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22 juin 2021 2 22 /06 /juin /2021 02:19

« Il nous appartient à toutes et à tous, qui que nous soyons, d’appeler à un sursaut démocratique et de veiller à ce que le maximum d’électrices et d’électeurs se rendent aux urnes. C’est notre devoir collectif, et ce taux d’abstention particulièrement élevé nous interpelle toutes et tous. Dire que c’est la faute du gouvernement est beaucoup trop facile et vous savez que cela ne correspond pas à la réalité. (…) L’abstention s’adresse à nous tous, car elle signifie que les sortants n’ont pas su drainer les foules vers les urnes. Elle doit tous nous conduire à l’humilité : commencez par vous appliquer ce principe ! » (Jean Castex s’adressant d’abord à Patrick Mignola, puis à Damien Abad, le 22 juin 2021 dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale).



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Inimaginable avant ce premier tour des élections régionales du 20 juin 2021, et encore plus au début de la campagne de vaccination il y a six mois, il y a nettement plus de personnes qui se font vacciner que de personnes qui votent en France. Alors, comme c’était l’un des sujets électoraux du début de semaine, je reviens sur la très forte abstention, 66,7% des électeurs inscrits.

En ouvrant la séance des questions au gouvernement ce mardi 22 juin 2021, le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand a déclaré : « Mes chers collègues, je voudrais vous faire part de mon trouble et, pourquoi ne pas le dire ?, de mon inquiétude. Jamais une élection, sous la Cinquième République, n’a connu un niveau de participation aussi faible que dimanche dernier. Les causes de l’abstention sont multiples. Ce phénomène n’est ni récent ni limité aux élections politiques, mais il atteint des proportions telles que nous ne pouvons pas nous en tenir à des raisons conjoncturelles. Nous ne pouvons ignorer cette réalité. ».

En fait, ce n’est pas tout à fait exact. Il y a eu des scrutins pires que celui du 20 juin 2021 en termes d’abstention. Par exemple, au référendum du 24 septembre 2000 sur l’adoption du quinquennat, le taux d’abstention fut encore plus fort, 69,8% ! L’abstention lors du référendum du 6 novembre 1988 sur l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie était à peine meilleure, 63,1%.

Je veux y revenir parce qu’à mon sens, on surinterprète beaucoup trop ce taux d’abstention. Ce taux élevé, naturellement, m’attriste car je crois en la démocratie, j’y ai toujours cru et ce n’est pas maintenant que je ne vais plus y croire, et je connais trop la situation de certains pays étrangers dont les peuples nous envient, envient cette possibilité de donner la parole aux citoyens. Non seulement je suis un électeur actif et régulier (je crois que je n’ai jamais raté une élection, sauf peut-être une fois pour une raison de problème matériel imprévu insoluble, mais je ne m’en souviens plus), et cela fait depuis des décennies (j’insiste) que je suis régulièrement assesseur, c’est-à-dire que je suis aussi de l’autre côté du comptoir : je vote et aussi je fais voter. Autant dire que dimanche dernier, j’avais le temps de papoter avec mes collègues.

Donc, tout cela pour dire que voter, pour moi, est un acte sacré et l’abstention est pour moi, l’un des actes les plus incompréhensibles dans une démocratie. Mais avec le temps, l’idéal a pris un peu de poussière et le pragmatisme l’a emporté : j’ai appris qu’il valait mieux un électeur abstentionniste qu’un électeur qui donnerait sa voix au diable. Attention, je n’ai pas dit qui était le diable, mais chacun en a dans son esprit une idée bien particulière.

D’ailleurs, depuis très longtemps, il y a plus de démons que d’anges dans les urnes : on vote maintenant plutôt par défaut, parce qu’on ne veut pas qu’untel soit élu plutôt qu’on vote par adhésion à un candidat qu’on adorerait. C’est une question d’exigence. Avant, l’électeur était moins regardant. Moins informé aussi. Si bien que maintenant, c’est plus dur de berner l’électeur. C’est un progrès pour la démocratie, les candidats doivent être plus exemplaires, plus honnêtes intellectuellement, plus sincères. Et plus travailleurs aussi (leurs ignorances se voient plus aisément, de nos jours).

