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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 02:07

« La Chine est devenue la deuxième plus grande puissance économique du monde grâce à trente-huit années de réformes et d’ouverture. (…). La Chine a, ces dernières années, réussi à s’engager dans une voie de développement qui lui convient, en s’appuyant à la fois sur la sagesse de sa civilisation et sur les pratiques des autres pays de l’Est et de l’Ouest. En explorant ce chemin, la Chine refuse de rester insensible à l’évolution des temps et de suivre aveuglément les pas des autres. » (Xi Jinping, à Davos le 17 janvier 2017).


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Une décision annoncée ce dimanche 25 février 2018 a renforcé l’impression que le régime de Xi Dada se maoïse de plus en plus.

Xi Dada, c’est-à-dire, Tonton Xi, est le surnom de Xi Jinping, le maître de la Chine communiste depuis le 15 novembre 2012. Il s’est fait renouveler son mandat de Secrétaire Général du Parti communiste chinois (PCC) et de Président de la Commission militaire centrale du PCC le 25 octobre 2017 au 19e congrès du PCC. En outre, il a été élu Président de la République populaire de Chine le 14 mars 2013 et devrait être réélu dans quelques jours pour un second mandat de cinq ans.

Selon quelques indiscrétions diffusées par le "South China Morning Post" en décembre 2017, Wang Qishan (69 ans), proche de Xi Jinping, maire de Pékin de 2003 à 2007, Vice-Premier Ministre du 15 mars 2008 au 14 mars 2013, qui a supervisé la lutte contre la corruption de novembre 2012 à octobre 2017 à la tête de la stratégique Commission centrale pour l’inspection disciplinaire et qui a pris sa retraite à cause de son âge, pourrait être désigné Vice-Président de la République en mars 2018. C’est normalement un poste honorifique, mais qui parfois, dans le passé, fut aussi une fonction essentielle pour renforcer le pouvoir du chef.

Arrivé au pouvoir il y a une dizaine d’années, parmi la cinquième génération des dirigeants communistes chinois, et issu des "princes rouges", Xi Jinping (64 ans) est en train de renouer de plus en plus avec le culte de la personnalité qui avait cours à l’époque de Mao Tsé-Toung, dont il a célébré avec faste le 120e anniversaire de la naissance en 2013 (2 milliards d’euros furent dépensés à cette occasion). Tout est fait dans la presse et la télévision pour laisser croire que Xi Jinping serait l’équivalent de Mao et de Deng Xiaoping dans l’imaginaire populaire.

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Xi Jinping a rapidement renforcé son pouvoir tant dans l’appareil du parti que dans la société chinoise, en particulier en renforçant la censure sur Internet et en réprimant les journalistes susceptibles de s’opposer au gouvernement. Il a aussi fait une purge dans l’armée dans son combat contre la corruption (en 2014, il a limogé 72 000 cadres militaires dont 16 généraux). Le 6e plénum du 18e comité central a même décerné à Xi Jinping, le 30 octobre 2016, le titre de "cœur du parti" dont seuls avaient été qualifiés Mao et Deng.

Par ailleurs, la doctrine politique de Xi Jinping, sa « pensée du socialisme aux caractéristiques chinoises de la nouvelle ère », a été intégrée dans la charte du PCC le 24 octobre 2017, par un amendement constitutionnel adopté à l’unanimité des 2 300 délégués. Ainsi, la pensée de Xi côtoie très officiellement dans les "textes sacrés" la pensée de Mao et la théorie de Deng (cette dernière intégrée seulement après la mort de Deng). Elle correspond à un guide moral et politique pour le pays, confirmant la suprématie du parti sur l’armée et la société.

Cette inscription est importante car cela signifie que sa pensée fera partie des programmes scolaires. Bill Bishop, du journal "Sinocism China", a résumé cette importance : « Avec son nom dans la charte du parti, la question de sa succession ne se pose pratiquement plus. Car aussi longtemps qu’il sera en vie, il restera celui qui prendra in fine les décisions. Cette inscription est là pour signifier à l’ensemble du PCC la suprématie de Xi Jinping. » ("Le Vif", le 24 octobre 2017). En clair, il est le dieu vivant du communisme chinois.

Au bout de cinq ans, Xi Jinping a ainsi acquis la même stature morale que Mao : « Cela conférera à Xi une autorité extraordinaire (…). Il aura un statut similaire à celui de Grand timonier, qu’avait Mao », selon Willy Lam, politologue à l’Université chinoise de Hong Kong et auteur d’une biographie de Xi Jinping en 2015 (AFP, le 24 octobre 2017). Le parti communiste chinois compte 89 millions de membres !

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Le "South China Morning Post" du 23 août 2014 a rappelé qu’en une vingtaine de mois, Xi Jinping a réussi à acquérir bien plus de pouvoir que ses deux prédécesseurs directs, Jiang Zemin et Hu Jintao, en particulier en présidant lui-même de nombreux comités stratégiques sur la défense, la sécurité, les affaires étrangères, la politique économique, etc. : « Contrairement à ses deux prédécesseurs issus de milieux modestes, Xi est le descendant d’un membre de l’élite chinoise. Son père, Xi Zhongxun, était un révolutionnaire avec Mao qui a aidé Deng à mener ses réformes économiques. Ce pedigree a apporté la confiance et le respect de Xi parmi les élites dirigeantes. » (23 août 2014). Xi Zhonxun avait d’ailleurs échappé de justesse au peloton d’exécution en septembre 1935 (bien avant la naissance du futur chef de la Chine communiste), contesté par certaines factions communistes mais sauvé par Mao.

