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30 janvier 2020 4 30 /01 /janvier /2020 14:40

« Je voudrais ici réaffirmer clairement : si dans l’Église, on détecte même un seul cas d’abus, qui représente déjà en soi une horreur, un tel cas sera affronté avec la plus grande gravité. Frères et sœurs, dans la colère légitime des personnes, l’Église voit un reflet de la colère de Dieu, trahi et frappé par ces consacrés malhonnêtes. L’écho du cri silencieux des petits, qui, au lieu de trouver en eux une paternité et des guides spirituels, ont trouvé des bourreaux, fera trembler les cœurs anesthésiés par l’hypocrisie et le pouvoir. Nous avons le devoir d’écouter attentivement ce cri silencieux étouffé. » (Le pape François, le 24 février 2019 au Vatican).



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On ne parlera plus de bouchon mais de boulet de Lyon. L’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin a été relaxé ce jeudi 30 janvier 2020 par la cour d’appel de Lyon dans l’affaire de non-dénonciation des agressions sexuelles sur des enfants commis par l’ex-prêtre Bernard Preynat lui-même en cours de jugement (on attend le verdict le 16 mars 2020). Le journal "Ouest France" parle d’un « nouveau coup de tonnerre dans cette affaire symbole des défaillances de l’Église face à la pédocriminalité ». Les parties civiles ont immédiatement annoncé un pourvoi en cassation.

Est-ce un hasard ? Les deux films consacrés par les nominations aux Césars (dont la 45e cérémonie se déroulera le 28 février 2020 à la Salle Pleyel de Paris), qui sont effectivement de bons films, reprennent deux des scandales récents les plus emblématiques de notre société actuelle, l’un concernant le scénario lui-même sur les abus sexuels dans l’Église (film "Grâce à Dieu" de François Ozon), et l’autre concernant le réalisateur lui-même, Roman Polanski, avec son excellent "J’accuse" (douze nominations), Roman Polanski dont on reproche également des abus sexuels et viols sur mineur.

Lorsque Mgr Barbarin avait été condamné le 7 mars 2019 par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans, j’avais écrit : « Je me réjouis de ce verdict, non pas que j’en veuille à Mgr Barbarin dont j’apprécie l’intelligence et la profondeur et qui se trouve plutôt comme une sorte de bouc émissaire de tous les reproches qu’on pourrait faire à l’Église de France sur ce sujet si brûlant et si sensible de la pédophilie des prêtres, mais cela doit être un signal, un symbole que rien ne sera oublié, rien ne sera toléré en ce qui concerne ces actes de torture qu’on appelle pédophilie. ».

Mais j’avais ajouté aussitôt que la condamnation avait été « sévère mais symbolique ». Pour moi, ce verdict du 7 mars 2019 devait être une véritable douche froide pour l’Église catholique, la protection des enfants doit absolument passer avant toute autre priorité. C’est d’ailleurs le mot d’ordre du pape François et même de ses prédécesseurs même si c’était affirmé moins clairement.

En disant cela, que cela devait être un « signal », je n’étais pas juge mais commentateur, commentateur et "fidèle", fidèle écœuré par les pratiques abominables de certains prêtres. Et heureusement, la justice réagit autrement. Heureusement car mon propos était presque injuste puisque je convenais que Mgr Barbarin avait été ferme sur le sujet, même si on peut lui reprocher, plus moralement que pénalement, qu’il aurait dû signaler à la justice ce prêtre pécheur dès qu’il l’a su, c’est-à-dire en 2007 alors que l’affaire n’est réellement sortie du silence qu’en 2016.

J’évoquais ce signal pour que la protection des enfants primât sur, d’une part, la défense (illusoire) de l’institution (ne pas parler à cette époque d’ultratransparence où le moindre citoyen est capable de fournir des preuves enregistrées en son et images à tout moment est contreproductif) et, d’autre part, sur l’organisation même de l’Église. Le prêtre en question a gardé des responsabilités encore longtemps par manque de vocations sacerdotales.

Il a quand même fallu attendre le 5 juillet 2019, c’est-à-dire après la condamnation en première instance de Mgr Barbarin, pour que Bernard Preynat fût révoqué de son état clérical par un tribunal ecclésiastique : « Au regard des faits et de leur récurrence, du grand nombre de victimes, du fait que l’abbé Bernard Preynat a abusé de l’autorité que lui conférait sa position au sein du groupe scout (…), le tribunal a décidé de lui appliquer la peine maximale prévue par le droit de l’Église dans un tel cas, à savoir le renvoi de l’état clérical. ».

Même ce retard, cette lenteur est une faute morale de l’Église, qui a réagi avec trente ans de retard ! Mais l’individu Philippe Barbarin ne peut pas être condamné par tout ce qu’on pourrait reprocher à l’Église dont il était le représentant. Un homme ne peut être confondu avec son institution.

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C’est d’ailleurs ce qu’avait conclu l’avocat général Joël Sollier lors du procès en appel en novembre 2019 en ne requérant aucune peine, considérant qu’il fallait dissocier le « cas individuel » des « fautes morales et pénales » de l’Église elle-même. L’un des avocats de Mgr Barbarin, Me Jean-Félix Luciani est satisfait en expliquant : « Cette injustice est aujourd’hui réparée (…). Le cardinal Barbarin est innocent. ». Son autre avocat, Me André Soulier, ancien adjoint au maire de Lyon, a même pleuré à l’annonce du verdict, indiquant qu’il avait commencé sa carrière par une relaxe et qu’il la terminait par une relaxe. Il a surtout évoqué la perte de son épouse l’été dernier et la manière dont le cardinal l’avait accompagné avec beaucoup d’humanité.

L’ancien évêque auxiliaire de Lyon, Mgr Jean-Pierre Balut (actuel évêque de Blois), l’ancien vicaire général de Lyon, Mgr Pierre-Yves Michel (actuel évêque de Valence) et l’ancien directeur de cabinet du cardinal, Pierre Durieux, tous les trois qui l’ont côtoyé et travaillé avec Mgr Barbarin, avaient affirmé avec force le 29 août 2018 : « Nous sommes témoins qu’il a fait adopter des mesures les plus répressives qui soient en matière de lutte contre la pédophilie, plus nettes et plus claires que celles adoptée au plan national et au plan international. » ("La Croix").

Ce verdict est donc la victoire du droit sur le ressentiment, le refus de prendre un bouc émissaire pour condamner une institution dépassée par tous ses silences qui ne pouvaient être interprétés que comme une complicité implicite. Il n’en demeure pas moins que le verdict d’il y a onze mois a eu le mérite de créer un tsunami psychologique qui aura encore de l’effet concrètement dans les esprits, même s’il a été annulé en appel.

C’est cela, l’évolution d’une Église pour être en phase avec la société, et ce n’est pas seulement valable dans les milieux religieux, mais dans tous les milieux (milieux de la politique, du cinéma, de la littérature, du sport comme le patinage artistique, etc.), que le silence soit proscrit à jamais et que les victimes parlent, et même que les bourreaux, à condition qu’il y ait des preuves tangibles, soient jugés et condamnés.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (30 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Mgr Barbarin : le vent du boulet.
Roman Polanski.
Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
David Hamilton.
Adèle Haenel.
Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.

_yartiMgrBarbarin03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200130-philippe-barbarin.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/mgr-barbarin-le-vent-du-boulet-221138

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/01/20/37956543.html






 

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