Revenons à ces élections régionales. J’évacue les élections départementales car elles ne sont même plus sur les radars. Le conseil départemental est pourtant une instance essentielle dans notre modèle français : c’est là que sont attribuées les aides sociales décidées par l’État. Les différentes allocations, les futures aides pour la dépendance (j’attends avec impatience cette loi depuis dix ans, pourtant urgente, ce serait, à mon avis, la seule réforme qui vaille et qui aille que le Président Emmanuel Macron devrait faire avant la prochaine élection présidentielle), leur guichet est au département.

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Je suis agacé par les commentaires sur l’abstention parce que les analyses politiques qui se développent sont phagocytées pour ne pas dire empoisonnées par le phénomène des sondages, et ce n’est pas un phénomène récent. Vous avez remarqué ? On invite plus aisément un dirigeant d’un institut de sondage qu’un universitaire en science politique. Pourtant, je suis sûr que ce dernier est moins cher à inviter que le premier. Et l’on continue à réfléchir avec les sondages alors que ces sondages se sont encore une fois plantés. Ce qui est normal : les sondages ne font que confirmer une tendance ancienne, rarement prédit une tendance nouvelle.

Alors, la question qui nous préoccupe ici est : mais pourquoi donc une telle abstention ? Question subsidiaire : pourquoi surtout les jeunes (plus de 80%) ? Les plus âgés sont plutôt à 50% d’abstention. Diable : on aurait donc la même distribution des âges qu’avec la vaccination ?

Rappelons-nous le taux d’abstention au premier tour des précédentes élections régionales le 6 décembre 2015 : il était de 50,1%. Il y a donc un écart de 16,6 points en cinq ans et demi. Je considérais que la crise sanitaire était l’une des causes majeures de cette abstention.

Les sondagologues patentés disent que non. Ils ont sondé et ils ont trouvé (pour certains) que seulement 8% ne seraient pas allés voter par peur d’attraper le covid-19. 8% seulement.

Alors, commentons ce résultat : je le trouve faible, mais fiable. À ceux qui pensent que les gens ont eu peur du covid-19, on peut dire qu’aujourd’hui, c’est très peu le cas, seulement un douzième de la population, donc très peu. En fait, c’est beaucoup par rapport au risque encouru : les procédures sanitaires sont telles qu’il serait difficile d’attraper le covid-19 dans un bureau de vote.

Et soit dit en passant pour ceux qui s’interrogent sur certains déménagements de bureaux de vote : le double scrutin plus les distances de sécurité nécessaires ont rendu beaucoup de bureaux de vote très étroits et il a fallu trouver d’autres lieux publics fermés plus spacieux. C’est à chaque fois par une autorisation du préfet. Tout est très réglementé (et après les opérations électorales, tout est désinfectés, notamment dans les écoles, mais aussi dans tous les autres lieux publics). Notons aussi qu’il est possible que certains lieux sont utilisés comme centres de vaccination et ne peuvent donc pas être utilisés pour les opérations de vote (je ne sais pas si le cas s’est posé, en tout cas, pas à ma connaissance).

Maintenant, interprétons ces 8% dans le sondage en question (dont je n’ai plus l’origine mais qu’importe, c’est l’ordre de grandeur qui intéresse ici). Les analystes politiques donc les sondagologues en concluent que la crise sanitaire influe très peu sur l’abstention. Or, c’est une erreur de conclure cela.

La crise sanitaire, ce n’est pas seulement l’impact sur l’acte de voter. C’est aussi l’impact sur le contexte et l’impact sur la campagne électorale.

