« Je suis une femme qui gagne et une femme qui fait. » (Valérie Pécresse).
Elle a dit aussi : « Je suis une femme de droite et une femme droite. J’ai envie de gagner et j’assume avoir un projet plus puissant, plus à droite et plus réformateur. ».
Ce mercredi 12 janvier 2022, un sondage, réalisé par Elabe pour BFM-TV, "L’Express" avec SFR, a mis du baume au cœur de la candidate LR Valérie Pécresse : elle ferait jeu égal avec Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, 50%-50%. C’est nouveau, car depuis plusieurs semaines, la campagne de Valérie Pécresse patinait un peu, principalement caractérisée par une trompeuse rivalité, pour atteindre le second tour, entre elle, Marine Le Pen et Éric Zemmour, orchestrée par les sondages et les médias.
Depuis le 10 janvier 2022, l’IFOP et OpinonWay ont mis en place des systèmes de sondages tous les jours avec le même échantillon. L’intérêt est de voir les différences avec le temps en fonction des différents événements de la campagne. Ce n’est pas nouveau et certains instituts de sondages avaient déjà adopté ce genre de sondages "rolling" pour l’élection de 2017. L’intérêt est relatif et surtout, bousille l’intérêt d’une campagne. J’ai du mal à comprendre comment de grands professionnels de la politique, de la communication ou du journalisme soient capables de mettre dans les sondages autre chose qu’une simple indication photographique, très mineure comparée aux défis d’une campagne électorale.
Certes, c’est une tentation générale (j’aime aussi bien lire les sondages, mais je sais qu’ils ne sont jamais prédictifs, c’est un peu comme le R0 de l’épidémie, on l’apprend toujours en différé). Certes encore, il reste moins de trois mois avant le premier tour, ce qui signifie qu’il va y avoir une accélération (exponentielle) du temps dans les prochaines semaines (une multiplication d’événements, de déclarations, de réactions, de contre-réactions, etc.). Valérie Pécresse ne s’y est pas trompée et elle a compris que ce serait une campagne de mouvements, pas de positions. Donc, elle bouge, ou plutôt, elle cherche à bouger, mais sans beaucoup de résultats.
Jean-Luc Mélenchon a dit le 9 janvier 2022 que la gauche n’avait pas besoin d’union, mais de mobilisation. Je pense que c’est une remarque valable pour tous les candidats.
Contrairement à ce qu’a affirmé Ségolène Royal le 12 janvier 2022 (pour suggérer à Anne Hidalgo de s’effacer derrière Yannick Jadot), François Mitterrand n’a pas gagné avec le Programme commun. En 1974, François Mitterrand était le candidat de la gauche unie, et à part Arlette Laguiller et René Dumont (que je place à gauche pour faire court), il n’avait aucune concurrence à gauche dès le premier tour, et il a perdu. En 1981, l’union de la gauche avait éclaté quatre ans plus tôt, il avait de nombreux concurrents à gauche (sans compter LO et écolos), avec les candidatures de Georges Marchais, Huguette Bouchardeau et Michel Crépeau… et il a réussi quand même à gagner.
A contrario, si Lionel Jospin, alors favori, a échoué en 2002, ce n’est pas à cause de la multiplicité des candidatures à gauche issue de la majorité de son gouvernement sortant (Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère, Robert Hue et Christiane Taubira). Les électeurs de gauche qui ont voté pour ces candidats "périphériques" (ou "de diversion") ne voulaient pas de Lionel Jospin car ils étaient très conscients qu’en votant pour d’autres candidats, ils plomberaient son résultat du premier tour, ce qui serait plus difficile au second tour. Donc, l’absence du scrutin de ces candidatures n’aurait pas rapporté beaucoup de voix à Lionel Jospin et aurait plutôt fait augmenter l’abstention.
Le maître mot de Jean-Luc Mélenchon, la mobilisation, est donc bien plus crucial que l’union. L’union est un facilitateur, mais n’est certainement pas suffisant et est probablement dérisoire, voire pas forcément nécessaire.
