« Je conseille aux jeunes d’essayer beaucoup de choses différentes (…). Il faut tout tenter et, surtout, oser. Le plus grand mécanisme d’obstacle à la réussite est l’autocensure. » (Thomas Pesquet, "Le Monde" le 7 janvier 2019).
S’il y a bien des héros des temps modernes à promouvoir dans notre société postmoderne, ce sont bien les astronautes, cosmonautes, spationautes. Ils ont pour cadre la planète et pas la nationa, au point même de rompre les manichéismes simplificateurs de la guerre froide (le premier de ces nouveaux héros fut le Soviétique Gagarine adulé en "Occident").
Pour le spationaute français Thomas Pesquet, cet héroïsme prend la marque d’une jeunesse qui semblerait figée dans une sorte d’intemporalité (alors qu’il a quand même maintenant 43 ans) et d’un talent médiatique incontestable. Un humble superhéros. Ce lundi 19 avril 2021, il a tenu une conférence de presse depuis Cap Canaveral, base de lancement aux États-Unis, pour dire au revoir aux Terriens. Il va en effet décoller le jeudi 22 avril 2021 à 12 heures 11 (heure de Paris) pour rejoindre la station spatiale internationale (l’ISS), où il va séjourner pendant six mois avant de revenir. Bien évidemment, comme ses trois compagnons d’équipage (deux Américains et un Japonais), il s’est fait vacciner contre le covid-19.
Les relations qu’il développe avec le grand public sont plus celles d’un champion sportif que d’un grand scientifique, les gens qui lui posaient des questions le tutoyaient naturellement, un tutoiement d’idole et de star.
Certes, il a de gros bras, il est un grand sportif (il le faut pour remplir ses missions), il a même rêvé, enfant, de devenir un nouveau Micheal Jordan, et quand il était jeune, il n’a cessé de faire du sport : judo (ceinture noire), basket, natation, plongée, rugby, parachutisme, alpinisme, voile, etc. : « Les sports collectifs, par exemple, apprennent à la fois la compétition et l’esprit d’équipe. Que fait-on si on est le plus nul de l’équipe ? Ou si, au contraire, on est le meilleur et on trouve que tous les autres ne sont pas assez bons ? Tous ces questionnements, un jeune va y être confronté dans sa vie active. Le sport individuel, lui, apprend le dépassement et la persévérance. ».
Mais Thomas Pesquet n’est pas qu’un grand sportif, il a développé de nombreuses autres qualités et compétences. Il aime aussi la musique (il joue du saxophone), il parle six langues (français, anglais, allemand, russe, mandarin et espagnol ; le russe et l’anglais sont les deux langues officielles de l’ISS), et il a suivi des études scientifiques longues. Il a été formé comme ingénieur en aéronautique à Toulouse (Sup’Aéro), puis a travaillé chez Thalès, puis au CNES (Centre national d’études spatiales), est devenu pilote de ligne, instructeur chez Air France, enfin, il a été sélectionné pour être un spationaute de l’Agence spatiale européenne (ESA) en mai 2009 : 6 candidats retenus pour 8 413 candidats ! Thomas Pesquet est le dixième spationaute français, après notamment Jean-Loup Chrétien, Patrick Baudry, Claudie Haigneré et Jean-François Clervoy.
La sélection pour devenir spationaute, c’est plus strict que pour devenir énarque, polytechnicien ou normalien ! Thomas Pesquet est l’exemple typique de la réussite sociale par l’éducation, de la fameuse méritocratie républicaine. Petit-fils d’agriculteurs, fils d’enseignants, il n’a jamais eu aucun lien (ni sa famille) avec l’aéronautique et n’a pris la première fois l’avion qu’à l’âge de 20 ans : « Bien travailler à l’école, c’est une clef. Ce n’est pas la seule, bien sûr, mais c’est un vrai tremplin, un accélérateur social, j’en suis l’exemple premier. Je ne suis pas là pour faire la publicité de l’Éducation nationale, mais j’ai eu toutes ces ouvertures grâce au système éducatif. On ne travaille pas pour faire plaisir à ses professeurs ou à ses parents. On travaille pour se donner des chances. ».
