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18 juillet 2021 7 18 /07 /juillet /2021 03:52

« L’Ordre des médecins est une chapelle et un clergé qui n’a plus de fidèles. » (Dr. Bernard Pons, 1974).



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L’ancien ministre gaulliste Bernard Pons fête son 95e anniversaire ce dimanche 18 juillet 2021 (il est né à Béziers d’un père proviseur). Ancien résistant (ancien membre des FFI), médecin généraliste, il a eu une carrière "classique" d’élu local jusqu’à ce qu’il soit devenu l’un des plus proches collaborateurs de Jacques Chirac dans les années 1970, 1980 et 1990. Il a surtout marqué "l’opinion publique" dans son rôle en Nouvelle-Calédonie en 1987 et 1988.


Résistant, médecin, notable local

Alors qu’il était lycéen à Cahors, Bernard Pons s’est engagé dans la Résistance en mars 1944 pour suivre ses deux grands frères. Ils ont bataillé dans le maquis, et après la libération de Cahors le 17 août 1944, ils ont continué dans d’autres maquis. En octobre 1944, Bernard Pons a repris ses études au lycée et fut bachelier en juin 1945 (à Albi puis à Tarbes). Après une année préparatoire à Toulouse, il a suivi des études de médecine à Montpellier de 1946 à 1952 (à cette occasion, il fut vice-président de l’UNEF). En 1952, après avoir soutenu sa thèse de doctorat en médecine, il s’est installé à Cahors comme médecin généraliste et a exercé pendant quinze ans. Pas plus car le virus de la politique l’a rapidement contaminé.

En mars 1965, Bernard Pons fut élu maire adjoint de Cahors et en mars 1967, il fut élu député du Lot (circonscription de Figeac), avec l’étiquette gaulliste de l’UDR. À ce moment-là, il a abandonné ses activités de médecin pour se consacrer entièrement à ses mandats électifs. En octobre 1967, il s’est fait également élire conseiller général de Cajarc, réélu en 1973 et démissionnaire en 1978 lorsqu’il a changé de terre élective. Georges Pompidou avait une résidence secondaire à Cajarc.

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Bernard Pons a toujours été réélu député de mars 1967 à juin 2002, date à laquelle il a dû prendre une retraite parlementaire forcée car il fut battu par une candidate dissidente de son propre parti. Mais il n’est pas resté tout le temps député du Lot, il a changé deux fois de circonscription législative. Après le Lot, Bernard Pons s’est rapproché de la capitale en étant réélu député dans l’Essonne (circonscription d’Étampes) en mars 1978, puis, finalement, en reprenant la circonscription parisienne de Maurice Druon (17e arrondissement), il s’y fait réélire député en juin 1981, réélu en mars 1986 à la proportionnelle puis de nouveau en juin 1988 (dès le premier tour avec 66,1%) dans le 17e arrondissement mais dans la cadre d’une autre circonscription (qui a été modifiée encore en 2012 mais cela ne le concernait plus). Il fut réélu en mars 1993 dès le premier tour avec 63,1% (parmi ses concurrents, Marine Le Pen, 11,1%), et en juin 1997 dès le premier tour avec 53,6% (il fut le seul candidat de la majorité UDF-RPR à avoir été réélu dès le premier tour en 1997).

En juin 2002 (il avait 75 ans), Bernard Pons a été concurrencé dans sa propre circonscription (16e circonscription dans le 17e arrondissement) par une candidate dissidente du RPR, Françoise de Panafieu, députée sortante de la circonscription voisine (17e circonscription dans le 17e arrondissement) qui craignait de ne pas être réélue face à la vague socialiste (le candidat UMP Patrick Stefanini a effectivement été battu de justesse, avec 156 voix de retard, 49,7% contre 50,3%, par la candidate socialiste). Françoise de Panafieu l’a battu dès le premier tour : elle a eu 40,8% et lui 22,3%, en deuxième position. Françoise de Panafieu a été élue avec 100% au second tour car Bernard Pons s’est désisté au second tour et elle est restée la seule candidate en lice.

