« Vladimir Poutine doit cesser cette guerre, respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine et revenir autour de la table des discussions. » (Emmanuel Macron, le 12 octobre 2022 sur France 2).
Annoncé la veille, le Président de la République Emmanuel Macron a été l'invité de Caroline Roux dans le premier numéro de la nouvelle émission politique "L'Événement" intitulée "Le monde en crise(s)", diffusée en direct sur France 2 ce mercredi 12 octobre 2022 à 20 heures 20 (avec vingt minutes d'avance). Cette nouvelle émission, qui semble essayer de faire renaître la très célèbre émission "Sept sur Sept" présentée par Anne Sinclair le dimanche soir sur TF1 (en particulier avec un fond noir), a été suivie ensuite par un débat sur la situation en Ukraine entre "experts" sans la présence du chef de l'État.
Pendant une heure cinq, Emmanuel Macron a parlé aux Français principalement sur des sujets internationaux, mais pas seulement, avec deux gros chapitres, la guerre en Ukraine et la crise de l'énergie. En fin d'émission, il a évoqué aussi la crise en Iran depuis un mois ainsi que l'appel à l'aide de l'Arménie.
Pour Emmanuel Macron, les frappes massives de l'armée russe contre le peuple ukrainien sur tout son territoire depuis le 10 octobre 2022 est un tournant : « Cela change une chose, c'est qu'on s'installe dans la guerre. (...) Le choix qui a été fait par la Russie ces derniers jours, c'est cela. ». Ainsi, Emmanuel Macron se prépare à une guerre longue, qui durera encore plusieurs mois au moins.
N'hésitant pas à dire que : « Les Russes sont dans une logique parallèle. (…) Nous, nous essayons d'avoir une approche qui est quelque chose à voir avec le réel. », le Président a voulu rester dans les principes qui ont toujours guidé son action et ses positions : « Face à ça, nous, qu'est-ce qu'on fait ? On va continuer et intensifier la même logique. Et je le dis depuis le début : nous, nous soutenons l'Ukraine dans sa résistance sans participer à la guerre. Par une logique. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas de guerre mondiale. Il faut être responsable. ».
En particulier : « Ce qui se passe en Ukraine nous touche pour trois raisons principales. La première, c'est évidemment qu'un pays de notre continent est attaqué et que son intégrité territoriale, ses frontières, ont été violées par nos voisins. La deuxième, c'est nos principes qui sont attaqués, ce qui fonde notre droit international, ce qui justifie encore plus notre solidarité. Il n'y a pas d'ordre international si on laisse le plus fort envahir celui qui est le plus fragile et ne pas respecter les frontières. La troisième, c'est que la Russie est ce qu'on appelle un État doté. Ils ont l'arme nucléaire. ».
Ainsi, le Président français a réaffirmé clairement que la doctrine française n'appellerait pas à une riposte nucléaire française si jamais la Russie envoyait une bombe nucléaire tactique sur le territoire ukrainien. Pour lui, il faut le moins parler possible de la dissuasion nucléaire, renvoyant dos à dos tant les déclarations menaçantes de Vladimir Poutine que celles alarmistes, contre la perspective de l'Apocalypse nucléaire, de Joe Biden.
Emmanuel Macron a rappelé que la dernière fois qu'il avait téléphoné à Vladimir Poutine, il l'avait convaincu d'accepter l'inspection internationale de la centrale nucléaire de Zaporijjia.
En outre, Emmanuel Macron a refusé de dicter leur conduite aux Ukrainiens, leur dire quand ils doivent commencer les négociations. La France les aide mais n'a pas à s'immiscer dans leur stratégie, rappelant que la France n'aurait pas voulu que les Alliés s'occupassent eux-mêmes des territoires français occupés pendant la guerre. En d'autres termes, il accepte leur détermination à retrouver leurs frontières de 1991, y compris la Crimée annexée en 2014.
Mais cela n'empêche pas qu'il faudra bien un jour négocier : « Il y aura un moment, je vous le dis les yeux dans les yeux, où il faudra le faire (…). Je me suis toujours refusé à tout discours jusqu'au-boutiste. Négocier, ça ne veut pas dire renoncer. ».
Passant à la crise énergétique, ou plutôt, aux crises, car il y en a plusieurs (pénurie d'énergie en fin 2021, crise due à la guerre en Ukraine, crise due au réchauffement climatique, crise très ponctuelle due aux mouvements sociaux en France), le Président a présenté un graphique communiqué par l'Union Européenne sur le prix du gaz.
Ce que ce graphique veut dire : « Ce que je démontre, c'est que si le prix du gaz augmente, ce n'est pas parce que nous avons pris des sanctions, c'est parce que la Russie a fait du gaz un instrument de guerre. (…) Et maintenant, nous devons nous protéger de cela. (…) L'Europe a besoin d'un sursaut d'indépendance. Vous m'entendez dire ça depuis cinq ans, c'était le discours que j'ai prononcé il y a cinq ans à la Sorbonne. Cette souveraineté européenne, c'est ça ! L'Europe a été trop dépendante du gaz russe. ».
