« J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes. Maintenant, je donne ma sagesse et mon expérience, et le meilleur de moi-même aux animaux. » (Brigitte Bardot, le 17 juin 1987).
La réponse au titre est évidemment oui : les jeunes stars ont le droit de vieillir. La preuve, Brigitte Bardot fête ce samedi 28 septembre 2019 son 85e anniversaire ! C’est déjà beaucoup, c’est toujours impressionnant, surtout lorsqu’on a connu, comme elle, les projecteurs de la célébrité dès les 20 ans ! Déjà à 70 ans, elle se disait : « Si je ne les avais pas, c’est que je serais morte ! Donc, il faut accepter le temps qui passe. Et je me dis que je l’ai bien employé, ce temps, de façon positive, pour un combat qui en vaut la peine. C’est du temps qui a servi à quelque chose. » ("France Dimanche", le 24 septembre 2004).
Jeune actrice, elle fut un véritable phénomène de société, elle marqua son époque aussi profondément que Marylin Monroe. Elle a secoué les cœurs de bien des jeunes hommes d’une même génération. Heureusement, ce n’était pas ma génération ! Elle était jeune et belle, certes, mais pas seulement. J’étais déjà passablement moins jeune quand j’ai découvert les films où elle jouait, au fil des rediffusions. Et ce qui est frappant, ce n’est pas sa beauté, car après tout, les jeunes actrices ont toujours été belles. Sinon, j’imagine mal qu’elles auraient franchi l’étape du casting.
Brigitte Bardot, elle, dégageait un charme fou, inégalable, était une présence, émettait des ondes magnétiques. Tout le monde était électrifié par son regard magnétique (oui, ce sont les courants de Foucault !), par son sourire enjoué, son esprit espiègle, et par son irrésistible ingénuité.
Elle a été plus charmante que belle. Et après, comment pourrait-on lui en vouloir ? Elle a eu la sagesse ou la lassitude d’arrêter assez jeune sa carrière au cinéma, dès juin 1973, c’est-à-dire avant ses 40 ans ! Elle aurait pu s’isoler, s’enfermer dans sa tour d’ivoire, dans une misanthropie et profiter de la vie pendant le temps qu’il lui reste, pour une longue retraite dorée, paisible, loin du brouhaha médiatique.
Bon, c’est vrai, peut-être est-elle un peu misanthrope sur les bords, voire beaucoup. Peut-être au fur et à mesure qu’elle défend les animaux, qu’elle veut les protéger, elle se rend compte que les humains sont décidément incorrigibles, qu’ils se moquent de la souffrance des animaux. Cette passion est tout à son honneur, et probablement qu’avec ses jeunes années, ce sera cela qu’il faudra retenir de sa riche existence.
Ses jeunes années, sulfureuses dit-on injustement. Injustement, car lorsqu’on regarde la nudité qu’elle a dévoilée dans les années 1950, comme elle le dit maintenant, c’était « de la petite bière en comparaison de ce que l’on voit aujourd’hui » (France 5, le 26 octobre 2007) ! C’est sûr qu’elle n’hésitait pas à se dévoiler. Le film qui a fait enflammer sa notoriété fut "Et Dieu …créa la femme" (un titre génial pour le marketing !) réalisé par Roger Vadim et sorti le 7 juillet 1956, aux côtés du superbe Jean-Louis Trintignant (25 ans). Elle avait presque 22 ans. Mais après tout, l’audacieux roman "Bonjour tristesse" de Françoise Sagan était déjà sorti depuis près de trois ans. Brigitte Bardot a eu une très dense carrière cinématographique, de 1952 à 1973. C’est toute une époque qui se voulait sulfureuse, et bien avant mai 68 !
De cette période de jeunesse et de gloire, Brigitte Bardot n’en a tiré aucun souvenir heureux : « Dès que je me penche sur le passé, j’ai le cafard. Parce que les choses ont beaucoup changé… Mes parents sont morts, mes animaux sont morts, la plupart des personnes que j’ai aimées sont mortes. J’évite donc au maximum de me tourner vers le passé qui me fait terriblement mal. Je préfère penser au présent et à l’avenir. » ("France Dimanche", le 24 septembre 2004).
Avec l’âge, Brigitte Bardot est restée libre et sulfureuse, mais pas sur la sexualité ou son corps, plutôt sur les idées qu’elle peut exprimer, mais reconnaissons-lui qu’elle ne s’exprime qu’en son seul nom, comme tout citoyen, qu’elle ne parle pour personne d’autres (d’humains du moins !), et qu’elle n’a aucune responsabilité ni mandat électif qui fait que ses propos n’ont aucune raison d’être plus amplifiés que ceux d’un client de café du commerce.
C’est vrai que la sulfureuse est devenue une conservatrice qui a peur d’être bousculée dans ses certitudes. Elle a exprimé des propos que l’on pourrait interpréter comme de la haine (ce que la justice notamment interprète ainsi parfois) contre l’islam (et plus particulièrement l’abattage rituel des animaux), contre l’immigration… des propos qui, automatiquement, la situent dans une partie de l’échiquier politique bien définie : « Ce que je réprouve profondément, c’est que soi-disant pour une religion, pour un culte, pour un rituel, on en arrive à faire souffrir des animaux dans de telles conditions. C’est ce qui est à la base de tous les procès de racisme que l’on me fait à cause du fait que je m’attaque à une religion. » ("Le Droit de savoir", sur TF1 le 9 mars 2004).
