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4 janvier 2023 3 04 /01 /janvier /2023 04:42

« Du fond du cœur, je remercie Dieu pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu'il a toujours placés à mes côtés (…). À tous ceux que j'ai lésés d'une manière ou d'une autre, je demande pardon de tout mon cœur. » (Benoît XVI, le 29 août 2006).



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Le pape émérite Benoît XVI est mort avec l'année 2022, le matin de la Saint-Sylvestre. Ses obsèques seront célébrées le jeudi 5 janvier 2023 à partir de 9 heures 30 à la Basilique Saint-Pierre-de-Rome (cérémonie qu'on peut suivre ici).

Son décès a provoqué une vague d'émotion à l'échelle mondiale, ce qui est bien naturel pour cette personnalité marquante du christianisme, pour ce pape qui restera dans l'histoire, bien malgré lui, comme celui qui a rompu avec le pontificat à vie en renonçant à rester pape jusqu'à sa mort :
« J’ai fait ce pas en pleine conscience de sa gravité et aussi de sa nouveauté, mais avec une profonde sérénité d’âme. Aimer l’Église signifie aussi avoir le courage de faire des choix difficiles, douloureux, en ayant toujours à cœur le bien de l’Église et non soi-même. » (27 février 2013).

Il est par ailleurs l'un des papes qui a vécu le plus longtemps dans l'histoire du christianisme, près de 96 ans (il a vécu plus longtemps que Léon XIII, décédé à 93 ans, et saint Agathon aurait été le seul pape à avoir vécu plus longtemps, mort à 104 ans en 681 après deux ans et demi de pontificat). Pour la comparaison, le pape François, qui a un peu plus de 86 ans, est déjà plus âgé que Benoît XVI lorsque ce dernier a renoncé à rester pape (à ce titre, le pape François fait partie des dix papes les plus vieux de l'histoire). Jean-Paul II est mort, quant à lui, quelques semaines avant ses 85 ans.

Parmi les réactions dans le monde, celle du Président français Emmanuel Macron : « Le pape émérite Benoît XVI nous a quittés, après avoir marqué l’Église du sceau de son érudition théologique et œuvré inlassablement pour un monde plus fraternel. (…) Loin de rechercher la fusion de l’État et de l’Église, il rappela l’importance d’une distinction du religieux et du politique, dont l’indépendance mutuelle n’implique pas indifférence, mais dialogue. Aussi invitait-il les chrétiens à s’investir comme citoyens. Ses encycliques appellent à une mondialisation respectueuse qui redistribue les ressources entre riches et pauvres, à une économie humaine qui garde le sens du don et du partage, à une écologie intégrale qui respecte la planète comme la dignité de l’Homme. Son affection pour la France lui valut d’être nommé membre étranger de notre Académie des Sciences morales et politiques. Les années de séminaire lui avaient permis d’imprégner sa pensée des écrits de Bergson, Sartre ou Camus, de se prendre de passion pour Claudel, Bernanos, Mauriac ou Maritain. Ces affinités intellectuelles s’étaient enrichies d’amitiés humaines, tissées au fil de ses échanges de ses voyages à Paris et de ses échanges avec les prélats et théologiens français qui exercèrent une forte influence sur le concile de Vatican II, notamment les futurs cardinaux Daniélou, de Lubac et Congar. (…) Devenu Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, il parcourut la France en septembre 2008, impressionnant ses auditeurs par la finesse de sa culture et l’élégance de son français. ».

Dans les articles dans la presse sur Benoît XVI, il est couramment évoqué son supposé conservatisme et sa supposée opposition avec l'actuel pape François. Pendant tout le temps de son retrait (2013-2022), au contraire, Benoît XVI a souhaité venir en aide à son successeur, participant même le 27 avril 2014 à la canonisation de Jean-Paul II et de Jean XXIII, lors d'une cérémonie appelée des quatre papes (c'était la première fois de l'histoire que l'Église a canonisé deux papes en même temps). De même, le pape François a repris les travaux de Benoît XVI, ce qui se reconnaît dans la première encyclique de François en partie rédigée par son prédécesseur ("Lumen fidei", publiée le 5 juillet 2013, peu de temps après l'élection de François).

Pour exemple, la nécrologie de Stéphanie Le Bars publiée dans Le Monde du 31 décembre 2022 était très stéréotypée : « Intimement marqué par l’histoire tourmentée de l’Europe du XXe siècle, profondément troublé par le « relativisme » qui imprègne, selon lui, les sociétés modernes, le pape allemand aura gouverné l’Eglise entre effacement et renoncement, entre coups de menton et laisser-faire, entre maladresses et rigueur intellectuelle. Son règne a déstabilisé le monde catholique, abîmé l’image de l’Eglise catholique à l’extérieur, laissé en friche nombre de chantiers, et en a ouvert d’autres, demeurés inachevés. Il faut dire que ce très proche collaborateur de Jean Paul II avait accepté la charge à reculons. (…) Avocat de l’alliance entre la foi et la raison, il a plaidé pour que le christianisme ait une voix dans l’espace public, exhortant les croyants à jouer un rôle dans les débats actuels. ».

