johnny, les chaînes d’information continue n’ont fait que consacrer exclusivement leur temps d’antenne à cette nouvelle. Résultat, on a pu découvrir que de nombreux éditorialistes politiques étaient également des johnnycologues patentés.

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Une chroniqueuse maison de France Inter a constaté pour faire sourire, le jour même de la nouvelle, que sa station de radio avait diffusé en une seule journée autant de chansons de Johnny que dans les cinquante dernières années. Johnny Hallyday ne correspondait pas au cœur de programmation de cette radio.

Pourtant France Inter, comme les autres stations de radio, était bien obligé de bouleverser ses programmes et de faire des émissions spéciales. Le samedi (le jour de l’hommage populaire), France Inter a décidé en début d’après-midi, vu la grande affluence de la foule devant la Madeleine, de faire encore une émission spéciale dans la soirée, qui n’était pourtant pas prévue.

Les responsables de la station devaient avoir peur de l’overdose de leurs auditeurs. Ils devaient se dire, probablement comme tous leurs collègues : les médias en font-ils trop ? La réponse était dans la rue et dans les canapés : un million sur place, onze millions (au moins) devant la télévision. C’était réellement ressenti comme un événement majeur pour beaucoup de Français. Les médias devaient donc adapter leur offre à cette demande.

Je précise que ce n’est pas l’inverse : ce n’est pas parce que les médias martèlent sur certains sujets que les citoyens vont être conditionnés et se sentir concernés. Braver le froid en gâchant un des week-ends de préparation de Noël (si peu nombreux), ce n’est pas du conditionnement médiatique, c’est de l’émotion personnelle.

Évidemment, comme pour n’importe quel "grand" événement ou disparition, les médias en profitent économiquement : que ce fût pour la mort de Jean-Paul II, de Nelson Mandela, des attentats en France en 2015 et 2016, et même de l’élection présidentielle, ces points d’orgue sont, pour les médias, une aubaine économique. Qui le leur reprochera ? Leurs consommateurs ?

L’exploitation également politique de l’événement est "de bonne guerre" et ne trompe personne.


3. La classe politique

Toute la classe politique, quasi-unanimement, peut-être à l’exception de Jean-Luc Mélenchon (il me semble), a rendu hommage à Johnny Hallyday et exprimé son émotion. Beaucoup de responsables politiques ont rendu des témoignages, sur leurs relations avec le chanteur, ou sur leur propre histoire personnelle avec l’une de ses chansons, etc.

Bien sûr qu’il y a chez certains sinon chez tous une tentative de récupération politique, mais le chanteur étant si "universel", cette récupération est tout simplement impossible. L’appropriation du chanteur n’aurait aucun effet électoral parce que l’émotion est trop majoritairement ressentie et donc, bien au-delà des clivages politiques. Certains ont évoqué un "chanteur de droite", parce qu’il avait soutenu Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et en 1981, Jacques Chirac en 1988, 1995 et 2002, Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012, même si, finalement, il regrettait plutôt les années Pompidou, mais gageons qu’il y a des "fans" qui sont loin d’être "à droite" et peut-être même qu’ils sont majoritaires.

D’ailleurs, dans la classe politique, il est assez facile de reconnaître la sincérité. Emmanuel Macron ? On le savait proche de Ricœur, moins du rocker. Même si son épouse est allée souvent aux nouvelles de la santé du chanteur. Et puis, en tant que chef d’État, il doit incarner le peuple tout entier et être en empathie avec la grande émotion qui s’est levée. Jean-Pierre Raffarin ? Sa sincérité est forcément réelle : dans sa jeunesse, il avait monté un petit groupe rock, on peut imaginer que Johnny Hallyday, cela lui parlait, évidemment.

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Mais qu’importe, comme l’a rappelé Emmanuel Macron (voir en début d’article), Johnny n’appartient qu’à ses proches, et à personne d’autres, ou alors, à tous, ce qui revient au même.


4. Johnny d’Ormesson

La mort de Johnny Hallyday a eu lieu un jour après la mort de Jean d’Ormesson, et cette simultanéité a évidemment été une "curiosité" supplémentaire pour les médias. La comparaison avec la mort d’Édith Piaf qui a effacé la mort de Jean Cocteau a été souvent proposée.

