« Quant à celui qui n’a pas faim de la Voie, pour qui elle n’est rien, ou toute méprisable, celui-là est prêt pour la cruauté majeure. Il ne le sait pas encore, peut-être, il est encore dans l’illusion de ses bons sentiments, de sa culture, de sa moralité. Il suffira d’un choc, peut-être léger, d’un glissement, d’un écart imprévu. Car il est prêt : fruit bon à cueillir par le premier démon qui imposera, à cet homme vide, sa loi de fer. » (Maurice Bellet, "La Voie", 1982). Première partie.
C’est un petit peu étrange de citer le titre du (célèbre) pamphlet antisémite de Céline à côté de ce petit texte du prêtre Maurice Bellet qui a évoqué "La Voie" sans la définir vraiment, Dieu, mais peut-être autre chose, un besoin de transcendance, une conscience morale... Mettre côte à côte ces deux auteurs très différents est encore plus étrange pour aborder le terrifiant génocide au Rwanda qui a commencé il y a vingt-cinq ans, à la suite d’un attentat le 6 avril 1994. Un génocide, c’est une tragédie qui concerne toute l’humanité. Nul n’est extérieur à ce qu’il s’est passé au Rwanda.
Les comparaisons morbides n’ont pas lieu d’être, évidemment, mais il faut imaginer l’ampleur de l’horreur : un million de Rwandais (selon les autorités rwandaises ; 800 000 selon l’ONU) ont été massacrés en trois mois, du 7 avril 1994 au 17 juillet 1994. Environ 14% de la population rwandaise furent décimés. Les nazis ont exterminé environ six millions de personnes en deux à trois ans.
Il ne s’agit évidemment pas de minimiser la Shoah, l’une des pires horreurs parce que froidement industrialisée, mais le massacre a été encore plus "rapide" au Rwanda, alors qu’il n’était commis que de manière "artisanale" (le mot que j’apprécie peu dans ce contexte et qui ne sert qu’à l’opposer à l’aspect industriel de l’extermination nazie). La raison ? C’est que c’était tout un peuple qui a "génocidé", pas seulement les kapos du pouvoir, tout un peuple, par un fort conditionnement qui a été rendu efficace par un contexte historique, par la préparation réfléchie de responsables politiques et par la diffusion d’émissions haineuses d’une station de radio hutue (la Radio Mille Collines, très populaire, qui incitait à tuer en lançant "Tuez tous les cafards !" ou encore "Finissez le travail !"). Ce conditionnement arrivait à convaincre les Hutus que s’ils ne tuaient pas les Tutsis, les Tutsis les tueraient, de façon cruelle. Ou alors, qu’il y avait une surpopulation par rapport aux ressources agricoles du pays et qu’il fallait faire baisser la population (comme sous l’Occupation et à la Libération, certains ont profité aussi du contexte génocidaire pour commettre des assassinats qui n’avaient rien à voir dans la supposée impunité). Il faut imaginer l’horreur : les "massacreurs" allaient massacrer de 8 heures à 17 heures, prenaient des pauses (des boissons les attendaient), et rentraient le soir chez eux fatigués du "travail" accompli, puis revenaient le lendemain, etc.
L’événement déclencheur fut un attentat. Deux Présidents périrent dans l’avion qui les ramenait à Kigali, juste au moment de l’atterrissage. L’hypothèse de l’attentat ne fait aucun doute : un missile a fait exploser l’avion, piloté par un équipage français. Les deux chefs d’État revenaient d’un sommet à Dar es-Salam, capitale de la Tanzanie, sur la côte est de l’Afrique, auquel participait aussi le Président ougandais Yoweri Museveni et pour lequel avait été invité le Président zaïrois Mobutu (qui refusa de venir alors qu’il devait se voaygeait dans l’avion qui a été détruit).
Parmi les dix victimes, Cyprien Ntaryamira (39 ans), Hutu modéré, Président du Burundi depuis le 5 février 1994, qui participait au sommet et avait un problème technique avec son avion présidentiel. Son homologue rwandais lui a proposé de le conduire jusqu’à Kigali puis de lui prêter l’avion présidentiel jusqu’à Bujumbura. Sa présence dans l’avion ayant été imprévisible, il est peu vraisemblable qu’il fût la cible de l’attentat. Deux ministres burundais et le chef d’état-major des FAR (armée rwandaise) furent également tués.
Mais la principale cible, ce fut certainement le Président du Rwanda, le général Juvénal Habyarimana (57 ans), Hutu, au pouvoir depuis le 5 juillet 1973, par un coup d’État, maintenant un régime très autocratique de parti unique (jusqu’au début des années 1990) et "soutenu" par la France, considérant que son maintien au pouvoir concourrait à la stabilité de la région. Le mot "soutenu" est peut-être trop fort (voir plus loin), mais la France était présente et avait un contrat de coopération avec le Rwanda depuis 1975, notamment pour préserver sa sécurité, mise à mal par des offensives extérieures.
