« Notre Nation a traversé cette année avec une telle unité et une telle résilience : rien ne peut lui résister. Notre Nation a été capable, dans ces temps difficiles, de tant d’innovation, d’inventivité, de générosité : tout lui est possible. » (Emmanuel Macron, le 31 décembre 2020).
Il y a moins d'un mois, il avait parlé des réformes nombreuses du Président Valéry Giscard d’Estaing. Peut-être est-ce l’obsession du Président Emmanuel Macron qui aura vécu, dans son quinquennat, deux crises majeures longues, celle des gilets jaunes pendant un an, et celle du covid-19 pendant un an et demi voire deux ans : arrivera-t-il à réformer la France comme il s’y était engagé en 2017 ?
L’allocution télévisée traditionnelle pour les vœux 2021 a été marquée par cette obsession, mais elle pourrait se montrer décevante. La vraie pirouette, cela aurait de se dire qu’il aurait du temps, avec un second quinquennat, pour pouvoir assumer la crise sanitaire et remettre dans les rails de la prospérité un pays qui a tous les atouts pour être prospère : excellence intellectuelle, innovation, puissance industrielle, modèle social à haute ambition, exemple de stabilité institutionnelle et politique.
Comment aborder les vœux 2021 et donc, le bilan 2020 sans évoquer la pandémie de covid-19 ? Il l’a fait à mon avis par le bon bout, à double titre : en rendant hommage aux victimes, car ceux qui polémiquent et pérorent sur le sujet oublient que cette pandémie tue, et tue beaucoup, tant en France que dans le reste du monde, et aussi, en rendant hommage à tous les Français, ceux qui ont montré un esprit civique hors du commun, peu prévisible même quand on connaît l’esprit gaulois si râleur, et c’est grâce à ce civisme qu’on a limité les dégâts humains, même si ceux déjà faits sont déjà bien trop nombreux.
Le civisme : « J’ai pleinement conscience, par les décisions que j’ai eu à prendre, des sacrifices que je vous ai demandés. Je suis sincèrement convaincu que nous avons fait les bons choix aux bons moments et je veux vous remercier de votre civisme. De cet esprit de responsabilité collective par lequel nous avons sauvé tant de vies et qui nous permet aujourd’hui de tenir mieux que beaucoup face à l’épidémie. ». À ma connaissance, c’est assez rare que le Président de la République remercie ainsi les Français. Jean Castex l’a fait souvent, Emmanuel Macron assez peu, c’est une bonne chose.
Les victimes : « En votre nom, j’ai ce soir une pensée pour les 64 000 victimes de ce virus, leurs familles et leurs proches. Des parents, des amis, des pans entiers de l’imaginaire français nous ont quittés ces derniers mois. Oui, cette année 2020 a été difficile. Elle nous a rappelé nos vulnérabilités. Elle a été encore plus injuste pour les plus fragiles. Mais ensemble, nous en sortons encore plus unis, et en ayant beaucoup appris. J’ai aussi une pensée pour tous nos compatriotes vivant dans la précarité, parfois la pauvreté, pour qui la crise que nous traversons rend le quotidien plus difficile encore. ».
Rappelons que Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Louis Servan-Schreiber et Robert Hossein, mort près de Nancy le lendemain de son anniversaire, comptent parmi les victimes rien que pour le dernier mois, et leur âge n’empêche pas qu’ils ne sont pas mort de leur âge mais bien du covid-19 (ceux qui pensent que c’est normal devraient définir l’âge auquel il serait "normal" de mourir). Sans ce virus, chacun d’eux aurait continué à vivre, à penser, à projeter, à rêver, à aimer.
Il a aussi eu beaucoup de reconnaissance envers des Français qui ont montré courage et inventivité dans ces temps difficiles. Il a énuméré neuf Français, au risque de lasser (et c’était malheureusement lassant), au risque d’être démagogique, mais imaginons-nous ceux qu’il a cités, la fierté qu’ils pourraient avoir d’être reconnus dans leur courage, leur inventivité : « [L’épidémie] a aussi, à mes yeux, révélé des parcours exemplaires qui sont autant de boussoles pour les temps à venir. Notre plus grande fierté, en effet, ce sont les Françaises et les Français. Vous ! ».
Par ailleurs, Emmanuel Macron a rappelé que le traitement économique et social de la crise sanitaire a été sans égal dans le monde et c’est une chance : « Notre pays est l’un de ceux qui est le plus intervenu pour protéger et accompagner les jeunes, les travailleurs, les entrepreneurs. Ce "quoi qu’il en coûte", je l’assume car il a permis de préserver des vies et de protéger des emplois. Il nous faudra bâtir ensemble les réponses qui permettront de ne pas en faire un fardeau pour les générations futures. ». Ceux qui demain voudront critiquer le déficit budgétaire sont les mêmes qui aujourd’hui trouvent que les aides de l’État restent insuffisantes pour les blessés de la guerre sanitaire.
