« Nous nous souviendrons d’un leader de la démocratie et pro-européen Tu étais lumineux, généreux, joyeux. » (Paolo Gentiloni, 11 janvier 2022).
Ancien Président du Conseil italien et actuel Commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, comme de nombreux autres Italiens et Européens, a réagi à la triste nouvelle de la mort du Président du Parlement Européen David Sassoli, dans la nuit du 10 au 11 janvier 2022, à l’âge de 65 ans (il est né à Florence le 30 mai 1956).
De nombreux hommages ont été dits à la suite de cette annonce. Ancien Président du Conseil italien, Enrico Letta, nouveau patron du parti démocrate italien depuis le 14 mars 2021, a salué « un ami unique, une personne d’une générosité extraordinaire ». "La Repubblica", citée par le site "Toute l’Europe", affirme : « De Letta à Brunetta, de Di Maio à Meloni, tous ont pleuré l’homme politique honnête et l’homme décent. » [Renato Brunetta est un ministre en fonction et membre de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi ; Luigi Di Maio est ministre des affaires étrangère et l’un des principaux leaders du Mouvement 5 étoiles ; Giorgia Meloni, ancienne ministre de Silvio Berlusconi, est la présidente du parti des conservateurs et réformistes européens, une scission du PPE proche de l’extrême droite].
Preuve de sa générosité, David Sassoli, en pleine pandémie de covid-19, avait mobilisé les locaux du Parlement Européen pour faire à manger à des personnes nécessiteuses, pour implanter un centre de dépistage et pour servir d’hébergement d’urgence à des femmes isolées.
David Sassoli était hospitalisé depuis le 26 décembre 2021 au nord de Venise, au Centre de référence d’oncologie d’Aviano « en raison d’une complication grave due à un dysfonctionnement du système immunitaire ». Il était malade (une saleté qui l’a rattrapé soudainement), fragilisé par une forme grave de pneumonie depuis septembre 2021. Ce n’est donc pas le covid-19 mais la légionellose qui l’a vaincu.
La dernière intervention publique de David Sassoli fut son discours aux chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil Européen des 16 et 17 décembre 2021. La plupart de son "magistère" s’est tenu en temps de pandémie.
En juillet 2019, l’ancien journaliste a créé une surprise lorsqu’il fut désigné pour présider le nouveau Parlement Européen : les démocrates chrétiens (PPE) avaient gagné les élections européennes mais finalement, c’est ce social-démocrate du PD italien, le parti démocrate réunissant l’ancienne démocratie chrétienne et les anciens communistes, situé au centre gauche, qui a finalement été choisi pour la première partie du mandat européen, parce que le PPE avait déjà obtenu la Présidence de la Commission Européenne (l’Allemande Ursula von der Leyen) et les centristes de Renew/Renaissance (anciens libéraux démocrates) avaient obtenu la Présidence du Conseil Européen (le Belge Charles Michel).
Si bien que pour une fois, la majorité de fonctionnement du Parlement Européen n’était pas composée seulement des deux grands groupes (PPE et S&D) mais aussi du groupe centriste auquel les députés européens proches du Président Emmanuel Macron s’étaient inscrits. C’est pour cette raison que le 3 juillet 2019, David Sassoli a été élu Président du Parlement Européen, au second tour avec 345 voix sur 667, soutenu par ces trois groupes (il avait recueilli 325 voix sur 662 au premier tour).
En principe, son mandat s’achevait le 18 janvier 2022, les Présidents du Parlement Européen faisant traditionnellement la moitié d’un mandat, laissant l’autre moitié à l’autre groupe, ici le PPE. Néanmoins, comme Martin Schulz le 1er juillet 2014, David Sassoli avait caressé l’idée de solliciter un second mandat dans quelques jours, ce qui aurait fait exploser l’accord du 2 juillet 2019, mais sa santé était déjà trop fragile pour aller plus loin.
La probable successeure de David Sassoli serait la Maltaise Roberta Metsola (42 ans), députée européenne PPE depuis avril 2013 et première vice-présidente du Parlement Européen depuis le 12 octobre 2020 (à ce titre, elle assure l’intérim depuis décembre, en attendant la prochaine élection probablement avancée dans quelques jours), qui s’est dit profondément affectée par cette disparition : « J’ai le cœur brisé. L’Europe a perdu un leader, j’ai perdu un ami, la démocratie a perdu un champion. ».
Le choix de David Sassoli pour présider le Parlement de Strasbourg en 2019 n’était pas dû au hasard. Journaliste professionnel depuis 1986, il a présenté le journal du soir de la plus grande chaîne de la télévision publique italienne, RAI 1, ce qui lui a assuré une belle notoriété en Italie (il était un présentateur vedette).
Européen convaincu, il s’est engagé en politique en 2007 au sein du nouveau PD italien, et s’est fait élire député européen en juin 2009, puis réélu en mai 2014 et mai 2019. Avant son élection au perchoir européen, il était vice-président du Parlement Européen pendant tout le mandat précédent (juillet 2014 à juillet 2019), construisant sa réputation de bon connaisseur du Parlement Européen, de son fonctionnement, de son rôle, des joutes aussi. Il a succédé à un autre Italien, Antonio Tajani (PPE).
C’était aussi, en 2019, un "lot de consolation" pour l’Italie qui cédait la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), passage de Mario Draghi (l’actuel Président du Conseil italien) à Christine Lagarde (ancienne directrice générale du FMI et ancienne ministre française de l’économie et des finances).
Dans sa carrière politique, David Sassoli, qui se considérait comme un leader "anti-Salvini", a échoué aux élections municipales de 2012 à Rome, mais fut réélu au Parlement Européen en 2014 par un raz-de-marée du PD (plus de 40%), dans le sillage du très populaire Matteo Renzi.
Au perchoir de Strasbourg, David Sassoli avait de grandes ambitions institutionnelles. Il s’est engagé dans une rénovation du Parlement Européen lors de son entrée en fonction le 3 juillet 2019 : « On se battra ensemble pour un Parlement moderne, plus transparent, éco-durable, accessible aux citoyens. ». Il a aussi prôné un renforcement de la compétence des parlementaires européens, en particulier de pouvoir disposer également de l’initiative des lois.
Il voulait que les députés européens, souvent tentés de faire du Parlement Européen un bouc émissaire à usage de politique intérieure, retrouvent "l’esprit des Pères fondateurs" : « Vous ne pouvez pas continuer à renvoyer les décisions à prendre, alimentant la méfiance. Les citoyens se demandent à chaque urgence : où est l’Europe ? Que fait l’Europe ? Nous devons retrouver l’esprit des Pères fondateurs. ».
Il a également « exhorté les Européens à contrer le virus du nationalisme extrême et appelé à une réforme des règles européennes en matière de migration et d’asile politique ». Nul doute que l’Europe est aujourd’hui endeuillée et que ce continuateur de l’esprit fondateur va beaucoup lui manquer.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
David Sassoli.
Les ambitions européennes d'Emmanuel Macron (9 décembre 2021).
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron (2 juillet 2019).
L’élection du Président du Parlement Européen le 17 janvier 2017.
Antonio Tajani.
Martin Schulz.
Nicole Fontaine.
Pierre Pflimlin.
Simone Veil.
Emilio Colombo.
Alain Poher.
Robert Schuman.
Mario Draghi.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220111-david-sassoli.html
https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/david-sassoli-symbole-de-la-238616
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/11/39299849.html