En effet, c'est la Russie qui a limité à 40% puis à 25% le flux dans Nord Stream. L'Europe a cependant réussi à réduire sa dépendance russe au gaz en passant de 40% d'origine russe avant la guerre en Ukraine à seulement 7,5% aujourd'hui. Pour Emmanuel Macron, la diversification des approvisionnements nécessite encore de renégocier les prix, en particulier auprès des nouveaux fournisseurs également alliés, la Norvège et les États-Unis. De plus, il est déterminé à changer la règle du marché européen de fixation du prix de l'électricité qui s'est envolé alors que la France (au contraire de l'Allemagne) n'utilise que très peu le gaz pour produire son électricité (d'origine principalement nucléaire et renouvelable).
Passant au sujet de la pénurie grave d'essence dans les stations services, Emmanuel Macron a insisté sur une origine qui n'a rien à voir avec la guerre mais avec un conflit social où seulement quatre grévistes sont capables de bloquer une raffinerie.
Refusant de s'immiscer dans la gestion d'une entreprise comme Total dont l'État n'est pas actionnaire, il en a appelé à la responsabilité de tous les acteurs : « Je veux bien que nous soyons dans un pays où l'on pense que tout dépend du Président de la République et du gouvernement, mais (…) au moment où nous avons la guerre (...), chacun doit être, si je puis dire, à sa place et prendre toutes ses responsabilités. ».
À ceux qui lui ont reproché de ne pas avoir recouru plus tôt aux réquisitions (comme certains députés LR), le Président a répondu qu'il n'était pas question de réquisitionner avant l'amorce du dialogue social, et si cela avait été le cas, ceux qui vont aller devant les référés pour s'opposer aux réquisitions auraient alors gain de cause car le juge aurait constaté que l'État ne permettrait pas le dialogue social. En revanche : « Si le dialogue social n'aboutit pas dans les prochaines heures, nous réquisitionnerons. ».
Respectant le droit de grève, il en a appelé surtout au sens des responsabilités et à la solidarité entre les Français : « Que la CGT permette au pays de fonctionner (…). Je suis pour le dialogue social, je suis pour le respect de tous nos droits constitutionnels, je suis pour la négociation, jamais pour le blocage. Comment peuvent le comprendre nos compatriotes ? Et moi, quand on parle de tout ça, j'ai surtout une pensée pour l'ensemble de nos compatriotes qui font des queues au milieu de la nuit pour trouver de l'essence. ».
Emmanuel Macron a également montré un graphique publié par "Le Parisien" qui fait la comparaison du prix de l'électricité en Europe et qui montre que le prix en France est nettement moindre, grâce à l'action du gouvernement.
Le leitmotiv présidentiel a toujours été de protéger les Français, c'était le cas pendant la crise du covid-19, cela reste encore aujourd'hui le cas avec le prix des énergies : « Au moment où il y a la guerre, au moment où ça s'envole partout, au moment où on a fait le choix de protéger, au moment où on a aussi redistribué du pouvoir d'achat par des augmentations, une augmentation du SMIC, une augmentation des retraites, où il y a des négociations qui se passent dans les entreprises, nul n'a le droit dans notre pays de ne pas être solidaire, uni et responsable. (…) Nous devons nous serrer les coudes. (…) Je ne peux pas imaginer une seule seconde que la capacité à nous chauffer, à nous éclairer, à aller à la pompe, elle sera fragilisée par des Françaises et des Français qui diront : non, pour défendre mes intérêts, je vais compromettre ceux de la nation. ». Cette phrase est très forte et portera sans aucun doute chez les Français responsables.
Caroline Roux a exposé une carte d'Europe avec la localisation des centrales au charbon. En France, deux seules centrales, une en Bretagne qui cessera quand l'EPR de Flamanville sera mis en service, et une à Saint-Avold qui rouvre pour cette hiver en raison des risques de pénurie.
La situation de la France, dotée d'une parc nucléaire incomparable, est privilégiée par rapport au reste de l'Europe, en particulier à l'Allemagne et à la Pologne, sur la dépendance des énergies fossiles. Emmanuel Macron reconnaît que la crise de l'énergie actuelle encourage aussi à préparer la transition énergétique dans un but de lutte contre le bouleversement climatique, en misant tout sur le mix énergétique nucléaire/renouvelables.
La prestation présidentielle a-t-elle convaincue les Français ? Probablement que si l'idée était de réaffirmer la solidarité pour aider l'Ukraine à résister face à l'envahisseur russe, de plus en plus agressif, et de rendre impopulaire la grève dans les raffineries en encourageant la solidarité entre Français dans ce moment critique, il aurait réussi. D'autant plus que si la plupart des bobos parisiens se moquent de la pénurie d'essence pour se rendre au travail (le vélo électrique et les transports en commun suffisent pour eux), la perspective de vacances de la Toussaint gâchées par cette pénurie commence à les inquiéter sérieusement...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron s'exprime sur l'Ukraine et sur la pénurie d'essence : nous devons nous serrer les coudes !
Interview du Président Emmanuel Macron dans "L'Événement" le 12 octobre 2022 sur France 2 (vidéo).
Emmanuel Macron et la menace de la dissolution.
Le point chaud de la rentrée d’Emmanuel Macron : l’énergie.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 5 septembre 2022 sur l’énergie.
28 juillet 2022 : jour du dépassement de la Terre.
Le Conseil national de la refondation (CNR).
Le feu sacré d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron à Pithiviers.
Pas de session extraordinaire en septembre 2022.
Jacques Attali et Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron persiste et signe !
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