Sur le contexte, personne ne pourra nier le fait que ces deux ou trois derniers week-ends sont des week-ends de soulagement, de rencontres, de retour à une vie normale, de balades, etc. Pour moi, ce n’est pas incompatible avec le fait de voter, mais je conçois que l’esprit peut être largement ailleurs quand on a été semi-confinés depuis le mois d’octobre 2020 : on se libère, et le vote passe après. D’autant plus que c’était la fête des pères et peut-être l’occasion de revoir le père ou le grand-père qui était éloigné, distancié depuis si longtemps, etc. Ce relâchement, en plus, n’est pas fautif comme on aurait pu le craindre : l’épidémie est en décrue durable et c’est heureux. Il faut même en profiter, on ne sait pas ce qu’on aura en automne, si le variant delta (indien) l’emportera sur l’immunité par la vaccination ou le contraire.

Mais plus grave est l’impact sur la campagne électorale. Alors, certes, les candidats ont pu faire campagne sur Internet ou à la télévision. Elle a eu lieu, elle était réelle, mais incontestablement, ceux qui les écoutent chez eux, sur Internet ou à la télévision, ce sont déjà des personnes intéressées, curieuses, passionnées, bref, des personnes qui n’avaient sans doute pas l’intention de s’abstenir.

Non, une campagne électorale, ça n’a pas changé, c’était la même chose il y a un siècle et demi, c’est rencontrer les gens en direct, c’est-à-dire physiquement, par des meetings, certes, mais là encore, ceux qui viennent sont surtout des convaincus, mais par des rencontres spontanées sur les lieux publics, sur les lieux de vie, les marchés, les rues marchandes, les gares, etc. Et il faut bien avouer que la campagne électorale a commencé quand la France était en plein confinement et l’épidémie au plus haut de la troisième vague. C’était limite dangereux voire mortel d’aller pseudo-serrer les mains dans les marchés au mois d’avril.

Donc, la plupart des candidats n’ont pas fait de réelle campagne. Et une campagne électorale est toujours nécessaire et utile, c’est le seul moyen pour faire connaître les candidats, leur programme, mais aussi la tenue d’une élection. Qui savait samedi qu’il y avait une élection (deux mêmes !) dimanche ? C’est le genre de sondage qui m’aurait intéressé. Pas étonnant, dans ce contexte, qu’il y ait eu une prime aux exécutifs sortants : ceux qui sont en responsabilité depuis cinq ans sont nécessairement plus connus que les postulants. Certains candidats ne sont connus qu’après l’élection, c’est ballot (je pense entre autres à Jean-Laurent Félizia, j’y reviendrai dans un autre article).

Dans la campagne électorale, il faut aussi s’intéresser aux envois des "professions de foi électorales". Personnellement, j’ai reçu celles des deux scrutins, mais j’étais étonné qu’elles fussent enveloppées dans du plastique (pas très écolo) et pas dans les grandes enveloppes kraft de la préfecture (j’ai compris la sous-traitance au privé car la loi de 2005 oblige un appel d’ofre). Donc, je ne peux pas me plaindre mais la question dont je n’ai pas la réponse actuellement (mais on va le savoir), c’est quelle a été l’ampleur des erreurs, c’est-à-dire, combien d’électeurs inscrits n’ont-ils pas reçu ces professions de foi électorales ?

En tout cas, cette affaire de professions de foi non reçues me rassure : en 2016, dans le cadre de la modernisation, de la simplification et surtout de la réduction des coûts, il avait été pressenti de supprimer ces professions de foi papier pour faire des sites Internet dédiés. J’ai toujours dit qu’on devait maintenir ces envois de professions de foi papier (papier recyclé évidemment) parce que c’est le seul moyen de toucher ceux qui ne s’y intéressaient pas, par distraction, ignorance, refus, etc. Seuls ceux qui sont intéressés iraient rechercher par eux-mêmes les informations, et il y en a beaucoup, chaque candidat a son site dédié, donc, l’info, on la trouve, mais il faut la chercher. Recevoir les infos avec sa facture d’électricité, une pub de l’hypermarché du coin et la carte postale de la belle-sœur, c’est mieux, car c’est spontané et immédiat. On range soigneusement le document pour le samedi d’avant élection.