On ne sait toujours pas qui a été l’auteur de cet attentat qui fut le début d’un coup d’État et le démarrage du génocide. Cela aurait pu être des Tutsis mais la trajectoire du missile tendrait à prouver qu’il serait venu plutôt d’un camp hutu. Le plus probable est en effet que les commanditaires fussent des Hutus extrémistes, ceux qui se sont emparés du pouvoir quelques heures après la mort de Juvénal Habyarimana. Certains ont émis l’hypothèse d’une provenance française, pas de l’armée française (il y avait à bord un équipage français, on imagine mal un pouvoir politique à Paris demander de tuer sciemment ses propres ressortissants), mais peut-être des mercenaires français, extrémistes. J’évoque cette hypothèse pour faire le tour des interrogations et suppositions, elle paraît peu plausible.
La région était très instable, en raison des guerres civiles. Au Burundi, le pays voisin, il y a eu un coup d’État peu auparavant, le 21 octobre 1993, où le Président burundais Melchior Ndadaye fut assassiné (attentat attribué à l’armée burundaise dirigée par l’élite tutsie) ; Hutu, ce dernier avait été démocratiquement élu le 1er juin 1993 et était du même parti (victorieux) que Cyprien Ntaryamira. Que ce fût au Burundi ou au Rwanda, la guerre civile était nourrie par l’opposition ethnique entre Hutus et Tutsis.
Mais revenons surtout au Rwanda et restons-y. La guerre civile y faisait rage également, entre Hutus et Tutsis, depuis le 1er octobre 1990. Pour se donner une idée, les Hutus sont largement majoritaires dans la population rwandaise, représentant 84%, et les Tutsis seulement 15% (1% de Twas pour compléter). Les Tutsis font plutôt partie de l’élite tandis que les Hutus sont souvent pauvres (c’est pour grossir le trait, juste pour dire que les Tutsis pourraient être considérés comme les "Juifs" des Hutus). Mais ces considérations socio-ethniques ne sont pas forcément très justes car elles ont aussi servi de prétextes à des guerres entre clans pour s’emparer du pouvoir politique (et économique).
Toujours pour essayer de faire simple, les rebelles qui contestaient le pouvoir à Kigali étaient rassemblés dans le FPR (Front patriotique rwandais), une armée dirigée par Paul Kagamé et repliée en Ouganda dont le pouvoir la soutenait. Principalement composé de Tutsis, le FPR était presque une partie de l’armée ougandaise. 200 000 Tutsis avaient dû quitter le Rwanda et se réfugier en Ouganda lors de la révolution de 1959 qui a permis la conquête des administrations par les Hutus et ces exilés voulaient revenir dans leur pays (auparavant, les Tutsis avaient le pouvoir, bien que minoritaires). En face, le pouvoir légal au Rwanda était protégé par les FAR (Forces armées rwandaises), principalement composées de Hutus, complétées par des milices hutues ultra-extrémistes.
La France était présente dans cette ancienne colonie belge seulement depuis 1975. Elle avait quelques troupes stationnées et surtout, conseillait et soutenait financièrement les autorités rwandaises. L’objectif de la France était de maintenir l’autocratie actuelle pour éviter qu’éclatassent des débordements qui auraient conduit à un massacre. L’intérêt de la France pour le Rwanda était autant culturel (francophone face à des pays anglophones comme l’Ouganda) que géopolitique (partie de l’Afrique où la France était peu présente). Ce fut sous François Mitterrand que les coopérants militaires français n’avaient plus interdiction de participer eux-mêmes à des conflits armés pour soutenir le pouvoir en place.
Dès le début de la guerre civile avec l’offensive du FPR le 1er octobre 1990 (visant à protéger les Tutsis, minoritaires, au Rwanda), la France est intervenue aux côtés des FAR pour protéger plus massivement Juvénal Habyarimana. L’Opération Noroît a débuté le 4 octobre 1990 et visait officiellement à évacuer dans la sécurité tous les ressortissants occidentaux du Rwanda. Après l’arrestation et le massacre de plusieurs milliers (peut-être une dizaine de milliers) de Tutsis, l’armée belge présente également s’est désengagée et a quitté le pays au milieu d’octobre 1990 en raison d’un forte émotion de "l’opinion publique" belge. Le FRP serait, lui aussi, l’auteur de plusieurs massacres contre des Hutus lors de ses offensives (certains ont évoqué la mort de 250 000 à 400 000 personnes entre 1990 et 1994, chiffres invérifiables), ce qui a pu justifier la position française (de soutien aux FAR).