Valérie Pécresse, elle, a déjà résolu un sacré problème : elle a réussi à faire l’unité de son parti retrouvé, Les Républicains, autour de sa candidature. Beaucoup de ses compagnons ressemblent un peu à des "malgré nous" mais ils jouent l’unité, l’union, à part quelques débauchages finalement individuels et prévisibles, au nombre d’un à ce jour (Guillaume Peltier, qui retrouve ses anciennes amours en politique, voir plus loin).
Elle était la meilleure candidate de ceux qui se sont présentés à la primaire LR et donc, elle a été désignée. Personne ne doute de sa capacité à gouverner ; énarque, elle a un CV flatteur. Au-delà d’avoir été conseillère du Président Jacques Chirac, d’avoir été cinq ans ministre du Président Nicolas Sarkozy, à des ministères difficiles : l’Enseignement supérieur et la Recherche (elle a fait voter une loi très importante sur l’autonomie des universités, notamment financière), et le Budget. À cela, il faut ajouter depuis six ans présidente du conseil régional d’Île-de-France avec des réalisations concrètes et des engagements clairement tenus. Sa désignation a ainsi rehaussé le niveau du candidat LR dans les sondages autour de 16%-17%, bien plus haut que ne pouvait espérait Xavier Bertrand qui ne jurait que par les sondages.
La candidate LR a donc réussi la première partie de son contrat : unifier son parti derrière sa candidature et avoir un programme ferme et déterminé. En outre, elle a réussi à se placer dans les sondages à un niveau suffisamment crédible pour rendre sa victoire possible et permettre de mobiliser ses électeurs potentiels pour aller jusqu’à la victoire. Elle ne risque pas non plus, contrairement à ce que certains expliquent, une fuite de son parti vers d’autres horizons, en particulier zemmouriens.
Le départ de Guillaume Peltier est une bonne prise pour Éric Zemmour car il lui manquait une personnalité qui sache faire de la politique, qui ait un certain charisme (il est très bon en communication), qui connaisse le Parlement, qui sache organiser un parti et une campagne électorale, et en plus, ce départ est intellectuellement probablement sincère. En revanche, il est individuel et ce n’est pas une perte pour LR, c’est presque un soulagement. Car il a proposé l’augmentation du SMIC de 20%, ce qui n’était pas du tout dans le programme LR. Guillaume Peltier avait soutenu Xavier Bertrand à la primaire interne mais ce dernier avait refusé de le choisir comme directeur de campagne malgré ses offres de service. Il n’a pas de "disciples" attitrés au sein de LR, son principal ami de "La Droite forte" issue de l’UMP-LR, c’était Geoffroy Didier qui, depuis au moins six ans, est à fond pour Valérie Pécresse (il est en outre vice-président du conseil régional d’Île-de-France, ceci explique peut-être cela, ou réciproquement).
Il y a d’ailleurs peu de chance que les personnalités citées par Éric Zemmour et susceptibles de le rejoindre (Nadine Morano, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau, j’en oublie peut-être) le rejoignent, d’abord parce qu’elles ne sont pas forcément si proches de ses idées qu’il ne le croit, ensuite parce qu’elles sont très fidèles à LR (Éric Ciotti est RPR-UMP-LR depuis plus d’une trentaine d’années) et cherchent plutôt à prendre le contrôle idéologique de leur parti (ce qu’ils ont réussi à faire d’ailleurs). Sans compter qu’il y a aussi des élections législatives en juin 2022 et l’investiture de LR y sera stratégique.
C’est d’ailleurs le meilleur argument de l’allié de la candidate LR et ancien rival Éric Ciotti : Valérie Pécresse est la seule qui peut battre Emmanuel Macon (elle est la seule candidate capable de gagner l’élection contre le Président sortant ; un unique sondage, celui d’Elabe réalisé les 6 et 7 décembre 2021, l’a placée devant Emmanuel Macron au second tour avec 52%-48%, mais cela ne s’est pas reproduit). Un argument à prendre avec des pincettes car c’est ce type d’argument qui a plombé politiquement Xavier Bertrand, se contentant de la méthode Coué ("je suis le meilleur") au lieu de faire des propositions concrètes et fortes.