Actant le départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne, le Président de la République a réaffirmé fermement ses convictions européennes : « Ce choix de quitter l’Europe, ce Brexit, a été l’enfant du malaise européen et de beaucoup de mensonges et de fausses promesses. Mais je veux, moi, vous dire très clairement : notre destin est d’abord en Europe. Notre souveraineté est nationale et je ferai tout pour que nous retrouvions la maîtrise de notre destinée et de nos vies. Mais cette souveraineté passe aussi par une Europe plus forte, plus autonome, plus unie. C’est ce que nous avons bâti en 2020. ».
Emmanuel Macron a donc tenté d’énumérer ses réformes de 2020. Ce n’est pas la réforme des retraites, comme il l’avait imaginé le 31 décembre 2019, mais il a considéré que la liste n’était pas vide : « Malgré la pandémie, nous n’avons jamais renoncé à poursuivre notre ambition de progrès pour chacun en baissant les impôts, en ouvrant de nouveaux droits comme le congé pour les aidants, l’allongement du congé paternité, en soutenant, par des primes, la conversion de notre parc automobile, en ouvrant sur tout le territoire des maisons France services, en investissant dans notre souveraineté et notre recherche de manière historique, en agissant pour produire davantage en France, en Europe. ». Un peu plus tard, il a réinsisté : « Oui, cette année 2020 ne se résume pas à l’épidémie même si celle-ci a changé nos vies. ».
Après le bilan, le futur. C’est le plus important pour Emmanuel Macron et pour tous les Français. Un avenir proche pas forcément gai ni rose : « En 2021, quoi qu’il arrive, nous saurons donc faire face aux crises, sanitaire, économique et sociale, terroriste, climatique, qui ne s’éteindront pas avec le 1er janvier. Les premiers mois de l’année seront difficiles et, au moins jusqu’au printemps, l’épidémie pèsera encore beaucoup sur la vie de notre pays. ».
Mais au-delà de la crise sanitaire, et malgré le faible temps qu’il lui reste avant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron compte relever trois grands défis : la transition écologique et la protection de la biodiversité ; la lutte pour la République et pour nos valeurs, la laïcité, la fraternité, pour plus de sécurité ; enfin, la poursuite de son engagement pour le mérite, le travail, l’égalité des chances et la lutte contre toutes les inégalités et les discriminations. Sa détermination reste intacte : « Les épreuves que nous avons affrontées auraient pu émousser notre enthousiasme, désaltérer l’espoir. Il n’en est rien. ». Un peu plus tard, il a renforcé cette idée : « C’est pour notre jeunesse que nous devons continuer à agir, à transformer, à avancer. Nous n’ajouterons pas au coût de la crise, celui de l’inaction. ».
Il faut noter qu’Emmanuel Macron n’a pas évoqué la réforme des retraites ni aucune réforme institutionnelle. S’il devait continuer à réformer, c’est à l’évidence sur le plan écologique et sur le plan régalien qu’il souhaite marquer son temps et son quinquennat. C’est, à mon sens, un bon choix, et surtout, un choix plus consensuel que celui des retraites ou des institutions, thèmes boîtes de Pandore qui ne provoqueraient que désunion et divisions.
Parlant d’avenir, il n’a évidemment pas oublié d’évoquer la vaccination contre le covid-19. Saluant la prouesse scientifique de mettre au point, par « le génie humain », un vaccin moins d’un an après la découverte du virus, il a voulu faire preuve de fermeté dans sa volonté d’aller vite avec la vaccination : « Et je vous le dis avec beaucoup de détermination ce soir : je ne laisserai personne jouer avec la sûreté et les bonnes conditions, encadrées par nos scientifiques et nos médecins, dans lesquelles la vaccination doit se faire. Je ne laisserai pas davantage, pour de mauvaises raisons, une lenteur injustifiée s’installer : chaque Français qui le souhaite doit pouvoir se faire vacciner. De manière sûre et dans le bon ordre, en commençant pas ceux qui présentent le plus de risques. ».
Ce petit laïus, somme toute court par rapport à la longueur de l’allocution, est sans doute le plus important de la soirée. Les journalistes l’ont interprété comme un désengagement présidentiel de l’action du gouvernement et même un reproche sur la manière dont la vaccination est organisée. C’est bien sûr erroné : lorsque Emmanuel Macron s’en prend à « une lenteur injustifiée », cela signifie au contraire que celle d’aujourd’hui est "justifiée".
En effet, que dirait-on si on vaccinait à tour de bras sans s’assurer du "consentement éclairé" des résidents en EHPAD ? On criait au scandale ! Le choix de la France, qui me paraît pertinent, c’est de vacciner d’abord tous les résidents en EHPAD qui le voudraient. Pourquoi ? Parce qu’âgés, ils sont parmi les plus vulnérables, et que cette vulnérabilité est accrue avec le fait que c’est un établissement collectif. Lorsqu’il y a contamination, elle n’est jamais isolée, elle l’est par dizaines de résidents. Dans le nombre de décès, un tiers représente des résidents en EHPAD, voilà pourquoi il est urgent de les vacciner. Et martelons : il ne s’agit pas d’en faire des cobayes ! Le vaccin a été déjà testé, il a montré son efficacité et son innocuité, ce n’est plus une phase de test, juste de pharmacovigilance, ce qui est très différent. Et il suffit d’observer d’autres pays pour s’en rendre compte, puisqu’ils ont pris un peu d’avance.
