« Il est possible que la ligne directrice du débat à la présidentielle évolue… » (15 novembre 2021).
Le maire de Meaux et ancien patron de l’UMP (devenue LR) Jean-François Copé n’est plus un responsable politique de premier plan. Pourtant, s’il y avait une seule personnalité politique ambitieuse en France, c’était bien lui qui est monté très vite, maire de Meaux, député, ministre… et dans son calendrier personnel, il comptait se présenter (et se faire élire) à l’élection présidentielle de 2017.
Mais aller trop vite peut rendre jaloux (on le voit pour Emmanuel Macron) et surtout, peut faire rater des choses, comme la volonté sincère de rassembler les Français. Jean-François Copé a toujours été une très belle mécanique intellectuelle et politique. Mais il lui a manqué un certain esprit de réconciliation.
Oui, mécanique intellectuelle. Énarque, Ministre du Budget, il jongle avec les finances publiques et pas beaucoup de monde sait le faire avec brio, il est de l’espèce des Edgar Faure, des Valéry Giscard d’Estaing, des Jacques Chirac, des Laurent Fabius, des Alain Juppé, et même bien avant les guerres, des Joseph Caillaux, qui ont tous été crânes d’œuf et affectés au budget de l’État. On peut même y ajouter Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire même s’ils ne sont pas crânes d’œuf. Un grand politique vise généralement le Budget et l’Intérieur. Non seulement cela donne beaucoup d’informations, mais ces ministères permettent des actions concrètes qui influencent l’avenir du pays.
Mécanique politique, tout le monde le sait. Il a commencé, comme Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, dans le rôle d’un second couteau clivant, il a fait son nom en se faisant plus droitier qu’il ne l’est… et puis tout a commencé à dégringoler. Mal élu président de l’UMP face à François Fillon en novembre 2012, puis devant démissionner en 2014 à la suite de l’affaire Bygmalion pour laquelle la justice l’a innocenté, mais bien tardivement. Son score à la primaire LR de novembre 2016 fut microcosmique (0,3%), mais il le savait déjà, depuis 2014, il est en-dehors du coup, enfoncé injustement pour une affaire qui ne le concernait pas mais qui a servi d’exutoire politique.
On aurait pu penser qu’il allait se préparer pour 2022, puisque cette belle mécanique n’avait pas encore servi. Mais il a laissé filer son ambition présidentielle, un peu comme Michel Rocard en été 1994. Il s’est replié à la mairie de Meaux, l’interdiction du cumul lui évite de fréquenter le Parlement, et il bosse surtout pour son métier d’avocat.
Ainsi, Jean-François Copé n’a plus que sa langue (et sa plume) pour influer sur l’avenir de son parti et de son pays. Alors qu’on parlait de dérive droitière lorsqu’il dirigeait l’UMP, il était néanmoins vigilant sur les limites à ne pas franchir, exactement comme Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy : pas de relations avec le FN/RN. Or, avec l’arrivée de Laurent Wauquiez, les digues se sont rompues, ce qui a fait partir Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Le deuxième débat LR du 14 novembre 2021 a renforcé ce sentiment : le RN a complètement phagocyté idéologiquement Les Républicains.
C’est donc en sage que Jean-François Copé s’est reconverti, et ma foi, de manière très pertinente. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire son interview recueillie par Pierre-Alain Furbury parue dans "Les Échos" du lundi 15 novembre 2021, titrée : "La droite doit aussi incarner le camp du progrès".
Comme je l’ai indiqué dans un précédent article, Jean-François Copé met le doigt sur un point sensible. Nicolas Sarkozy faisait le droitier mais encensait Jean Jaurès. Il a toujours réussi à rester dans l’ambivalence. À faire la synthèse. À marcher sur deux jambes. Tomber dans un seul côté retirerait toute la spécificité de LR et justifierait alors le vote Marine Le Pen ou Éric Zemmour. Il a notamment souhaité : « Il faut aussi parler politique internationale, environnement, politique industrielle, progrès scientifique. Qu'il n'y ait absolument rien là-dessus est un problème. La force de la droite doit être de parler de tous les sujets et pas seulement de l'immigration, qui ne couvre qu'une partie des problèmes français. Il faut aussi incarner le camp du progrès. ».
Mais il n’y a pas que la dérive populiste qu’il dénonce. Jean-François Copé regrette aussi que le besoin d’une rigueur budgétaire se traduise par un assèchement de l’énergie créatrice : « Le vrai sujet, c'est de faire la démonstration qu'on peut utiliser plus efficacement les impôts des Français. C'est ce discours qu'il faut construire, en le présentant intelligemment, et non pas, comme François Fillon a fait l'erreur de le faire, comme un programme de souffrance. On n'est pas là pour donner des leçons de morale. ».
Critiquant la politique régalienne du gouvernement ainsi que le manque de rigueur budgétaire, le maire de Meaux a considéré que pilonner Emmanuel Macron serait « contre-productif » : « Il y a un certain nombre de domaines dans lequel je considère qu'Emmanuel Macron a fait des choses positives. Je pense en particulier à la gestion économique de la crise du covid, et nous aurions d'ailleurs sans doute fait à peu de chose près la même chose. ».
Il redit ainsi la recette du succès de LR : « La droite a un boulevard, si le gagnant ou la gagnante de la primaire sait tenir fermement la barre sur les deux piliers que sont l'autorité et le progrès. Le pays est majoritairement en attente d'une politique de droite assumée et moderne. Emmanuel Macron incarne le progrès mais pas le retour de l'autorité. Quant à Marine Le Pen et Éric Zemmour, ils voient dans le progrès un danger et font de l'autorité un simple slogan. ».
Jean-François Copé l’avait déjà dit il y a deux ans, juste avant les élections européennes, dans "Challenge" le 24 mars 2019 (à l’occasion d’un entretien avec Rémi Cément). Il critiquait Laurent Wauquiez, alors président de LR, sur ses dérives droitières : « Sa ligne politique est trop brouillonne, voire ambiguë vis-à-vis de l’Europe ou même de l’extrême droite. Lorsque j’étais à la tête des Républicains, le cordon sanitaire était total. Aujourd’hui [en mars 2019], il n’y en a plus. (…) On laisse partir les centristes mais on garde les jeunes cadres LR qui prennent ostensiblement des pots dans les bars avec les jeunes RN. À mon époque, ils auraient eu droit à un sévère rappel à l’ordre. De toute façon, si un jour, une telle "union des droites" devait arriver, on n’y survivra pas car il n’y a pas une voix à récupérer. C’est une stratégie mortifère pour une raison simple : le clivage se fait aujourd’hui entre partis de gouvernement et partis extrémistes, pas entre la gauche et la droite. ».
Refusant de faire de LR une molle copie des opposants du second tour d’Emmanuel Macron (à savoir l’extrême droite), Jean-François Copé veut un recentrage de son parti pour lui faire garder sa spécificité : à la fois l’autorité et le progrès. De là à franchir le Rubicond macronien, il n’y a qu’un pas, que Jean-François Copé n’a pas du tout envie de faire, mais qu’a déjà fait un autre droitier de la droite, Christian Estrosi…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Jean-François Copé.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes.
Michel Barnier.
Éric Ciotti.
Hubert Germain.
Édouard Philippe.
Éric Zemmour au second tour !
Christian Estrosi.
Jean Castex.
Jean-Louis Borloo.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211115-jean-francois-cope.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-sagesse-inattendue-de-jean-237229
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/16/39223071.html
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