Député de Paris, Bernard Pons s’est retrouvé dans l’équipe municipale de Jacques Chirac à Paris, comme conseiller de Paris de mars 1983 à mars 2008, réélu en mars 1989, mars 1995 et mars 2001, sans avoir eu de fonction exécutive dans la municipalité (Françoise de Panafieu a été désignée la candidate UMP à la mairie de Paris en mars 2008).


Une carrière politique nationale

Aux élections législatives de mars 1967, Bernard Pons faisait partie des "jeunes loups" gaullistes (ou plutôt pompidoliens) qui étaient partis à la conquête des terres de mission, souvent radicales, du Sud-Ouest, au même titre que Jacques Chirac, Jean Charbonnel, Pierre Mazeaud, Jacques Limouzy et quelques autres (on a parlé du "serment de Solignac" du 4 décembre 1966). Encouragés par Georges Pompidou, alors Premier Ministre, qui voulait apporter du renouvellement politique, seuls Bernard Pons et Jacques Chirac ont été finalement élus (Jean Charbonnel, élu député en 1962 et maire de Brive en 1965, fut battu par Roland Dumas à ces élections législatives de 1967).

L’ascension politique de Bernard Pons fut très rapide puisque deux ans après avoir été élu député, il a été "bombardé" membre des gouvernements de Jacques Chaban-Delmas puis de Pierre Messmer comme Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Agriculture du 22 juin 1969 au 28 mars 1973, son ministre de tutelle fut d’abord le centriste Jacques Duhamel, puis le 7 janvier 1971, le gaulliste Michel Cointat et enfin, à partir du 6 juillet 1972, Jacques Chirac.

Bernard Pons croyait que le baron gaulliste Olivier Guichard allait être nommé à Matignon. Dans ses "Cahiers secrets", Michèle Cotta a relevé le 16 octobre 1973 : « Maurice Faure raconte que Bernard Pons, député gaulliste du Lot, son voisin de circonscription, dit dans son département qu’il va faire partie du prochain gouvernement, et que ce sera avec Guichard. ». Aux assises de l’UDR à Nantes le 17 novembre 1973, Michèle Cotta a rapporté : « Bernard Pons, proche de Pompidou parce qu’il est député de Carjac, arrive, en justifiant Giscard, à faire huer le Président de la République. ».

En 1974, malgré sa proximité avec Jacques Chirac, Bernard Pons a soutenu la candidature de Jacques Chaban-Delmas, et il a soutenu très activement la loi Veil sur l’IVG. Médecin lui-même, il avait soutenu le projet du gouvernement Messmer qui n’a pas eu le temps d’aboutir : « Je suis confronté quotidiennement au drame de l’avortement (…). Mille femmes par jour se font avorter. Sur ces mille, une femme en meurt. Depuis que le Garde des Sceaux Taittinger a présenté son projet de loi, 349 jours se sont écoulés. 349 femmes sont mortes. Comment réagiriez-vous si une de ces femmes mortes vous touchait de près ? ».


Haut dirigeant du RPR

Bernard Pons a rejoint Jacques Chirac le 5 décembre 1976 en faisant partie des membres fondateurs du RPR (prenant la relève de l’UDR) au point d’en être le numéro deux, comme secrétaire général, de 1979 à 1984 (il succéda à Alain Devaquet et fut suivi de Jacques Toubon).

