« Cette pandémie [de covid-19] nous a rappelé de façon brutale ce que le monde serait sans vaccin. Les vaccins, comme les antibiotiques, nous sauvent. Ne l'oublions pas. » (Pr. Anne-Claude Crémieux, infectiologue, le 12 octobre 2022).
Très bonne nouvelle sur le front du covid-19 en France : la 9e vague est en train de s'achever de manière rapide et, surtout, pour l'instant, aucune perspective à court et moyen termes d'une 10e vague n'est en vue. C'est surtout la seconde partie de la phrase qui est importante puisque l'épidémie, désormais, semble n'être qu'une succession de vagues depuis près de trois ans.
Or, en plein hiver, et avec la rentrée scolaire en début du mois de janvier 2023, on aurait pu imaginer qu'après une baisse, l'épidémie se remette à monter. Pour l'instant (je touche du bois), le taux de reproduction effectif qui mesure la tendance générale de l'épidémie est largement en dessous de 1 (selon les calculs, 0,46 ou 0,60), ce qui est très favorable (en dessous de 1, l'épidémie régresse, au-dessous de 1, elle progresse), mais aussi, ce taux continue à descendre et il semble n'avoir jamais été aussi bas depuis le début de la pandémie en France.
Cette bonne tenue limitée de l'épidémie est d'autant plus surprenante que les gestes barrières sont très peu respectés, en particulier le port du masque dans des lieux très fréquentés. Les membres du gouvernement ont beau porter un masque depuis un mois devant les caméras lors des séances à l'Assemblée, le réflexe de les porter est tombé en désuétude, même dans les pharmacies et dans les laboratoires d'analyses.
Quelles sont les raisons de cette situation plutôt positive ? Sans doute un ensemble de causes dont les principales sont une certaine immunité collective : effectivement, le fort taux de vaccination (95% des 12 ans et plus, soit 81% de la population totale) et le grand nombre de personnes ayant déjà contracté le virus depuis le début de l'épidémie (39,4 millions de cas) ont permis de donner à la population française une certaine protection. Même si les doses de rappel n'ont pas eu le succès escompté (seulement 47% des plus de 80 ans ont reçu au moins deux doses de rappel en deux ans ; 60,3% de la population totale a reçu au moins une dose de rappel), les deux premières doses ont donné déjà une protection suffisante pour la grande majorité des personnes (les doses de rappel servent à rebooster la défense immunitaire apportée par le vaccin, dont l'efficacité s'affaiblit six mois après son injection).
Par ailleurs, au début du mois de décembre 2022, la France a été confrontée à trois épidémies : bronchiolite, covid-19 et grippe, cette dernière étant la plus pressante à l'hôpital dans les services des urgences et des soins intensifs. Si l'absence de port du masque cet hiver n'a pas eu de conséquences désastreuses pour le covid-19, elle a fait néanmoins réapparaître les infections contagieuses "classiques" disparues les deux hivers précédents, en particulier la grippe. Du reste, la plupart des tests de dépistage du covid-19 sont désormais doublés d'un dépistage du virus de la grippe.
Le nombre de nouveaux cas de covid-19 s'écroule depuis trois semaines et il ne semble pas que ce soit à cause d'un élément artificiel (les laboratoires d'analyses avaient annoncé ne plus transmettre les résultats au serveur central au début du mois de janvier 2023) car l'allure de la courbe de cette vague est cohérente avec les précédentes et le taux de positivité, lui aussi, s'effondre et va bientôt passer en dessous du seuil de 10% (10,5% au 9 janvier 2023 ; il était au-dessus de 20% au pic de la vague). Actuellement, on en est à environ 10 à 11 000 nouveaux cas en moyenne chaque jour, sur les sept derniers jours (7 159 nouveaux cas pour la journée du 12 janvier 2023). Le taux d'incidence, logiquement, s'écroule aussi, redescendant en dessous de 100 nouveaux cas pour 100 000 habitants en une semaine (92,8 au 9 janvier 2023). En France, on est redescendu en dessous des 320 000 personnes encore contaminantes, ce qui est un niveau assez faible depuis trois ans, et cela continue de chuter.
