« Nous étions des braises, la flamme était en nous, elle a jailli. » (Hubert Germain).
Ceux qui, en France, ont eu 20 ans en 1940, la génération terrible qui, sans charge de famille, allait s’engager, ou pas, dans la Résistance contre l’occupant nazi, vont avoir, s’ils ont réussi à traverser le siècle, justement, cent ans dans très peu de temps. C’est le cas du résistant Hubert Germain qui fête son 99e anniversaire ce mardi 6 août 2019 (né à Paris, dans le seizième arrondissement, dans les "beaux quartiers"). Un tel âge donne le vertige, et pourtant, il n’est plus si exceptionnel que cela puisque plus on avance dans le temps, plus les sociétés postmodernes ont des centenaires, plusieurs centaines de milliers nous promet-on dans quelques décennies.
Le mérite d’Hubert Germain n’est évidemment pas d’être vieux. Au contraire, son mérite est d’avoir été vraiment jeune, c’est-à-dire, d’avoir su utiliser sa jeunesse, sa force de l’âge, au sommet de sa puissance physique et intellectuelle (hélas, après, cela commence à se dégrader !!), pour la lutte pour les libertés, et j’ose le dire, puisque j’en suis un bénéficiaire, pour ma liberté. Comme citoyen, je lui dois une reconnaissance infinie, comme à tous ceux qui, sous les deux guerres mondiales, et ils furent des dizaines de millions, ont lutté pour que je puisse vivre aujourd’hui dans un pays libre et en paix (et j’ajoute même, pour que je pusse naître hier dans un pays libre et en paix).
Hubert Germain, en effet, fait partie d’une confrérie spéciale, exceptionnelle, ou plutôt, d’un groupe de personnalités récompensées en très petit nombre, pour leur courage et leurs actes héroïques, les Compagnons de la Libération. Quatre cinquièmes de siècle après les faits, il fait partie (par le décret du 20 novembre 1944) d’une ère de dinosaures de la vertu, hélas en voie de disparition, puisque, depuis le 7 janvier 2019, ils ne sont plus que quatre à vivre encore. Les trois autres compagnons d’Hubert Germain sont en effet Edgard Tupët-Thomé (né le 19 avril 1920), Daniel Cordier (né le 10 août 1920), connu pour avoir été le secrétaire de Jean Moulin (j’y reviendrai très prochainement), et Pierre Simonet (né le 27 octobre 1921). Ils sont les chevaliers de la France moderne, ceux grâce à qui l’honneur du pays est sauf au regard émouvant de l’histoire mouvementée du monde.
Fils d’un officier (son père Maxime était polytechnicien et général d’armée), Hubert Germain a fait partie des premiers engagés dans les Forces françaises libres (FFL). Il a participé à la cruciale Bataille de Bir Hakeim (11 juin 1942) dans la 13e demi-brigade de Légion étrangère, fut décoré de la Croix de la Libération par De Gaulle à Naples à la fin juin 1944 et a participé au débarquement de Provence en août 1944.
Grâce à des missions de son père (affecté aux colonies), il avait visité pendant son enfance de nombreux pays, le bassin méditerranéen, dont la Syrie, mais aussi l’Indochine. Révolté, Hubert Germain fut exclu des meilleurs lycées parisiens (Janson de Sailly, Louis-le-Grand).
En 1934, Maxime Germain était affecté au cabinet de Pétain, alors Ministre de la Guerre. Le fiston a compris que Pétain n’était pas le héros de Verdun si vertueux. Puis, la famille s’est installée à Bordeaux en 1937. L’adolescent qu’était Hubert Germain a pu suivre les conversations de son père avec d’autres officiers supérieurs, notamment sur l’annexion de l’Autriche, de la Tchécoslovaquie, les Accords de Munich, etc., des officiers qui visiblement ne voulaient pas refaire une guerre.
À son examen d’entrée à l’École navale de Bordeaux, Paris venait de tomber. Ne se voyant pas faire une carrière militaire sous commandement allemand, il a rendu copie blanche et fut dégoûté par Pétain qui appela à cesser les combats le 17 juin 1940. Il quitta sa famille le 21 juin 1940, et est parvenu, avec quelques amis, à embarquer le 24 juin 1940 dans un bateau pour l’Angleterre et s’est retrouvé à l’Olympia Hall à Londres devant De Gaulle pour s’engager volontaire comme des milliers d’autres : « Ce n’était pas l’amour de la patrie, mot bien trop abstrait. Non, c’était vraiment l’amour de la France… ». Pour plus de détails sur son action pendant la guerre, je propose la lecture de cette excellente biographie sur le Web.
Hubert Germain a fini la guerre avec le grade de lieutenant : bien plus tard, le matin du 13 juillet 2016, veille de la fête nationale, il fut honoré au Sénat et a demandé de se faire appeler "mon lieutenant" en souvenir de cette période.
En 1945, Hubert Germain fut affecté comme aide de camp du général Koenig (futur maréchal à titre posthume), commandant des forces françaises d’occupation en Allemagne, et fut démobilisé en 1946. Il fut cadre dans le privé après la guerre.