Les Accords d’Arusha (en Tanzanie), dont le dernier volet fut signé le 4 août 1993, ont permis l’arrivée d’une force de l’ONU (la MINUAR) dès le 5 octobre 1993 (sans aucun contingent français) et le retrait de l’armée française le 15 décembre 1993 (seuls, 24 assistants militaires techniques sont restés auprès du gouvernement rwadais). Faustin Twagiramungu, Hutu modéré, devait former un gouvernement dès le 15 décembre 1993 avec l’objectif de donner les mêmes droits aux Tutsis qu’aux Hutus et de réintégrer dans la communauté nationale les Tutsis partis s’exiler pour se protéger (notamment en Ouganda et en Tanzanie). Mais Juvénal Habyarimana a tout fait pour retarder l’application de ces accords. La France, depuis l’arrivée d’une nouvelle majorité dirigée par Édouard Balladur, avait fait pression sur le Président rwandais pour qu’il acceptât ces accords (signé quelques mois après l’arrivée au pouvoir de ce nouveau gouvernement français).
Je m’arrête ici un instant sur la politique française. Les institutions sont telles qu’il a paru normale que toute la politique de la France au Rwanda était décidée principalement à l’Élysée et peu par le gouvernement, encore moins par le parlement. Je reviendrai plus tard sur l’organisation décisionnelle de la France sur les interventions militaires au Rwanda.
Juvénal Habyarimana était également sous la pression d’un parti hutu extrémiste qui refusait l’application des Accords d’Arusha qu’il a donc tenté de retarder au maximum. Ainsi, la Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana (40 ans), Hutue modérée, à la tête du gouvernement rwandais depuis le 18 juillet 1993, n’a pas laissé place à Faustin Twagiramungu, comme prévu dans les Accords d’Arusha. En 1992, elle faisait partie de l’opposition hutue modérée et fut nommée à ce poste pour finaliser la négociation des accords de paix. Celle-ci était politiquement courageuse car auparavant, elle fut Ministre de l’Éducation et arrêta la corruption aux examens scolaires, ce qui a entraîné une nette baisse de la réussite scolaire dans les zones du clan présidentiel.
Agathe Uwilingiyimana était encore Premier Ministre lors de l’attentat du 6 avril 1994. Elle aurait donc dû succéder à Juvénal Habyarimana pour assurer l’intérim et organiser des élections. Mais cela ne s’est pas passé comme cela. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, les chefs des FAR s’opposèrent aux responsables des Nations Unies présents à Kigali qui voulaient la prise du pouvoir par Agathe Uwilingiyimana. Le général canadien Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR, dépêcha quinze Casques bleus pour protéger la Premier Ministre et sa famille.
Le matin du 7 avril 1994, la garde présidentielle occupa la radio, ce qui a empêché Agathe Uwilingiyimana de prononcer un appel au calme, mais la garde présidentielle est allée la chercher, l’a assassinée ainsi que son mari, tous les eux cachés par des voisins (leurs enfants ont pu être sauvés et exfiltrés). Onze Casques bleus belges chargés de la protection de la Premier Ministre furent également assassinés quelques heures plus tard (il semblerait que le but était de faire partir les troupes belges, car les Casques bleus ghanéens ont été rapidement libérés).
Pendant toute la journée, de nombreux Hutus modérés furent assassinés, notamment Joseph Kavaruganda, le Président de la Cour constitutionnelle, et deux candidats hutus modérés, Félicien Ngango et Landoald Ndasingwa (Ministre du Travail). La force des Nations Unies a perdu toute sa crédibilité avec ces assassinats et son incapacité à occuper le lieu de l’attentat à l’aéroport de Kigali pour inspecter l’épave de l’avion et commencer leur enquête sur l’attentat. Dès le 13 avril 1994, les Casques bleus belges ont quitté le Rwanda, diminuant de beaucoup la MINUAR, car le gouvernement belge considérait que ses troupes n’étaient plus en situation de sécurité.
Celui qui a pris réellement le pouvoir fut le colonel Théoneste Bagosora, l’un des dirigeants des FAR, et l’un des principaux acteurs du génocide (arrêté le 9 mars 1996 au Cameroun, il fut condamné en 2011 à 35 ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda). Nommé colonel et mis à la retraite de l’armée le 23 septembre 1993, il était encore le directeur du cabinet du Ministre de la Défense (nommé en juin 1992). Il organisa la mise en place des différentes institutions après l’attentat, notamment la nomination le 9 avril 1994 de Théodore Sindikubwabo comme Président de la République par intérim (après le génocide, il a pu fuir et serait mort en 1998 dans la République démocratique du Congo, ex-Zaïre, dans des conditions obscures sans jamais avoir été inculpé), et aussi de Jean Kambanda comme Premier Ministre, à la tête du gouvernement intérimaire (arrêté le 18 juillet 1997 au Togo, il a plaidé coupable et a été condamné le 4 septembre 1998 à la réclusion à perpétuité pour sa participation au génocide ; il purge actuellement sa peine dans une prison de Bamako, au Mali). Théodore Sindikubwabo a prononcé plusieurs discours de haine, à la radio le 19 avril 1994 pour demander à tous de tuer les Tutsis, et il a fait des déplacements pour remercier du "travail" accompli, le 29 avril 1994 à Butare, le 18 mai 1994 à Kibuye, etc.
