« Avec la mort d’Olivier Dassault, capitaine d’industrie, député, élu local et commandant de réserve dans l’armée de l’air, la France a brutalement perdu un de ceux qui l’aimaient et la servaient avec le plus de passion. » (Emmanuel Macron, le 8 mars 2021).
Il y a soixante-dix ans, le 1er juin 1951, est né Olivier Dassault, fils de Serge Dassault, petit-fils de Marcel Dassault. Il n’aura pas eu, hélas, la chance de pouvoir fêter cet anniversaire parce qu’il a péri il y a quelques semaines, le dimanche 7 mars 2021 en fin d’après-midi, près de Lisieux, dans un accident d’hélicoptère qui a aussi coûté la vie à son pilote, un instructeur expérimenté et commandant de bord chez Air France.
L’annonce de sa disparition tragique, un stupide accident, mais quelle plus "belle" mort pour un passionné d’aviation ? absurde, certes, qui nous montre à quel point la vie est instable et malicieuse, mais comme meurent les alpinistes dans leur ascension de montagne, les marins dans leur traversée d’océan, les vulcanologues dans leur observation d’un volcan en éruption… triste et tragique, a provoqué un flot de réactions unanimes provenant de responsables politiques de bord très différent : Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Gérard Larcher, François Hollande, Jean Castex, Manuel Valls, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, André Chassaigne, Jean-Christophe Lagarde, Olivier Faure, Christian Jacob, Renaud Muselier, François de Rugy, Fabien Roussel, Adrien Quatrennens, Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen… et même François Asselineau ! C’est dire qu’il était apprécié comme collègue parlementaire particulièrement actif et efficace.
Olivier Dassault a eu une carrière politique très "étoffée" et "classique" même s’il n’a pas toujours gagné aux élections. Il a été élu pour deux mandats conseiller de Paris de mars 1977 à mars 1989. Le 18 septembre 1988, au cours d’une élection législative partielle, il s’est fait élire pour la première fois député de l’Oise avec 51,7%, dans la circonscription de Beauvais, celle de son grand-père, Marcel Dassault, puis s’est fait réélire presque tout le temps sauf une fois, en juin 1997, où il a perdu face à la gauche (il fut donc député de septembre 1988 à juin 1997 et de juin 2002 à mars 2021) : réélu dès le premier tour le 21 mars 1993 avec 50,4%, battu le 1er juin 1997 avec 39,6% à cause d’une triangulaire avec le FN, réélu ensuite le 16 juin 2002 avec 56,9%, le 17 juin 2007 avec 58,6%, le 17 juin 2012 avec 58,1%, enfin le 18 juin 2017 avec 67,1%. Une quasi-constance de la fidélité d’un électorat pourtant qui a évolué en plus de trente ans mais qui reconnaissait en Olivier Dassault un représentant dynamique et assidu qui a beaucoup travaillé sur les entreprises, sur la mondialisation et sur l’attractivité et le rayonnement international de la France (il a cofondé et présidé Génération Entreprise).
Malgré ces victoires aux législatives, Olivier Dassault n’a jamais réussi à gagner la mairie de Beauvais contre le maire socialiste Walter Amsallem en 1989 et en 1995, il fut conseiller municipal de mars 1989 à 1996. Il fut également élu conseiller général de l’Oise de mai 1993 (à l’occasion d’une élection cantonale partielle) à mars 1998, et auparavant, premier vice-président du conseil régional de Picardie de mars 1992 à mai 1993 (tête de liste dans l’Oise aux régionales de 1992).
Engagé au RPR, puis UMP/LR, Olivier Dassault a soutenu la candidature de Jean-François Copé à la primaire LR de 2016, puis celle de Laurent Wauquiez lors de l’élection du président de LR en 2017.