Jean d’Ormesson l’avait d’ailleurs anticipée, dans une sorte de vision de son propre destin. Dans l’émission "Salut les Terriens", Jean d’Ormesson avait en effet exprimé à Thierry Ardisson le 11 octobre 2008 son inquiétude d’écrivain : « L’écrivain doit faire attention à tout ce qu’il écrit. Il doit faire attention à tout ce qu’il dit. Et il doit faire attention à la façon dont il meurt. C’est très mauvais pour un écrivain de mourir, par exemple, en même temps que Piaf. Piaf a pris toute la lumière pour elle et on n’a pas parlé de Cocteau. (…) L’académicien Jules Romains est décédé un 14 août. C’est désastreux, car le lendemain, c’est le 15 août. ». Rappelons que Jean d’Ormesson avait succédé à Jules Romains à l’Académie française.

En fait, il y a quelques différences entre les deux "couples" de disparition. Déjà, Édith Piaf est morte avant l’écrivain et pas après. Si elle est morte le 10 octobre 1963, sa mort n’a été annoncée que le lendemain, le 11 octobre 1963, pour lui "permettre" de mourir à Paris. Jean Cocteau en a été informé et devait même écrire un hommage pour un hebdomadaire (Édith Piaf et Jean Cocteau étaient deux grands amis), mais diminué par une insuffisance cardiaque, le dramaturge est mort quelques heures plus tard. Pour les médias, la nouvelle des deux disparitions a eu lieu le même jour, pas comme Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday. Jean Cocteau a été enterré très discrètement (probablement selon ses volontés) tandis qu’il y a eu une procession de plusieurs dizaines de milliers de personnes à l’enterrement d’Édith Piaf.

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Autre différence notable, la République n’a pas "négligé" Jean d’Ormesson qui a eu le 8 décembre 2017 un hommage national à la cour d’honneur des Invalides, là aussi après une messe, à la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides (à laquelle ont participé notamment Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing et François Hollande).

Dans cet hommage, Emmanuel Macron a placé un crayon sur le cercueil de l’écrivain : « Évoquant (…) votre enterrement, vous aviez écrit : "À l’enterrement de Malraux, on avait mis un chat près du cercueil, à celui de Defferre, c’était un chapeau. Moi, je voudrais un crayon, un crayon à papier, les mêmes que dans notre enfance. Ni épée, ni Légion d’honneur, un simple crayon à papier". Nous vous demandons pardon, Monsieur, de ne pas vous avoir tout à fait écouté, pardon pour cette pompe qui n’ajoute rien à votre gloire. Avec un sourire auriez-vous pu dire peut-être que nous cherchions là à vous attraper par la vanité et peut-être même que cela pourrait marcher. Non, cette cérémonie, Monsieur, nous permet de manifester notre reconnaissance et donc, nous rassure un peu. » (8 décembre 2017).

L’hommage aux Invalides n’est pas "exceptionnel" et a déjà honoré des soldats français tués en mission extérieure, le dernier Poilu Lazare Ponticelli (18 mars 2008), des policiers, des victimes d’attentat terroriste (19 septembre 2016), et aussi de nombreuses personnalités du monde de la culture, de la science et de la politique, en particulier Simone Veil (5 juillet 2017), Michel Rocard (7 juillet 2016), Alain Decaux (4 avril 2016), Yves Guéna (8 mars 2016), Charles Pasqua (3 juillet 2015), Dominique Baudis (15 avril 2014), Maurice Tubiana (27 septembre 2013), Pierre Mauroy (11 juin 2013), François Jacob (24 avril 2013), Stéphane Hessel (7 mars 2013), Robert Galley (15 juin 2012), Jean Lartéguy (2 mars 2011), Philippe Séguin (11 janvier 2010), Maurice Druon (21 décembre 2009), Yvon Bourges (23 avril 2009), Pierre Messmer (4 septembre 2007), Maurice Rheims (10 mars 2003), Jacques Chaban-Delmas (13 novembre 2000), Maurice Schumann (13 février 1998), Jacques-Yves Cousteau (30 juin 1997), Marcel Dassault (18 avril 1986), Gaston Palewski (7 septembre 1984), etc.