Les autres candidats à la vaccination, ceux qui sont totalement autonomes, leur vaccination sera beaucoup plus rapide, le recueillement de leur consentement éclairé plus aisé à obtenir. Des centres de vaccination seront d’ailleurs installés un peu partout en France, selon la bonne volonté des élus locaux. Rappelons-le, ce vaccin de Biontech/Pfizer, le seul possible actuellement, le seul autorisé en France, doit être stocké dans des congélateurs qui tiennent –80°C. Pas dans un simple réfrigérateur.
Cessons une nouvelle fois de polémiquer après seulement un ou deux jours de vaccination. Il était essentiel pour l’Europe de commencer sa campagne de vaccination avant la fin de l’année, c’était symbolique, mais on sait très bien qu’entre Noël et le Nouvel An, jusqu’au lundi 4 janvier 2021, beaucoup de Français sont en vacances, sont absents, et les soignants tout autant que les autres, et eux ont besoin plus que les autres de ces congés pour reprendre des forces et faire face probablement à un hiver et à un printemps très difficiles sur le front sanitaire. Attendons donc quelques semaines avant de faire des comparaisons oiseuses. Non, il n’y a pas de problème de fourniture, début janvier 2021, la France devrait avoir plus d’un demi-million de doses en sa possession.
On peut faire un parallèle avec les tests PCR. On a beaucoup critiqué la France d’en avoir fait trop peu il y a quelques mois. Petite question intéressante : qui de la France (67 millions d’habitants) ou de l’Allemagne (83 millions d’habitants) en a fait le plus au 31 décembre 2020 ? La réponse peut surprendre : la France en a fait plus de 35,4 millions et l’Allemagne seulement 34,8 millions, pour une population plus importante. Rapporté à la population, cela donne 542 000 tests par million d’habitants en France (plus de 54% !), et seulement 415 000 tests par million d’habitants en Allemagne.
Lorsque certains pays (comme Israël) vont si vite qu’ils n’auront pas assez de "secondes" doses pour faire le rappel un mois après la première dose, ou lorsqu’on décide (au Royaume-Uni) de prolonger de un à trois mois le temps entre les deux doses à injecter, on se demande quel pays est le plus sérieux, celui qui s’assure que le vaccin sera le plus efficace possible ou celui qui vaccine de manière visible et massive mais sans s’assurer que les patients seront effectivement bien protégés ? Rendez-vous donc dans quelques mois avant de psychoter inutilement !
Dans sa conclusion, Emmanuel Macron n’a pas hésité à donner un horizon lointain, ce que son prédécesseur direct a toujours été incapable de faire : « En luttant contre le virus, en nous battant contre ses conséquences économiques et sociales, en refondant une société plus forte, fraternelle et durable, c’est la France de 2030 que nous bâtirons. Tel est notre cap. Alors, ensemble, dans la concorde, regardons devant nous, regardons notre avenir, préparons dès aujourd’hui ce printemps 2021 qui sera le début d’un nouveau matin français, d’une renaissance européenne ! ».
Et, disons-le, j’ai beaucoup apprécié sa presque dernière phrase car c’est la phrase d’un patriote, d’un Français qui aime son pays, sa Nation et son peuple, qui les aime vraiment, j’insiste, au contraire de beaucoup de ses contradicteurs qui ont été particulièrement pitoyables pendant cette crise sanitaire : « Soyons fiers ! Fiers d’être "nous", les Français, la France ! ».
Certains divisent les Français en opposant "moi" à "eux", Emmanuel Macron, lui, est pour l’unité, il dit "nous" sans condition d’appartenance. C’est cela l’esprit républicain. C’est cela l’esprit national. C’est aussi cela l’esprit de responsabilité. Français, si vous aimez votre pays, ne tombez pas dans l’aigrissement, ne crachez pas dans la soupe, ne dénigrez pas votre pays ; au contraire, soyez fiers, soyez positifs, soyez optimistes, soyez constructifs, et aidez à son amélioration, à sa progression ! Soyez la France de demain et pas celle d’hier !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron sera-t-il un Président réformateur ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron pour les vœux 2021, le 31 décembre 2020 à Paris (texte intégral et vidéo).
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron en hommage à Valéry Giscard d’Estaing, le 3 décembre 2020 à Paris (texte intégral et vidéo).
Discours du Président Emmanuel Macron sur la lutte contre le séparatisme, le 2 octobre 2020 aux Mureaux (texte intégral).
Emmanuel Macron : 43 ans en quarantaine.
Écologie : un référendum, pourquoi pas ?
Le calendrier de l’Avent du Président Macron.
Emmanuel Macron et l’électrochoc du confinement nocturne.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201231-macron.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-sera-t-il-un-229893
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/12/19/38714857.html