L'étau se desserre ainsi à l'hôpital : le nombre de personnes hospitalisées pour cause de covid-19 a chuté à 20 399 le 12 janvier 2023 et continue à baisser rapidement (au pic, le seuil de 25 000 avait été atteint), et le nombre des personnes admises en réanimation pour covid-19 diminue également, avec un rythme plus lent. On en est à 1 233 le 12 janvier 2023 (au pic, le seuil de 15 000 avait été atteint) ; seulement 65 nouvelles entrées ont eu lieu le même jour, largement compensées par les sorties.
Le nombre de décès dus au covid-19 aussi se réduit, heureusement, mais il est encore très élevé et la diminution est lente. 53 décès ont été à déplorer le 12 janvier 2023, et cela fait en moyenne 93 décès par jour sur les sept derniers jours. En tout, au 12 janvier 2023, 163 246 personnes ont perdu la vie en France à cause du covid-19 depuis le début de l'année, ce qui est très élevé, évidemment. Le seuil des 160 000 décès avait été atteint le 13 décembre 2022.
Dans son bulletin hebdomadaire de surveillance sanitaire de la mortalité toutes causes confondues du 10 janvier 2023, Santé publique France publie un graphique qui montre l'importance de l'épidémie de covid-19 dans la mortalité depuis trois ans.
Cependant, les statistiques montrent avec le recul que la France s'en est plutôt bien sortie, bien que faisant partie des pays ouverts aux échanges internationaux et du cœur de l'Europe. En effet, en absolu, pour la plupart des grands pays européens comparables, le nombre des décès depuis le début de la pandémie est plus important qu'en France : au 12 janvier 2023, 201 028 décès au Royaume-Uni, 185 417 décès en Italie (pour ces deux premiers pays, sous réserve de mise à jour des données car elles ne sont plus fournies de manière quotidienne), et 163 625 décès en Allemagne.
Je m'arrête un instant sur la situation en Allemagne. On avait dit au début de la pandémie que l'Allemagne se débrouillait beaucoup mieux que la France. C'était une erreur car c'était plutôt le hasard qui a fait que l'Allemagne a été épargnée durant la première vague au printemps 2020, sauf dans les régions proches de Mulhouse. Effectivement, à l'époque, Berlin avait été la seule capitale à n'avoir été que faiblement touchée par le covid-19 malgré son caractère international et cosmopolite. C'est pour cette raison qu'un écart d'environ 20 à 30 000 décès avait été constaté entre la France et l'Allemagne au début de l'été 2020 (plus de décès en France).
Mais toute l'Europe de l'Est a été ensuite très durement touchée (de la Russie jusqu'à l'Allemagne) par la deuxième vague en octobre-novembre 2020. Ces pays ont été alors plus secoués que la France, l'Italie et l'Espagne. Par la suite, en 2021 et 2022, probablement parce que la vaccination a été moins massive qu'en France, l'Allemagne a connu un taux de décès dus au covid-19 (sur le nombre de personnes contaminées) plus élevé que la France, ce qui a fait que l'écart s'est maintenant inversé. Effectivement, depuis le 10 janvier 2023, le nombre de décès dus au covid-19 en Allemagne est supérieur à celui en France. Certes, la mortalité par covid-19 est plus basse en Allemagne qu'en France car la population allemande est beaucoup plus importante (0,1951% en Allemagne et 0,2489% en France).
Si l'on prend cette mortalité par rapport aux principaux pays industriels européens ou nord-américains (dont le mode de vie est sensiblement similaire), on constate aussi que la France se tient encore honorablement (au 12 janvier 2023) : Canada (0,1291%), Allemagne (0,1951%), France (0,2489%), Espagne (0,2513%), Royaume-Unis (0,2935%), Italie (0,3077%), Pologne (0,3143%), États-Unis (0,3358%). On remarquera que les pays avec de grands espaces à densité de population réduite comme le Canada ont été plus épargnés que les pays avec une forte densité de population (pour une même politique de protection sanitaire).
Si on rajoute quelques autres pays qui ont beaucoup souffert de la pandémie, malgré leur superficie, voici leur mortalité covid au 12 janvier 2023 : Iran (0,1682%), Turquie (0,1186%), Mexique (0,2519%), Ukraine (0,2567%), Russie (0,2704%), Colombie (0,2762%), Argentine (0,2831%), Brésil (0,3228%), etc.