Lors de la prise d’armes aux Invalides, le lundi 11 juin 2018, Hubert Germain fut élevé au grade de Grand-Croix de la Légion d‘Honneur par le Président de la République Emmanuel Macron (décret du 31 décembre 2017 qui a récompensé aussi Daniel Cordier).
J’ai appris son existence pas du tout par ses actes héroïques (car à l’époque, c’était assez fréquent dans la vie politique, beaucoup de parlementaires étaient d’anciens résistants), mais par les caricatures de Jacques Faizant. En effet, dans les années Pompidou, il fut une personnalité politique assez "ordinaire" qui fut jusqu’à ministre. Il est clair que beaucoup de jeunes résistants furent rapidement au pouvoir sous les Quatrième et Cinquième République. Pourtant, Hubert Germain n’était pas vraiment un homme politique. Ce ne fut, pour lui, qu’une activité temporaire d’une douzaine d’années de sa vie, au contraire de beaucoup d’autres "animaux politiques".
C’était toutefois une carrière politique remarquable. Proche d’un autre résistant, Pierre Messmer, également Compagnon de la Libération, avec qui il a cofondé et dirigé "Présidence et Action du gaullisme", Hubert Germain fut chargé de mission puis conseiller technique dans le cabinet de Pierre Messmer alors Ministre des Armées, de 1960 à 1962 et de 1967 à 1968.
Hubert Germain fut élu maire de Saint-Chéron (dans l’actuelle Essonne) de 1953 à 1965, puis fut élu trois fois député de Paris, en novembre 1962, battu en mars 1967, en juin 1968 et en mars 1973. Il fut membre de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, ainsi que de la commission d’enquête sur le fonctionnement des sociétés civiles de placement immobilier et sur leurs rapports avec le pouvoir politique, créée le 14 décembre 1971, vice-président du groupe UDR à l’Assemblée Nationale de 1971 à 1972, et en 1973, membre de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Sa participation au gouvernement l’a laissé actif à l’Assemblée Nationale huit ans (1962 à 1967, 1968 à 1972 et 1973). Hubert Germain fut effectivement nommé dans les trois gouvernements de Pierre Messmer, d’abord Ministre des Postes et Télécommunications du 6 juillet 1972 au 27 février 1974, puis, brièvement à cause de la mort du Président Georges Pompidou, Ministre des Relations avec le Parlement du 1er mars 1974 au 27 mai 1974, tout en assurant l’intérim de son successeur, Jean Royer, Ministre des Postes et Télécommunications, du 11 avril 1974 au 27 mai 1974, car le fougueux maire de Tours avait démissionné pour se présenter à l’élection présidentielle de 1974.
Comme ministre, Hubert Germain a dû faire face à l’explosion de la demande de lignes téléphoniques, en grand décalage avec l’offre (surtout en milieu rural) et à la multiplication des cabines téléphoniques. Début d’une époque qui demandait au moins trois ou quatre semaines pour installer une ligne téléphonique (et encore, souvent grâce à des "relations") et définitivement révolue avec l’Internet et les réseaux des téléphones mobiles (on démonte maintenant les cabines téléphoniques et Orange, ex-France Télécom, l’un des lointains successeurs des PTT, a décidé de ne plus proposer de nouveaux abonnements pour le téléphone fixe).
Croix de guerre 1939-1945 avec palmes, Médaille de la Résistance avec rosette, décoré de plein d’autres récompenses, Hubert Germain présida, après ses fonctions ministérielles, la Société française de télédistribution de 1975 à 1982 (date de sa retraite). Que sa vie reste un exemple pour les jeunes Français dans cette période nouvelle où la guerre est si éloignée dans les esprits et si proche dans les inquiétantes actualités. Pour cet anniversaire, mes vœux de bonne santé vont à Hubert Germain !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 août 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Biographie militaire d’Hubert Germain.
Hubert Germain.
Daniel Cordier.
Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR).
Stéphane Hessel.
Daniel Mayer.
Roland Leroy.
Antoine de Saint-Exupéry.
Joseph Kessel.
Premier de Cordier.
Daniel Cordier, ni juge ni flic.
La collection Cordier.
Georges Mandel.
Jean Zay.
Simone Veil.
Antisémitisme.
Maurice Druon.
Général De Gaulle.
Joseph Joffo.
Anne Frank.
Robert Merle.
L’amiral François Flohic.
Jean Moulin.
André Malraux.
Edmond Michelet.
Loïc Bouvard.
Germaine Tillion.
Alain Savary.
Être patriote.
Charles Maurras.
Philippe Pétain.
L’appel du 18 juin.
Marie-Jeanne Bleuzet-Julbin.
Raymond Sabot.
François Jacob.
Pierre Messmer.
Maurice Schumann.
Jacques Chaban-Delmas.
Yves Guéna.
Général Leclerc.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190806-hubert-germain.html
https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/hubert-germain-un-des-rares-heros-217058
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/08/01/37535244.html