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11 mars 2020 3 11 /03 /mars /2020 03:10

« L’enjeu est en effet de savoir s’il y aura 20 000 cas ou 2 millions, donc quelques dizaines/centaines de décès, ou des dizaines de milliers… Et s’il n’y a que 20 000 cas, il faudra nous féliciter de tous les efforts accomplis qui auront payé, et non pas s’en moquer en disant qu’on s’est affolé pour rien. » (Olivier Berruyer, sur son blog le 7 mars 2020).


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L’épidémie de coronavirus SARS-CoV-2, désormais appelée pandémie par l’OMS depuis le 11 mars 2020, suscite de nombreuses inquiétudes. En France, le gouvernement tente de trouver l’équilibre entre plonger la population dans une certaine psychose et la gravité qu’il faut considérer avec sérieux. La peur n’a jamais fait avancer les choses mais ne pas prendre suffisamment au sérieux cette pandémie pourrait se révéler désastreux. Le gouvernement tente de ne pas paralyser l’économie (une récession mondiale est possible) car cela aurait des répercussions également désastreuses sur notre capacité de soins.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le directeur général de l’Office Mondiale de la Santé Tedros Adhanom Ghebreyesus a décrété la pandémie : « Nous sommes très inquiets par les niveaux de diffusion et de dangerosité, ainsi que par les niveaux alarmants de l’inaction (…). Dans les jours et les semaines à venir, nous nous attendons à voir le nombre de cas, le nombre de décès et le nombre de pays touchés augmenter. ».

En y a-t-il encore qui parlent en France de complots, de "simple" grippe ? J’en doute maintenant que le niveau est alarmant. La France suit hélas l’évolution de l’Italie avec quelques jours (une semaine) de décalage. Probablement que ce décalage a pu être mis à profit pour que les hôpitaux ne soient pas débordés, dépassés par la situation, comme cela a été le cas en Italie. Ce retard est donc salutaire.

Ce mercredi 11 mars 2020, il y a en France 2 2281 cas détectés (plus d’un quart de plus que la veille), mais cela ne correspond pas forcément à la réalité, seules les personnes qui ont des symptômes alarmants sont dépistées. Il y a eu 48 décès (c’est-à-dire la moitié de plus que la veille), et 105 personnes en situation sérieuse ou critique.

En Italie, la situation devient difficilement contrôlable (au point que Silvio Berlusconi a même fui son pays pour aller en France) : la mise en quarantaine de tout le pays est une décision massive qui impacte plus de personnes qu’en Chine : 12 462 cas détectés (soit 20% de plus que la veille) et surtout 827 décès (soit un tiers de plus que la veille), plus de 1 000 personnes malades sont en situation sérieuse ou critique. Dans les prochains jours, l’Italie risque de devenir le pays où il y a le plus de personnes malades au monde, devant la Chine.

Non, bien sûr que non ce n’est pas une simple grippe ! Même si pour une majorité des cas, cela reste bénin, il faut savoir de quoi on parle. Un séjour à l’hôpital est traumatisant également. Si on regarde en Italie, environ 10% des personnes malades sont en situation sérieuse ou critique, c’est-à-dire, pour certains, nécessitant un séjour en réanimation. Du reste, sur l’ensemble des personnes malades ce jour dans le monde, soit 53 960, 11,0% sont dans un état sérieux ou critique (ce qui correspond au "taux" de l’Italie). Sur LCI le 11 mars 2020, le Ministre de la Santé Olivier Véran a confirmé qu’il y avait 15% de formes sévères se transformant en pneumonie.

Le danger est en ce sens très grand : la propagation de virus se fait à une grande vitesse, et sa dangerosité est énorme. Sa létalité varie selon les pays (ce que pourrait expliquait notamment une suspicion de mutation comme l’affirme une publication scientifique on ne peut plus sérieuse). Globalement, dans les 121 pays et territoires touchés, elle est de 3,7% à 6,4%, selon qu’on fait le rapport du nombre de décès sur le nombre total de personnes qui ont été infectées ou sur la somme des personnes guéries et des personnes décédées.

