« Nous avons créé, pour la première fois de notre histoire, un plan de relance que nous finançons ensemble par un endettement commun dans les marchés. Pour la première fois de son histoire, l’Europe, les pays européens, solidaires, vont emprunter de l’argent pour le répartir entre eux selon les besoins et les priorités. (…) Pour nous, Françaises et Français, cela signifie que nous toucherons 40 milliards d’euros sur ce plan de relance. » (Emmanuel Macron, le 21 juillet 2020, interviewé par Julien Arnaud sur TF1).
Tant on jongle en ce moment avec les centaines de milliards d’euros qu’on pourrait se croire dans le film "Pour sept cent cinquante mille briques, t’as plus rien…", pour reprendre le titre du film comique d‘Édouard Molinaro sorti le 12 mai 1982 avec Gérard Jugnot, Daniel Auteuil et Anémone ("Pour cent briques, t’as plus rien…").
Mais ce n’est pas du cinéma. C’est l’Histoire européenne qui a avancé d’un grand pas. Parfois, il faut savoir prendre le large et prendre du recul sur les contingences quotidiennes. Lorsque l’Histoire arrive soudainement, il faut savoir la reconnaître. Tous les citoyens européens, tous les acteurs économiques, sociaux, qui vont bénéficier de ces mesures jugeront à quel point ce fut un acte fondateur. De leur vie à venir mais aussi de la vie à venir de l’Europe.
En effet, le Conseil Européen qui s’est tenu à Bruxelles du 17 au 21 juillet 2020, soit presque un record de durée (étrangement, on ne parle plus de "marathon" européen), ne s’est pas soldé par un échec comme on aurait pu le craindre, mais par un grand succès, un accord des vingt-sept membres de l’Union Européenne pour un plan de relance européenne qui est historique à plus d’un titre.
Un plan de relance très ambitieux de l’économie européenne
De quoi s’agit-il ? Pour répondre à la récession issue de la crise sanitaire, l’Europe va en effet consacrer 750 milliards d’euros à relancer l’économie européenne, dont 390 milliards d’euros en subventions dans les secteurs et les régions dévastés. Ce "geste" est phénoménal, historique et unique. La France devrait ainsi recevoir 40 milliards d’euros, elle est le pays le troisième mieux pourvu derrière l’Italie et l’Espagne, tous les deux touchés également très durement, comme la France, par la pandémie de covid-19.
Inutile de dire que les montants à douze chiffres sont difficiles à appréhender pour le commun des mortels qui gère son petit budget annuel à seulement cinq chiffres (six pour les plus chanceux). 40 milliards d’euros, cela correspond à environ 40% du plan de relance économique proposé par le gouvernement français pour son économie, qui sera présenté en principe le 24 août 2020.
Ce sont des sommes gigantesques et finalement, quatre jours et quatre nuits pour prendre une telle décision, à l’unanimité, ce n’était pas de trop. La décision européenne aurait été prise en trois heures que l’on aurait parlé de grande légèreté de la part des chefs d’État et de gouvernement européen.
Pendant ces quatre jours, en France, on a parlé des "méchants" États qui voulaient refuser le "pactole", considérant qu’ils ont bien géré leur budget et qu’ils ne voudraient pas payer pour les autres. Il me paraît démentiel de montrer du doigt les "bons élèves" budgétaires, en les appelant les "États radins" ou même les "États frugaux" qui font penser à "frigo", qui ne feraient que compter froidement, à savoir : les Pays-Bas, dont le Premier Ministre Mark Rutte a montré une vraie figure de leader, élu et réélu trois fois à la tête du gouvernement néerlandais alors que peu de pays peuvent se prévaloir de reconduire leurs dirigeants plusieurs fois de suite, l’Autriche dont le Chancelier Sebastian Kurz a été reconduit largement, il y a un an, à la tête du gouvernement autrichien, également le Danemark et la Suède.
Ces États ont eu raison d’être exigeants face à des demandes de dépenses. C’est un acte grave et il ne faut pas le décider légèrement. De plus, ils ont eux-mêmes leurs propres enjeux de politique intérieure : d’une part, au contraire de la France, ce sont des régimes parlementaires qui sont gouvernés par des coalitions qu’il faut convaincre, ce n’est pas seulement la décision du chef, et d’autre part, ils ont, eux aussi, dans leur paysage politique respectif, la présence d’un fort courant populiste et extrémiste et il faut donc aussi convaincre leur "opinion publique" que la décision finale soit dans l’intérêt général et donc, aussi, celui de leur peuple.
