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24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 03:45

« [La voix de Jacques Chirac] honore évidemment ceux qui l’ont aimé, dont je fais partie, je n’apprends rien à personne, ceux qui l’ont soutenu, ceux qui l’ont accompagné. Elle honore tous les républicains qui ont grandi sous son autorité et sous sa direction et elle honore tout simplement la France des villages, la France des terroirs. Nous sommes sensibles à votre présence, vous l’avez manifesté, et nous vous en sommes reconnaissants. » (François Baroin, le 19 novembre 2019 à la Porte de Versailles de Paris).



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Un bébé Chirac qui rappelle son attachement à son mentor et parrain (dans le vrai sens du terme), deux mois après sa disparition. François Baroin est encore pour quelques semaines le président de la très influente Association des maires de France (AMF) et c’était à ce titre qu’il a prononcé le discours d’ouverture du 102e congrès de l’AMF à la Porte de Versailles de Paris le 19 novembre 2019. Il recevait le Président de la République Emmanuel Macron dont les relations avec les maires ont été très contrastées : après un grand désaccord en 2018, la crise des gilets jaunes a fait comprendre à Emmanuel Macron que les maires étaient les relais indispensables pour la proximité et l’écoute des citoyens.

François Baroin a poursuivi son discours toujours dans cette profession de foi inspirée de Jacques Chirac : « Jacques Chirac aimait effectivement la France et les Français de tout son être, il les aimait sans réserve, avec beaucoup d’indulgence mais aussi beaucoup d’intuition. Il aimait une France vivante qui était faite d’humanité et d’une grande tolérance. Au fil des ans et des responsabilités (…), il avait arpenté sans relâche ces routes de France à la rencontre des Français. C’est là qu’il avait appris à connaître les maires, à mesurer l’importance des communes dans la construction de la cohésion de notre pays. ».

En clair, s’il fallait donner un slogan à François Baroin, le voici : France vivante faite d’humanité.

Pas étonnant que ce lien de filiation avec l’ancien Président de la République ait fait préférer à François Baroin sa mairie de Troyes à son mandat de sénateur de l’Aube, et plus généralement, ses responsabilités locales à une position nationale qu’il trouvait impossible et bloquée avec l’éclatement du paysage politique au printemps 2017. Plus que rester maire, il voulait rester le président des maires de France (qu’il est depuis le 27 novembre 2014), l’une des institutions les plus appréciées des Français.

Ce discours du 19 novembre 2019 n’était pas un testament, même si c’était le dernier congrès en tant que président de l’AMF pour François Baroin, en tout cas, pour ce mandat municipal, mais plutôt une introduction. À ce titre, il "se confrontait" au Président de la République, il était d’égal à égal, et il n’a pas hésité, malgré sa courtoisie et, il faut le dire, une certaine proximité politique, à lui asséner quelques vérités désagréables.

Ainsi, l’effort financier imposé aux municipalités a été consumé en quelques minutes par l’allocution présidentielle du 10 décembre 2018 qui a annoncé 17 milliards d’euros d’aide : « Le bloc communal, communes et intercommunalités, aura investi 16 milliards de moins que lors du mandat précédent. 16 milliards, c’est peu ou prou l’enveloppe représentant l’ensemble des mesures qui allaient dans la bonne direction pour soutenir le pouvoir d’achat, liées à vos engagements pris au lendemain du grand débat sur les gilets jaunes. 20% d’investissements publics en moins sur les quatre années qui viennent de s’écouler. 25%, en moyenne, de services publics d’accompagnement et de présence en moins, les mêmes proportions pour le tissu associatif de subventions en moins. 10% d’investissements publics en moins, pour un pays comme le nôtre, c’est 0,2 point de croissance, et nous avons eu du retard par rapport aux autres pays. ».

