« Je n’ai jamais demandé à être au-dessus des lois, mais je ne peux accepter d’être en dessous de celles-ci. » (Nicolas Sarkozy, le 20 mars 2014).
L’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy a été condamné en première instance, par la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, à trois ans de prison dont deux avec sursis pour fait de corruption. La peine est très lourde, car cela signifie un an de prison ferme, mais la nature de la condamnation, corruption, l’est également.
Ce qu’on lui a reproché ? Des communications sous écoute pour une autre affaire qui, elle, n’en finit pas de pédaler dans la semoule : l’argent supposé libyen dans la campagne de 2007. Une conversation qui mettrait en jeu l’avocat de Nicolas Sarkozy et un juge. Nicolas Sarkozy aurait voulu récupérer ses agendas pris lors de l’affaire Bettencourt et aurait proposé à un juge de l’aider à être promu à Monaco en échange d’information sur ces dits agendas. Rien n’est avéré : le juge en question n’a jamais été promu, Nicolas Sarkozy n’a jamais récupéré ses agendas. Ces bases-là, pour condamner à un an de prison ferme, c’est ténu.
Bref, je sais qu’une décision des juges s’impose, l’appel aura lieu dans tous les cas, mais rien n’interdit de s’interroger voire de s’inquiéter de cette manière de juger et qu’on ne peut pas ne pas relier à l’existence du mur des c@ns au siège de l’un des syndicats les plus influents des juges..
Dans une tribune dans le journal "Le Figaro", Nicolas Sarkozy était sorti du silence le 20 mars 2014 : « Voici que j’apprends par la presse que tous mes téléphones sont écoutés depuis maintenant huit mois (…). Les juges entendent les discussions que j’ai avec les responsables politiques français et étrangers. Les conversations avec mon avocat ont été enregistrées sans la moindre gêne. L’ensemble fait l’objet de retranscriptions écrites dont on imagine aisément qui sont les destinataires ! (…) Je sais, la Ministre de la Justice n’était pas au courant, malgré tous les rapports qu’elle a demandés et reçus. Le Ministre de l’Intérieur n’était pas au courant, malgré les dizaines de policiers affectés à ma seule situation. De qui se moque-t-on ? On pourrait en rire, s’il ne s’agissait de principes républicains si fondamentaux. Décidément, la France des droits de l’homme a bien changé. (…) J’accepte tous les combats à condition qu’ils soient loyaux. Je refuse que la vie politique française ne fasse place qu’aux coups tordus et aux manipulations grossières. ».
À l’époque, la Ministre de la Justice s’appelait Christiane Taubira et le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
Ceux qui se sont toujours opposés à Nicolas Sarkozy pourraient voir dans cette décision de justice matière à sourire, à ricaner voire à applaudir. Ce serait une double erreur. La première, c’est que l’opposition à Nicolas Sarkozy, en 2021, est totalement inutile : depuis le 20 novembre 2016, Nicolas Sarkozy a dit adieu à tout espoir de retrouver un jour l’Élysée et n’est donc un danger politique pour personne, si ce n’est peut-être pour ses plus proches amis politiques. Cette opposition est donc anachronique. La seconde erreur, c’est de croire que c’est une décision qui vise un homme ou un parti en particulier.
À mon sens, c’est pire que cela. Ce n’est pas une décision politisée, c’est une décision institutionnalisée. Il ne s’agit pas ici de juges impartiaux qui s’en prendraient à un ancien Président de la République. Il ne s’agit pas non plus d’un juge qui voudrait "se payer" un ancien Président de la République. Il s’agirait plutôt que la Justice s’en prendrait ici à la Politique.
En créant ex nihilo le Parquet national financier (PNF), le Président François Hollande, voulant se montrer plus propre que propre après les effets catastrophiques de l’affaire Jérôme Cahuzac (son ministre anti-fraude !), a créé en fait, comme le docteur Frankenstein, une créature incontrôlable. Ce PNF est devenu une arme de destruction massive contre la classe politique dans son ensemble. François Hollande a accouché d’un monstre qui pourrait faire plonger les institutions françaises dans un marasme politique.