Il aurait été certes trop simpliste, dans ces négociations, de rester sur des seules positions budgétaires. L’idée de ce montant pharaonique n’est pas de compenser des dérives et défaillances budgétaires, comme c’était le cas avec la crise grecque en 2010 et 2015, mais de venir en aide aux pays les plus touchés par la crise sanitaire. C’est donc bien le principe de solidarité européenne qui a fonctionné durant ce long sommet à Bruxelles, considération que Jacques Delors craignait disparue depuis une dizaine d’années et qui était à l’origine de l’inspiration des Pères fondateurs de l’Europe (en particulier Robert Schuman).
Une vraie relance de la construction européenne
L’autre raison pour laquelle cette décision est historique, c’est que cela va être la première fois de l’histoire européenne que l’Union Européenne va emprunter en son nom propre, pas par États interposés. Pas la zone euro mais l’ensemble de l’Union Européenne.
C’est un mécanisme nouveau de solidarité budgétaire qui est vraiment nouveau, c’est positif ici pour faire fonctionner la solidarité mais le mécanisme pourrait être pervers s’il était utilisé avec récurrence : en effet, imaginer qu’on va commencer à endetter l’Europe pourrait être une nouvelle source de financement pour les gouvernements clientélistes de tout bord, mais cela pourrait finir très mal. Aujourd’hui, on jouit en effet de taux d’intérêts ultrafaibles et même négatifs, mais en cas de remontée des taux, cela risque d’étouffer non seulement les États mais aussi l’Europe elle-même. C’est donne une mesure "one shot", un pistolet à un coup.
Les sommes en question devront être remboursées à partir de 2028 jusqu’en 2058. Autant dire qu’on remet la question du remboursement aux générations à venir, c’est pour cela que les États dits frugaux ont été très exigeants, c’est possible d’endetter le futur que si ce sont des investissements d’avenir et pas pour boucher les trous des budgets de fonctionnement. Ainsi, l’Europe aura la capacité de vérifier comment l’argent sera dépensé, en principe par abondement dans des projets d’investissement ayant aussi d’autres sources de financement.
C’est important d’avoir des montants élevés, et c’est sans doute ce qui a manqué pour répondre à la crise de 2008, une réponse massive en faveur de l’activité économique et de l’emploi, cela dans un contexte de transition écologique : c’est aussi un moyen d’investir massivement dans la recherche et développement dans les énergies renouvelables et les transports "verts" et de faire des sauts technologiques (la Chine suit aussi ce genre de stratégie budgétaire pour s’assurer une position dominante dans les décennies futures).
Aspect juridique
Au-delà de la création d’une dette européenne commune, inédite, il y a aussi une autre décision inédite : l’octroi de financements européens sera conditionné au respect des principes démocratiques et d’État de droit. C’est un point important car actuellement, deux pays sont en procédure selon l’article 7 du TUE, concernant les principes démocratiques, la Hongrie et la Pologne dont les réformes peuvent remettre en cause l’indépendance des médias et de la justice.
L’accord de Bruxelles dit effectivement : « Un régime de conditionnalité visant à protéger le budget et [le fonds de relance] sera introduit. ». Concrètement, les mesures éventuelles de suspension ou de réduction des fonds européens devront être approuvées par une majorité qualifiée des États membres.
Les termes volontairement flous de l’accord ont été considérés comme une victoire par Viktor Orban, le Premier Ministre hongrois, même si, in fine, l’avancée majeure a été que la décision de sanction financière puisse être prise à la majorité qualifiée et plus à l’unanimité (l’unanimité, actuellement en vigueur, rendait impossible toute sanction contre un État membre).
Aspect politique
L’opposition populiste, que ce fût Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, a tenté laborieusement de critiquer cet accord de Bruxelles. C’est vrai que la France, par exemple, a dû faire des concessions, celle de réduire le niveau des subventions de 500 à 390 milliards d’euros (pourquoi 390 et pas 400 ? marchandage de marchands de tapis ?), mais l’essentiel de son intérêt national a été préservé : son plan de relance économique.
Contrairement à ce que disent les oppositions populistes à propos de la négociation du budget européen, le revenu des agriculteurs a été maintenu et ne baissera pas. Au contraire, avec cet accord, ces revenus seront garantis et stabilisés dans le cadre d’une politique agricole de souveraineté. « Ce sera un moteur durable pour notre souveraineté alimentaire, climatique et technologique, un signal de confiance à long terme pour les Européens » assure le service après-vente de l’Élysée.
La mauvaise foi des oppositions françaises est à la mesure de leur impossibilité de critiquer un accord qui permet de financer presque la moitié du plan de relance français, dont le montant est suffisamment colossal pour ne pas être victime de surenchères démagogiques par des irresponsables politiques habitués à proposer l’augmentation de dépenses publiques à l’époque d’avant la crise.