Zhiqun Zhu, directeur de l’Institut de Chine à l’Université Bucknell (USA) a constaté : « D’un côté, [Xi] semble être engagé dans la voie des réformes ; de l’autre, il semble parfois très conservateur, insistant sur la ligne du parti et maintenant la censure et le contrôle idéologique. ». L’historien du parti Zhang Lifan a affirmé de son côté qu’il y a « un effort continu pour construire, au fil du temps, l’image d’un grand leader après Mao et Deng » (cités par le "South China Morning Post").

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Lorsque le 24 octobre 2017 dans la grande salle du Palais du peuple à Pékin, Xi Jinping a présenté à la télévision, au monde entier, les six autres membres du comité permanent du bureau politique du parti communiste chinois (seul, le Premier Ministre Li Keqiang, numéro deux, en était un membre sortant, avec Xi), tout le monde a compris qu’il n’avait mis en avant aucun "héritier" potentiel pour lui succéder en 2022 après ce second mandat, comme lui-même, Xi Jinping, avait été associé à la direction du parti dès 2007, pour "se préparer" à succéder à Hu Jintao.

Or, l’absence de préparation à la succession peut avoir un sens : Xi Jinping n’entendrait pas prendre sa retraite en 2022. Et c’est pourquoi l’annonce le 25 février 2018 d’une réforme majeure conforte l’idée que Xi Jinping entend rester longtemps au pouvoir. Le comité central du PCC se réunit du 26 au 28 février 2018 et va faire formellement la proposition.

Il s’agit de faire voter le 5 mars 2018, lors de la session annuelle du Congrès national du Peuple, la suppression de l’impossibilité d’exercer plus de deux mandats de cinq ans à la Présidence de la République. Cette limitation avait été appliquée après Deng Xiaoping pour les deux derniers prédécesseurs, Jiang Zemin et Hu Jintao, dont l’immobilisme a été critiqué car ils étaient souvent dans les luttes d’appareil et de factions. Xi Jinping veut s’affranchir de cela en s’accaparant tous les pouvoirs.

Cette limitation avait été introduite très récemment en France par Nicolas Sarkozy lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à la suite des deux très longues Présidences de François Mitterrand (quatorze ans) et Jacques Chirac (douze ans).

En voulant la supprimer, Xi Jinping imite ainsi Hugo Chavez qui l’avait aussi supprimée en 2009 (par référendum) pour pouvoir se maintenir longtemps au pouvoir.

En Russie aussi, la limitation à deux mandats successifs est la règle constitutionnelle, mais Vladimir Poutine a été plus habile : tout en maintenant la règle, qui aurait dû ne lui laisser que huit ans de pouvoir (comme ses homologues américains), Poutine va pouvoir y rester au moins pendant vingt-quatre ans, entre 2000 et 2024 ! Pourquoi ? Parce qu’il a choisi d’être Premier Ministre pendant le mandat qui lui était interdit, entre 2008 et 2012, en plaçant un pseudo-"homme de paille", Dmitri Medvedev, et surtout, en allongeant en décembre 2008 la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans. Sa probable réélection le 18 mars 2018 (il avait annoncé sa candidature le 6 décembre 2017) montrera que le contournement de ce genre de mesure est possible, dans la plus parfaite légalité constitutionnelle.

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Xi Jinping n’a cependant pas cette finesse politique car il n’en a pas les moyens. Au contraire de Vladimir Poutine, qui profite d’une absence d’opposition politique, il a, au sein du PCC, des responsables qui seraient capables de prendre sa place et son pouvoir. C’est pourquoi, minutieusement et efficacement, Xi Jinping a sans arrêt renforcé son pouvoir et sa propagande. Une étude avait montré que dans les journaux chinois, son nom apparaissait aussi souvent que celui de Mao quand ce dernier était au pouvoir, et bien plus fréquemment que lors des mandats de ses deux prédécesseurs.

Selon Willy Lam, cela signifie finalement que Xi Jinping est devenu « empereur à vie » ("New York Times", le 25 février 2018).

La Chine, pays hyper-sélectif et élitiste, est l’exemple caricatural d’un despotisme éclairé, dans le sens du Siècle des Lumières. La question reste entière : tout ce pouvoir, pour quoi faire ? pour emmener la Chine et les Chinois vers quel objectif ? Devenir la première puissance économique du monde ? Faire émerger une véritable classe moyenne ? Remplacer les États-Unis comme premier gendarme du monde ?…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 février 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Avis de Présidence à vie ?
Double mandat successif dans le monde.
Poutine, maître de la Russie jusqu’en 2024 ?
Révision constitutionnelle russe de 2008.
Révision constitutionnelle française de 2008.
La maoïsation de Xi Jinping.
Zhou Enlai.
La diplomatie du panda.
Xi Jinping et la mondialisation.
La Chine à Davos.
Deng Xiaoping.
Wang Guangmei.
Mao Tsé-Toung.
Tiananmen.
Hu Yaobang.
Le 14e dalaï-lama.
Chine, de l'émergence à l'émargement.
Bilan du décennat de Hu Jintao (2002-2012).
Xi Jinping, Président de la République populaire de Chine.
Xi Jinping, chef du parti.
La Chine me fascine.
La Chine et le Tibet.
Les J.O. de Pékin.
Qui dirige la Chine populaire ?
La justice chinoise.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180225-xi-jinping.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-maoisation-rampante-de-xi-dada-201881

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/02/27/36177855.html




 

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