« Le jour du dépassement mondial, c’est aujourd’hui. Le jour du dépassement pour la France, c’est le 5 mai. Et il ne faudrait pas qu’en communiquant sur le 28 juillet, on se dise : on a finalement que 156 jours de dépassement. Si on vivait tous comme des Français, à l’échelle mondiale, le jour du dépassement serait le 5 mai, je le redis, et il nous faudrait 2,9 planètes. » (Christophe Béchu, le 28 juillet 2022 sur LCI).
Ce jeudi 28 juillet 2022 est le jour du dépassement de la Terre. C’est un jour de l’année calculé par une ONG américaine, le Global Footprint Network, à partir duquel on a fini de consommer l’ensemble des ressources que la planète est capable de regénérer pendant une année. En quelque sorte, en tant que rentiers de la planète, c’est le jour de l’année à partir duquel on ne vit plus des intérêts (ou des dividendes) mais carrément du capital (qui se réduit donc).
On pourra toujours discuter de la manière de calculer cette date, c’est le rapport entre la biocapacité (capacité de production biologique de la Terre) et l’empreinte écologique de l’humanité. Il y a certainement d’autres méthodes de calcul et, je le répète, ici, tout est discutable dans les détails, mais dans la tendance, cela signifie, et intuitivement, on peut l’imaginer, qu’on dilapide le capital planétaire sans lui permettre de "respirer". C’est une manière de communiquer, on pourrait aussi dire que l’humanité aurait besoin d’environ 1,7 planète comme la Terre pour vivre sans dilapider les ressources naturelles. En d’autres termes, nous, humains, vivons au-dessus de nos moyens. Mais nous le savions déjà.
Notons que cette notion n’a rien à voir avec le bouleversement climatique, enfin, presque rien, puisque la pollution censée engendrer ce bouleversement compte quand même dans la part de dilapidation de la planète. Entre autres effets, les réserves minières en chute libre et la biodiversité en danger.
Ce qui est plus intéressant, car donner cette date de manière brutale n’a pas beaucoup d’intérêt sinon de nourrir l’anxiété déjà bien entretenue des populations sur le devenir de la planète, c’est d’en connaître l’évolution.
La perfection serait que cette date soit le 31 décembre 2022, c’est-à-dire, que pendant toute l’année 2022, l’humanité n’ait dépensé comme ressources planétaires que celles que la planète est capable de reproduire par elle-même, naturellement. Mais le second principe de thermodynamique interdit en fait cette perfection (l’entropie est toujours strictement positive dans la réalité). En 1971, il y a plus de cinquante ans, cette date était le 25 décembre (et en apprenant cela, l’anxiété redouble d’intensité).
Avec la rationalisation de l’industrie et de l’agriculture, la globalisation des échanges et plus généralement de l’économie, un accroissement de la consommation mondiale (qui, insistons là-dessus, a amélioré les conditions de vie de la plupart des Terriens et qui a fait augmenter leur espérance de vie), cette date n’a jamais cessé (en tendance lourde) de reculer jusqu’à ce 28 juillet 2022. J’indique pour les tendances, car de manière ponctuelle, il peut y avoir quelques exceptions vertueuses, en particulier lors des deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la crise financière de 2008 et bien sûr, la crise sanitaire du covid-19 (passage du 29 juillet en 2019 au 22 août en 2020). Les vertus pour les uns (moins de pollution) sont des vices pour les autres (paupérisation, chômage, etc.).
En 2022, on a eu une toute petite amélioration par rapport à 2021 (30 juillet) en raison de la crise du pétrole et du gaz. Globalement, la plupart des pays savent qu’il faut faire un effort pour préserver la planète, mais cette prise de conscience est rarement suivie d’effets efficaces rapidement. En continuant ainsi, le jour de dépassement serait le 28 juin en 2030.
Bien entendu, il y a aussi une grande disparité selon les pays. Ainsi, pour prendre deux extrêmes, en 2018, le jour du dépassement était le 9 février pour le Qatar et le 16 décembre pour le Maroc, le 20 décembre pour le Vietnam. On peut aussi, comme je l’ai indiqué plus haut, donner l’information en nombre de Terres qu’il faudrait si toute l’humanité vivait comme le pays donné (il suffit de faire une règle de 3) : pour l’Australie et les États-Unis, il faudrait cinq planètes Terre, tandis que l’Inde ne nécessiterait que 0,6 planète (il n’y aurait donc pas de jour de dépassement). Le problème, c’est que 86% de la population mondiale vit dans des pays qui ont besoin de plus d’une planète. Parmi les pays les plus polluants, on peut citer : la Russie, les États-Unis, le Canada, l’Australie.
Et la France dans tout cela ? Le jour du dépassement était bien plus tôt que le 28 juillet, le 5 mai 2022 (en 1961, c’était le 30 septembre). Cela signifie qu’il faudrait 2,9 planètes Terre pour pouvoir regénérer les ressources naturelles. Il faut cependant se méfier des chiffres. Si tous les pays se comportaient comme la France, il faudrait certes 2,9 planètes Terre, certes, mais la France n’utilise que 1,8 fois plus que ce que la biocapacité de la France peut lui fournir.
La France se situe dans la moyenne des pays du même genre, un peu au-dessus du Royaume-Uni, du Japon, de l’Italie et de l’Espagne, un peu en dessous de l’Allemagne, de la Suisse, etc. En 2018, on considérait que la France avait cumulé une dette écologique de 33 ans depuis 1961.
Autre évidence : la France ne représente pas grand-chose par rapport à l’ensemble des autres pays du monde. Par conséquent, si la France seule fait un effort, il n’y aura pas un énorme progrès écologique. C’est donc bien un effort mondial concerté qui est nécessaire, et c’est l’objet des COP.