Théologien moderne, il le fut dès le Concile Vatican II auquel il a participé et Benoît XVI a sans doute laissé son meilleur texte avec l'encyclique "Caritas in veritate" publiée le 29 juin 2009. La charité, c'est la foi et la vérité, c'est la raison : « Le faire sans le savoir est aveugle, et le savoir sans amour est stérile. (…) L’amour dans la vérité demande d’abord et avant tout à connaître et à comprendre, en reconnaissant et en respectant la compétence spécifique propre à chaque champ du savoir. La charité n’est pas une adjonction supplémentaire, comme un appendice au travail une fois achevé des diverses disciplines, mais au contraire elle dialogue avec elles du début à la fin. Les exigences de l’amour ne contredisent pas celles de la raison. Le savoir humain est insuffisant et les conclusions des sciences ne pourront pas, à elles seules, indiquer le chemin vers le développement intégral de l’homme. Il est toujours nécessaire d’aller plus loin : l’amour dans la vérité le commande. Aller au-delà, néanmoins, ne signifie jamais faire abstraction des conclusions de la raison ni contredire ses résultats. Il n’y a pas l’intelligence puis l’amour : il y a l’amour riche d’intelligence et l’intelligence pleine d’amour. ».

Il faut signaler en outre qu'il fut le premier pape à avoir voulu faire toute la lumière (et la transparence) sur la pédocriminalité dans l'Église catholique, intention louable et noble même si, et chaque jour hélas en apporte son grain de sel, il n'a su opérer efficacement. Dans une interview qu'il a accordée aux journalistes dans son avion en vol vers les États-Unis, Benoît XVI expliquait le 15 avril 2008, à propos des scandales de certains prélats américains : « Quand je lis les comptes-rendus de ces événements, j'ai du mal à comprendre comment certains prêtres ont pu manquer à ce point à la mission d'apporter la guérison, d'apporter l'amour de Dieu à ces enfants. J'ai honte et nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour faire en sorte que cela ne se renouvelle plus. Je crois que nous devons agir à trois niveaux : tout d'abord au niveau de la justice et au niveau politique. (…) Nous exclurons de manière absolue les pédophiles du ministère sacré ; c'est totalement incompatible. Celui qui s'est rendu coupable de pédophilie ne peut pas être prêtre. À ce premier niveau, nous pouvons faire justice et aider les victimes, car elles sont profondément blessées ; les deux côtés de la justice sont d'une part que les pédophiles ne peuvent pas être prêtres et de l'autre, l'aide aux victimes, de toutes les manières possibles. Il y a ensuite un niveau pastoral. Les victimes auront besoin de guérison, d'aide, d'assistance et de réconciliation : il s'agit d'un engagement pastoral important et je sais que les évêques, les prêtres et tous les catholiques aux États-Unis feront tout ce qu'ils pourront pour aider, assister, guérir. Nous avons visité les séminaires et nous ferons tout ce qui sera possible pour donner aux séminaristes une profonde formation spirituelle, humaine et intellectuelle. Seules des personnes saines et qui ont vie personnelle profondément enracinée dans le Christ et dans les sacrements peuvent être admises au sacerdoce. Je sais que les évêques et les recteurs de séminaires feront tout leur possible pour avoir un discernement très très sévère car il est plus important d'avoir de bon prêtres que beaucoup de prêtres. Ceci est également notre troisième niveau et nous espérons pouvoir faire, avoir fait et faire encore à l'avenir, tout ce qui est en notre pouvoir pour guérir ces blessures. ».

