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16 janvier 2021 6 16 /01 /janvier /2021 16:58

« Avoir vécu trente-cinq ans dans une dictature a rendu Merkel allergique à toutes les formes de carcans, et d‘abord les carcans idéologiques. Elle considère que les idéologies aveuglent les hommes. Elle a vu par ailleurs qu’un système politique reposant sur une idéologie pouvait s’effondrer du jour au lendemain. Cela lui donne une très grande liberté pour aborder les problèmes, et c’est ce qui explique qu’elle soit capable de prendre des décisions qui surprennent tout le monde du jour au lendemain. » (Jacqueline Boyson, 2001).



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Ce samedi 16 janvier 2021 a eu lieu le 33e congrès de la CDU (chrétiens-démocrates allemands), le parti au pouvoir, un congrès très important : la désignation du nouveau président fédéral de la CDU par les 992 mandants. Pendant dix-huit ans, du 10 avril 2000 au 7 décembre 2018, Angela Merkel a présidé la CDU. Sa successeure directe, Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), ministre-présidente de la Sarre du 10 août 2011 au 1er mars 2018 et actuelle Ministre fédérale de la Défense depuis e 17 juillet 2019 (succédant à Ursula von der Leyen), a jeté l’éponge le 10 février 2020 après les défaites électorales de son parti aux élections régionales en automne 2019 et surtout, après une alliance scandaleuse entre les élus CDU et les élus AfD (parti d’extrême droite) pour éviter la reconduction d’un social-démocrate à la tête de la Thuringe.

Un mot ce sur scandale : les élus CDU, FDP et AfD se sont unis pour élire Thomas Kemmerich (FDP) le 5 février 2020 comme ministre-président de Thuringe, au troisième tour à la majorité relative avec une voix d’avance sur le ministre-présient sortant (Die Linke, extrême gauche) Bodo Ramelow (en absence de candidat ayant obtenu la.majorité absolue aux deux premiers tours). Finalement, après le tremblement de terre politique que cela a entraîné (premier chef d’exécutif élu avec l’extrême droite en Allemagne depuis la guerre), Thomas Kemmerich a démissionné le 6 février 2020, et ce fut le sortant Bodo Ramelow qui retrouva le 4 mars 2020 son fauteuil.

Cette incapacité à avoir préservé la discipline parmi les membres de son parti pour refuser toute alliance avec l’AfD a abouti à la démission de AKK. Un congrès aurait dû se dérouler dès le 25 avril 2020 mais la crise sanitaire en a empêché la tenue et le contexte ne se prêtait pas à une guerre intestine, reportée finalement à ce week-end de manière virtuelle.

Ce fut le candidat le plus proche d’Angela Merkel qui a été élu face à son rival permanent depuis plus de vingt ans. Armin Laschet (59 ans), en effet, a été élu président fédéral de la CDU ce 16 janvier 2021, avec 52,79% (521 voix) au second tour contre 47,21% (466 voix) pour Friedrich Merz (65 ans), homme d’affaires fortuné qui avait dû céder sa place de président du groupe CDU au Bundstag à un proche d’Angela Merkel le 24 septembre 2002, deux ans après avoir affronté directement Angela Merkel elle-même en 2000 pour succéder à Helmut Kohl à la tête du parti. Friedrich Merz a retenté sa chance face à AKK en 2018, sans succès non plus. La désignation de Friedrich Merz aurait définitivement "conservatiser" la CDU, qui serait devenue un parti conservateur classique au lieu d’être ce qu’elle a toujours été, l’Union chrétienne-démocrate qui, au-delà de la préoccupation économique, a aussi une préoccupation sociale.

Armin Laschet a pourtant été seulement en deuxième position au premier tour, avec 38,42% (380 voix) face à Friedrich Merz qui a fait légèrement mieux, 38,93% (385 voix), mais il a bénéficié du soutien du troisième candidat, l’ancien ministre fédéral Norbert Röttgen (55 ans), 22,65% (224 voix), président de la commission des affaires étrangères au Bundestag, proche également d’Angela Merkel et probablement le candidat préféré de la France pour sa volonté de renforcer l'amitié franco-allemande.