Le génocide s’est déroulé ainsi par une prise du pouvoir des Hutus extrémistes, le massacre des Hutus modérés qui voulaient faire des appels au calme et le massacre généralisé dans tout le pays des Tutsis. Le phénomène de tueries et d’appel aux tueries s’est fait de manière quasi-virale par la Radio Mille Collines. Tout le monde était invité à massacrer des Tutsis qui ont dû fuir leur village et leur pays. La plupart ont été assassinés, à la machette (fabriquée en Chine selon Hubert Védrine) ou au fusil, dans des conditions épouvantables, les femmes enceintes éventrés, plus généralement les femmes abusées sexuellement (viols collectifs et publics) avant d’être assassinées. Victimes collatérales, les Twas (paysans les plus pauvres) furent décimés par le génocide qui ne les visait pourtant pas, puisque 10 000 ont péri sur 30 000 (soit un tiers de la population).
Dès le 8 avril 1994 (ou le 10 avril 1994, selon les sources), le FPR, depuis l’Ouganda, profita de la confusion pour lancer une offensive militaire contre le pouvoir rwandais. En cela, il a rompu les Accords d’Arusha qui avaient établi un cessez-le-feu dès juin 1992. Non seulement le FPR est parti d’Ouganda, mais aussi de Kigali, où il avait des milliers d’hommes dont le délploiement avait été autorisé par les Accords d’Arusha. Du 9 au 17 avril 1994, les ressortissants occidentaux et certains Rwandais qui pouvaient craindre pour leur vie furent évacués par l’armée française (Opération Amaryllis). Selon Alain Juppé, aucun "tri ethnique" n’a été fait pour exfiltrer les Rwandais (les archives ont confirmé cette affirmation), mais sur le terrain, des employés rwandais du centre culturel français, par exemple, furent abandonnés par l’armée française alors qu’ils voulaient quitter aussi le Rwanda pour se mettre en sécurité. Sur 72 employés rwandais de l’État français, 19 furent assassinés (l’ambassadeur de France au Rwanda exprima en 2011 ses regrets et excuses « pour cet abandon tragique »). En tout, 456 ressortissants français ont été évacués et 1 277 étrangers, essentiellement des Belges (et environ 400 Rwandais).
Le 21 avril 1994, en raison notamment de l’assassinat de onze Casques bleus le 7 avril 1994, l’ONU a réduit le nombre de Casques bleus au Rwanda de 2 548 à 270 (résolution 912 du Conseil de Sécurité de l’ONU). Cette mesure, assez "lâche", reste encore aujourd’hui incompréhensible alors qu’il aurait fallu renforcer les forces d’interposition. J’évoquerai à nouveau ce sujet plus loin. Le 10 mai 1994 à la télévision, le Président François Mitterrand a déclaré : « Nos soldats ne sont pas destinés à faire la guerre partout. Nous n’avons pas les moyens de la faire et nos soldats ne peuvent pas être les arbitres internationaux des passions qui aujourd’hui bouleversent et déchirent tant et tant de pays. ».
Il a fallu attendre le 12 mai 1994, soit 35 jours après le début du massacre pour que le mot de "génocide" fût lâché (par un responsable de l’ONU). Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères, a utilisé le mot "génocide" le 15 mai 1994 dans la déclaration qu’il a communiquée à la presse à l’issue de la réunion à Bruxelles du conseil des ministres de l’Union Européenne, et à la réponse faite à une question d’un député dans l’hémicycle le 18 mai 1994. Mais à cette période, déjà 80% du génocide avait été commis. Et officiellement, le Conseil de Sécurité a dénoncé des "actes génocidaires" (selon la formulation voulue par la Chine) le 8 juin 1994.
Le 31 mai 1994, le rapport du Secrétaire Général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, au Conseil de Sécurité, fut très clair dans l’impuissance et la passivité de l’ONU : « Nous devons tous reconnaître, à cet égard, que nous n’avons pas su agir pour que cesse l’agonie du Rwanda et que, sans mot dire, nous avons ainsi accepté que des êtres humains continuent de mourir. ».
