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6 mai 2021 4 06 /05 /mai /2021 03:57

« Si la gloire connaît un revers causé par la maladie, les Français se distinguent (…) en ne tirant pas sur les ambulances. Ce n’est pas un sport national qu’ils aiment pratiquer et c’est une qualité, nous n’avons pas comme dans beaucoup d’autres pays, le culte de la personnalité sauf… après la mort. » (Bernard Tapie).


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Du battant des années 1980 au combattant des années plus sombres. Très étrange vie que celle de Bernard Tapie. En le regardant répondre aux questions de Gilles Bouleau au journal télévisé de 20 heures le lundi 26 avril 2021 sur TF1, j’avais une impression de gêne. Comme d’assister au dernier épisode d’une série télévisée, avec une sorte de voyeurisme mal dégrossi. Comme si cet entretien, qui a bénéficié d’une indécente publicité avant, pendant et après, était un maillon d’une téléréalité dont on connaît la malheureuse fin, un peu comme dans les épisodes de Columbo, où l’on connaît le coupable dès les premières minutes mais on ne sait pas comment il va se faire pincer.

La maladie, mais aussi la vieillesse. Après tout, il a déjà 78 ans, ce qui est déjà un âge très respectable et beaucoup d’ancienne "célébrités" de cet âge, très visibles il y a quelques décennies, mais qui vivent une retraite discrète, ne montrent pas une telle énergie. L’âge et la maladie n’arrangent rien, évidemment, mais malgré tout, il y a ce dynamisme. Malgré une agression très violente chez lui le 4 avril 2021.

Je l’ai déjà exprimé précédemment dans ses épisodes économico-judiciaires. Je ne suis pas juge et je suis convaincu que l’homme n’est pas un saint, mais à bien se documenter, on arrive cependant à conclure provisoirement que dans l’affaire Adidas, Bernard Tapie serait plutôt l’arnaqué que l’arnaqueur. Le problème, c’est que l’arnaqueur n’était pas un artisan qui voulait devenir plus gros que le bœuf, c’était un gros, un immensément gros.

Donc, je l’ai déjà exprimé, j’ai un petit faible pour Bernard Tapie. Objectivement, il coche probablement toutes les cases pour me déplaire, son côté grande gueule est horripilant (même si elle peut être d’une efficacité redoutable pour soutenir des causes que je peux faire miennes), son côté m’as-tu-vu, lourd, assommant… m’assommait souvent, mais les patrons discrets, les patrons invisibles du champ médiatique, il faut savoir qu’ils sont dévorés sans doute par le cynisme encore plus redoutable, et le cynisme se nourrit nettement mieux de la discrétion que de l’exhibitionnisme. Mais il y a une certitude : au risque d’être naïf (d’où sa chute politico-financière), cet homme est sincère.

Voici un homme qui a tout fait : origine modeste, chanteur, acteur, comédien, animateur de télévision, repreneur d’équipe de cyclisme, de football, traversée de l’Atlantique à voile (oui, c’est un vrai sportif, qui est capable de risquer sa vie), entrepreneur, Wonder, Adidas, repreneur de groupe de presse ("La Provence"), et aussi (ce qui l’a fait chuter), député, ministre, conseiller général, député européen et même tête de liste aux élections européennes, et il n’était pas loin d’être un candidat l’élection présidentielle… Et enfin taulard ! (Certaines mauvaises langues diraient que c’était la suite logique de l’engagement politique, mais c’est faux, bien sûr !).

Immanquablement, tant de diversité d’activités fascine, étonne, mais aussi le rend suspect d’incompétence. Comment faire bien autant de choses différences ? En tout cas, ce qui est observable, c’est que tout ce que Bernard Tapie touche, il le transforme en or… puis ça se transforme en merde. C’est là son problème.

Et puis arrive le double cancer… qui dure depuis quatre ans. Et c’est encore plus fascinant. Non, l’homme ne demande pas la pitié, il n’en a rien à faire, et je m’imagine à sa place : cela m’agacerait qu’on me dise courageux. Bernard Tapie est courageux face à la maladie. Vrai ? Mais ce n’est pas cela, le courage. La maladie te tombe sur la tête sans crier gare et tu fais ce que tu peux avec ce que tu as, avec ton caractère. Il n’y a pas de courage là-dedans. Juste une succession d’événements médicaux plus ou moins malheureux. Le courage, ce serait par exemple, si c’était possible, de prendre le cancer d’un enfant pour qu’il ne l’ait plus. Hélas, cela ne marche pas comme ça. Hélas ou tant mieux, car cela éviterait des culpabilisations inutiles.