Bernard Pons avait donc un poste très important dans la hiérarchie du RPR (secrétaire général) au moment de la mort de Robert Boulin. Il a entendu parler d’une chronique de l’éditorialiste Philippe Alexandre dénonçant un véritable complot RPR contre Robert Boulin. Pour Bernard Pons, soit c’était vrai, et il fallait en avoir le cœur net, soit c’était de la diffamation, et il fallait déposer plainte. Michèle Cotta a raconté le 8 novembre 1979 les précédents jours : « Bernard Pons se fait communiquer le script de Philippe Alexandre : "Je mobilise l’ensemble des secrétaires et autres chargés de mission pour savoir s’il y a eu, quelque part, une réunion de responsables RPR autour de l’affaire Touret [l’escroc qui a arnaqué Robert Boulin]. (…) J’ai appelé moi-même la plupart des dirigeants RPR : tous m’ont dit n’avoir tenu aucune réunion (…)". Pons appelle donc Jacques Chirac à 9h30. Celui-ci arrive au RPR à 10 heures. Pons reprend son récit : "J’ai posé la question à Chirac, les yeux dans les yeux : Peux-tu me dire si tu as présidé une réunion de ce genre, ici ou ailleurs ? Chirac me répond qu’il n’a jamais présidé de réunion de groupe les jours en question, qu’il s’est contenté de voir Alain Devaquet, Claude Labbé et moi. J’ai vérifié ensuite auprès de Bernard Billot [collaborateur de Jacques Chirac], à la mairie de Paris, qu’aucune réunion n’avait été tenue à l’Hôtel de Ville entre dirigeants RPR". Dès lors, Pons et Chirac ont rédigé trois lignes de démenti. Et ont brandi la menace d’une attaque en diffamation contre Philippe Alexandre. ». Et Bernard Pons a rappelé qu’au "Club de la presse" du 21 octobre 1979, sur Europe 1, Robert Boulin, l’invité, « avait parlé de Jacques Chirac comme d’un "ami". Il n’aurait eu aucune raison de le faire si Chirac avait ameuté contre lui tous les dirigeants du RPR… ». Claude Labbé était le président du groupe RPR à l’Assemblée Nationale.

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Quelques jours plus tard, le 14 novembre 1979, Michèle Cotta a rencontré de nouveau Bernard Pons qui lui a parlé de la politique gouvernementale : « "Ce qui est vrai, c’est que le gouvernement n’existe pas : il s’agit plus d’une société anonyme que d’un gouvernement. L’exécutif, aujourd’hui, est paralysé". (…) Selon lui, l’action économique du gouvernement est nulle : "Il y a trois ans, avec Chirac, il y avait une volonté économique, une volonté sociale. Si on fait le bilan, aujourd’hui, inflation, déficit extérieur, emploi, tous les indicateurs sont au rouge. Ne cherchons pas plus loin, c’est un échec pour Barre, c’est un échec pour Giscard. (…) [L’]analyse [du Président] est mauvaise, car il n’appelle pas la France à un sursaut national". ».

En effet, Bernard Pons a fait partie des dirigeants du RPR qui guerroyaient contre Valéry Giscard d’Estaing. Philippe Mestre, le directeur de cabinet du Premier Ministre Raymond Barre, en a parlé le 12 décembre 1979 à Michèle Cotta : « Il estime que Chirac, Labbé et Pons essaient de persuader le député RPR moyen que l’intention du gouvernement est de liquider les gaullistes. (…) Envisager une dissolution ? Oui, Barre va jusqu-là. ». Aucune dissolution n’a cependant été décidée.

À l’issue de l’élection présidentielle de 1981, lors de la soirée électorale du premier tour, le 26 avril 1981 : « Il faut voir, pendant les premières minutes de la soirée électorale à RTL, le coup d’œil qu’échangent hors antenne Bernard Pons et Gaston Defferre : "Giscard est cuit", me glisse Bernard Pons à l’oreille. » (Michèle Cotta). François Mitterrand fut effectivement élu le 10 mai 1981.

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En juin 1984, Bernard Pons s’est présenté aux élections européennes sur la liste unique de l’opposition UDF-RPR menée par Simone Veil, ancienne Présidente du Parlement Européen. Il était lui-même le numéro deux de la liste en tant que premier représentant du RPR, devant Jean Lecanuet, premier représentant de l’UDF. Sur cette liste, il y avait notamment : Christian de La Malène (n°4), Michel Poniatowski (n°5), Alain Juppé (n°6), Pierre Pflimlin (n°7) qui allait être élu Président du Parlement Européen, Philippe Malaud (n°8), André Rossi (n°9), Alain Carignon (n°12), Jean-François Deniau (n°13), André Fanton (n°14), Dominique Baudis (n°15), Roger Chinaud (n°17), Alfred Coste-Floret (n°18), Nicole Fontaine (n°19), qui fut bien plus tard Présidente du Parlement Européen, Gaston Flosse (n°20), Yves Galland (n°21), Jean-François Mancel (n°22), Robert Hersant (n°23), Anne-Marie Dupuy (n°24), Pierre Bernard-Reymond (n°27), Christiane Scrivener (n°29), Denis Baudouin (n°30), Jean-Thomas Nordmann (n°31), Gérard Longuet (n°33), Jacques Mallet (n°35), Guy Guermeur (n°36), Michel Debatisse (n°37), Jean-Pierre Abelin (n°41), qui furent tous élus grâce à un score qui est resté historique avec 43,0% (soit 41 sièges sur 81). Élu donc député européen le 17 juin 1984, Bernard Pons a démissionné le 30 avril 1986 du Parlement Européen, en raison de sa nomination au gouvernement (Alain Marleix l’a remplacé à Strasbourg).