C’est un beau cadeau d’anniversaire en avance pour Armin Laschet qui aura 60 ans dans un mois, le 18 février 2021, élu ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie depuis le 27 juin 2017, ayant repris la région aux sociaux-démocrates. Dans cette région, il était un rival de Norbert Röttgen au sein de la CDU (ce dernier ayant été élu président de la CDU du Land en 2010 face à Armin Laschet).

Au niveau fédéral, Armin Laschet, très conciliant avec les écologistes, cité régulièrement comme un successeur potentiel d’Angela Merkel depuis que cette dernière avait annoncé, le 29 octobre 2018, sa décision de se retirer de la présidence de la CDU, il avait refusé de se porter candidat à ce moment-là, laissant AKK gagner le congrès. Il est un très proche d’Angela Merkel, un partisan très affirmé de la construction européenne, un soutien indéfectible de la politique d’accueil et d’intégration des centaines de milliers de réfugiés voulue par Angela Merkel en 2015, au point d’avoir été appelé "Armin le Turc".

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Cette victoire a de quoi rasséréner Angela Merkel, la Chancelière insubmersible d’une Allemagne modernisée. Depuis quelques semaines, son autorité a faibli avec le début de la deuxième vague de l’épidémie de covid-19 en pleine figure de l’Allemagne. Son allocution télévisée le 13 décembre 2020, sur le ton dramatique, a montré à quel point elle est sensible à la protection des vies humaines. Elle a pris la décision de mettre en confinement l’Allemagne dès le 16 décembre 2020 (c’est-à-dire avant Noël) et probablement jusqu’au mois d’avril 2021.

Quelques jours auparavant, beaucoup de journaux et d’éditorialistes se demandaient pourquoi l’Allemagne ne faisait pas comme la France, devenue un modèle pour les Allemands, par une opération de retournement absolument inconnue des Français qui croient que l’Allemagne est encore le modèle dans la crise sanitaire.

La réalité, c’est que la France s’en tire nettement mieux que l’Allemagne dans la deuxième vague. La France l’a anticipée, tandis que l’Allemagne, qui a eu chance de ne pas avoir été trop lourdement touchée par la première vague, a subi, comme le reste de l’est européen, une vague extrême. Résultat, la France a maintenant beaucoup moins de victimes que l’Allemagne (environ 400 décès par jours au lieu du triple pour l’Allemagne) et même du point de vue organisationnel, malgré les différences du nombre d’habitants, la France a réalisé plus de tests que l’Allemagne, respectivement 39,2 millions (60 tests pour 100 habitants) et 36,3 millions 43 tests pour 100 habitants). On verra dans quelques mois ce qu’il en sera pour la vaccination.

Alors que depuis 2015, la lumière Merkel avait pâli avec l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne, elle avait repris de l’intensité durant l’année 2020 justement pour la bonne tenue de l’Allemagne, tant sanitaire qu’économique, pendant la première vague. Mais aujourd’hui, l’Allemagne s’enfonce dans un véritable cauchemar sanitaire, ayant hélas entraîné au total près de 50 000 décès dus au covid-19 (probablement atteints au cours de la troisième semaine de janvier).

À 66 ans, Angela Merkel a fêté le quinzième anniversaire de ses fonctions de Chancelière d’Allemagne fédérale le 22 novembre 2020 (c'est déjà un an de plus que François Mitterrand). Elle devrait se maintenir jusqu’en septembre 2021, date des prochaines élections législatives à l’issue desquelles, en principe, elle quittera le pouvoir. Plus de 70% des sondés plébiscitent leur "Mutti" dans les sondages et une majorité souhaiterait la voir postuler pour un cinquième mandat, ce qu'elle refuse obstinément.