À l'occasion d'un discours aux cardinaux le 20 décembre 2010, Benoît XVI est revenu sur le sujet : « Nous avons été d’autant plus bouleversés quand, justement en cette année et en une dimension inimaginable pour nous, nous avons eu connaissance d’abus contre les mineurs commis par des prêtres, qui transforment le Sacrement en son contraire ; sous le manteau du sacré, ils blessent profondément la personne humaine dans son enfance et lui cause un dommage pour toute la vie. Dans ce contexte, m’est venue à l’esprit une vision de sainte Hildegarde de Bingen qui décrit de façon bouleversante ce que nous avons vécu cette année. (…) Dans la vision de sainte Hildegarde, le visage de l’Église est couvert de poussière, et c’est ainsi que nous l’avons vu. (…) Nous devons accueillir cette humiliation comme une exhortation à la vérité et un appel au renouvellement. Seule la vérité sauve. Nous devons nous interroger sur ce que nous pouvons faire pour réparer le plus possible l’injustice qui a eu lieu. Nous devons nous demander ce qui était erroné dans notre annonce, dans notre façon tout entière de configurer l’être chrétien, pour qu’une telle chose ait pu arriver. Nous devons trouver une nouvelle détermination dans la foi et dans le bien. Nous devons être capables de pénitence. Nous devons nous efforcer de tenter tout ce qui est possible, dans la préparation au sacerdoce, pour qu’une telle chose ne puisse plus arriver. C’est aussi le lieu pour remercier de tout cœur tous ceux qui s’engagent pour aider les victimes et pour leur redonner la confiance dans l’Église, la capacité de croire à son message. Dans mes rencontres avec les victimes de ce péché, j’ai toujours trouvé aussi des personnes qui, avec grand dévouement, se tiennent aux côtés de celui qui souffre et a subi un préjudice. C’est l’occasion pour remercier aussi les si nombreux bons prêtres qui transmettent dans l’humilité et la fidélité, la bonté du Seigneur et qui, au milieu des dévastations, sont témoins de la beauté non perdue du sacerdoce. Nous sommes conscients de la gravité particulière de ce péché commis par des prêtres et de notre responsabilité correspondante. Mais nous ne pouvons pas taire non plus le contexte de notre temps dans lequel il est donné de voir ces événements. Il existe un marché de la pornographie concernant les enfants, qui, en quelque façon, semble être considéré toujours plus par la société comme une chose normale. La dévastation psychologique d’enfants, dans laquelle des personnes humaines sont réduites à un article de marché, est un épouvantable signe des temps. (…) Tout plaisir devient insuffisant et l’excès dans la tromperie de l’ivresse devient une violence qui déchire des régions entières, et cela au nom d’un malentendu fatal de la liberté, où justement la liberté de l’homme est minée et à la fin complètement anéantie. (…) Rien ne serait en soi-même bien ou mal. Tout dépendrait des circonstances et de la fin entendue. Selon les buts et les circonstances, tout pourrait être bien ou aussi mal. La morale est substituée par un calcul des conséquences et avec cela cesse d’exister. Les effets de ces théories sont aujourd’hui évidentes. Contre elles, le pape Jean-Paul II, dans son encyclique "Veritatis splendor" de 1993, a indiqué avec une force prophétique, dans la grande tradition rationnelle de l’ethos chrétien, les bases essentielles et permanentes de l’agir moral. Ce texte doit aujourd’hui être mis de nouveau au centre comme parcours dans la formation de la conscience. C’est notre responsabilité de rendre de nouveau audibles et compréhensibles parmi les hommes ces critères comme chemins de la véritable humanité, dans le contexte de la préoccupation pour l’homme, où nous sommes plongés. ».

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Je propose par ailleurs de revenir ici sur le testament spirituel de Benoît XVI. Il l'a rédigé il y a déjà longtemps, puisqu'il a été publié le 29 août 2006, il y a plus de 16 ans, un peu plus d'un an après avoir été élu pape. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, surtout de la part d'un savant théologien, le texte est court et simple. Il ne s'embarrasse pas de fioritures, il va droit à l'essentiel, et l'essentiel, c'est ceci : « Ne vous laissez pas détourner de la foi ! ».

Son message est d'autant plus important qu'il est instruit. Il correspond à l'une de ses focalisations : la foi et la raison sont de concert dans l'existence, l'une renforce l'autre, et sont loin d'être incompatibles. Les deux sont même nécessaires. Car le domaine de la foi n'est pas le domaine de la raison, qui est aussi le domaine de la science.

Il l'a écrit avec une étonnante clarté : « Restez fermes dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science, les sciences naturelles d'une part et la recherche historique (en particulier l'exégèse des Saintes Écritures) d'autre part, soient capables d'offrir des résultats irréfutables en contraste avec la foi catholique. J'ai vécu les transformations des sciences naturelles depuis longtemps et j'ai pu voir comment, au contraire, des certitudes apparentes contre la foi se sont évanouies, se révélant être non pas des sciences, mais des interprétations philosophiques ne relevant qu'en apparence de la science ; tout comme, d'autre part, c'est dans le dialogue avec les sciences naturelles que la foi aussi a appris à mieux comprendre la limite de la portée de ses revendications, et donc sa spécificité. ».

Et il était encore plus explicite avec son expérience de philosophe : « Depuis soixante ans, j'accompagne le chemin de la théologie, en particulier des sciences bibliques, et avec la succession des différentes générations, j'ai vu s'effondrer des thèses qui semblaient inébranlables, se révélant de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher etc.), la génération existentialiste (Bultmann etc.), la génération marxiste. J'ai vu et je vois comment, à partir de l'enchevêtrement des hypothèses, le caractère raisonnable de la foi a émergé et émerge encore. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie, et l'Église, avec toutes ses insuffisances, est vraiment son corps. ».

Il terminait avec une grande humilité : « Enfin, je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur, malgré tous mes péchés et mes insuffisances, me reçoive dans les demeures éternelles. De tout cœur, ma prière va à tous ceux qui, jour après jour, me sont confiés. ». Au moment où il rejoint son Seigneur, Benoît XVI laissera le souvenir d'un pape intellectuel qui a su saisir quelques bribes des temps modernes.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (02 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le testament de Benoît XVI.
Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint  Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
Il est venu parmi les siens...
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
Maurice Bellet.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230102-benoit-xvi.html

https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/le-testament-de-benoit-xvi-245828

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/01/03/39766684.html






 

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