Aux Outremers

Lors de la première cohabitation, Jacques Chirac, Premier Ministre, nomma Bernard Pons Ministre des DOM-TOM du 20 mars 1986 au 10 mai 1986. Il a eu à gérer la très grave crise en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, son nom est resté attaché à l’importante loi Pons chargée d’encourager les investissement dans les DOM-TOM qui permettait une défiscalisation des investissements (article 22 de la loi n°86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificatives pour 1986), disposition qui a été abrogée en 2000 parce qu’elle a été l’objet de nombreux contournements fiscaux, notamment dans l’acquisition de bateaux de plaisance (selon le rapport d’information n°1060 déposé le 9 juillet 1998 par le député Didier Migaud, futur Premier Président de la Cour des Comptes).

Sur la politique en Nouvelle-Calédonie, Bernard Pons a en particulier fait adopter un nouveau statut et organisé le référendum du 13 septembre 1987 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie qui fut boycotté par le FLNKS : 98,3% ont voté pour le maintien dans la République française avec une participation de 59,1% (soit 57,2% des inscrits favorables au maintien dans la République). Ce référendum, institué par la loi n°86-844 du 17 juillet 1986 et la loi n°87-369 du 5 juin 1987, n’a rien résolu politiquement (les indépendantistes considéraient que la condition de résidence d’au moins trois ans pour être électeur était insuffisante). De même, les élections régionales prévues le 24 avril 1988 (le même jour que le premier tour de l’élection présidentielle) furent boycottées par le FLNKS.

Entre les deux tours de l’élection présidentielle, Bernard Pons a été chargé par Jacques Chirac de négocier avec les assaillants lors de la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa qui a eu lieu du 22 avril 1988 au 5 mai 1988 (en pleine élection présidentielle), après l’attaque de la gendarmerie (après l’assaut des forces de l’ordre, ont été tués 19 ravisseurs et 6 gendarmes, dont 4 lors de l’attaque de la gendarmerie et 2 lors de l’assaut).

Le FLNKS avait refusé d’endosser la responsabilité de cette attaque qui avait fait 4 morts et avait lâché les preneurs d’otages dirigés par Alphonse Dianou. Le commandant du GIGN à l’époque, Philippe Legorjus a expliqué : « Alphonse Dianou voulait sortir vivant de cette affaire avec ses camarades. J’expliquai à Bernard Pons que l’idée d’une reddition était possible, après le second tour de la présidentielle. ». Mais politiquement, Jacques Chirac ne pouvait pas se permettre de laisser la République sans ordre avant le second tour où il jouait son destin : « Toute mesure de conciliation ou de médiation reviendrait dans ses conditions à placer sur le même plan ceux qui, dans le territoire, se conforment aux lois et ceux qui les violent. » (Jacques Chirac le 1er mai 1988).

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Bernard Pons a demandé le 3 mai 1988 au général de gendarmerie « une libération sans concession des otages ». L’assaut fut donné peu avant le second tour, le 5 mai 1988, après un accord initial donné par le Président François Mitterrand (mais la communication entre l’Élysée et Matignon fut rompue peu après cet accord de principe). Alors devenu Ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement dans le nouveau gouvernement de Michel Rocard (Jacques Chirac ayant été battu par François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1988), a assuré : « Aucun élément de l’enquête n’a fait apparaître qu’il y a eu des exécutions sommaires. » même si des points sont restés obscurs, notamment sur les circonstances de la mort d’Alphonse Dianou qui n’avait été que blessé lors de l’assaut.