Cela fait une vingtaine d’années qu’elle défraie la chronique, parfois judiciaire donc, mais faut-il s’arrêter à cela dès lors qu’elle ne représente qu’elle-même ? Reproche-t-on à Salvador Dali ses propos politiques provocateurs ? Pour Céline, c’était un petit peu différent, car la question a été de savoir si, par l’expression de son antisémitisme, il a encouragé la collaboration voire la déportation et l’extermination des Juifs. Pour Brigitte Bardot, elle n’a fait que parler, et à ma connaissance, ses paroles, aussi détestables qu’haineuses, n’ont eu, heureusement, aucune conséquence concrète.
Venons-en donc plutôt à sa passion, qui, sincère, est, elle, très constructive et qui se résume à la protection des animaux. Elle a été sensibilisée par… Marguerite Yourcenar qui, de son Canada, a alerté la presse dès 1968 sur le massacre des bébés phoques. Son engagement n’était pas facile : « J’ai dû apprendre ce nouveau sacerdoce pour lequel mon amour et mon cœur ne suffisaient pas. Tous ceux qui s’engagent vraiment dans la protection animale savent à quel point il est difficile d’acquérir l’expérience nécessaire dans ce domaine si vaste dans lequel je me suis retrouvée seule, au début totalement perdue, méprisée, ridiculisée. Brusquement confrontée à un univers infini de douleurs muettes. » (2014).
Brigitte Bardot a participé à une expédition polaire sur la banquise pour s’en rendre compte par elle-même en mars 1977, ce qui l’a beaucoup marqué, à double titre, par la réalité de l’horreur, mais aussi par l’avalanche de critiques qu’elle a reçue dans la figure (sa passion pour les bébé phoques étant considérée comme un moyen marketing pour se faire mousser, la suite a montré que ce n’était pas du tout cela) : « face à un monde hostile et impitoyable, témoin impuissant d’un massacre insoutenable, haïe par les chasseurs canadiens, montrée du doigt par les associations "sérieuses" de l’époque, hormis les militants de Greenpeace » (2014).
Elle a décidé de créer sa Fondation (la Fondation Brigitte-Bardot, FBB) le 30 avril 1986, d’abord sous la forme d’une association, puis sous la forme d’une fondation, reconnue d’utilité publique le 21 février 1992. Elle a vendu aux enchères tous ses objets précieux (bijoux, costumes de scène, meubles, etc.) le 17 juin 1987 à la Maison de la Chimie à Paris pour investir les sommes dans sa fondation, en y léguant aussi, en décembre 1991, sa maison (La Madrague) à Saint-Tropez.
Il y a tout juste quinze ans, le 27 septembre 2004, Brigitte Macron, la veille de ses 70 ans, a même envoyé une lettre au Président Jacques Chirac (qui vient de s’éteindre) pour lui demander de mieux protéger les animaux : « Après tant d’années passées à combattre l’injustice, la cruauté, à œuvrer pour améliorer la condition animale et dénoncer le comportement de l’homme qui se montre, si souvent, barbare envers son frère dit "inférieur", je désespère d’être un jour entendue. ».
Sa fondation (FBB) agit pour protéger tous les animaux partout dans le monde. Elle a pour seul membre d’honneur un parrain de choix, le dalaï-lama, et son conseil d’administration compte trois représentants des ministères de tutelle (Intérieur, Écologie et Agriculture). En 2019, la fondation est présente dans plus de soixante-dix pays, reçoit le soutien financier de 75 000 donateurs qui permet d’employer cent vingt salariés et un grand réseau de bénévoles (avec plus de six cents délégués et inspecteurs). Elle s’était proposée en 2012-2013 pour sauver les éléphantes du Parc de la Tête d’Or menacées d’euthanasie par le préfet de Lyon (finalement, ce fut Stéphanie de Monaco qui fut choisie). Elle fait du lobbying (le mot n’a rien de péjoratif s’il est transparent) auprès des parlementaires pour mieux réglementer l’abattage rituel, la vivisection, la chasse à courre, l’hippophagie, etc.
Parmi les références de Brigitte Bardot dans son engagement en faveur des animaux, au-delà de Marguerite Yourcenar et du dalaï-lama, on peut citer (entre autres) saint François d’Assise, Théodore Monod (l’amoureux des déserts), Dian Fossey (la protectrice des gorilles), Paul MacCartney, Allan Bougrain Dubourg, …et aussi l’association L214 qui diffuse des vidéos volées sur les conditions d’abattage des animaux : « Ce qui a provoqué un scandale, choqué et écœurée une grande partie de la population. Ces vidéos ont fait prendre conscience de l’horreur, l’épouvante, la souffrance qu’endurent les animaux qui se retrouvent dans les assiettes. (…) Merci L214 d’avoir ouvert les yeux des consommateurs et de faire connaître le véganisme qui, grâce à vous, prend de plus en plus d’ampleur dans notre pays et dans le monde. » (2014).
Se confiant à Caroline Berger le 24 septembre 2004 pour "France Dimanche", Brigitte Bardot a évoqué la perspective de sa mort : « Ca me terrifie ! Je me bats contre la mort, vous ne pouvez pas savoir… Elle me tétanise. ». Et s’il n’y avait qu’une chose à retenir d’elle, de son existence, non, ce ne serait pas la pulpeuse et pimpante actrice sex symbol mondialement connue, mais : « mon combat pour les animaux ». Avis aux "mâles" déçus…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2019)
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Pour aller plus loin :
Brigitte Bardot.
Louis Lumière.
Georges Méliès.
Jeanne Moreau.
Louis de Funès.
Le cinéma parlant.
Les Shadoks.
Johnny Hallyday.
Annie Cordy.
Marie Trintignant.
Philippe Magnan.
Micheline Presle.
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Sim.
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