Pour Thomas Pesquet, les qualités personnelles l’emportent sur le savoir académique pour être sélectionné par l’ESA : « On n’a pas besoin de cow-boy ou de héros pour la conquête spatiale, mais de gens qui savent travailler en équipe. Pour rester six mois dans la station spatiale internationale à gérer la promiscuité, les nombreuses tâches à réaliser et l’éloignement de chez soi, il faut être un joueur d’équipe. Il faut savoir s’entendre, communiquer, être aussi patient et calme. Ces qualités priment dans mon domaine, mais elles sont importantes dans tous les métiers. Ce n’est pas essentiel d’être le plus intelligent tout le temps. (…) L’équilibre mental est (…) clef, tout comme la capacité à s’adapter. Il s’agit de pouvoir rester soi-même en toutes circonstances. ».
Thomas Pesquet a suivi six années de formation, notamment à la Cité des étoiles, à Moscou, en Russie, où il a appris à piloter le vaisseau Soyouz, au centre spatial de la NASA à Houston, au Texas, ainsi qu’au centre spatial de Cologne, en Allemagne, où il a appris les instrumentations scientifiques et les bases de la médecine théorique et pratique. Sa première mission spatiale fut au bord du Soyouz MS-03 lancé au centre de Baïkonour, au Kazakhstan, le 17 novembre 2016. Il a rejoint la station spatiale internationale (l’ISS) le 19 novembre 2016 et y a séjourné pendant 196 jours. Sa première sortie hors de la station a eu lieu le 13 janvier 2017, une seconde le 24 mars 2017, avant de quitter l’ISS pour atterrir au Kazakhstan le 2 juin 2017.
À son retour sur Terre, Thomas Pesquet, colonel de l’armée de l’air et de l’espace, a piloté l’Airbus A310 à Toulouse pour faire des vols paraboliques en 2018. Depuis son retour, il jouit d’une très grande popularité, considéré comme l’un des Français préférés par ses compatriotes (classé en quatrième place). Il a participé à beaucoup de projets culturels, des participations à des films, émissions de télévision, livres, bandes dessinées, musique, projets gastronomiques avec des grands chefs, événements sportifs. La raison ? Pendant son premier séjour à l’ISS, il a su garder contact avec la Terre sur des médias grand public (chroniques régulières à la télévision et à la radio), et, surtout, a partagé sa vie sur Internet, ainsi que ses dizaines de milliers de photographies personnelles qu’il a prises depuis l’ISS, en voulant montrer simplement la beauté de notre planète. C’est rare, un humain qui s’émerveille.
Un véritable phénomène de société ! Guillaumette Faure, dans "Le Monde" du 1er décembre 2017, pourrait même décrire une Pesquet-mania : « Sachez qu’il y a en France des gens qui se retrouvent par petits groupes pour dire du bien de Thomas Pesquet. Ils se donnent rendez-vous à Paris pour se redire à quel point il est modeste, gentil. "Et beau aussi", ce qui ne gâte rien. ».
Son vol du 22 avril 2021 est donc sa deuxième mission spatiale, annoncée le 22 janvier 2019 par la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal. La première était lancée grâce à la Russie, la deuxième grâce aux États-Unis, depuis Cap Canaveral, en Floride, dans un vaisseau privé Crew Dragon de SpaceX. Le spationaute a affirmé le 19 avril 2021 que piloter ce vaisseau, c’est comme conduire une voiture très moderne, guidée par GPS. En outre, au cours de la seconde moitié de son nouveau séjour à l’ISS, il sera le commandant de la station, à ce titre, le premier Français et le quatrième Européen à l’être.
Bonne chance à Thomas Pesquet pour son prochain voyage, et bravo à la France et l’Europe pour avoir su former un tel champion de l’Espace !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (19 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu
(La plupart des citations proviennent de l’entretien accordé à Laure Belot et publié dans "Le Monde" le 7 janvier 2019).
Pour aller plus loin :
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210419-thomas-pesquet.html
https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/thomas-pesquet-bon-courage-au-232457
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/04/19/38930024.html
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