Parmi ses rivaux/partenaires, il y a affronté l’actuelle maire DVD de Beauvais (depuis 2001) Caroline Cayeux qui avait tenté de lui ravir son siège à l’Assemblée Nationale en juin 2002 (elle a été élue maire en 2001 en menant une liste UMP-UDF et a eu contre elle une liste dissidente soutenue par Olivier Dassault, tandis qu’aux législatives, elle fut candidate dissidente contre Olivier Dassault qui l’a distancée), elle fut aussi sénatrice. Il a affronté aussi son prédécesseur socialiste Walter Ansallem, maire de Beauvais entre 1977 et 2001, par ailleurs président du conseil régional de Picardie de 1983 à 1985, qui fut aussi le concurrent d’Olivier Dassault aux législatives et aux cantonales, et surtout le socialiste Yves Rome, qui l’a battu en 1997 aux législatives, qui fut également président du conseil général de l’Oise d’avril 2004 à mars 2015, et qui termina sa carrière comme sénateur LREM.
Proche de Jacques Chirac (qui avait été considéré comme un fils spirituel par son grand-père Marcel Dassault), Olivier Dassault a soutenu Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle de 2017 après l’élimination de son candidat, François Fillon.
Bien entendu, Olivier Dassault était d’abord un Dassault. Après la mort de son père Serge Dassault, il a fait partie des grandes fortunes mondiales, représentant comme le reste de sa fratrie 5 milliards d’euros. En revanche, ce fut moins évident avec le groupe Dassault : Serge Dassault, qui a réussi à obtenir la présidence malgré le souhait de son père Marcel, ne souhaitait pas laisser l’avenir de son groupe à son fils. Cela ne l’empêcha cependant pas d’y travailler quand même : Olivier Dassault dirigea ainsi une filiale, Europe Falcon à partir de 1986, tout en étant directeur de la stratégie de Dassault Aviation. Il fut par ailleurs jusqu’en 2006 le vice-président du groupe de presse Valmonde (dont "Valeurs actuelles") et, passionné de chasse, il y fonda le magazine "Jours de chasse" en 2000, probablement un clin d’œil à "Jours de France", journal dirigé par son grand-père qui y publiait régulièrement une chronique. Il fut aussi le patron d’une clinique et d’une société de production et de communication.
Plus important, Olivier Dassault avait pris en 2011 la présidence du conseil de surveillance de la holding du groupe Dassault, ce qui pouvait le désigner comme l’héritier de Serge Dassault qui, pourtant, n’avait voulu privilégier aucun de ses trois fils et de sa fille. En mars 2018, Olivier Dassault a tranché en démissionnant de cette présidence afin de garder son mandat de député qui aurait pu être incompatible avec sa fonction à la holding familiale (rappelons que le groupe Dassault est un grand fournisseur de l’État). On évoquait à l’époque une rivalité entre deux frères, Olivier et Laurent. En 2018, ce fut sa sœur Marie-Hélène Habert qui lui succéda, dans le cadre d’une présidence tournante.
Restons à comparer Serge Dassault et Olivier Dassault : le fils a eu une vie politique plus réussie que le père, dans la mesure où l’un de ses premiers mandats fut député, alors que Serge Dassault a dû attendre longtemps avant de se faire élire sénateur. Toutefois, Serge Dassault n’était pas intéressé à être élu dans une terre favorable, il s’était donné l’objectif d’être un élu d’un territoire difficile, et sa persévérance a porté puisqu’il a réussi à se faire élire maire de Corbeil-Essonnes, puis sénateur (dans des conditions que certains ont jugé contestables). En revanche, Olivier Dassault n’a jamais réussi à conquérir la mairie de Beauvais mais a fait un travail exemplaire de parlementaire pendant vingt-huit ans, dans les traces de son grand-père, apprécié de tous ses électeurs qu’il rencontrait très régulièrement.
Dans son hommage rendu à Olivier Dassault, le Président de la République a précisé : « La colère paternelle n’y peut rien : menacé par Serge Dassault de licenciement, et sommé de choisir entre l’aviation et la députation, il préféra la deuxième, à laquelle il se donna corps et âmes pendant trente ans. (…) Son père finit par accepter son engagement politique. Olivier Dassault réintégra des fonctions de décisions dans l’entreprise familiale, mais fut toujours soucieux de ne pas mêler ses intérêts économiques avec ceux de la nation, et tenait à quitter l’hémicycle dès qu’était discuté le budget de la défense ou la loi de programmation militaire. » (8 mars 2021).