Cet accord de Bruxelles du 21 juillet 2020 est donc un grand succès diplomatique, un grand succès pour l’Europe et pour les Européens, mais aussi pour le couple franco-allemand qui a insisté pour atteindre cet objectif de créer une dette commune. C’est même une véritable victoire du Président Emmanuel Macron qui a d’abord obtenu de la Chancelière allemande Angela Merkel qu’elle se rangeât aux côtés de la France dans ces négociations.
Dans ses déclarations récentes, Emmanuel Macron a considéré que le succès du 21 juillet 2020 est le résultat de trois ans de travail de la France, en considérant que c’est le résultat aussi de son discours du 26 septembre 2017 à la Sorbonne où il exhortait à une relance de la construction européenne.
Sur le fait de créer une dette commune, je n’ai rien lu de son discours de la Sorbonne le proposant, mais sur le fait de vouloir faire avancer l’Europe, oui, il le voulait, avec une vision clairement exprimée et presque prophétique, avant la crise sanitaire : « La seule voie qui assure notre avenir, celle dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est à nous, à vous de la tracer. C’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Ayons ensemble l’audace de frayer ce chemin. Comme je l’ai assumé à chaque instant devant les Français, je le dis aujourd’hui avec une conviction intacte : l’Europe que nous connaissons est trop faible, trop lente, trop inefficace, mais l’Europe seule peut nous donner une capacité d’action dans le monde, face aux grands défis contemporains. » (26 septembre 2017).
Son apport décisif a été dans le pacte franco-allemand du 18 mai 2020.
Le pacte franco-allemand du 18 mai 2020
Appelé officiellement "Initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus", ce pacte avait un objectif clair : « L’Europe surmontera cette crise ensemble et en sortira plus forte. Nos efforts conjoints sont guidés par notre volonté de parvenir à une relance durable pour l’Union Européenne. Nous, la France et l’Allemagne, sommes pleinement déterminées à assumer notre responsabilité pour l’Union Européenne et nous contribuerons à ouvrir la voie pour sortir de la crise. ».
Ce pacte du 18 mai 2020, qui a servi de base initiale à l’accord de Bruxelles du 21 juillet 2020, contient plusieurs volets :
1. Renforcer notre souveraineté stratégique par une Stratégie santé de l’Union Européenne (avec la création d’une industrie sanitaire européenne, la recherche et développement dans le domaine des vaccins et traitements avec coordination européenne et financement européen, la constitution de stocks stratégiques communs, etc.). Lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire le 25 juin 2020, l’infectiologue Karine Lacombe avait pointé le manque de coordination sur le plan européen de la recherche médicale.
2. Créer un fonds de relance ambitieux au niveau de l’Union Européenne pour la solidarité et la croissance, pour soutenir une reprise durable (avec une dotation de 500 milliards d’euros pour les secteurs et les régions les plus touchés et la création d’une fiscalité propre, notamment une taxation équitable de l’économie numérique et une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés).
3. Accélérer les transitions écologique et numérique, pour moderniser les modèles économiques européens.
4. Accroître la résilience et la souveraineté économique et industrielle de l’Union Européenne et donner un nouvel élan au Marché unique (avec le soutien à la diversification des chaînes de valeur, la modification des règles de la politique européenne de concurrence, le renforcement de la coordination au sein de l’Espace de Schengen et l’évolution vers une convergence sociale, avec un salaire minimum adapté aux situations nationales).
Dans sa conférence de presse du 18 mai 2020, Emmanuel Macron a rappelé ces différents sujets.
Le défaut d’Europe au début : « L’Europe, il faut bien le dire et avoir cette lucidité, a été sans doute mise en défaut au début de cette crise, d’abord parce que la compétence sanitaire n’est pas une compétence communautaire et donc, nous ne devons pas demander à l’Union Européenne ce qui n’est pas de sa compétence. Aussi parce qu’il y a eu des réflexes nationalistes, en particulier dans la gestion des frontières. ».
Solidarité européenne : « Nous devons aussi dire que des actions remarquables au niveau européen ont été conduites. Je ne veux pas oublier les gestes de solidarité très concrets qui ont donné de l’Europe un visage humain. Cette solidarité a sauvé des vies. L’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, l’Autriche ont accueilli près de 200 patients français. L’Allemagne comme la France ont apporté et livré beaucoup de matériels à l’Italie et plusieurs autres pays. Et cette solidarité, c’est aussi cet esprit européen et c’est l’Europe qui a fonctionné. ». Il faut ici préciser que c’est une solidarité hors de tout Traité et qu’ici, seules les décisions nationales ont compté, puisque la compétence sanitaire n’est pas une compétence européenne (c’est rappelé plus haut) et que la Suisse n’est même pas membre de l’Union Européenne.