Un des chefs indépendantistes, Nidoish Naissline a déclaré pour "Témoignage chrétien" en mai 1988 : « Pons et Chirac se sont conduits comme de véritables assassins. Ceux que l’on appelle les ravisseurs avaient déjà libéré dix gendarmes et attendaient que la situation se clarifie le 10 mai, afin de négocier. MM. Pons et Chirac ont préféré les assassiner. Ils auraient pu éviter cette boucherie, mais ont préféré échanger du sang kanak contre des bulletins de vote des amis de Jean-Marie Le Pen. » (repris par "Charlie Hebdo" du 19 juillet 2000). Bien plus tard, Michel Rocard a confié le 18 août 2008 sur France Culture : « Il ne fallait pas que le secret sorte (…). À la fin de l’épisode de la grotte d’Ouvéa, il y a eu des blessés kanaks et deux de ces blessés ont été achevés à coups de bottes par des militaires français, dont un officier. ».

Lors de la sortie du film "L’ordre et la morale" de Mathieu Kassovitz, le 16 novembre 2016, qui donnait une vision partiale de l’histoire, Bernard Pons a réagi dans "20 minutes" en s’en prenant aux nombreuses choses fausses du film, comme certains détails : « J’y apparais en robe de chambre dans mon bureau en train de fumer un cigare. Je n’ai jamais fumé de ma vie. ». L’assaut contre les ravisseurs : « J’ai lancé cette opération de force, à contrecœur. ». Et de préciser : « Toute cette histoire a été réalisée dans la clarté la plus totale. François Mitterrand était Président. Jacques Chirac, Premier Ministre. S’ils ont donné l’ordre d’attaquer, c’est parce que la vie d’hommes était en jeu et non pas parce qu’ils étaient au coude à coude avant le second tour de la présidentielle. Je n’étais là que pour libérer les otages. La façon dont les événements se sont déroulés n’est que le fait des ravisseurs. Ils ne voulaient rien entendre. ».

Sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : « J’espère qu’un jour, toutes les composantes de l’île pourront vivre en paix, ensemble. Il faudra faire ce référendum sur l’indépendance quand les esprits seront prêts. Aujourd’hui, c’est encore trop tôt. Le jour où cela se fera, il faudra bien respecter l’avis des Calédoniens. ».

Un an et demi plus tard, ce n’était plus trop tôt. Sur Europe 1 le 5 mai 2018, Bernard Pons a soutenu très vivement la politique néo-calédonienne du Président Emmanuel Macron qui, justement, se déplaçait le jour même pour un important discours à Nouméa : « C’est une très bonne chose que le Président de la République soit présent (…). Il a très bien fait de montrer à l’ensemble de la communauté calédonienne qu’il pense à elle, que pour le moment, elle fait partie intégrante de la République, et que l’avenir dépendra des Calédoniens. Voudront-ils rester dans l’ensemble républicain, avec l’Europe, ou essayer de se diriger eux-mêmes ? C’est eux qui ont le choix. Et comme l’a dit le Président, ce n’est pas un choix négatif qu’il leur propose, c’est un choix positif, un choix d’adhésion. J’adhère parfaitement à cette démarche. ».


Chiraquien dans l’opposition

Après l’échec de Jacques Chirac en 1988, Bernard Pons fut élu président du groupe RPR à l’Assemblée Nationale du 23 juin 1988 au 25 mai 1995. Les premières années du second septennat de François Mitterrand furent difficiles pour le RPR, le leadership de Jacques Chirac était contesté par plusieurs tendances, en particulier celles de Philippe Séguin et Charles Pasqua. Bernard Pons a fait partie des très proches de Jacques Chirac, au même titre que Jacques Toubon, Jean-Louis Debré et François Baroin.

Aux assises extraordinaires du RPR le 29 janvier 1989 au Bourget, Michèle Cotta a noté : « Un des aspects les plus importants du congrès tient à l’intervention de Bernard Pons : car c’est lui, fidèle escorteur de Chirac, qui s’en donne à cœur joie pour dénoncer les délits d’initié, les opérations de bourse minables auxquelles se sont apparemment livrés des amis du gouvernement et du Président, "fauteurs ou complices d‘un affairisme déclaré". ».