Il a fallu encore près d’un mois, le 23 juin 1994, pour que la France lançât l’Opération Turquoise, chargée officiellement de créer des zones humanitaires sûres mais qui aurait surtout servi à protéger les assassins hutus de ripostes tutsies. Car au fur et à mesure que le génocide se commettait, les troupes du FPR gagnaient du terrain : le 4 juillet 1994, la capitale Kigali fut prise (ainsi que Butare au sud du pays) et le 17 juillet 1994, la guerre civile fut définitivement gagnée par le FPR qui a conquis les derniers territoires rwandais (Gisenyi et Ruhengeri, au nord-ouest du pays). On a reproché à la France d’être intervenue trop tardivement, à un moment où la victoire militaire du FPR ne faisait plus aucun doute et qu’il fallait protéger plutôt les Hutus (génocidaires). Toutefois, la France ne voulait pas intervenir sans mandat de l’ONU, et il a fallu six semaines pour convaincre le Conseil de Sécurité de voter cette résolution.
Dès le 13 juillet 1994, les Hutus ont fui massivement le Rwanda (2 millions de personnes), craignant pour leur sécurité après la victoire du FPR. Ce fut la déroute des FAR et du gouvernement intérimaire, ce qui mit fin au génocide des Tutsis. 17 des 21 membres du gouvernement intérimaire furent traduits devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, créé par la résolution 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité de l’ONU et siégeant à Arusha. Les forces françaises ont quitté le Rwanda le 22 août 1994 (fin de l’Opération Turquoise) avec l’arrivée d’un nouveau contingent de l’ONU (la MINUAR II) qui resta jusqu’en mars 1996.
Le 19 juillet 1994, une nouvelle administration fut mise en place tandis que les dirigeants du génocide ont réussi à fuir, parfois exfiltrés par l’armée française. Ainsi, le Hutu modéré Faustin Twagiramungu a été nommé Premier Ministre à la tête d’un gouvernement d’union nationale, comme le prévoyaient les Accords d’Arusha, qui ont continué à être applicables sauf pour les partis qui ont soutenu voire encouragé le génocide (CDR et MRND). Pasteur Bizimungu, Hutu modéré, fut désigné comme Président de la République le même jour.
Mais l’homme fort était le Tutsi Paul Kagamé. De retour du Kansas, aux États-Unis, où il se formait au commandement militaire depuis juin 1990, Paul Kagamé fut nommé le 14 octobre 1990 à la tête du FPR, après la mort, le 2 octobre 1990, de son leader historique tutsi Fred Rwingema (qui fut Ministre des Armées dans le gouvernement ougandais), tué le lendemain de la première offensive du FPR (dans des circonstances encore obscures), Paul Kagamé (chef des services secrets ougandais) fut imposé par Yoweri Museveni, l’inamovible Président ougandais (depuis le 26 janvier 1986), parce qu’il était un proche de Fred Rwigema.
Nommé Vice-Président de la République et Ministre et la Défense du 19 juillet 1994 au 24 mars 2000, il fut hissé, à partir du 24 mars 2000, à la Présidence de la République, élu et réélu le 17 avril 2000, le 25 août 2003, le 9 août 2010 et le 4 août 2017. Paul Kagamé est toujours l’homme fort du Rwanda et les relations diplomatiques avec la France restent toujours très sensibles à cause du rôle de la France pendant le printemps 1994.
Ainsi, le rapport d’une "Commission nationale indépendante chargée par la République du Rwanda de rassembler les preuves de l’implication de l’État français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994", uniquement à charge contre la France, présenté à Kigali le 5 août 2008, a mis en cause les plus hauts responsables de l’État de l’époque, sans aucune preuve. Cela paraissait être une manière de s’opposer à la volonté d’un juge français d’enquêter sur les possibles implications de Paul Kagamé dans l’attentat du 6 avril 1994. Le Président Nicolas Sarkozy avait cependant pacifié les relations diplomatiques en rencontrant Paul Kagamé le 8 décembre 2007 à Lisbonne et en prônant la réconciliation entre les deux pays (le rapport en question a été achevé le 16 novembre 2007).
Après la première condamnation de Pascal Simbikangwa le 14 mars 2014 par la cour d’assises de Paris à 25 ans de prison pour génocide et complicité de crimes contre l’humanité (condamnation confirmée en appel le 3 décembre 2016 à Bobigny), Paul Kagamé a déclaré le 7 avril 2014 : « La France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l’histoire de mon pays, ont contribué à l’émergence d’une idéologie génocidaire. (…) Dans nos relations avec ces deux pays, notre grille de lecture est forcément liée aux compromissions du passé. » ("Libération", propos recueillis par Maria Malagardis).