J’espère cette leçon suffisamment instructive et les protestations suffisamment nombreuses pour que l’idée d’une suppression de ces documents soit à jamais abandonnée. Je ferai peut-être un article sur le sujet, mais il ne faut pas croire que je sois ultraconservateur dans ces procédures électorales, c’est simplement que le vote libre, secret, sincère, cela se traduit par des procédures essentielles dont il ne faut pas vider le sens.

Alors, je reprends l’abstention de 2015 : 50,1%, je rajoute les 8% des trouillards du coronavirus (je les appelle ainsi car le risque est très faible) et il manque en gros 8% qui pourraient largement être mis au crédit d’une non campagne électorale pour cause de covid-19.

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Un autre sondage évoquait trois autres raisons dont la précision laisse un peu à désirer. La première, estimée à 26%, serait "congés ou week-end". Un quart des abstentionnistes aurait autre chose à faire. C’est ce que je proposais plus haut, après une période d’enfermement très longue et bientôt des vacances d’été qui se profilent, il ne reste plus beaucoup de week-ends pour refaire du liant social ou familial. Je le répète, à mon sens, cela ne justifie pas l’abstention car voter ne dure qu’une dizaine de minutes et lorsqu’on est en déplacement, on peut faire une procuration pour qu’un mandataire vote à sa place, mais cette première raison montre bien qu’il est stupide de surinterpréter politiquement cette forte abstention. Le vrai message politique, c’est qu’on veut cuire tranquillement les saucisses sur le barbecue du jardin !

La troisième raison, estimée à 12%, serait : "Manifeste ainsi contre le gouvernement actuel". C’est peut-être vrai dans l’intention, mais pas très pertinent dans les faits. Il est plus sûr et plus efficace de voter pour des candidats opposés au gouvernement si on veut manifester son opposition au gouvernement. Et s’il n’y a aucune offre de remplacement convenable, alors finalement, le gouvernement n’est pas si mauvais que cela. Et du coup, on ne manifeste plus son opposition. C’est donc un raisonnement un peu paradoxal.

J’ai gardé la deuxième raison pour la fin car elle me paraît très importante. Estimée à 22%, ce qui n’est pas rien, elle serait : "Ne se sent pas concerné". Alors, évidemment, ce sont bien les candidats les fautifs, c’était leur rôle d’expliquer aux électeurs les enjeux et l’importance des régions. Ce sont des budgets de plusieurs milliards d’euros : d’un côté, on râle contre le gaspillage de l’argent public, de l’autre côté, on refuse de choisir ceux qui vont gérer l’argent public, n’y a-t-il pas un paradoxe ?

Mais "ne se sent pas concerné" est bien pire que cela. C’est l’échelon même de la région qui, à mon sens, est mis en cause. On a une identité nationale voire européenne, on a une identité urbaine quand on habite dans une agglomération urbaine, c’est une identité forcément, mais l’identité départementale, l’identité régionale sont beaucoup moins évidentes.

Surtout depuis la concentration de grandes régions qui n’ont aucune communauté économique, culturelle ni démographique. L’exemple flagrant est la région "Grand Est" (rien que le nom est stupide, comme la grande région Nord du reste, les "Hauts-de-France"), n’a aucune unicité de population. Les Alsaciens qui ont une identité forte, avec des relations particulières avec l’Allemagne et la Suisse, ne se sentent absolument ni Lorrains ni Ardennais (de plus, la rivalité entre Nancy et Strasbourg est bien plus forte que la rivalité entre Nancy et Metz, sans doute aussi parce que toute l’élite strasbourgeoise a émigré à Nancy en 1870 lors de l’annexion de l’Alsace-Moselle). Quel point commun historique ou géographique entre un habitant de Mulhouse et un habitant de Nogent-sur-Seine ? ou entre un habitant de Charleville-Mézières et un habitant de Saint-Dié ? Curieusement, c’est justement la région Grand Est qui a le plus grand taux d’abstention, avec 70,4%.