Réponse monétaire : « La Commission Européenne a très tôt su lever les règles qui auraient pu nous contraindre en matière budgétaire ou en matière de concurrence et a permis au niveau national d’apporter des réponses sectorielles qui étaient absolument indispensables. ».
L’accord franco-allemand du 18 mai 2020 : « Il y a quatre piliers à notre initiative : la protection sanitaire, la relance budgétaire, la transition écologique, la souveraineté économique. Et je suis convaincu que c’est le socle essentiel de la reconstruction de nos vies, de nos économies, de nos sociétés qui passent par cette stratégie. (…) Sur la base des traités existants, pour la première fois ensemble, ce que nous proposons ensemble, Allemagne, France, aux vingt-sept pays membres, c’est d’une part de décider, tous ensemble, d’aller lever une dette commune sur les marchés et d’utiliser ces 500 milliards d’euros d’aides qui aura vocation à être remboursés (…). C’est une étape majeure et nous espérons que la Commission Européenne, dans quelques jours, portera cette proposition et qu’elle sera ensuite suivie par l’ensemble de nos partenaires. ».
C’est désormais chose faite, comme l’a annoncé Emmanuel Macron à Bruxelles ce 21 juillet 2020 : « Nous avons mis en place une capacité d’emprunter en commun, de mettre en place un plan de relance solidaire pour la première fois. L’objectif, que nous nous étions fixé, d’une enveloppe de 750 milliards d’euros au total, a fini par obtenir l’accord de tous, avec (…) une enveloppe pour les subventions qui a été finalement de 390 milliards d’euros (…). Cette enveloppe est un peu plus réduite que le plan franco-allemand ne l’avait souhaité, le 18 mai dernier, mais je veux qu’ici, chacun mesure le chemin parcouru en deux mois, ce qui, à l’échelle du temps européen, est extrêmement court. Et beaucoup, d’ailleurs, de nos collègues nous l’ont dit, ils ont été parfois surpris de l’accord franco-allemand du 18 mai dernier. En deux mois, nous avons réussi à bâtir un consensus pour que ce plan de relance inédit devienne une décision, et donc, une réalité. Il a demandé de l’effort, de l’esprit de compromis et je veux vraiment remercier l’ensemble de nos collègues qui, autour de nous, ont su ainsi s’engager. ».
C’est ainsi parce qu’Emmanuel Macron a réussi à convaincre Angela Merkel que cet accord de Bruxelles a été obtenu. Pourquoi Angela Merkel a-t-elle signé ce pacte du 18 mai 2020 ? En principe, elle quittera le pouvoir en automne 2021 au plus tard, c’est-à-dire d’ici aux prochaines élections fédérales en Allemagne. Mais c’est peu probable qu’elle pense à sa postérité. Elle pense d’abord à l’intérêt de l’Allemagne, et son intérêt industriel, c’est d’avoir des clients solvables, et la plupart des ses clients sont au sein de l’Europe. Face aux géants chinois et américain, l’Allemagne a besoin de l’Europe pour rester un géant commercial. Du reste la France aussi. C’est une évidence dont les Français ont du mal à prendre conscience…
La suite
La première conséquence de ce plan de relance européenne, c’est de définir sur des sources budgétaires propres : en effet, à partir du moment où l’on fait de l’endettement commun, il faudra bien passer par des recettes communes, c’est-à-dire (le gros mot), par une fiscalité européenne. Pour l’instant, il n’y a que des contributions nationales au budget européen.
La critique la plus recevable pour ce plan de relance, c’est donc qu’il a été adopté sans que ne fût discuté le mécanisme pour le financer, ce qui aurait été anticonstitutionnel dans un débat parlementaire en France ! Trois pistes de fiscalité européenne sont proposées, qui sont toutes les trois plutôt populaires car elles n’impactent pas (directement) le porte-monnaie tant des ménages que des entreprises (j’écris bien "directement") : une taxe sur le numérique (sur les GAFAM), une taxe carbone sur les importations (indirectement, ce seront quand même les consommateurs européens qui paieront), enfin, une taxe sur les transactions financières. Ce sont toujours des Arlésiennes, mais vu le besoin en financement, elles seront peut-être abouties plus rapidement qu’on ne l’imaginait avant la crise sanitaire.
Mais cet accord ne pose que pas des questions budgétaires.