Certains pays furent plus responsables que d’autres dans l’impuissance de l’ONU pendant deux mois à réagir face au génocide. Les États-Unis ont tout fait pour éviter l’emploi du mot "génocide" qui aurait donné une obligation d’intervention militaire (les États-Unis ne voulaient pas investir hommes et argent pour le Rwanda).
L’ONU elle-même, trop impliquée dans le monde dans des opérations de maintien de la paix (Somalie, ex-Yougoslavie, etc.) et en pleines difficultés financières, voulait limiter ses interventions. Secrétaire Général adjoint de l’ONU et chef du département du maintien de la paix, Kofi Annan a profondément regretté la passivité de l’ONU : « La communauté internationale n’a pas été à la hauteur au Rwanda et cela devra toujours être pour nous une source de regrets amers et de chagrin. » (Avril 2004).
Dans le rapport de la CEC ("commission d’enquête citoyenne") du 24 mars 2004, le controversé François-Xavier Verschave, président de l’association Survie, a écrit à partir du témoignage de l’historienne américaine Alison Des Forges, auteure d’un rapport référence sur le génocide rwandais sous l’égide de Human Rights Watch (publié en 1999) : « Si on résume, on a la bande des cyniques, les meilleurs politiciens, c’est-à-dire les membres permanents du Conseil de Sécurité, qui tous n’en ont rien à faire. Ca, c’est clair. Que ce soient les Américains, les Britanniques, les Français… Ils ont tous rivalisé de cynisme et d’indifférence, pour des raisons d’ailleurs différentes. À côté, l’équivalent des citoyens, ce sont les petits pays, les membres non permanents, qui eux pouvaient soutenir ou relayer l’opinion internationale. ».
La France gardait des relations diplomatiques avec le gouvernement intérimaire rwandais qui incitait au génocide (et qui était même représenté au Conseil de Sécurité de l’ONU). La Belgique, le Burundi, l’Ouganda étaient également directement concernés par le Rwanda. Je n’évoquerai pas (mais le signale) l’implication d’une partie du clergé rwandais (l’Église catholique était très implantée au Rwanda et son pouvoir d’influence important).
On pourrait analyser que dans cette terrible catastrophe humaine, il y a eu des enjeux qui dépassaient largement le seul peuple rwandais. Ainsi, on aurait pu comprendre qu’il y avait un clivage entre le FPR, dominé par les Tutsis et vaguement soutenu par les États-Unis, et les FAR, dominées par les Hutus (extrémistes), qui avaient bénéficié du soutien français. En clair, il pourrait s’agir de maintien ou de perte d’une zone d’influence en Afrique. L’obscur conseiller présidentiel François de Grossouvre, à l’Élysée, aurait même été traité d’Américain parce qu’il ne comprenait pas pourquoi la France continuait à soutenir les FAR (avant le génocide, il est mort le 7 avril 1994 et ne pouvait avoir conscience de la tragédie qui allait venir), alors que la cause du FPR (redonner aux Tutsis leurs droits après avoir été chassés ou opprimés pendant une trentaine d’années) lui paraissait juste (surtout face à une dictature représentée par Juvénal Habyarimana).
Cependant, le rapport Quilès (j’y reviendrai) dénonce l’idée d’un intérêt américain dans ce conflit. Aucune entreprise américaine n’était implantée en 1994 au Rwanda, pays dépourvu de ressources naturelles rares, et les Américains craignaient une répétition du fiasco somalien : « Il n’a donc pas existé de "complot" américain qui aurait eu pour objet de supplanter l’influence française au Rwanda. ». Bill Clinton a d’ailleurs fait connaître la doctrine des États-Unis le 5 mai 1994 en expliquant que les Américains ne soutiendraient militairement et financièrement une opération que si elle faisait « progresser les intérêts nationaux américains », ce qui n’était pas le cas du Rwanda.
À la Mission Quilès, ancien Secrétaire Général de l’Élysée, Hubert Védrine a déclaré le 5 mai 1998 : « Les États-Unis portaient leur attention sur le Soudan qu’ils considéraient comme un foyer de terrorisme important, et aidaient en conséquence les pays riverains, ce qui explique leur soutien au Président Yoweri Museveni et le développement de leurs relations de coopération avec l’Ouganda. (…) Les États-Unis ont sans doute éprouvé une sympathie à l’égard du FPR en raison du soutien que lui accordait l’Ouganda. Aucune animosité ou critique du Département d’État à l’égard de la France n’a toutefois été notée, ce qui supposait une concertation minimale entre la France et les États-Unis. ».