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Pendant la deuxième cohabitation, le RPR est devenu un champ de ruines entre balladuriens et chiraquiens. Bernard Pons a tenté de garder le temple à la présidence du groupe RPR, mais les trahisons se multipliaient, encouragées par des sondages très flatteurs pour Édouard Balladur. Lors d’une conversation avec Bernard Pons le 17 novembre 1993, alors que Charles Pasqua s’était balladurisé, Michèle Cotta a écrit : « [Bernard Pons] fait le point sur ceux qui sont restés fidèles au maire de Paris et sur ceux qui s’apprêtent à prendre le large. "Jacques Toubon est fidèle à Chirac, me dit Bernard Pons en me quittant, mais (sourire ravi) moins que moi !". ».

Au dernier été avant l’élection présidentielle de 1995, Jacques Chirac était en retard de 15 points dans les sondages par rapport à Édouard Balladur. Mais Bernard Pons y croyait encore. Il est allé voir le futur Président chez lui le 24 ou 31 juillet 1994, et a raconté à Michèle Cotta son entrevue : « Pons attaque bille en tête : "Jacques, il faut s’y faire : je crois que vous allez être élu Président l’année prochaine". Au moment où il le dit, me raconte-t-il, il pense être le seul, ou à peu près, à croire encore dans les chances de Chirac. Celui-ci, en revanche, n’en doute toujours pas. Il lui répond avec calme : "Ah bon ? Pour tout vous dire, je le crois aussi. Mais qu’est-ce qui vous fait être aussi certain de la victoire ?". Pons énumère : Balladur est finalement plus fragile qu’on ne le croit à Matignon ; le RPR, fidèle dans sa majorité à Chirac, survivra au départ éventuel de Charles Pasqua qui ne peut que marcher derrière Balladur ; enfin, le PS ne se relèvera pas de son dernier échec. La conviction de Bernard Pons, il le dit à Chirac, est que Jacques Delors ne sera pas candidat. Que lui a répondu Jacques Chirac ? Que c’était son avis, que Delors n’irait pas à la bataille. Bernard Pons était très remonté par cette conversation. Il part en vacances, sans doute dans le Lot, regonflé à bloc. ».

Le 2 novembre 1994, Michèle Cotta a déjeuné avec Bernard Pons et un député chiraquien, Étienne Garnier : « Bernard Pons est encore persuadé que Balladur ne se présentera pas. "Il calera, je vous dis qu’il calera !" ». Pourtant, à l’instar de Philippe Séguin, Charles Pasqua et Alain Juppé, Bernard Pons avait mis en garde Jacques Chirac lorsqu’il a voulu mettre Édouard Balladur à Matignon.

Pendant la campagne présidentielle de 1995, Bernard Pons a donc soutenu Jacques Chirac contre Édouard Balladur. Selon Bernard Pons (d’après un de ses collaborateurs Yves Marek interrogé dans "Le Point" du 10 novembre 2016), Alain Juppé n’était pas forcément un grand chiraquien, il avait proposé à Édouard Balladur d’être son Premier Ministre et il n’a accepté de soutenir Jacques Chirac qu’à la condition d’être à la fois le Premier Ministre et le président du RPR.


Chirac enfin à l’Élysée

Après l’élection de Jacques Chirac en 1995, Bernard Pons a réintégré le gouvernement, dirigé par Alain Juppé : il fut nommé Ministre des Transports du 18 mai 1995 au 2 juin 1997, plus exactement Ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement et des Transports, puis, à partir du 7 novembre 1995, Ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme.

Au contraire de la volonté de Jacques Chirac de réduire drastiquement l’insécurité routière le 14 juillet 2002, après sa réélection, le contexte en 1995 était plus "pompidolien" (dans le sens "arrêtez d’emm*rder les Français") au point que Bernard Pons avait annoncé moins de contrôles de vitesse, prenant les automobilistes pour des personnes responsables et respectueuses du code de la route.