Un ancien débat institutionnel va revenir rapidement à la surface de l’actualité, c’est évidemment le processus de décision dans les Conseils Européens. Pour créer ce plan de relance européenne, il a fallu l’unanimité des vingt-sept États membres, ce qui a montré le besoin de ces cinq jours. Ceux qui bloquaient ne représentaient que 10% de la population de l’Union Européenne.
Faudrait-il passer à une majorité qualifiée, permettant de dépasser le refus de quelques-uns des États membres ? Les partisans de la construction européenne répondent généralement "oui" à cette question. Bien que fervent partisan de cette construction européenne, je suis un peu plus mitigé sur la question et je n’ai pas la réponse immédiate. Je me dis par exemple que ne pas écouter un ou quelques États, ce n’était pas forcément faire preuve de solidarité : tout État membre doit être écouté et respecté, sinon, le risque est grand de multiplier des processus de type Brexit (notons que je pense qu’aujourd’hui, le Royaume-Uni, le plus touché par le coronavirus, doit regretter de ne plus faire partie de l’Europe ; gageons que Boris Johnson ne l’avouera jamais mais l’histoire le dira probablement dans les prochaines décennies).
Cette unanimité a permis au contraire de perfectionner l’accord européen. Certes, avec des concessions, certes, en s’éloignant peut-être un petit peu de la position française initiale, mais dans un cadre d’amélioration globale (sur le plan européen) : en effet, mettre en place un mécanisme de suivi de la dépense des fonds européens me paraît par exemple très pertinent et surtout, très sain politiquement. Chaque État membre apporte sa pierre à l’amélioration d’un accord.
Mais pour que cela fonctionne, il faut bien sûr que les États membres, tous, veuillent conclure un accord. Hier, un échec aurait été impossible à justifier face aux "opinions publiques", mais demain, la politique du pire pourrait aussi prévaloir, à savoir, le statu quo, l’immobilisme suicidaire, la politique qui a prévalu depuis la ratification du Traité de Lisbonne. Il faut donc essayer de comprendre ce qui ferait que pour chaque État membre, un accord, même médiocre, serait toujours mieux que pas d’accord du tout. Le processus de négociation doit donc être revu, mais pas forcément en voulant imposer la loi du plus fort (la loi de la majorité), ce qui, sur le plan strictement politique et même moral, réduirait l’envie de rester dans cette Union Européenne qu’on disait si moribonde et qui ne doit pas être carcan mais une structure d’épanouissement pour chaque peuple.
Nicolas Sarkozy n’avait rien promis mais a su réagir efficacement deux fois dans le domaine européen, la première fois pour sortir de l’échec du référendum du 29 mai 2005, la seconde fois pour réagir face à la crise de 2008. François Hollande, en arrivant à l’Élysée, avait promis une relance européenne et j’avais attendu, attendu. Emmanuel Macron, en arrivant à l’Élysée, avait promis une relance européenne, et j’avais encore attendu. Jusqu’à ce 21 juillet 2020. Cela ne sera peut-être pas mis à son actif dans le débat national, mais je considère que cet accord de Bruxelles est l’une de ses plus hautes et belles réalisations depuis qu’il est le Président de la République française et qu’il concourt à le faire entrer dans l’Histoire. Par la grande porte.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 juilllet 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Pierre Pflimlin l'Européen.
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
Interview du Président Emmanuel Macron le 21 juillet 2020 à Paris sur TF1 (vidéo).
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 21 juillet 2020 à Bruxelles (texte intégral et vidéo).
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 18 mai 2020 à Paris (texte intégral et vidéo).
Le pacte franco-allemand historique du 18 mai 2020.
Jacques Delors l’Européen.
Robert Schuman lance la construction européenne.
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
Emilio Colombo l'Européen.
Brexit Day : J – 3 …et De Gaulle dans tout ça ?
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Thierry Breton l'Européen.
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30 ans d’Erasmus.
Sylvie Goulard et la démocratie européenne.
8 contresens sur le Brexit.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
Européennes 2019 (6) : le paysage politique européen.
Européennes 2019 (5) : les six surprises françaises du scrutin du 26 mai 2019.
Européennes 2019 (3) : l’Union Européenne est-elle démocratique ?
Michel Barnier l'Européen.
Le testament européen de Jean-Claude Juncker.
Le retour aux listes nationales aux élections européennes (2 décembre 2017).
Jean Monnet l'Européen.
La reconquête des peuples européens.
Le programme du CNR.
Discours de Robert Schuman le 9 mai 1950 au Salon de l’Horloge à Paris (texte intégral).
Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (26 septembre 2017).
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200721-macron-europe.html
https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/relance-europeenne-le-21-juillet-225912
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/19/38306309.html