Point de vue que n’a pas partagé Bernard Debré, ancien Ministre de la Coopération, le 6 juin 1998 devant la même Mission, qui « a fait valoir que M. François Mitterrand considérait que les Américains , qui aidaient de façon évidente aussi bien les Ougandais que le FPR, avaient une volonté hégémonique sur la région et peut-être sur l’Afrique. M. Debré a jugé que le Président n’avait pas tort une fois de plus car le rôle des Américains est devenu de plus en plus évident par la suite. Ce sont eux qui ont formé les cadres de l’armée ougandaise et de l’armée FPR. M. Debré a estimé également vraisemblable qu’ils leur ont fourni des armes. C’est sur la base de ces arguments (…) que le Président de la République a décidé d’aider le Président Habyarimana et les Hutus. ».
J’en viens ainsi au rôle de la France. La France n’a évidemment pas la responsabilité directe du génocide des Tutsis, mais elle aurait commis, au mieux, une faute, qui serait celle de l’indifférence, et au pire, celle de protéger les génocidaires au moment de la débandade. Cependant, cette réflexion doit être pondérée : tous les autres pays du monde ont été encore plus indifférents et ont préféré laisser faire.
L’Opération Turquoise, à cet égard, a pu être fortement controversée. Sa mission, définie par la résolution 929 adopté le 22 juin 1994 par le Conseil de Sécurité de l’ONU, fut la suivante : « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force ». Elle a fait déployer rapidement 2 500 hommes de l’armée française sur le terrain. Elle a été décidée quelques jours auparavant. Au cours d’un conseil restreint le 15 juin 1994, Alain Juppé, Ministre des Affaires étrangères, a exprimé son souhait que la France intervînt. Au contraire, François Léotard, Ministre de la Défense, y a exprimé ses réticences. François Mitterrand a finalement donné son accord pour une intervention le 16 juin 1994.
Hubert Védrine, dans un entretien au journal "Le Figaro" du 31 mars 2019, a confirmé ce qui a été entendu à la Mission Quilès : « Il y a eu une interrogation : revenir ou pas ? Juppé voulait revenir. Balladur, l’armée (donc Léotard) étaient contre. Mitterrand voulait, mais avec un mandat de l’ONU. Ce qui a pris six semaines à New York ! Si la France avait voulu sauver ce régime, en fait elle lui tordait le bras, elle n’aurait pas sollicité le Conseil de Sécurité de l’ONU et aurait envoyé des parachutistes tout de suite ! La genèse de "Turquoise" démontre l’absurdité des accusations [de complicité de la France]. » (Propos recueillis par Isabelle Lasserre).
Devant les députés français, le Premier Ministre Édouard Balladur a expliqué le 22 juin 1994 la politique de la France au Rwanda : « Le Conseil de Sécurité des Nations Unies va examiner, dans quelques heures, le projet de résolution autorisant la France à intervenir au Rwanda dans le cadre d’une opération humanitaire pour sauver les populations menacées. Pourquoi cette intervention ? Depuis deux mois, le drame qui se déroule dans le pays a atteint un degré d’horreur qu’il était difficile d’imaginer. Des centaines de milliers de morts, plus de deux millions de personnes déplacées. Les efforts diplomatiques ont échoué. La force des Nations Unies qui doit se déployer au Rwanda ne pourra le faire que d’ici plusieurs semaines. Fallait-il laisser les massacres se poursuivre d’ici là ? Nous avons pensé que cela n’était pas possible et qu’il était de notre devoir de réagir (…). La France n’agira qu’avec un mandat du Conseil de Sécurité. ».
Il faut bien noter que pendant ce sinistre printemps 1994, il n’y avait pas un seul événement (la guerre civile qui a entraîné des massacres) mais bien deux événements parallèles : le génocide (réalisé par la population civile parfois) parallèlement à la guerre civile. En ne considérant que l’aspect de la guerre civile et en considérant que les massacres en étaient une conséquence, la France, comme beaucoup d’États, n’aurait pas pris la mesure de l’horreur (comme disait Édouard Balladur : « qu’il était difficile d’imaginer »).
C’est sûr que le sujet du rôle de la France et des autres pays reste encore très polémique. Il est incompréhensible que la "communauté internationale" se soit désengagée au moment où il fallait au contraire qu’elle s’engageât, c’est-à-dire dès la mi-avril 1994, pour interrompre le plus rapidement possible le génocide (face à des machettes, les génocidaires auraient été vite rendus à la "raison"). Il faut citer le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU au Burundi, Ahmed Ould-Abdallah, qui, dans un livre d’entretiens avec Stephen Smith, a déclaré : « Même les fous ont peur s’ils rencontrent une détermination très claire en face d’eux. ». Et la Mission Quilès d’en déduire : « Cette détermination a manqué à la communauté internationale. Elle a donc laissé des fous, mais des fous organisés et résolus, écrire l’histoire. ».
