« La plupart des dirigeants que j’ai reçus ont exclu l’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale, laquelle d’ailleurs n’est à mes yeux pas justifiée à ce jour. Beaucoup aussi m’ont fait part de leur disponibilité pour avancer sur des sujets majeurs et urgents pour votre quotidien : le pouvoir d’achat, le travail, les moyens d’atteindre le plein emploi, la transition écologique, la sécurité. » (Emmanuel Macron, allocution du 22 juin 2022).
Ce matin du lundi 4 juillet 2022 a été rendue publique la composition du second gouvernement d’Élisabeth Borne nommée à l’issue des élections législatives. Plus de deux semaines ont été nécessaires, et plus généralement, ces nominations referment toute la séquence électorale depuis l’élection présidentielle, deux mois et demi très laborieux où le Président de la République Emmanuel Macron était plutôt absent, préférant s’investir dans la vie internationale et européenne. Alors que l’épidémie du covic-19 est repartie dans des proportions énormes, que des grèves font rage dans les transports en commun (vol aérien, chemin de fer) au début des vacances scolaires, l’absence de Ministre de la Santé et l’absence de Ministre des Transports devenaient problématiques.
Le décret lui-même reste vague sur le fait que ce soit la nomination du second gouvernement d’Élisabeth Borne car la Première Ministre avait présenté la démission de son premier gouvernement le 21 juin 2022 à Emmanuel Macron et ce dernier l’avait refusée. A priori, elle n’a pas démissionné ni été reconduite pour former un second gouvernement, et donc, cette nouvelle liste s’apparente formellement plus à un remaniement ministériel qu’à la nomination d’un nouveau gouvernement. Notons dans ce cas que l’absence de démission formelle du gouvernement à l’issue d’élections législatives est historiquement inédite.
Évoquons d’abord les départs : comme prévus partent Yaël Braun-Pivet (Outre-mer) élue au perchoir ainsi que les ministres ayant été battus aux élections législatives, à savoir Amélie de Montchalin (Transition écologique), Brigitte Bourguignon (Santé) et Justine Benin (Mer). À ces départs, il faut rajouter celui, très politique, de Damien Abad, ancien président du groupe LR à l’Assemblée Nationale (entre 2019 et 2022) et nommé le 20 mai 2022 Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.
Accusé d’agressions sexuelles, Damien Abad s’est toujours défendu en niant les faits (un dépôt de plainte a été classé sans suite), mais je pense qu’au-delà de ce problème qui renforce les difficultés politiques pour un gouvernement qui ne dispose pas de majorité absolue dans l’hémicycle, la valeur ajoutée de Damien Abad pour Emmanuel Macron était très faible. Débauchage individuel, cette nomination avait été vécue par le groupe LR comme une véritable trahison et au lieu d’apporter des voix LR bienveillantes au gouvernement, au contraire, elle a renforcé la colère et l’opposition frontale des députés LR. Son éviction du gouvernement devrait ainsi satisfaire le groupe LR. D’un point de vue personnel, Damien Abad a tout perdu pour six semaines ministre, c’est cher payé, d’approcher la lumière. Il restera néanmoins député (de la majorité).
Les (nombreuses) nominations n’apportent du reste aucun élément marquant de gouvernement de coalition. Même Philippe Juvin, élu député LR de Hauts-de-Seine et ancien candidat à l’élection présidentielle, qui avait été pressenti pour succéder à Brigitte Bourguignon, n’a finalement pas succombé à la tentation.
Ainsi, aucun changement majeur n’est intervenu dans ces nominations. Les deux premiers ministres, poids lourds de la Macronie, restent Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Gérald Darmanin qui voit ses attributions renforcées avec l’Outre-mer et les Collectivités territoriales, officiellement Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Proche de l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, Christophe Béchu est promu Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires succédant à Amélie de Montchalin.
Enfin, deux autres ministres pleins, issu de la "société civile" sont nommés dans les affaires médicales : François Braun, médecin, chef du service des urgences du CHR de Metz-Thionville et chargé de la mission flash sur les carences de l’hôpital (rapport remis le 30 juin 2022), nommé Ministre de la Santé et de la Prévention, et Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix-Rouge, nommé Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Rattachée à ce dernier, Geneviève Darrieussecq, députée MoDem, est de retour au gouvernement comme Ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, tandis que rattachée à François Braun, Agnès Firmin Le Bodo, députée ex-LR, est chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. En clair, ce sont quatre ministres au sein du gouvernement pour s’occuper des soins et de la médecine.