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Cet état des lieux sans concession laisse cet arrière-goût d’amertume : « Cette logique, cet équilibre, cet accompagnement doivent nous amener à dire stop. Vous en avez pris la mesure et vous avez pris la décision de bloquer ce cadre de la réduction de la dotation. (…) Les dotations ne sont pas une subvention. Nous ne tendons pas la main et nous ne demandons pas l’aumône. La dotation, c’est l’argent que l’État doit aux collectivités locales, à raison des impôts nationaux ou locaux qu’il a supprimés, pour pouvoir financer les services publics, soutenir l’investissement public, développer chacun de territoires. Nous avons ressenti tout cela comme une injustice, mais malgré cela, nous nous sommes encore battus. Nous avons touché le fond (…) quand, il y a un an, au moment de la publication des feuilles d’impôt sur la taxe d’habitation, certains, que nous ne qualifierons plus, ont demandé de balancer leur maire. Ce temps-là doit être définitivement derrière nous. Je sais votre engagement, je sais votre désapprobation personnelle, et je sais les regrets que vous avez exprimés, vous me l’avez dit et j’en porte témoignage. ».

Ni allégeance ni opposition systématique, ce type de discours a fait honneur à François Baroin dans le rôle de David face au Goliath élyséen. À 54 ans (l’âge de Valéry Giscard d’Estaing quand il a quitté l’Élysée), François Baroin a toujours refusé, depuis trois ans, de dire ce qu’il comptait faire pour l’élection présidentielle de 2022. On peut comprendre, car sa préoccupation immédiate, ce sont les élections municipales des 15 et 22 mars 2020. Il est donc normal de refuser de polluer son message politique pour une ligne d’horizon qui franchirait allègrement cet objectif à court terme.

Néanmoins, tout le monde y pense. François Baroin a une expérience politique déjà très longue, et il était déjà au gouvernement il y a un quart de siècle (en juin 1995). Il a occupé deux ministères stratégiques pour une ambition présidentielle, l’Intérieur et les Finances. En 2016, lors de sa candidature à la primaire LR, Nicolas Sarkozy en avait fait son numéro deux, en clair, son premier-ministrable. Ce duo était d’ailleurs complémentaire. Après la désignation de François Fillon, François Baroin était naturellement aux premières loges de la campagne présidentielle et lors du meeting de la dernière chance au Trocadéro de François Fillon le 5 mars 2017, il s’est même senti instrumentalisé parce qu’il avait accepté d’y venir, pensant que le candidat LR allait renoncer en raison de sa prochaine mise en examen. François Baroin faisait même figure de candidat de remplacement, après le désistement définitif de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé.

Après l’échec de l’élection présidentielle, ce fut François Baroin qui mena la campagne des élections législatives de juin 2017 pour Les Républicains, et à ce titre, en cas de succès, il aurait été probablement le Premier Ministre, un peu dans le rôle, inconfortable, de François Hollande entre la présidentielle et les législatives de 2002, quand le candidat présidentiel a échoué et qu’il a fallu quand même faire campagne pour les législatives.

Avec la préemption du parti LR par Laurent Wauquiez, François Baroin a préféré se replier sur ses terres municipales, en sachant que ces terres sont nationales puisqu’il préside tous les maires. Après la défaite des élections européennes de mai 2019 et la levée de l’hypothèque Wauquiez, François Baroin est réapparu dans le dispositif de direction de LR aux côtés du nouveau président de LR Christian Jacob. Dans les textes, il n’avait jamais disparu puisque le président de l’AMF est membre de droit du bureau de LR, mais sous la présidence de Laurent Wauquiez, il restait absent.

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La réflexion sur 2022 peut être la suivante.

D’une part, la gauche a une incapacité structurelle à être unie. Le PS veut rester PS et se croit encore important. Le PCF n’a toujours pas disparu et gardera probablement encore quelques mairies. FI ne veut que phagocyter les deux précédent, bref, ces trois sont en voie de disparition parce que désunis. On a beau critiquer François Mitterrand qui n’était même pas "de gauche", il a été le seul à réussir, et c’était un exploit historique (même Léon Blum était dépendant des radicaux très influents en 1936), à unifier la gauche à son avantage. Lionel Jospin et François Hollande n’ont gagné en 1997 et 2012 que dans la lignée mitterrandienne, mais aujourd’hui, nul doute qu’il faille non seulement une refondation, mais aussi un leader charismatique. Ce ne sera pas Olivier Faure (!) et Jean-Luc Mélenchon est bien trop âgé pour un nouveau cycle d’une dizaine d’années…

D’autre part, quoi qu’on en dise, Emmanuel Macron et sa majorité LREM-MoDem ne sont pas du tout comme l’était le PS en 2016 (troisième année de mandat), ils ont montré une forte résistance aux européennes et peuvent compter sur un socle de 20 à 30% de l’électorat national.