Mais pour l’instant, cet argument de mobilisation n’est que virtuel. Il manque encore la vraie mobilisation, une mobilisation populaire. L’absence de Nicolas Sarkozy et plus encore de Laurent Wauquiez est patente. On n’entend pas non plus François-Xavier Bellamy alors qu’il était le numéro un de LR il y a deux ans comme tête de liste aux élections européennes. De plus, comme Valérie Pécresse est une personne raisonnable et responsable, elle a annulé le grand meeting populaire qu’elle devait tenir le 10 décembre 2021 pour cause de pandémie de covid-19, et ce type de manifestation reste encore l’événement le plus mobilisateur pour y croire. Ce sont les meetings de précampagne d’Emmanuel Macron qui a fait son ascension électorale en 2016. Éric Zemmour aussi a réussi à capter pas mal de militants avec son meeting à Villepinte le 5 décembre 2021. On peut croire que ces événements sont habituels, mais non, ils sont ponctuels, exceptionnels, comme le grand meeting au Trocadéro de François Fillon du 5 mars 2017, ce sont des boosters de mobilisation très forts. En particulier parmi les militants.
Quand Valérie Pécresse a évoqué le kärscher à ressortir de la cave, d’abord dans "La Provence" le 5 janvier 2022, puis le lendemain dans son déplacement à Salon-de-Provence et à Marseille, cela a fait flop alors que ses mots visaient à choquer. D’une part, ses mots étaient malheureux et rappelaient trop Nicolas Sarkozy, comme si elle était incapable de s’exprimer par elle-même, et d’autre part, c’était politiquement très maladroit de sa part. Christophe Castaner a eu ensuite le beau jeu de répliquer qu’en allant dans la cave chercher le kärscher, on y trouverait aussi les 12 500 postes de policiers supprimés pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Le kärscher de Valérie Pécresse a duré une soirée dans les médias, alors l’emmerdement d’Emmanuel Macron dure encore, soit plus d’une semaine, dans les médias et la "mémoire collective". Tous les contempteurs qui continuent à fustiger Emmanuel Macron sur ses propos du 4 janvier 2022 dans "Le Parisien" n’ont pas encore compris qu’en parler le servait (d’ailleurs, les sondages ne semblent pas marqué d’effondrement d’Emmanuel Macron, au contraire, plutôt une consolidation de son "socle").
Quelques jours plus tard, Valérie Pécresse a organisé une conférence de presse assez solennelle le samedi 8 janvier 2022, annoncée la veille. Elle a expliqué tout ce qui la différenciait d’Emmanuel Macron, parlant du « quinquennat de mépris ». Le problème de Valérie Pécresse sur la politique sanitaire du gouvernement, c’est qu’elle est d’accord avec le Président de la République sur le fond, elle est favorable au passe vaccinal, du reste comme Éric Ciotti qui a voté le projet de loi le 6 janvier 2022.
En fait, ce que dit Valérie Pécresse dans ses déplacements n’imprime pas, c’est-à-dire ne marque pas l’actualité, ne marque pas les esprits, ne la distingue pas, ne la différencie pas. Nicolas Sarkozy, l’un des meilleurs connaisseurs des campagnes présidentielles (avec Jacques Chirac), avait pour objectif de sortir une proposition disruptive les deux jours, le temps que ses opposants réagissaient, il avait déjà lâché une autre proposition disruptive, si bien que les opposants n’avaient plus le temps de faire leurs propositions et étaient soumis, noyés, par le calendrier de Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi Emmanuel Macron avait parlé de rester maître des horloges pendant la campagne de 2017, lorsqu’on lui avait demandé où en était son programme. C’est aussi ce qui a fait le succès de François Fillon dans sa campagne de la primaire LR de 2016 et même, d’une certaine manière, de ne pas s’être effondré malgré son "affaire" dans la campagne présidentielle de 2017 : ne pas se préoccuper des adversaires et "dérouler" son propre programme, sans créer de polémique contre les autres.