Homme politique et chef d’entreprise, les deux grandes activités d’Olivier Dassault, n’étaient pas les seules, et de loin. Pour cela, il faut reprendre le début de sa trajectoire, à ses études : il intégra l’École de l’Air (il aurait voulu une école de commerce mais le milieu familial l’a contraint), et il en sortit officier, ingénieur et pilote, tout en obtenant un DEA de mathématiques puis un doctorat en informatique de gestion. Il fut commandant de réserve dans l’armée de l’Air et pilote professionnel, battant même des records du monde de vitesse pour certaines liaisons (Paris-New York). Il fut surtout le seul pilote à être capable de piloter toute la gamme des avions d’affaires Falcon qu’il dirigeait et commercialisait par ailleurs.
Mais au-delà encore de l’aviation qui pouvait encore avoir un sens avec le milieu familial, Olivier Dassault fut également un artiste, et pas un "simple" artiste, mais au moins un "double" artiste, compositeur et photographe.
Compositeur de musique, il le fut pour certaines musiques de film, il fut même un des pionniers de l’emblème sonore. Parmi les musiques qu’il a composées, on peut citer celle du feu d’artifice de l’an 2000 à Paris, les hymnes du parc Vulcania, aussi du Futuroscope, et même la musique d’attente au standard de l’Assemblée Nationale.
Olivier Dassault fut également reconnu comme un photographe professionnel, avec, des clichés de stars (Jane Birkin, Isabelle Adjani, Isabelle Huppert), puis il a évolué vers une peinture abstraite où les couleurs et les formes l’emportaient sur le reste. Il a publié treize recueils de photographies, et a fait une quarantaine d’expositions, encore dans les années 2010, en France mais aussi à l’étranger (Bruxelles, Londres, etc.). Il a exposé notamment à la Galerie Maeght…
C’était cette diversité de talents et d’activités qui faisait d’Olivier Dassault un personnage hors du commun, et cela malgré sa "bonne" naissance où le plus dur était de se faire un prénom, à cause d’un nom déjà reconnu. Homme d’affaires, industriel, militaire, député, pilote, photographe, compositeur, chasseur, homme de presse… il fut tout cela et en même temps, il était autre.
Son successeur dans sa circonscription sera élu le 6 juin 2021 au cours du second tour de l’élection législative partielle dans l’Oise. Les résultats du premier tour de ce dimanche 30 mai 2021, ont été largement favorables au candidat LR-UDI Victor Habert-Dassault (28 ans), un parachuté du seizième arrondissement de Paris, car il n’est autre que le neveu d’Olivier Dassault (fils de Marie-Hélène Habert), lancé par Natacha, la veuve d’Olivier Dassault : « Je suis fait d’un bois qui m’oblige ! ». Ce dernier a en effet obtenu 58,4%, mais n'est pas élu car pour cela, il faut 25% des inscrits. Il affrontera le dimanche suivant la candidate RN Claire Marais-Beuil qui a obtenu 15,3%, arrivée devant la candidate d’union de la gauche Roxane Lundy 12,3%. Le scrutin a été marqué par une très faible participation, seulement 26,4% (au lieu de 49,8% au premier tour du 11 juin 2017).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 mai 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Olivier Dassault.
Serge Dassault.
Jean Foyer.
Éric Raoult.
Nicolas Sarkozy.
Droite populaire.
Alain Devaquet.
Philippe Douste-Blazy.
Gilles de Robien.
Alain Madelin.
Jean-Louis Borloo.
Michel d’Ornano.
Louis Joxe.
Gérard Longuet.
Olivier Stirn.
Édouard Philippe.
Jean Castex.
Jacques Chirac.
Bernard Debré.
Christian Poncelet.
Patrick Devedjian.
Philippe De Gaulle.
Charles De Gaulle.
Valéry Giscard d'Estaing.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210601-olivier-dassault.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/olivier-dassault-plusieurs-vies-en-231481
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/05/29/38991808.html
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