Pourquoi Pierre Messmer et pas Raymond Barre, mort quatre jours avant lui, "seulement" honoré le 29 août 2007 de la présence du Président de la République Nicolas Sarkozy et du Premier Ministre François Fillon en l'église du Val-de-Grâce à Paris ? Pourquoi Dominique Baudis et Simone Veil et pas Bernard Bosson, Jacques Barrot ou Bernard Stasi ? Pourquoi Jean d’Ormesson et pas Claude Lévi-Strauss ? etc. Les choix restent parfois assez arbitraires, même si l'avis des proches doit compter.

Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday, si leur personnalité était très différente et probablement qu’ils étaient admirés par des personnes différentes, ils ont tous les deux incarné la France, l’esprit français, le "roman national". Tous les deux étaient d’une grande simplicité, d’une grande proximité, et probablement, ils étaient aussi sur le petit nuage d’une popularité folle qui pourrait rendre fou. Ils sont restés les pieds sur terre. Et tous les deux ont manqué d’une reconnaissance paternelle.

Leur mort en a éclipsé dans les médias quand même d’autres. Ainsi, un dinosaure de l’Europe d’avant-guerre est mort le 5 novembre 2017, il s’agit de l’ancien roi de Roumanie Michel Ier de Roumanie (il était roi en 1927 !), à l’âge de 96 ans. Ou encore deux "enfants de" : la psychanalyste Judith Miller, fille de Jacques Lacan (1901-1981), morte le 6 décembre 2017 à l’âge de 76 ans, et le cinéaste Juan Luis Bunuel, fils de Luis Bunuel (1900-1983), mort le 6 décembre 2017 à l’âge de 83 ans (comme son père).


La France est-elle alors Johnny ?

Assurément qu’une certaine France était Johnny pendant ce "moment républicain" de la Madeleine. C’était un moment de convergence nationale. Ces rassemblements basés sur une émotion forte sont peu nombreux et peut-être nécessaires pour faire vivre l’appartenance à une nation. Cela a été le cas le 11 janvier 2015 lors de la grande manifestation après l’attentat de "Charlie-Herbo", peut-être un peu vite oubliée.

Il y en a eu d’autres, parfois basés sur des émotions positives, comme la victoire de l’équipe de France à la coupe du monde de football, le 12 juillet 1998. Dès ce soir-là, un million et demi de personnes se sont rassemblées aux Champs-Élysées et le lendemain, les joueurs ont, pour l’occasion, défilé aux Champs-Élysées devant un demi-million de personnes.

Dans son hommage devant la Madeleine, Emmanuel Macron a exprimé simplement cette "communion" dans l’émotion : « Il ne savait pas vraiment exprimer ce qu’il vivait, il préférait les silences. Alors il chantait les mots des autres, les chansons des autres. Il n’osait pas avouer ce qu’il ressentait, il aimait la pudeur. Alors il se brûlait au contact du public, dans la ferveur de la scène et il s’offrait entièrement, terriblement, furieusement à vous. Il aurait dû tomber cent fois, mais ce qui l’a tenu, ce qui souvent l’a relevé, c’est votre ferveur, c’est l’amour que vous lui portez. Et l’émotion qui nous réunit ici aujourd’hui lui ressemble. Elle ne triche pas. Elle ne pose pas. Elle emporte tout sur son passage. Elle est de ces énergies qui font un peuple parce que pour nous, il était invincible, parce qu’il était une part de notre pays, parce qu’il était une part de ce que l’on aime aimer. ».

Elle ne triche pas, elle ne pose pas, cette émotion. C’était exactement les mots qu’il fallait donner à cet hommage populaire : qu’on aime Johnny, qu’on le déteste, qu’on en soit indifférent, cette émotion de plusieurs millions de Français, elle est un fait. Elle n’est pas virtuelle, elle n’est pas posture, elle n’est pas arrière-pensée. Elle est bien réelle, elle est sincère, elle est spontanée. Et surtout, elle est respectable. Le respect est l’une des principales vertus de la République.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Hommage d’Emmanuel Macron à Johnny Hallyday le 9 décembre 2017 à la Madeleine à Paris.
Hommage d’Emmanuel Macron à Jean d’Ormesson le 8 décembre 2017 aux Invalides à Paris.
La France est-elle Johnny ?
La France a été Charlie.
Jean d’Ormesson.
Édith Piaf.
Jean Cocteau.
Barbara.
Victor Hugo.
Emmanuel Macron.
Michel Ier de Roumanie.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171209-johnny-hallyday.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-france-est-elle-johnny-199622

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/12/11/35951824.html

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