Enfin, au contraire du PS, LR n’est pas en voie de disparition. Les Républicains ont un groupe fort à l’Assemblée Nationale et malgré l’échec des européennes, ils ont une implantation nationale et locale durable. Ils sont cependant désunis à la fois politiquement (une partie est dans la majorité), et sur le plan des ambitions personnelles, puisqu’il n’y a aucun leader qui s’impose vraiment.

Par conséquent, avec ces considérations, que peut-on dire ? Un second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen reste le plus probable même s’il n’est pas certain. La présence d’une personnalité socialiste ou plus généralement "de gauche" au second tour paraît en revanche quasiment impossible. La seule surprise qui casserait cette dualité ne pourrait provenir que de LR.

Dans les sondages d’intentions de vote, aucune personnalité testée, pas même François Baroin, ne parvient à sortir du socle des européennes, c’est-à-dire environ 10% ou même moins. Mais ce sont des sondages à froid et cela change complètement lorsque la personnalité testée est vraiment partie en campagne. D’ailleurs, cela sert à cela, une campagne, faire bouger les lignes. La politique n’est jamais statique, c’est une dynamique, aux ressorts parfois mystérieux, mais c’est une dynamique.

À mon sens, François Baroin est la seule personnalité de LR qui serait capable de bouleverser la configuration actuelle. Avec ce rôle d’être un remplaçant politique d’Emmanuel Macron en cas de grave disqualification de ce dernier dans "l’opinion publique" pour une raison ou une autre, peut-être un événement futur dont on n’a pas encore l’idée. François Baroin a l’expérience, la bonne capacité à communiquer et surtout, il est un modéré, il est loin de ceux qui attisent les passions, hystérisent les camps, polarisent les électeurs, clivent sur des sujets polémiques. Et les Français ont plus que jamais besoin d’un rassembleur qui était pourtant le rôle qu’avait propsé Emmanuel Macron lors de sa campagne.

Mais avant de s’engager après le printemps 2020, François Baroin le dilettante devra répondre à cette question essentielle : en a-t-il vraiment envie ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 février 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Discours de François Baroin le 19 novembre 2019 au 102e congrès des maires de France à Paris (texte intégral).
En attendant François Baroin.
François Baroin, Premier Ministre très très virtuel (mai 2017).
UMP : François Baroin veut enterrer définitivement la ligne Buisson.
Le petit-fils spirituel de Jacques Chirac (mars 2007).
Retour au gouvernement (mars 2010).
Colère à Bercy (juin 2011).
Jacques Chirac.
François Fillon.
Rachida Dati.
Nicolas Sarkozy.
Patrick Balkany.
Christian Jacob.
Européennes 2019 : les six surprises françaises du scrutin du 26 mai 2019.
François-Xavier Bellamy.
Guillaume Larrivé.
Édouard Philippe.
Alain Juppé.
Jean-Louis Debré.
Dominique de Villepin.
Christian Estrosi.
La fondation de Les Républicains le 1er juin 2015.
Les Républicains en ordre de marche ?
Laurent Wauquiez.
Résultats détaillés de l’élection du président de LR le 10 décembre 2017.
L’élection du président de l’UMP le 29 novembre 2014.
Le retour aux listes nationales pour les européennes.
Mathématiques militantes.
Rapport de refondation de la droite du 7 novembre 2017 (à télécharger).
Les Républicains en pleine introspection.
Les Républicains, parti des expulsions.
La primaire LR de novembre 2016.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Raffarin.
Xavier Bertrand.
Valérie Pécresse.
Jean-François Copé.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Bruno Le Maire.
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
Michel Barnier.
Bernard Debré.
Dominique Dord.
Virginie Calmels.
Michèle Alliot-Marie.
Patrick Ollier.
Charles Pasqua.
Marie-France Garaud.
Édouard Balladur.
Cinquième République.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191119-baroin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/en-attendant-francois-baroin-221791

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/11/18/37798857.html






 

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