Bernard Pons a pris la décision de la construction de nouvelles autoroutes : Alençon-Tours (A28), Tours-Vierzon (A85), Rueil-Malmaison-Vélizy-Villacoublay (A86), a participé à la définition de la ligne TGV Lyon-Turin, et a lancé le 15 juillet 1996 la construction du viaduc de Millau. Bernard Pons a beaucoup vanté les qualités du futur secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, alors secrétaire général de la CGT-SNCF : « très fort ; le meilleur, et de loin ! » (déjeuner avec Michèle Cotta le 3 mars 1997).

Aux journées parlementaires du RPR le 27 septembre 1996 au Havre, il y a eu un début de fronde de députés RPR contre le gouvernement d’Alain Juppé avec des parlementaires comme Étienne Garnier, Pierre Mazeaud, Édouard Balladur, Charles Pasqua, et même Bernard Pons « plus bas (…) pour critiquer férocement le Premier Ministre » (Michèle Cotta le 4 octobre 1996).

Le 12 novembre 1996, Michèle Cotta était au Palais-Bourbon : « J’ai une conversion avec Bernard Pons qui reste un des plus proches de Jacques Chirac. Il me raconte le dernier entretien qu’il vient d’avoir avec le Président : "J’ai dit à Chirac quatre choses. La première : ne dis pas qu’il n’y a auprès de toi qu’un seul Premier Ministre, Juppé ; il y en a d’autres. Ne dis pas : il n’y a pas d’autre politique ; il est toujours inutile d’annoncer qu’il n’y a rien d’autre à faire. Ne dis pas : il n’y a rien à faire avec Helmut Kohl ; au contraire, il y a des tas de discussions qu’il faut avoir en direct avec lui. Ne dis pas : il n’y a qu’un partenaire social, c’est Nicole Notat ; il y en a d’autres… Sur ce dernier point, ajoute-t-il, j’ai gagné puisqu’il a tout de suite reçu Marc Blondel". ».

Et la journaliste de se permettre ce petit commentaire ironique : « Je ne lui dis pas, mais j’imagine la scène : Bernard Pons, médecin du Lot, expliquant à Chirac la marche à suivre… Il doit falloir une énorme dose de gentillesse et de patience, de la part de quelqu’un qui est en politique depuis près de trente ans, et qui a été élu à la Présidence après avoir triomphé de tous les obstacles, pour écouter les mises en garde d’un député qui lui doit son élection. C’est cela aussi, Chirac : il ne traite pas ses amis en Président de la République. Je ne suis pas sûre que les amis n’en profitent pas. ».

Le même jour (12 novembre 1996) : « Le calendrier ? Bernard Pons prévoit une rupture entre Chirac et Juppé en janvier prochain. Qui, pour la succession ? Jacques Toubon ? Peut-être. Je suggère Philippe Séguin. "Il y en a d’autres", assure Pons. Lui-même ? Dénégation. Alors, un patron proche du RPR. Je demande : "Jérôme Monod" ? "Ce serait bien, me répond Pons, s’il n’avait pas, en ce moment, les casseroles de la Lyonnaise des Eaux". Alors Calvet ? François Pineau ? "Ce qui est certain, m’assure Pons en mettant un terme à notre aparté, c’est que tant que des gens comme Léotard continuent à flinguer Alain Juppé de cette manière, jamais Jacques ne ‘démissionnera’ son Premier Ministre. Vous le connaissez : il ne le laissera pas tomber". ».