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En revanche, la région Corse a une très forte identité culturelle et le taux d’abstention est le plus bas, 42,9%. En écrivant cela, j’utilise cependant un biais, car il n’y a pas que l’identité régionale qui compte, il y a aussi les enjeux et l’enjeu corse reste important (je ne refais pas toute l’histoire institutionnelle corse des vingt dernières années).

Certes, en dehors de la Corse, la différenciation de l’abstention par le sentiment d’identité régionale porte sur quelques points, entre 64% et 70%, mais elle n’est pas négligeable. 64,2% pour la Bretagne à fort sentiment identitaire, tandis que 69,3% pour les Pays de la Loire dont les habitants ne comprennent toujours pas pourquoi la capitale du duché de Bretagne ne se trouve pas en Bretagne (Nantes). Pourquoi ne pas avoir rassemblé les deux régions en Bretagne-Loire qui aurait pu avoir un sens culturel et même géographique. La raison est toute politicienne : le président du conseil régional de Bretagne était le Ministre de la Défense…

L’un des ouvriers de cette réforme territoriale, Thierry Mandon, vient de reconnaître : on s’est planté ! Cela n’a pas simplifié, cela n’a pas fait des économies… et le pire, c’est qu’on va garder ce schéma stupide de grandes régions qui ne signifient plus rien pour les habitants encore longtemps ? Une nouvelle réforme semble donc essentielle et probablement par référendum pour qu’un vrai débat public s’instaure, c’est la seule vraie voie pour réduire l’abstention. Faire de la vraie politique.

Car sinon, que propose-t-on pour réduire l’abstention ? Là aussi, tous les exégètes les plus spécialistes les uns que les autres y sont allés de leurs grandes réformes.

La première proposition est le vote obligatoire : quelle stupidité ! La Belgique a-t-elle une meilleure classe politique, elle qui a été sans gouvernement pendant un an et demi faute de majorité, parce qu’elle a le vote obligatoire ? Sait-on que l’une des sanctions, c’est d’interdire de voter ?! Hilarant ! Moi, quand j’entends le mot "obligation", je sors mon revolver. Encore plus quand on invoque la démocratie. La démocratie, c’est une liberté, le vote est libre. Le rendre obligatoire serait une négation de la démocratie. J’ai toujours voté mais si on rendait le vote obligatoire, je serais vraiment tenté de ne pas voter, par pur esprit de contradiction, et pour manifester mon opposition à cette éventuelle mesure.

D’autres mesures sont avancées. Par exemple, on dit qu’il faut revivifier la démocratie et pour cela, instaurer la proportionnelle. Mais ceux qui la proposent dans ce cadre-là sont-ils autant stupides qu’ils ne le montrent ? Il faut rappeler que les élections régionales sont justement à la proportionnelle, et manifestement, cela n’aide pas à la participation, au contraire, le taux d’abstention pour ces élections régionales est pire que pour les élections législatives de juin 2017.

Il y a aussi la reconnaissance du vote blanc. Mais il est déjà reconnu : depuis 2013, une loi, à l’initiative du groupe UDI, oblige à différencier le vote blanc du vote nul. Le vote blanc, c’est soit une enveloppe vide, soit une enveloppe contenant une feuille blanche. Le reste (graffitis, insultes, bulletins barrés, etc.), c’est le vote nul. Cette différenciation rend encore un peu plus difficile la tâche de ceux qui dépouillent en soirée. Et cela ne fait pas avancer le schmilblick : s’il s’agit juste de faire un autre calcul, cela n’a aucune incidence sur la réalité de l’élection : on élit un homme ou une femme, bref, une personne physique réelle, pas un papier blanc (et pourquoi pas noir, d’ailleurs ?!).