Pour l’instant, Angela Merkel n’a pas (encore) battu le record de longévité de son mentor, Helmut Kohl, à la fois à la tête du gouvernement allemand (seize ans, du 1er octobre 1982 au 27 octobre 1998) et à la tête de la CDU (vingt-cinq ans, du 12 juin 1973 au 7 novembre 1998). Elle ne battra certainement pas la longévité du premier Chancelier de l’Allemagne unifiée, à savoir Bismarck, Chancelier impérial pendant presque vingt-trois ans (du 1er juillet 1867 au 20 mars 1890, remercié par le nouvel empereur Guillaume II), mais il était déjà ministre-président de Prusse, un équivalent de Chancelier, pendant plus de vingt-six ans (du 23 septembre 1862 au 1er janvier 1873 et du 9 novembre 1873 au 20 mars 1890).

En revanche, Angela Merkel a déjà battu la longévité du père de la République fédérale, Konrad Adenauer, Chancelier pendant quatorze ans (du 15 septembre 1949 au 11 octobre 1963) et président fédéral de la CDU pendant seize ans (du 21 octobre 1950 au 23 mars 1966). Et j’ajoute, mais c’est peu comparable, qu’elle a battu aussi la longévité du dictateur Hitler (douze ans du 30 janvier 1933 au 30 avril 1945).

Alors qu’on ne gagne rien en France à faire du consensus mou (voir François Hollande), Angela Merkel a duré politiquement grâce à son talent de négociatrice et de conciliatrice : réunir les oppositions, concilier les inconciliables. Sur ses quatre mandats de Chancelière, elle n’a gouverné pleinement que lors d’un seul (son deuxième mandat), les trois autres, elle n’était que la représentante de la grande coalition, c’est-à-dire de l’union conjoncturelle entre les deux grands partis gouvernementaux, la CDU et le SPD, faute de majorité absolue pour l’un des deux camps, dans un régime pleinement parlementaire qui nécessite, bien plus qu’en France, de choyer les avis des parlementaires.

On a parlé d’une certaine brutalité d’Angela Merkel pour préserver l’orthodoxie financière, notamment lors de la crise grecque. En fait, elle a surtout mis en avant, elle s’est même personnellement engagée, au point de mettre sa popularité en jeu, et même son avenir politique, ses valeurs démocrates-chrétiennes, c’est-à-dire que pour elle, la priorité, ce n’est ni l’argent, ni l’égalitarisme, mais la personne humaine, la dignité humaine, et elle les a mises en avant très nettement dans deux graves crises, la crise des réfugiés (en 2015) et la crise sanitaire (en 2020-2021). En ce sens, elle est une conscience extrêmement nécessaire de l’Europe et du monde. Son poids politique lui a permis d’imposer ces choix qui sont le choix de la vie et pas le choix de l’économie.

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À une échelle mondiale, Emmanuel Macron sera son véritable successeur dans une Europe en perte de repères et en manque de leader. C’est lui qui, entre mai et juillet 2020, a convaincu son homologue allemande de faire une mutualisation de la dette pour relancer l’économie, la recherche et la culture européennes à hauteur de 500 milliards d’euros. La désignation d’Armin Laschet n’est donc pas seulement une excellente chose pour l’Allemagne, mais aussi pour l’Europe. Le premier parti allemand sera toujours à défendre l’esprit de coopération et la dignité humaine dans un monde de plus en plus replié sur lui, parfois par nécessité sanitaire récente et temporaire, souvent par effroi identitaire durable.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Angela Merkel.
Armin Laschet.
Ursula von der Leyen.
Friedrich Dürrenmatt.
Richard von Weizsäcker.
Benoît XVI.
Méditerranée orientale : la France au secours de la Grèce face à la Turquie.
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
Le pacte franco-allemand historique du 18 mai 2020.
Robert Schuman lance la construction européenne.
Les 75 ans de la Victoire sur le nazisme.
Le syndrome de Hiroshima.
Hitler.
Auschwitz.
Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
Les élections régionales en Thuringe du 27 octobre 2019.
Konrad Adenauer.
L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210116-armin-laschet.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/16/38763509.html




 

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