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Non, Bernard Tapie n’est pas courageux, il est combatif, et pour le cancer, c’est exceptionnel. Car on pressent bien que la manière d’aborder la maladie a une action plus ou moins vraie sur la maladie. Ceux qui renoncent à combattre ne durent pas longtemps. Bernard Tapie ne fait pas partie de ceux-là : il continue à combattre, il veut combattre, il n’a jamais été qu’un combattant. Il suffit de se rappeler la manière dont il a mouché Jean-Marie Le Pen dans un débat télévisé, le vieux menhir, tout retourné, a même eu peur physiquement de cette autre grande gueule.

Et là, tout s’éclaire : François Mitterrand ne pouvait que comprendre Bernard Tapie. Les socialistes ont toujours été sidérés par cette affinité un peu spéciale. Bernard Tapie, le symbole même des années 1980, celui des années fric, celui qui a perverti la société en lui inoculant définitivement le virus de l’argent. Bernard Tapie n’avait rien de socialiste, pour eux. Rappelons qu’au même moment, Silvio Berlusconi était aidé par un gouvernement socialiste en Italie dans sa construction télévisuelle.

Est-ce dire que François Mitterrand était fasciné par l’argent ? Sans doute, mais pour Bernard Tapie, c’est un autre ressort. François Mitterrand était lui-même malade du cancer. En novembre 1981, on ne lui donnait que quelques années ! Son second septennat doit être compris comme une thérapie. Pas une thérapie pour guérir, mais pour ralentir, soigner le mieux possible (une thérapie sur le dos des Français, mais il n’était pas à ça près). Et il a tenu deux septennats avec une force incroyable : face au cancer, François Mitterrand n’était pas courageux, il était combatif.

Bien sûr, François Mitterrand ne savait pas que Bernard Tapie aurait lui aussi cette maladie et encore moins comment il réagirait, mais il pressentait sans doute qu’ils étaient tous les deux de cette famille d’hommes à l’énergie débordante, à l’ambition dévorante et à la combativité éclatante, cherchant presque les ennuis pour mieux rebondir. Pour information, son médecin, celui qui l’a opéré, est mort récemment (le 11 avril 2021), le professeur Adolphe Steg, ancien résistant, membre de l’Académie de médecine et du CESE, urologue à Cochin (son chef de service aussi, le professeur Bernard Debré).

Les deux hommes sont des combattants de la vie, et c’était pour cela que la plupart de leurs coups de bluff, politiques pour l’un (en 1971 : je suis socialiste), économique pour l’autre (je suis un bon manager qui redresse les entreprises) ont fonctionné, parce qu’ils y mettaient un si grand talent de persuasion qu’on ne pouvait pas les imaginer faussaires (ce qui n’ôte rien à la sincérité et la naïveté de Bernard Tapie qui, dans le milieu politique, n’avait pas les épaules assez larges, ni les réseaux pour le protéger).

Certes, on imagine aussi que François Mitterrand s’est servi très habilement de l’ambition de Bernard Tapie pour détruire les velléités présidentielles de Michel Rocard. Cette haine de Michel Rocard est similaire à la haine de Jacques Chaban-Delmas du clan Chirac. En 1993, Bernard Tapie laissait dire qu’il serait candidat à l’élection présidentielle si Michel Rocard se présentait mais que jamais il ne gênerait la candidature de Jacques Delors, le cas échéant.

L’une des dernières initiatives politiques de Bernard Tapie, ce fut d’aider à la constitution d’une liste des gilets jaunes aux élections européennes de mai 2019 menée par Ingrid Levavasseur, mais cette dernière y a renoncé rapidement sous la pression d’autres gilets jaunes. On ne réussit pas à tous les coups. À l’Élysée, il n’y avait plus de François Mitterrand… mais Emmanuel Macron.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le combattant Bernard Tapie.
Bernard Tapie : faut-il encore s’acharner sur cet homme ?
Aquarius : 630 vies humaines et les sales eaux.
Grandeur et décadence de Bernard Tapie.
"Un jour, un destin" rediffusée le 4 janvier 2011 sur France 2.
Bernard Tapie, victime ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210426-bernard-tapie.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-combattant-bernard-tapie-232841

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/05/03/38953780.html







 

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