Valérie Pécresse, elle, n’a fait que de la défensive, répondant sans arrêt à Emmanuel Macron avec même un peu trop de zèle pour éviter les critiques de collusion intellectuelle avec le Président de la République. Mais en faisant cela, elle perd du temps qu’elle pourrait mieux consacrer à présenter son programme. Son programme et elle.
À cette conférence de presse, elle était accompagnée de tous les hiérarques de LR : Gérard Larcher, Président du Sénat, Annie Genevard, première vice-présidente de l’Assemblée Nationale, Christian Jacob, président de le LR, Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, ainsi que des anciens candidats à la primaire interne Éric Ciotti, Xavier Bertrand et Michel Barnier. Il y avait une impression diffuse que Valérie Pécresse était une marionnette manipulée par tout cet aréopage.
C’est, je pense, un des grands handicaps de Valérie Pécresse, qui peut être rapidement surmonté d’ailleurs. Valérie Pécresse n’est pas très connue, elle n’est pas dans le paysage politique depuis quarante ans (heureusement) et beaucoup d’électeurs qui pourraient voter pour elle ne la connaissent pas. Maintenant que l’union est acquise dans son parti (tout le monde, chez LR, veut sa victoire car c’est la seule voie possible pour que tous retrouvent le pouvoir, après dix ans de traversée du désert), Valérie Pécrese a besoin de personnaliser sa campagne, repousser tout le collectif et faire dans le personnel : "son" programme (et pas celui de LR), "son" style, "ses" décisions. Par exemple, quelqu’un comme François Fillon, très solitaire, n’avait aucun mal à personnaliser, et son refus de revenir sur le cumul de mandat était ferme et définitif malgré la revendication de nombreux élus LR pendant la campagne de 2017. Valérie Pécresse doit montrer son style, sa valeur ajoutée personnelle, quitte maintenant à déplaire à ses amis (qui sont désormais à être en situation de devoir accepter tout de leur candidate).
Ce manque d’incarnation est flagrant pour Valérie Pécresse et elle est d’ailleurs unique parmi les candidats qui sont actuellement à plus de 10% dans les sondages d’intentions de vote : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, tous, on les connaît, on les aime ou on les déteste, mais ils ont leur personnalité, leur caractère fort parfois, et ils peuvent incarner personnellement le pouvoir. Yannick Jadot et Anne Hidalgo, comme l’était aussi Benoît Hamon, n’incarnent rien personnellement, et c’est peut-être la cause de leur faible attractivité. C’est aussi un atout pour Christiane Taubira qui a une forte personnalité (certains diraient trop forte) et une forte incarnation d’une certaine gauche morale (que ce soit réel ou pas, ce n’est pas le problème, c’est la perception qui compte).
Il n’y a aucun doute que Valérie Pécresse a un caractère très fort. Défendre sa loi sur l’autonomie des universités sans beaucoup d’appui de ses collègues ministres et avec une forte désapprobation du milieu universitaire nécessitait une ténacité et une personnalité hors normes. À la tête de la région capitale également, elle a fait preuve d’une forte personnalité. Mais il faut que les gens le perçoivent. Il faut qu’elle abandonne les "nous" de politesse de parti en "moi" souvent crié par les machos. Bref, il faut qu’elle quitte ses habits d’élue modèle, qu’elle sorte de sa coquille, et qu’elle devienne cet "animal politique" qui aspire à devenir un Louis XIV ou un Napoléon moderne, c’est-à-dire qui aspire à incarner l’État, et au-delà, qui aspire à incarner la Nation, la République, la France. Ce n’est pas un handicap surmontable, la preuve avec Emmanuel Macron dont les qualités régaliennes se sont révélées dès le soir de son élection à la Pyramide du Louvre. Mais pour se révéler comme cela, il faut d’abord être élu. Il faut qu'elle convainque qu'elle est la meilleure de tous les candidats.