Plus politique, Olivier Véran, qui avait tenu à rester au gouvernement en mai 2022, quitte les Relations avec le Parlement pour devenir porte-parole du gouvernement (chargé aussi du Renouveau démocratique). Franck Riester le remplace aux Relations avec le Parlement (nomination saluée par le député RN Sébastien Chenu), tandis que lui-même est remplacé par Olivier Becht, ancien président du groupe Agir lors de la précédente législature, comme Ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger.
Robert Lescure, ancien président de la commission des affaires économiques, est nommé Ministre délégué chargé de l’Industrie, et Jean-Noël Barrot, député MoDem, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Enfin, avec Gabriel Attal qui n’a pas changé, quatrième ministre déléguée à Bercy, Olivia Grégoire est chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme.
Arrivée qui sera remarquée, celle de la maire de Beauvais Caroline Cayeux comme Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, auprès de deux ministres, Gérald Darmanin et Christophe Béchu. Ancienne élue LR, elle soutenait Emmanuel Macron depuis longtemps. Chargé des Outre-mer, a été nommé Jean-François Carenco, ancien préfet de Paris.
La députée de Nancy Carole Grandjean devient Ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels. Maire de Clichy-sous-bois (ex-PCF puis ex-PS) et président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, Olivier Klein est nommé Ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, et Clément Beaune, anciennement à l’Europe, est chargé des Transports. Quant à l’Europe, elle est confiée à l’économiste Laurence Boone, qui fut la remplaçante d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2014 comme conseillère économique du Président François Hollande.
Parmi les nouveaux secrétaires d’État, il y a le député LREM Hervé Berville chargé de la Mer ; Marlène Schiappa, de retour au gouvernement, chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative ; Sonia Backès, présidente d’une région en Nouvelle-Calédonie, chargée de la Citoyenneté ; Sarah El Haïry, députée MoDem, revient au gouvernement avec les mêmes responsabilités, à la Jeunesse et au Service national universel. Enfin, Patricia Mirallès, députée LREM de Montpellier depuis 2017, est nommée aux Anciens combattants et à la Mémoire, Bérangère Couillard, députée LREM de Gironde depuis 2017, à l’Écologie et Dominique Faure, députée radicale de Haute-Garonne élue en 2022 et maire du Saint-Orens-de-Gameville depuis 2014, à la Ruralité.
Les autres ministères restent inchangés par rapport à la nomination du premier gouvernement d’Élisabeth Borne. Ce qu’il faut noter aussi, c’est que Pap Ndiaye est maintenu à l’Éducation nationale et à la Jeunesse, ainsi que le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti. Olivier Dussopt est, quant à lui, promu (il monte dans l’ordre protocolaire) au Travail, Plein emploi et Insertion, attributions qu’il avait déjà depuis mai 2022.
Ce second gouvernement présente une composition encore moins surprenante que le premier. Il correspond à une parité parfaite (21 femmes pour 42 postes) sans compter la Première Ministre. N’ayant pas réussi à former une coalition avec des députés divers gauche ou avec des députés LR, Élisabeth Borne ne tentera probablement pas de demander un vote de confiance à l’issue de son discours de politique générale le 6 juillet 2022, en prenant le risque politique d’un désaveu immédiat (Michel Rocard avait fait de même en 1988). Il n’y a pas de temps à perdre et sur l’urgence sanitaire et le pouvoir d’achat, de nombreux textes sont attendus… par les citoyens que nous sommes. Ce sera donc un été très studieux pour les députés de la XVIe Législature.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Gouvernement Élisabeth Borne II : resserrement des liens de la majorité présidentielle (Ensemble).
Composition du gouvernement Élisabeth Borne II du 4 juillet 2022 (communiqué de l’Élysée).
Yaël Braun-Pivet.
Pap Ndiaye.
Emmanuel Macron demande aux députés clarté, transparence et responsabilité.
Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
Jacques Julliard dans "Marianne" le 6 mai 2022 : "Oui à l’union, non à Mélenchon".
Allocution du Président Emmanuel Macron le 22 juin 2022 (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (11) : la vie politique n’est pas un long fleuve tranquille.
La marque Le Pen fonctionne toujours aussi bien.
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Législatives 2022 (9) : procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220704-gouvernement-borne-ii.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gouvernement-elisabeth-borne-ii-242570
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/04/39545049.html