D’ailleurs, la réaction de la classe politique a été assez instructive. Sans surprise, les proches de Nicolas Sarkozy et son parti d’origine, Les Républicains, le soutiennent dans cette épreuve qui n’est drôle pour personne. Mais les plus intéressants à écouter, ce sont ses opposants de tout temps. Au RN, on est particulièrement attentif à ce verdict et l’on émet son incompréhension, lui-même ayant des affaires sur le feu qui pourraient éclater à la figure de Marine Le Pen en pleine campagne présidentielle prochaine. Qui, à ce propos, dirait aujourd’hui que cette affaire et ce verdict feraient le jeu du RN ? Plus personne !
À gauche aussi, on ferait bien d’être prudent. Je n’ai pas encore entendu la réaction de Jean-Luc Mélenchon mais on connaît déjà ses sentiments, ou plutôt, ses ressentiments sur les juges, capables de faire des perquisitions chez lui et de violer sa vie intime.
La célérité de la mise en examen de François Fillon quelques semaines avant la dernière élection présidentielle, quand d’autres affaires s’étendent en lenteur a de quoi poser de nombreuses questions. Et même la sévérité du récent jugement en appel de l’ancien ministre Georges Tron, qui avait été acquitté en première instance, et mis en prison en appel, avec le même dossier, a de quoi surprendre, même si ici, il ne s’agit pas de politique mais plutôt d’un contexte autre sur les agressions contre les femmes.
Évidemment que les responsables politiques doivent être des justiciables comme les autres, avec peut-être quelques protections pour éviter les abus (l’immunité parlementaire, etc.). Évidemment que s’ils ont commis des délits ou des crimes, il faut qu’ils soient condamnés et sanctionnés, en sachant que la première des sanctions est d’abord la sanction du peuple lors des élections. Évidemment que lorsqu’on est censé rédiger la loi ou la faire appliquer, on doit être encore plus exemplaire que les autres. Mais il faut arrêter de confondre justice et corporatisme.
J’ai entendu un responsable du PS en ruines sourire un peu dans sa barbe, tout en s’inquiétant quand même de l’absence d’intimité des conversations d’un avocat avec son client. Oui, aujourd’hui, on peut être jugé sur une simple conversation privée, écoutée de manière étonnante (je dirais par euphémisme), entre une personne mise en examen et son avocat. Tous les défenseurs d’une justice équitable auraient de quoi s’inquiéter. Plutôt que d’imaginer des zones de non droit (hallucinant !), la nouvelle défenseure des droits ferait mieux de s’inquiéter de cette décision de justice qui bafoue les droits de la défense les plus élémentaires.
On a vu avec Georges Tron comment l’appel peut renverser complètement le jugement de première instance. Nicolas Sarkozy peut donc espérer le même genre de retournement pour cette affaire pitoyable. À force d’avoir voulu l’indépendance de la justice, et il y a une cinquantaine d’années, c’était absolument nécessaire de la vouloir, on a créé des juges indépendants de tout, qui n’ont de comptes à rendre à personne, même quand ceux-ci font de graves erreurs. Au pire, un juge qui aura fait des erreurs désastreuses sera "promu" (cf affaire Grégory, affaire d’Outreau, etc.).
La machine infernale risque de ne jamais s’arrêter. Pour le bien de qui ? d’une corporation ? d’un syndicat ? d’un clan ? En tout cas, sûrement pas des Français ni de la France. C’est peut-être là le sujet prioritaire pour l’actuel Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. Il n’y a qu’une personnalité de cet acabit qui pourrait prendre le taureau par les cornes…
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Sylvain Rakotoarison (01er mars 2021)
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