Sur son blog, Olivier Berruyer a proposé un article très pertinent le 7 mars 2020 qui montre avec les statistiques (le graphique ci-dessous provient de ce blog) que la France, l’Allemagne et l’Espagne sont en "retard" de six jours par rapport à l’Italie dans le développement de l’épidémie, et que la situation est grave. Il a observé que la Chine a réussi à juguler l’épidémie (la Corée du Sud semble aussi avoir réussi) : « Fort heureusement, on constate que les autorités publiques se sont saisies du problème (certes, plus ou moins efficacement…) ; il faut donc prendre au sérieux ces mesures totalement légitimes, et la Chine montre qu’on peu contenir ce virus à des niveaux limités. Mais reste évidemment à connaître ce niveau dans notre pays. ».

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Et il a conclu ainsi : « Les efforts mis en place payent, et on ne constate pas à ce jour de flambée incontrôlée de l’épidémie laissant à penser que des millions de personnes seraient atteintes en France. L’enjeu est en effet de savoir s’il y aura 20 000 cas ou 2 millions, donc quelques dizaines/centaines de décès, ou des dizaines de milliers… Et s’il n’y a que 20 000 cas, il faudra nous féliciter de tous les efforts accomplis qui auront payé, et non pas s’en moquer en disant qu’on s’est affolé pour rien… » (7 mars 2020).

Le danger, c’est la létalité qui est bien supérieure à celle d’une grippe ordinaire (en dessous de 0,1%). En gros, chaque année, environ 500 000 et 1 million de personnes ont le virus de la grippe en France, ce qui entraîne plusieurs centaines voire milliers de décès. Pour le même nombre de personnes contaminées, le coronavirus SARS-CoV-2 provoquerait alors plusieurs dizaines de milliers de décès. C’est pour cela qu’il ne faut pas prendre cette épidémie à la légère. Même des personnes en bonne santé (et pas "à risques") peuvent se retrouver en détresse respiratoire si elles sont contaminées, même si la proportion est faible.

Venons-en aux valeurs de notre société. Car ne raisonner qu’avec le seul aspect statistique trompe sur la réalité humaine : chaque décès incrémenté, chaque jour, dans chaque pays, c’est une personne qui meurt, une famille en deuil, un drame inconsolable. Or, il est faux de dire que les personnes qui décèdent à cause du coronavirus seraient mortes peu de temps après. Car il faut bien dire les choses comme elles sont (La Palisse aurait dit la même chose) : chaque cause de mort abrège la vie d’une personne, quelle que soit la cause. On ne sait pas de combien, quelques jours, quelques mois, quelques années, quelques décennies, mais c’est valable pour tout le monde. Se rassurer en disant que seules les personnes proches de la mort peuvent mourir du coronavirus est d’une part faux et d’autre part, donne une idée de l’incompréhension de la vie. La vie est toujours instable, à tout âge, elle n’est jamais acquise.

Le journaliste Guillaume Roquette le 8 mars 2020 a constaté assez maladroitement que si la canicule avait tué (environ) 15 000 personnes en 2003, la mortalité de l’année 2003 n’était pas supérieure à celle de 2002, ce qui signifiait que la canicule avait "seulement" "accéléré" le décès de ces personnes. Mais toute cause de mort accélère le décès d’une personne. Qui est-il pour dire que les trois mois que certaines personnes auraient pu vivre en plus étaient quantité (ou qualité) négligeable ? Peut-être qu’untel aurait pu découvrir une arrière-petite-fille qui serait née avant sa propre disparition. Au nom de quoi jugerait-on de l’intérêt ou pas de vivre un peu plus longtemps ? À part en se prenant pour Dieu. C’est d’ailleurs tout le problème de la sélection des malades qui passeraient en réanimation et ceux qu’on laisserait mourir, s’il n’y avait pas assez de ressources pour soigner tous les malades. Problématique du reste ordinaire dans les services des urgences.

Il y a donc la qualité (qui meurt ?) et la quantité (combien de personnes meurent ?). Et je suis particulièrement écœuré quand je lis des écrits qui veulent comparer les morts. D’autres causes sont-elles plus mortelles que le coronavirus ? La belle affaire ! D’une part, c’est une cause supplémentaire. Il y avait le même sophisme avec la sécurité routière : comparer le nombre de décès sur les routes et le nombre de décès pour cause d’insuffisance cardio-vasculaire ou de cancer, cela n’a aucun sens. Le but est de limiter toutes les causes de morts qui pourraient être réduites, par une action individuelle ou collective. D’autre part, je reste révolté par la mort même si elle ne touche qu’une seule personne, c’est une personne de trop.