Le 12 décembre 1996, nouveau déjeuner de Michèle Cotta avec Bernard Pons qui lui a parlé des difficultés de négocier avec la CGT-SNCF et de l’agacement du Chancelier allemand Helmut Kohl sur les difficultés pour construire la ligne TGV Paris-Strasbourg (au Sommet franco-allemand de Nuremberg). Mais les deux convives ont aussi évoqué la ville de Paris, et Michèle Cotta a subodoré une ambition municipale chez Bernard Pons pour 2001 : « Paris ne va pas bien non plus : "Non seulement, me dit Pons, Xavière Tiberi a été mise en examen, mais le prestige de Paris est en chute libre. Quelle idée a donc eue Tiberi d’interdire l’accès des banlieusards au périphérique ! C’est une énorme erreur, dont on a vu ce qu’elle donnait. Même chose sur les pistes cyclables, qui sont une concession absurde aux écolos !" Ces propos reflètent de manière évidente l’envie qui est la sienne de succéder à Tiberi à la mairie de la capitale. Il s’y prépare, il le cache à peine. Il a déjà un projet pour les quais de Seine qu’il voudrait rendre aux Parisiens en déplaçant les cimenteries en amont et en aval de Paris, et en développant des lieux d’accueil. Il n’a jamais été, dit-il, ni de près ni de loin, mêlé à la conduite des affaires de l’Hôtel de Ville, et compte bien en profiter. Mais quand ? Quand Chirac lui donnera son feu vert. ». En fin de compte, en 2001, Philippe Séguin fut le candidat UDF-RPR à la mairie de Paris, choisi au cours d’une primaire où était candidat également Édouard Balladur, et le maire sortant Jean Tiberi fut également candidat dissident, mais le socialiste Bertrand Delanoë a gagné…

Au cours d’un autre déjeuner avec Michèle Cotta le 3 mars 1997, Bernard Pons n’a pas montré des dons très affirmés de bonne prédiction : « Il reste un fervent admirateur de Jacques Chirac dont il loue, une fois de plus, l’obstination, le caractère. Il pense qu’en 1998 [date normale des prochaines élections législatives], la majorité n’aura pas de peine à être reconduite. Alain Juppé, selon lui, a fait beaucoup de progrès : "Maintenant, dit-il, il écoute ses ministres, il ne les prend plus de haut". Il a toujours pensé (…) qu’Alain Juppé resterait à Matignon jusqu’en 1998, "et sans doute au-delà, si les élections sont gagnées". » (ce qui contredit le compte-rendu de la discussion du 12 novembre 1996). Et Bernard Pons d’ajouter : « N’oubliez pas que Juppé est aussi président du RPR : Chirac ne peut pas s’en débarrasser à Matignon sans s’en débarrasser aussi au RPR, et cela, c’est beaucoup plus difficile ! ».

Le 7 avril 1997, tous les gaullistes sont allés à Strasbourg pour commémorer le cinquantième anniversaire de la création du RPF par De Gaulle. L’occasion, pour Michèle Cotta, d’en savoir plus sur les rumeurs déjà très fortes de dissolution de l’Assemblée Nationale. Elle s’en est entretenue avec Bernard Pons : « Il me dit qu’il a entendu parler de dissolution pour la première fois il y a un mois (…). "Après cela, j’en ai parlé avec Juppé et je lui ai dit : c’est une c*nnerie. La dissolution n’est pas un instrument pour faire des coups politiques ! Mais il semble y tenir, et Chirac aussi. Alors…" Donc, il y aura bien dissolution. Tous les ‘compagnons’, dans l‘avion, en sont maintenant à peu près convaincus. ». Jacques Chirac a annoncé la dissolution le 21 avril 1997 au cours d’une allocution télévisée. La majorité a perdu le pari. Lionel Jospin est devenu le Premier Ministre de la troisième cohabitation.

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Après l’échec de la majorité aux élections législatives de 1997, Bernard Pons a créé le 18 juin 1998 l’Association des Amis de Jacques Chirac qu’il a présidée dans la perspective de la réélection de Jacques Chirac en 2002 (cette association fut dissoute en janvier 2005). En 2007, Bernard Pons a soutenu Nicolas Sarkozy. Le 10 novembre 2016, Yves Marek témoignait : « Et comme me le disait Bernard Pons en 1999 : "Sarkozy n’est en rien différent du Chirac des années 70 et il sera Président et c’est notre meilleure chance". ».

En 2010, après avoir quitté toutes ses fonctions électives (député en 2002 et conseiller de Paris en 2008), Bernard Pons a quitté la capitale pour le département du Gard où il passe une paisible retraite. Il a publié ses mémoires le 4 avril 2018 : "Aucun combat n’est jamais perdu" (éd. L’Archipel), ouvrage qui commence par cette phrase : « Toute ma vie, j’ai été un nomade. » et qui est dédié à sa fille Valérie qui est morte le 16 juillet 2013 à l’âge de 50 ans (mère de deux enfants).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juillet 2021)
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Pour aller plus loin :
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.

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