Il faut aussi comprendre le rôle diplomatique très actif des membres du gouvernement intérimaire rwandais : pendant toute la durée du génocide, la France l’a toujours considéré comme le gouvernement légal, et d’ailleurs, le 9 avril 1994, il a été constitué au sein même de l’ambassade de France à Kigali, l’un des endroits probablement les plus sûrs à l’époque. Ainsi, le Ministre des Affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka et l’un des fondateurs extrémistes de la Radio Mille Collines Jean-Bosco Barayagwiza furent reçus à Paris le 27 avril 1994 à l’Élysée et à Matignon, selon certaines sources, par François Mitterrand, Édouard Balladur et Alain Juppé, d’autres par des membres de leur cabinet. Et la coïncidence terrible a voulu que le Rwanda fût membre du Conseil de Sécurité de l’ONU où il siégeait depuis le 1er janvier 1994 pour deux ans. Jérôme Bicamumpaka est venu pour la dernière fois au Conseil de Sécurité lors d’une séance de fin juin 1994, ce qui a engendré de très vives protestations à l’intérieur même de l’instance.
Dans le rapport d’Alison Des Forges (déjà cité), on peut lire : « Quatorze membres du Conseil de Sécurité tolèrent la présence d’un représentant du Rwanda pendant leurs réunions quotidiennes, faisant ainsi passer le respect des règles de procédure avant la nécessité de dénoncer un gouvernement génocidaire et les crimes qui lui étaient imputables. » (1999). Dans le même rapport, est décrite une intervention de Jérôme Bicamumpaka le 16 mai 1994 au Conseil de Sécurité : « Bicamumpaka tenta de justifier le génocide (…). Il ajouta que les soldats du FPR dévoraient le cœur de leurs victimes. Il déclara que la radio rwandaise diffusait des messages de paix (…). Enfin, il prétendit que les massacres avaient pris fin, hormis dans les régions où les affrontements avec le FPR se poursuivaient. ».
Par ailleurs, l’embargo d’armes n’aurait pas non plus été respecté par la France. Des armes auraient été livrées à Goma, dans l’ex-Zaïre, pas loin de la frontière rwandaise, et auraient "disparu" dans la nature, probablement récupérées par des membres des FAR. Dans tous les cas, la France n’était pas seule dans l’aide apportée aux FAR au début des années 1990 : la Russie, l’Égypte, Israël et l’Afrique du Sud ont aussi contribué au soutien du régime rwandais de l’époque (la déclassification des archives israéliennes a été refusée en Israël, Hubert Védrine était favorable à la déclassification des archives françaises pour en finir avec les rumeurs et la désinformation).
La Mission Quilès a expliqué : « La presse a (…) fait état d’une violation par la France de l’embargo posé par elle le 8 avril [1994] et par l’ONU le 17 mai [1994]. Il est ainsi reproché à la Sofremas, société française d’exploitation de matériels et systèmes d’armement contrôlé par l’État d’avoir rompu l’embargo en procédant à des livraisons via Goma au Zaïre. De même, la société Luchaire, dépendant à 100% de Giat Industries, aurait également procédé par ce biais à des livraisons. Dans son rapport de mai 1995, Human Rights Watch indique avoir appris du personnel de l’aéroport et d’un homme d’affaires local que cinq convois étaient arrivés à Goma en mai et juin 1994 contenant de l’armement et des munitions venant de France et destinés aux FAR. ». Cependant, la Mission n’a vu aucune preuve (bordereau de livraison, relevé bancaire, etc.) confirmant ces témoignages. Bien plus tard, Hubert Védrine a confirmé devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale le 16 avril 2014 que des armes auraient été livrées aux FAR après le 8 avril 1994 pour faire face aux avancées du FPR (contredisant le témoignage d’Édouard Balladur du 21 avril 1998).
J’ai évoqué la Mission Quilès et son rapport qui a été publié le 15 décembre 1998. Je reviendrai dans le second article sur les déclarations des acteurs français de cette politique rwandaise de la France pendant le génocide.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 avril 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Rapport Quilès sur le rôle de la France dans le génocide rwandais déposé le 15 décembre 1998 (à télécharger).
Rwanda 1994 : Bagatelles pour un massacre (1).
Rwanda 1994 : Bagatelles pour un massacre (2).
Génocide rwandais : la France est-elle toute blanche ?
Idi Amin Dada.
Jean-Bedel Bokassa.
Robert Mugabe.
Laurent Gbagbo.
La Shoah.
Industrialisation de la mort.
Le génocide arménien.
Le génocide cambodgien.
Le communisme.
Pamphlébite.
La cruauté selon Maurice Bellet.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190406-genocide-rwanda.html
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/rwanda-1994-bagatelles-pour-un-214053
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/03/31/37221637.html