L’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray devrait-il être moins atroce que l’attentat de Nice commis quelques jours auparavant ? Je n’en suis pas sûr. Nos valeurs, c’est justement qu’une mort est une mort, que chaque vie compte, doit être préservée. D’ailleurs, cet attachement à la vie, même quand le drame est unique, est exprimé lorsqu’il s’agit de sécurité. Par exemple, pour prendre un fait à la fois d’actualité et ancien, la seule disparition d’Estelle Mouzin, qui m’avait ému parce qu’il fut un temps où chaque fois que je faisais mon plein d’essence, je voyais cette affiche avec sa photo, n’est pas moins horrible qu’une tuerie de masse. Parce qu’une vie humaine est singulière et ne se conjugue pas avec la quantité. Or, à ce jour, ce sont 4 616 décès qui sont à déplorer pour cette pandémie. C’est-à-dire des personnes qui, aujourd’hui, seraient encore vivantes sans ce virus (même pour pas longtemps).

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L’essentiel, c’est donc de limiter au maximum le développement de l’épidémie là où chacun se trouve. C’est là où la responsabilité individuelle impacte directement sur la santé collective. Parfois sans qu’on puisse le savoir. C’est comme le vaccin. En dessous d’un taux de vaccins dans une population, celui-ci ne fait plus d’effet : ce type de comportement ayant trait à la santé publique doit donc être collectif et pas simplement du ressort individuel. Depuis dix ans, il y a eu une recrudescence de la grippe parce qu’il y a eu moins de personnes qui se sont fait vacciner, entraînant des morts supplémentaires. Pareillement pour la rougeole même si le nombre de décès se chiffre en unités seulement. Les auteurs de théories complotistes anti-vaccins ont une grave responsabilité sur la vie des personnes. C’est la même chose pour ceux qui refusent d’admettre que l’actuelle pandémie est très grave et que le gouvernement "en fait trop". Du reste, j’entends maintenant plus de monde qui dit que le gouvernement "n’en ferait pas assez". D’une certaine manière, c’est rassurant, cela signifie qu’il y a une prise de conscience. Elle est toujours lente dans les esprits.

Car cette prise de conscience n’arrive pas au même moment pour tout le monde. En particulier, respecter des consignes relativement simples qui permettraient de limiter l’extension de l’épidémie. Se laver les mains (je le faisais déjà), c’est relativement facile (et surtout évident), mais ne plus se toucher, ne plus se serrer la main, ne plus se faire la bise (ah, chez moi, c’est quatre fois, disent ceux qui veulent en profiter !), c’est beaucoup plus dur, pas du tout évident. Surtout en campagne électorale.

Or, s’il est facile de ne pas tendre la main, c’est  très difficile de refuser une main tendue. Je ne sais plus quand exactement ces consignes ont commencé à être diffusées, mais j’ai le souvenir que le jeudi 27 février, je me suis retrouvé confronté à environ 50% 50% dans une groupe social donné. Moi-même j’hésitais. La plupart qui souhaitaient saluer encore minimisaient l’importance de la pandémie et surtout, se disaient assez forts pour supporter une éventuelle contamination ("même pas peur"), sans songer un instant qu’ils pourraient eux-mêmes contaminer la personne qu’ils saluent, sans le savoir.

Le lundi 2 mars, le groupe s’est formellement édicté cette règle, celle de s’en tenir à ces consignes, d’être "exemplaire". Mais le lundi 9 mars, il y en avait encore qui la contredisaient, souvent les plus conviviaux, ceux qui ont besoin de toucher pour exprimer leur affection. C’est un changement de paradigme important dans les relations sociales. J’imagine d’ailleurs que c’est plus ou moins facilement applicable selon la culture locale, cela doit être plus facile aux États-Unis par exemple.