Il y a aussi un autre danger qui guette Valérie Pécresse : sa stratégie électorale. À l’heure actuelle, elle ne cesse d’envoyer des scuds contre Emmanuel Macron, ce qui est compréhensible car c’est le Président sortant et tout candidat non issu de la majorité ferait de même. En 1981, Valéry Giscard d’Estaing était seul contre tous, y compris Jacques Chirac qui faisait pourtant partie de la majorité. Emmanuel Macron ne doit donc pas s’attendre à de l’indulgence de la part de ses concurrents, ce qui est de bonne guerre. Mais est-ce l’intérêt électoral de Valérie Pécresse ? Je ne le crois pas.
J’évoquais au début de cet article la trompeuse rivalité entre Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour : c’est trompeur car elle n’existe pas. Ils ne naviguent dans les mêmes eaux. Certains voudraient même croire qu’ils proposent la même chose, ce qui est complètement erroné (et loufoque) : depuis le début des années 1980, le RPR (si apprécié par des nostalgiques du vintage) a été fondamentalement opposé au FN, à ses thèses, à son idéologie, à ses propositions, à toutes alliances même temporaires avec le FN, et j’ajouterais, même si cela me coûte puisque j’étais à l’UDF, l’UDF a été plus perméable à la tentation d’alliances locales voire régionales avec le FN (voir les élections régionales de 1998 et Charles Millon) que le RPR dont le sens de la discipline et des consignes était plus efficace. Du reste, le FN préférait la victoire de la gauche, qu’elle soit mitterrandienne, jospinienne ou hollandienne à la victoire de ce qu’il définissait comme ses ennemis, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
Éric Zemmour est un peu différent car finalement, il a toujours été de la culture RPR (même si son RPR à lui a toujours été idéalisé par rapport à la réalité historique), donc nécessairement compatible avec LR (dont il connaît bien les dirigeants), mais toutefois avec des idées encore plus extrémistes voire immorales que le RN. C’est là l’étrangeté de la situation : avec Éric Zemmour, on prendrait presque Marine Le Pen pour une centriste ! Lui, il voudrait faire ce que le RPR qu’il chérit tant a toujours fermement refusé de faire, une alliance entre RN et LR. Pour le coup, ni le RN ni LR ne la souhaitent car ce serait contreproductif et l’anéantissement de leur fonds de commerce respectif. Les pourcents qu’Éric Zemmour représente dans les sondages d’intentions de vote correspondent aux Français, minoritaires à droite, qui veulent cette alliance.
La stratégie actuelle de Valérie Pécresse est une erreur car elle veut l’emporter sur les thèses les plus droitières face à Éric Zemmour et Marine Le Pen (c’était le seul intérêt de ressortir le kärscher). Mais à ce petit jeu, elle ne sera jamais ni crédible ni meilleure que les deux autres. Mission impossible, on préfère toujours l’original à la copie, comme disait le patriarche. On part de l’idée que le total des sondages Pécresse + Le Pen + Zemmour est un gâteau invariant à se partager. Pourtant, la politique n’a rien à voir avec l’arithmétique, tout comme l’économie (les 35 heures étaient une erreur car le nombre d’emplois n’est pas un invariant, il "suffit" de favoriser l’augmentation de l’activité économique).
Or Valérie Pécresse aurait au contraire intérêt à séduire les électeurs d’Emmanuel Macron qui sont très proches d’elle idéologiquement. Comme on lui reproche cela, le "on" provenant de sa droite, elle fait tout pour s’en démarquer, mais sera-t-elle crédible longtemps dans cette posture impossible et probablement contreproductive ?
La stratégie d’aller vers le centre serait plus pertinente, notamment dans une optique de campagne de second tour (certains électeurs de gauche ont déjà décidé de voter pour elle par réalisme et lucidité, par haine d’Emmanuel Macron et volonté efficace d’éviter sa réélection), mais aussi pour le premier tour : si elle reprend la part perdue des électeurs de François Fillon soutenant maintenant Emmanuel Macron (dont je suis par exemple), non seulement elle pourra consolider son socle pour atteindre le second tour, mais mécaniquement, le socle électoral d’Emmanuel Macron sera fragilisé. Dans ces conditions, c’est donc incompréhensible qu’elle veuille suivre les surenchères ciottiennes. Cela dit, il sera plus difficile à des électeurs d’Emmanuel Macron d’origine de centre droit de retourner vers Valérie Pécresse que de s’être détourné de François Fillon ou de LR en général pour rejoindre Emmanuel Macron il a cinq ans. Édouard Philippe en sait quelque chose.
