« La droite est de retour ! » (Valérie Pécresse, le 4 décembre 2021).
Dernier round du congrès de LR ce samedi 4 décembre 2021, le résultat du second tour du choix des adhérents LR pour leur candidat à l’élection présidentielle : Valérie Pécresse a gagné, sans surprise cette fois-ci, recueillant 69 326 voix (soit 60,95%) contre 44 412 voix (39,05%) à son concurrent Éric Ciotti. C’est Christian Jacob qui a annoncé le résultat un peu avant 14 heures 30 dans un climat de forte euphorie.
L’entre deux tours était très court (la soirée du 2 décembre 2021). Valérie Pécresse a recueilli le soutien de tous les candidats recalés, Xavier Bertrand, Michel Barnier et Philippe Juvin, ainsi que de Jean-François Copé. Deux débats télévisés improvisés ont eu lieu, sur LCI à 21 heures puis sur BFM-TV à 22 heures. Éric Ciotti a fait campagne jusqu’au bout, insistant sur la différence de stratégie entre les deux candidats : lui veut rassembler les électeurs de la droite et de l’ultradroite, alors que Valérie Pécresse veut rassembler les électeurs du centre droit et de la droite.
La stratégie de Valérie Pécresse est gagnante au second tour de l’élection présidentielle, mais celle d‘Éric Ciotti est plus efficace pour le premier tour, où les vrais concurrents du candidat LR ne sont pas Emmanuel Macron mais Éric Zemmour et Marine Le Pen.
Même si Valérie Pécresse n’a pas obtenu le total arithmétique de ses soutiens (elle aurait dû avoir dans les 74%), malgré un très léger surplus de participation, sa victoire est nette, claire et le plus heureux semblait même Éric Ciotti, le plus souriant, heureux de ce congrès qui, malgré sa défaite, a montré qu’il était maintenant reconnu parmi les plus importants dirigeants du parti.
Valérie Pécresse a décidé de ne pas faire comme François Fillon en novembre 2016, qui s’était reposé jusqu’en janvier. Elle a annoncé qu’elle repartait au combat dès la fin du week-end, elle fera un meeting sur la terre natale d’Éric Ciotti près de Nice lundi 6 décembre 2021, puis participera au meeting prévu de longue date à Paris le samedi 11 décembre 2021, à la différence près qu’il ne devrait pas avoir lieu au parc des expositions de la Porte de Versailles pour cause de covid-19, mais peut-être en visioconférence, ce qui serait très différent. Par ailleurs, même si la loi ne l’oblige pas, Valérie Pécresse a demandé et imposé la possession et le contrôle du passe sanitaire dans tous ses meetings, refusant d’être une source de contaminations, sans doute un clin d’œil à Éric Zemmour qui va réunir des milliers de disciples à Villepinte le 5 décembre 2021, sans aucune protection sanitaire (probablement que le lendemain, le gouvernement restaurera le principe d’une jauge dans les lieux fermés).
Valérie Pécresse pouvait être perçue comme une professionnelle, avec un directeur de campagne très expérimenté et costaud intellectuellement, Patrick Stefanini, alors qu’Éric Ciotti était un petit artisan, qui faisait son programme et sa communication, sans les avantages de la grande entreprise. Valérie Pécresse a utilisé pour sa campagne interne une représentation graphique qui pourrait l’assimiler à une nouvelle Marianne de la République. De même, l’une est l’énarque techno et l’autre le militant qui ne s’est vraiment construit sur le terrain.
Il n’y a pas d’équivalent de cette primaire sur l’échiquier politique français. L’esprit très collectif, Éric Ciotti sera évidemment derrière Valérie Pécresse sans aucune amertume et avec son dynamisme. Michel Barnier et Xavier Bertrand feront aussi campagne pour Valérie Pécresse même si leur échec est beaucoup plus amer, surtout pour Xavier Bertrand qui aurait dû accepter le principe d’une primaire ouverte qui l’aurait largement avantagé.
Mais dans cette procédure qui aboutit au meilleur rêvé chez Les Républicains, c’est bien sûr Christian Jacob et son talent jamais démenti de négociateur chevronné qui sont à saluer : il y a trois mois, on n’imaginait pas une telle réussite, ils envisageaient même le pire avec deux candidats issus de la droite républicaine. Tout le monde y a gagné car finalement, c’est la synthèse qui l’a emporté : la candidate la plus modérée l’a emporté, Valérie Pécresse, mais sur le programme le plus droitier, puisque les cinq candidats avaient surenchéri sur les thèmes sécuritaires.