En France, j’ai appris le 11 mars 2020 qu’une enquête d’opinion avait évalué que 75% des sondés continuaient encore à se serrer la main. Probablement que l’appartenance à un groupe social peut avoir une influence : dans une grande entreprise, les consignes et les procédures ont été rapidement mises en place et cela ne se discute pas. Mais le "petit" artisan isolé dans son travail reste convaincu qu’il faut rester chaleureux pour préserver ses clients (et il n’a peut-être pas tort malgré l’épidémie). Chaque poignée de main fait le pont au virus entre deux mondes personnels.

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Très vite, j’ai pensé à Adrian Monk. C’est le héros d’une série télévisée diffusée sur une chaîne américaine du 12 juillet 2002 au 4 décembre 2009 (125 épisodes de 40 minutes). Héros, ou plutôt, anti-héros. C’est un ancien policier devenu détective privé qui résout des enquêtes criminelles. C’est un hypermaniaque. Sa particularité, c’est qu’il est très malade psychologiquement, car il a 312 phobies. Et sa première phobie, c’est la mysophobie, qui est la peur d’être au contact avec la saleté et les germes, la peur d’être contaminé par des microbes. Il a donc recruté une assistante pour le conduire, lui ouvrir les portes, etc. et surtout, lui tendre une lingette. Car cet homme ne peut pas vivre sans lingette. Lorsqu’il voyage, il a deux valises remplies de lingettes. Et aussi des bouteilles d’eau minérale, pas question de boire au robinet. Il évite de serrer les mains et s’il ne peut pas y échapper, il se lave les mains immédiatement avec une lingette. Certes, ce n’est pas très écologique, mais au moins, il est probablement le héros le plus propre de toutes les fictions américaines. Il passe aussi ses nuits à passer l’aspirateur pour être sûr de ne pas vivre dans la poussière.

Dans ce genre de pandémie, Adrian Monk a toutes les chances d’être le dernier survivant. Car il refuse de toucher toute personne ou tout objet. Si cela ne dépendait que de lui, il vivrait dans une chambre stérile. Il mettrait un mur envers toutes les sources d’impuretés, de parasites, de saletés, de germes.

Eh bien, en attendant ce que dira le Président Emmanuel Macron ce jeudi 12 mars 2020 à 20 heures, imitons au moins Adrian Monk dans sa recherche de la pureté antibactérienne et antivirale : lavons-nous les mains, ne toussons pas dans les mains mais dans les coudes, et surtout, saluons-nous uniquement de loin : c’est de notre responsabilité et cela sauvera des vies humaines au même titre que rouler modérément sauve des vies sur les routes. On ne peut pas dire que ce n’est pas à la portée de tout le monde. Il faut considérer ces gestes simples comme une nouvelle forme de civisme, soucieux du bien-être collectif au-delà de son bien-être personnel (qui se confond ici).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 mars 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Coronavirus : soyons tous des Adrian Monk !
Mutation.
Publication "On the origin and continuing evolution of SARS-CoV-2" par Xiaolu Tang and cie, National Science Review, le 3 mars 2020 (à télécharger).
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Article 49 alinéa 3 : le coronavirus avant la réforme des retraites ?
Les frontières arrêteront-elles le coronavirus ?
Coronavirus : la croisière ne s’amuse plus.
Le docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte de l’épidémie de coronavirus.
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
L’apocalypse par l’invasion de paléovirus géants ?
Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200311-coronavirus-monk.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/coronavirus-soyons-tous-des-adrian-222214

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/03/10/38091146.html





 

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commentaires

N
Je rejoins Michel dans sa réflexion sur le fait que la France, n'a peut être pas jugé comme il se faudrait la situation au niveau national. Peut-être par peur d'une chute dans l'économie. Dans tous les cas, ils n'ont effectivement pas voulu nous affoler, mais les faits sont là. Nous sommes confinés avec une économie en berne. Mais est ce que cette situation est si mauvaise que cela ? Pour l'être humain , la réponse est oui. Mais pour la nature, je pense que cette pandémie est juste bénéfique.<br /> .<br /> Sebastien
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M
En France on n’ose pas parler de pandémie pour ne pas affoler, mais que l’on m’explique ce que vont devenir tous les sdf. de Paris, ceux qui vivent abandonnés dans les rues, sur le périphérique et autres réfugiés dans des lieux hautement insalubres depuis des années.
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