Une soutien pourrait être faire changer d’avis la candidate LR, même si celui-ci prêtera le flanc à la critique des plus à droite : dans "Le Point", l’essayiste Alain Minc a apporté le 12 janvier 2022 son soutien à Valérie Pécresse, alors qu’il était proche d’Emmanuel Macron en 2017. Un soutien qui pourrait inquiéter l’ancienne ministre car il n’a jamais soutenu de futurs vainqueurs (en 2017, il avait d’abord soutenu Alain Juppé en 2017).
Cela dit, les raisons du soutien sont les suivantes : Valérie Pécresse, ce serait Emmanuel Macron en mieux ; Valérie Pécresse est une femme et une femme à l’Élysée serait une fierté française (la fierté est le leitmotif de campagne de Valérie Pécresse) ; Emmanuel Macron n’aura pas de majorité à l’Assemblée Nationale (on avait déjà dit cela en 2017) et la situation de crise exige qu’on ne soit pas en cohabitation ; enfin, sa qualification au second tour permettrait d’éliminer les deux candidats d’extrême droite qui sont les deux dangers du moment. Au-delà de ces raisons, Alain Minc a été déçu par Emmanuel Macron : il lui avait conseillé de nommer Valérie Pécresse à Matignon en juillet 2020 car elle avait un grand potentiel et pourrait être la plus redoutable des candidats potentiels de LR ; de plus, il a regretté que son conseil de ne pas présenter de liste LREM contre elle aux régionales en Île-de-France n’ait pas été suivi au profit de petits avantages partisans.
Aujourd’hui, Valérie Pécresse se trouve devant un choix qu’elle devra rapidement prendre : ou continuer à errer sur les terres extrémistes qui ne lui rapporteront rien, ou changer résolument de cap et revenir à sa nature profonde, le centre droit voire le radicalisme à la Chirac, qui irait cibler l’électorat même d’Emmanuel Macron, avec un argument de poids ne faisant pas beaucoup rêver les foules : l’équilibre des comptes publics.
Manque d’incarnation, stratégie incertaine : l’arithmétique des sondages d’intentions de vote n’a jamais opéré (elle n’a pas forcément intérêt à aider par des parrainages LR la candidature d’Éric Zemmour : le polémiste pourrait "détourner" plus de voix LR que de voix RN voire arriver lui-même en deuxième position). Si elle réussit cette transformation d’incarner la Nation et d’être crédible dans le rassemblement des Français, elle pourra faire éclater l’arithmétique et déplacer les lignes. Rien n’est pour l’instant cristallisé (la moitié des électeurs n’a pas encore choisi), et tout, tout reste possible…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Élysée (24) : Valérie Pécresse, entre savoir-faire et savoir-plaire.
Élysée 2022 (19) : l’effet Valérie Pécresse.
Élysée 2022 (18) : Valérie Pécresse, naissance d’une leader.
Second tour du congrès du parti Les Républicains le 4 décembre 2021.
Élysée 2022 (16) : ce sera le duel Ciotti-Pécresse.
Élysée 2022 (15) : le quatrième et ultime débat des candidats LR.
Élysée 2022 (14) : L’envol d’Éric Ciotti ?
Renaud Muselier.
Philippe Juvin.
Élysée 2022 (13) : troisième débat LR, bis repetita.
Élysée 2022 (12) : Surenchères désolantes pendant le deuxième débat LR.
Élysée 2022 (11) : Michel Barnier succédera-t-il à Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (10) : Éric Ciotti, gagnant inattendu du premier débat LR.
Élysée 2022 (7) : l’impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Jean-François Copé.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
Patrick Devedjian.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220112-pecresse.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-24-valerie-pecresse-entre-238561
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/01/09/39296310.html
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