Gérard Larcher était présent au moment du résultat. Il n’avait pas voulu prendre parti pour assurer la relève dans l’éventualité d’une débâcle politique (par exemple, une division profonde du parti). Finalement, c’est probablement sa candidate de cœur qui a gagné dans les meilleures conditions, avec l’unité retrouvée. Absent et ayant mollement félicité la gagnante sur Twitter, Laurent Wauquiez a de quoi regretter son renoncement à être candidat : il est probablement le vrai perdant, avec Xavier Bertrand, de ce "congrès pour la France", car s’il avait été candidat, dans le cadre de cette primaire fermée, il aurait eu toutes ses chances, vu la victoire des thèses les plus droitières et ses réseaux de militants très structurés.
Maintenant, la question se pose pour la suite de la campagne. À peu près tous les candidats sont identifiés, à l’exception du principal, le Président de la République dont la candidature paraît quasi-certaine. Les journalistes veulent toujours raisonner avec les sondages, mais les sondages ne sont que les conséquences des faits politiques. Ils ne les préfigurent pas. Or, la désignation de Valérie Pécresse est un fait politique important qui remet tout en cause du côté de la droite (et même de la gauche).
Valérie Pécresse serait-elle capable de reprendre les voix perdues des sympathisants LR qui ont rejoint Emmanuel Macron ? Peut-être, mais à la condition d’abandonner son programme très droitier. Valérie Pécresse, avec ce même programme, est capable en revanche de convaincre qu’avec elle, la droite musclée pourra revenir au pouvoir, mais sans les outrances et avec les valeurs républicaines.
Enfin, elle l’a signalé dans son discours de remerciement, oui, il fallait de l’audace pour choisir une femme comme candidate à l’élection présidentielle. Ne pas laisser à Marine Le Pen le monopole de cette caractéristique, également partagée avec Anne Hidalgo et Nathalie Arthaud, mais ces deux dernières sont peu susceptibles d’atteindre le second tour.
À mon avis, la désignation de Valérie Pécresse va évidemment redonner un peu d’audience à LR, mais le déplacement de voix ne se fera probablement pas du candidat Macron vers la candidate Pécresse, mais du candidat Zemmour vers elle, simplement parce que le polémiste a profité du désert politique de LR pendant de nombreux mois. Maintenant que l’heure est aux choses sérieuses, maintenant que le terrain est de nouveau occupé par une candidate solide, connue et reconnue, les errances électorales des nouveaux adeptes d’Éric Zemmour pourraient s’arrêter et eux revenir rassurés au bercail, il y a désormais un nouveau chef à LR, chose qui n’était pas arrivé depuis …mai 2012 !
Car l’enjeu n’est pas que l’élection présidentielle. Gagner en 2022 pour Valérie Pécresse, ce sera très difficile, pas impossible mais très difficile. Sa carrière, dans tous les cas, ne s’arrêtera pas le 24 avril 2022. Même perdante, même si elle perdait dès le premier tour, Valérie Pécresse aura marqué Les Républicains et pourra durablement conserver le leadership du parti : il y aura d’autres compétitions, les élections législatives en juin 2022, puis l’élection présidentielle suivante en 2027, et Valérie Pécresse sera incontournable, tant pour Matignon que pour l’Élysée, exactement comme le fut Lionel Jospin en 1995. Rappelons d’ailleurs qu’elle n’a conquis le conseil régional d’Île-de-France qu’après une première tentative malheureuse.
Enfin, terminons par les Franciliens qui, avec cette élection présidentielle, voient disparaître, pour le temps de la campagne au moins, leurs deux principaux élus : la maire de Paris et la présidente du conseil régionale d’Île-de-France. Comme quoi, la rivalité entre la capitale et les provinces n’est peut-être plus aussi réelle que dans les temps anciens.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (18) : Valérie Pécresse, naissance d’une leader.
Second tour du congrès du parti Les Républicains le 4 décembre 2021.
Élysée 2022 (16) : ce sera le duel Ciotti-Pécresse.
Élysée 2022 (15) : le quatrième et ultime débat des candidats LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211204-pecresse.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-18-valerie-pecresse-237678
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/12/02/39245166.html
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