Pour l'Asie, les statistiques de l'Inde et de la Chine sont sujets à caution. Ce qui est aussi un constat, c'est que l'Asie subit en ce moment l'épidémie de covid-19 très durement, beaucoup plus durement que l'Europe et l'Amérique. L'explication est assez simple : ayant pris des mesures sanitaires drastiques pour empêcher les contaminations, ces pays ont moins d'immunité collective (d'autant plus qu'en Chine, la vaccination a été moins répandue et avec un vaccin moins efficace).
C'est aussi la leçon concrète des confinements : toutes les mesures très contraignantes contre l'épidémie n'ont jamais eu pour but d'empêcher la contamination de la population, mais de freiner la circulation du virus, c'est-à-dire, que la propagation se fasse suffisamment lentement pour que le système de soins puisse prendre en charge toutes les personnes affectées. C'était ce qui avait été dit très clairement au début du premier confinement en France : le confinement avait pour but de ne pas saturer les hôpitaux. C'était aussi une course de vitesse, le temps de développer un nouveau vaccin, qu'on ne pensait pas arriver sur le marché aussi rapidement.
À l'heure actuelle, le pays le plus impacté par la pandémie est le Japon avec un taux d'incidence d'environ 1 000 nouveaux cas pour 100 000 habitants en sept jours, soit plus de 1,2 million de personnes contaminées en sept jours, et ce nombre a progressé de 46% en sept jours. La progression est de même ordre pour les décès qui en sont la conséquence différée, avec une moyenne de 400 décès par jour sur les sept derniers jours (489 rien que pour la journée du 12 janvier 2023). Le Japon est toutefois très loin des conséquences du covid-19 dans les pays précédemment cités ; en tout, il faut y déplorer "seulement" 61 281 décès depuis le début de la pandémie, soit une mortalité relativement très faible de 0,0488%. La Corée du Sud et Taïwan suivent le même processus avec un taux d'incidence respectivement de 600 et 700 nouveaux cas pour 100 000 habitants en sept jours, et une mortalité aussi relativement très faible, respectivement de 0,0639% et 0,0657%.
Parmi les statistiques incertaines, il y a celles de la Chine. Depuis la fin de la politique zéro covid, l'épidémie en Chine a explosé. Malheureusement, les statistiques fournies par la Chine sont largement en deçà de la réalité et des autorités sanitaires locales ont parfois transmis des données particulièrement inquiétantes, comme 500 000 nouveaux cas en une seule journée dans une grande agglomération. Actuellement, la Chine reconnaît officiellement un peu plus de 40 000 nouveaux cas en une semaine (moins que la France !) et 13 décès. Mais les statistiques de Hong Kong, qui ne devraient pas être très différentes du reste des agglomérations chinoises, est à près de 90 000 nouveaux cas en une semaine et une mortalité de 0,1660% (en tout, 12 622 décès sont à déplorer à Hong Kong, dont 74 pour la seule journée du 12 janvier 2023).
Selon un certain nombre de spécialistes, 1 milliard de Chinois pourraient être contaminés dans les trois prochains mois, ce qui signifierait plus de 1 voire 2 millions de décès, d'autant plus que dans les zones rurales, il y a très peu de structures hospitalières pour accueillir les personnes affectées gravement, ce qui pourrait renforcer les conséquences désastreuses par manque de soins.
Faut-il pour autant s'inquiéter pour le reste de la planète avec le risque de l'arrivée d'un nouveau variant ? A priori, non : le risque d'expansion d'un nouveau variant est le même en Europe ou en Amérique du Nord qu'en Chine, car l'épidémie n'est terminée dans aucune zone du Globe. C'est du moins l'avis de Brigitte Autran, immunologue et présidente du COVARS qui a succédé au Conseil scientifique. De plus, le risque qu'un voyageur chinois contamine la population française lors de son arrivée en France est plus faible que le risque de contamination par un Français puisqu'il y a encore plus de 300 000 Français susceptibles de transmettre le virus (à moins qu'il n'y ait plus de 300 000 voyageurs chinois arrivant en France en une semaine).
Il serait très prétentieux de dire qu'on en a fini avec l'épidémie de covid-19 en France, d'autant plus que le nombre de décès est encore très élevé chaque jour, mais on peut raisonnablement (et prudemment) penser que la population française a su s'adapter et vivre avec le covid-19 en reprenant ses habitudes de vie antérieures au covid-19. Ce qui est une très bonne nouvelle... jusqu'à une nouvelle alerte.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
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Réintégration du personnel soignant non-vacciné.
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