Depuis 2017, le jour de dépassement s’est stabilisé au 5 mai en France et ne pourrait pas s’améliorer mieux que de quelques jours avec les mesures déjà prises antérieurement. Il faut donc impulser de nouveaux comportements. C’état ainsi l’objet de la présence de Christophe Béchu à la matinale de LCI du 28 juillet 2022.
Christophe Béchu est devenu l’une des figures montantes de la vie politique (il a été longtemps un jeune espoir). Secrétaire général de Horizons, le parti de l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, depuis le 9 octobre 2021, il est depuis le 4 juillet 2022 l’important Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, succédant à Amélie de Montchalin battue aux dernières législatives, après avoir été nommé Ministre délégué chargé des Collectivités territoriales le 20 mai 2022.
À 48 ans, Christophe Béchu, avocat de formation, engagé longtemps à l’UMP, est un vieux routier de la vie politique. Conseiller municipal à 21 ans, adjoint et conseiller général à 24 ans, il a été élu à 29 ans le plus jeune président du conseil général (de Maine-et-Loire) de 2004 à 2014. Malgré le soutien de l’ancien maire socialiste Jean Monnier et un accord avec le MoDem, Christophe Béchu a échoué de peu à conquérir la mairie d’Angers en mars 2008 face au maire socialiste sortant. Élu député européen en 2009, conseiller régional des Pays de la Loire de 2010 à 2011, sénateur de 2011 à 2017, il a finalement été élu maire d’Angers en 2014, réélu en 2020, fonction qu’il vient d’abandonner au profit de son ministère. Il a soutenu Alain Juppé à la primaire LR de 2016. S’il n’est pas forcément spécialiste de l’écologie, il connaît parfaitement les problématiques des collectivités territoriales.
Sur LCI, Christophe Béchu s’est montré alarmiste sur le chemin à parcourir, et a affirmé : « Les ONG vous disent : si on prend un certain nombre de mesures fortes, on peut reprendre un mois, à l’échelle de notre pays. ».
Et ces mesures nombreuses, lesquelles sont-elles ? C’est de faire 700 000 rénovations thermiques urbaines par an, c’est de diminuer la part de l’automobile dans les transports, d’augmenter la part des véhicules électriques, augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, de limiter l’étalement urbain, faire 25% de terres bio, de réduire de moitié l’utilisation des pesticides, de manger moins de viande, etc. : « Quand vous mettez tout ça bout à bout (…), on est capable de gagner trente-cinq jours. ».
Christophe Béchu a rappelé aussi que l’engagement international de la France, ce n’est pas seulement de limiter le déficit à 3% (engagement européen), mais aussi de suivre la trajectoire carbone qui demande de réduire de 55% en 2050 les émissions de carbone par rapport à 1990 : « Le sujet de ce jour du dépassement, c’est qu’il a une vertu énorme : c’est cette capacité pédagogique à faire prendre conscience aux gens de l’importance des efforts collectifs que nous avons à faire. Ce qui nous manque, aujourd’hui, malgré les décisions qui ont été prises, c’est une cohérence dans une trajectoire qui permette d’expliquer aux Français que les choix que nous faisons, que les réorientations que nous décidons, que les décisions politiques que nous prenons, elles visent à diminuer le réchauffement climatique, à reculer le jour du dépassement et à faire en sorte qu’on puisse préserver une planète qui soit davantage viable. ».
Le ministre a conclu sur la nécessaire unité des Français pour adhérer à ces mesures de salubrité planétaire : « Il faut faire attention à ne pas être dans un discours d’ayatollah dans lequel, au motif qu’on a des enjeux monstrueux autour de la transition écologique, on en finirait par considérer que la fin du monde justifierait de ne pas se préoccuper totalement de la fin du mois. Parce que la vérité, c’est que pour enclencher cette transition écologique (…), il faut que tous les Français soient en capacité aussi d’enclencher cela. (…) Toute la difficulté, c’est comment on accompagne les Français les plus fragiles, les plus modestes pour ne pas avoir des explosions de budget qui provoquent aussi des explosions sociales, sans dévier d’une trajectoire dans laquelle nous devons sortir des énergies fossiles. (…) Plus on opposera les deux, plus on risquera de faire de la transition écologique un champ de bataille dans un pays qui a besoin d’apaisement et qui a besoin d’unité surtout sur ce sujet. (…) Il ne faut pas une écologie d’invectives, il ne faut pas une écologie de slogans, il faut une écologie de solutions et d’actions. C’est la raison pour laquelle je suis là. ».
Ceux qui fustigeaient Christophe Béchu parce que son CV ne comportait aucune action écologique particulière vont pouvoir se rendre compte que, la limitation du cumul des mandats aidant, l’ancien maire d’Angers est totalement à fond dans la réalisation de ses objectifs de transition écologique. Sa charge mentale est à 100% sur ce sujet, et il semble avoir la capacité à convaincre les Français que c’est le meilleur chemin à prendre pour préserver l’avenir. Il restera aussi à convaincre un Parlement un peu éclaté et très pollué par des postures politiciennes.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (28 juillet 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Christophe Béchu.
Climatisation : faut-il sanctionner les portes ouvertes ?
Agnès Pannier-Runacher.
Essence : le chèque de 100 euros.
La relance du programme nucléaire.
Heure d’hiver : le dernier changement ?
La preuve par la canicule ?
La COP26.
L’industrie de l’énergie en France.
Le scandale de Volkswagen.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220728-christophe-bechu.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/07/28/39574358.html
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