Parmi les mesures imaginées, je pourrais cependant retenir une proposition de François Bayrou, pas vraiment pour réduire l’abstention (même si Patrick Mignola, président du groupe MoDem à l’Assemblée Nationale, l’a évoquée dans sa question au gouvernement le 22 juin 2021), mais pour éviter les affaires politico-financières : créer une banque française pour la vie politique ou quelque chose comme cela (une "banque de la démocratie") qui aurait pour mission de financer les campagnes électorales de candidats susceptibles d’atteindre un minimum de pourcentage leur permettant d’être remboursés par l’État. Il s’agit donc d’une banque qui avancerait l’argent avant remboursement. Le risque est faible si on est sûr que le candidat représente un peu plus que lui et sa famille. Pourquoi cette mesure aurait-elle une influence sur l’abstention ? Parce que l’abstention est due en partie au fait qu’il n’y a pas l’offre souhaitée. Dans ce cas, il faut se présenter soi-même et proposer cette offre manquante. Or, souvent, ce sont des raisons financières qui dissuadent le dépôt de candidature, éliminons cet obstacle et l’on augmentera l’offre.

En conclusion, j’insiste sur le fait qu’il ne faut absolument pas culpabiliser les abstentionnistes : la défaillance vient des candidats, pas des électeurs. Ce sont les candidats qui ont failli, qui n’ont pas su mobiliser les électeurs. C’était d’ailleurs presque drôle d’entendre Marine Le Pen engueuler ses électeurs qui n’étaient pas venus voter pour les listes RN. Eh non, les électeurs, ce sont des clients, il faut les choyer, les ménager, ce sont les candidats qui n’ont pas fait leur boulot, les commerciaux, qui n’ont pas parlé de région, qui n’ont pas parlé des enjeux régionaux, et qui ont simplement, beaucoup trop simplement repris des thèmes nationaux bateaux que les régions sont incapables de régler car ce n’est pas dans leurs attributions : l’immigration, la santé, la sécurité… des thèmes qui ont leur place dans une campagne nationale, certainement pas régionale. Pas étonnant que les sortants aient eu une prime : c’étaient les seuls à parler de la région, des projets qu’ils ont mis en place, des perspectives à venir, etc. Les autres ne savent même pas ce qu’est une région.

De plus, il ne s’agit pas de prendre à la va-vite des mesures pour prétendument moderniser l’opération de voter sous prétexte de lutter contre une abstention massive, et qui risquent fort, au contraire, de déstabiliser une démocratie représentative très fragile et  très sensible. J’y reviendrai et repréciserai certaines choses sur le sujet. Le besoin d’affichage politique entraîne cette notion d’action/réaction qui empoissonne de plus en plus l’action publique.

Comme après un fait-divers émouvant (combien de nouvelle loi d’affichage sur la sécurité sans résultat au bout ?), le gouvernement se sent dans l’obligation de réagir en vitrine pour avoir l’air d’agir. En matière de démocratie, il faut se hâter lentement : pas question de prendre des mesures comme François Hollande a pris cette décision de concentrer les régions quelques semaines après sa défaite aux élections municipales de 2014. Le temps démocratique n’est pas le même que le temps médiatique. Pour fortifier la démocratie, laissons passer les lourdingues de la politique et gardons notre pudeur de gazelle, elle est bonne conseillère.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Suppression des professions de foi lors des élections (28 septembre 2016).
Régionales 2021 (4) : l’abstention, c’est grave, docteur ?
Régionales 2021 (3) : le premier tour, déconfiture ?
Régionales et départementales 2021 (2) : les enjeux.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Les Républicains et la tentation populiste.
Rapport de Jean-Louis Debré du 13 novembre 2020 (à télécharger).
Avis du Conseil scientifique sur la tenue des élections du 29 mars 2021 (à télécharger).
Régionales et départementales 2021 (1) : à propos de leurs dates et de l’âge du capitaine.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Municipales 2020 (4) : bientôt, la fin d’un suspense.
Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Régionales 2015 : sursaut ou sursis ?
Les enjeux du second tour des régionales de 2015.
Le premier tour des régionales du 6 décembre 2015.
Les enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Les départementales 2015 au second tour.
Les départementales 2015 avant le second tour.
Départementales 2015 : le pire n'est jamais sûr.
Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars 2015.
La réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 mai 2013.
Le référendum alsacien.
Le vote par anticipation.
Le vote proportionnel.
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Vive la Cinquième République !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210622-abstention.html

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