« Bernard Tapie doit rire doucement de tout ce qu’il entend de bien aujourd’hui. » (Renaud Muselier, le 3 octobre 2021).
L’ancien Ministre de la Ville, ancien député de Marseille, l’ancien débatteur acharné, l’ancien entrepreneur contestable, l’ancien homme des médias, l’ancien homme des sports… Bernard Tapie est mort à 78 ans ce dimanche 3 octobre 2021 dans la matinée (8 heures 40) : « Il est mort paisiblement, entouré de sa femme, ses enfants, ses petits-enfants et son frère. », selon sa famille. Brigitte Macron était venue le voir à son domicile il y a quinze jours.
Bernard Tapie avait demandé à ses médecins de tout faire pour le maintenir en vie jusqu’au 6 octobre 2021, jour du jugement de son dernier procès auquel il n’avait pas pu assister en mai dernier. Il voulait sauver son honneur, mais avec sa disparition, on ne saura jamais quel aurait été le verdict. À trois jours près.
Jamais il n’aurait imaginé faire tant consensus à sa mort, avec une classe médiatique (pour les télévisions, c’est journée Tapie aujourd’hui) et politique unanime à saluer l’homme Tapie. Et il y a de quoi. C’est à la fin qu’on peut "juger" vraiment un homme, j’écris "juger" dans le sens d’apprécier, car juger vraiment, personne d’ici-bas ne peut juger la vie d’un homme, et les juges dont c’est le métier ne jugent qu’une facette de la vie, celle qui aurait pu se mettre en infraction par rapport à la loi humaine (et là encore, les situations complexes rendent le jugement parfois très aléatoire).
Jamais il n’aurait cru faire l’unanimité de l’hommage. Éric Zemmour l’a déjà salué et peut-être que celui qu’il considérait comme son plus grand adversaire politique, Jean-Marie Le Pen, de sa retraite de nonagénaire, malgré des duels très violents, y mettra aussi du sien pour lui tresser les lauriers.
On ne va certainement pas le panthéoniser (il a de toute façon demandé à être enterré à Marseille), mais il faut reconnaître que la fin de sa vie fut un exemple de courage et de détermination incroyables face à sa terrible maladie, un double cancer qui lui a donné peu de répit pendant ses quatre dernières années.
À l’image de deux des quatre principaux personnages de l’État, les Français, même ceux qui le détestaient, ne peuvent pas ne pas s’incliner devant ce courage. Ainsi, le Premier Ministre Jean Castex a déclaré : « La première image qui me vient est celle du combattant. ». Gérard Larcher, le Président du Sénat, a lui exprimé son émotion ainsi : « Au-delà de l’homme engagé et passionné, je veux m’incliner devant son admirable courage face à la maladie. ».
Pour Bernard Tapie, il n’y avait pas de tabou dans les débats publics. Ainsi, il voulait parler là où ça faisait mal. C’est pour cela qu’il s’était attaqué à Jean-Marie Le Pen, parce que lui aussi s’était attaqué aux tabous mais personne ne voulait le suivre, sauf certains électeurs. Bernard Tapie était donc un peu dans le rôle du chirurgien qui tentait d’éliminer une parte nécrosée du corps (électoral), parler de sujets importants pour le peuple, sortir les poussières cachées sous le …tapis de la République. Concrètement, cela n’a pas beaucoup fonctionné, mais c’était louable de sa part d’avoir essayé.
Cette journée d’hommage n’ôtera rien de toutes les illégalités qu’il a pu avoir commises et que la justice a signalées le cas échéant. Mais face à la mort et à la maladie, un homme va bien au-delà de cet aspect-là.
C’est étrange mais me vient à l’esprit cette idée si intime que face à la mort, les hommes sont vrais, dépouillés de tous les artifices, hypocrisies, face à la mort, les hommes sont vrais. Cette idée, c’était celle d’un ami très cher, prêtre, qui a été l’aumônier catholique du principal hôpital de Nancy pendant une trentaine d’années, il savait de quoi il parlait, Bernard Remy, l’une des premières victimes "professionnelles" de la pandémie de covid-19 en France.
Ce modeste écrit n’a rien d’autre but que signaler que les hommages aujourd’hui de toute la classe médiatique, sportive, politique, etc. ne peuvent être pris paradoxalement pour hypocrites, ils sont au contraire le résultat de la prise de conscience qu’un homme est toujours complexe, jamais blanc ou noir, et que finalement, les "vraies valeurs" (notion difficile à cerner) sont toujours apparentes à la fin de la route, jamais auparavant.
Le 8 juillet 2021 sur LCI, dans l’une de ses dernières interventions publiques, Bernard Tapie avait déclaré, peu avant que sa nuit ne se déclarât : « Chacun a sa mort et comme il le sent. Ce qu’on peut faire quand on est à la veille, c’est de donner quelques conseils. Moi, le mien, c’est de dire, ce n’est pas l’étape définitive. J’en suis là. Il y a des étapes dans la vie : il y a la naissance, vous êtes à la retraite, et puis, il y a "Allez, ciao", eh bien, il faut la vivre en fonction de l’impression que vous aurez laissée autour de vous, à ceux que vous aimez. ». RIP et pensée à sa famille.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Bye bye Tapie !
Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
Euthanasie : soigner ou tuer ?
Bernard Tapie et "choisir sa mort".
Éric de Montgolfier, les pieds dans le Tapie.
Le combattant Bernard Tapie.
Bernard Tapie : faut-il encore s’acharner sur cet homme ?
Aquarius : 630 vies humaines et les sales eaux.
Grandeur et décadence de Bernard Tapie.
"Un jour, un destin" rediffusée le 4 janvier 2011 sur France 2.
Bernard Tapie, victime ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211003-bernard-tapie.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bye-bye-tapie-236234
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/03/39161209.html
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