« Entre ceux qui ont tourné le dos aux travailleurs et ceux qui ne croient qu’aux coups de communication, entre ceux qui ont empêché le débat et ceux qui n’ont rien proposé, nous avons observé pendant quinze jours deux faces d’un même mépris de la démocratie. » (Élisabeth Borne, dans la nuit du 17 au 18 février 2023, dans l'hémicycle).
Depuis ce mercredi 1er mars 2023, les sénateurs examinent en séances plénières le projet de réforme des retraites du gouvernement. Le texte (amendé) a été approuvé par la commission des affaire sociales du Sénat le 28 février 2023. Les sénateurs semblent vouloir se comporter comme des sages pour ce texte, au contraire de leurs collègues députés : le Président du Sénat Gérard Larcher a déclaré vouloir amener la discussion jusqu'au bout, c'est-à-dire discuter de tous les articles de la loi, tandis que la gauche sénatoriale (trois groupes), sous l'impulsion de l'ancien ministre socialiste Patrick Kanner, a annoncé qu'elle ne ferait pas d'obstruction au débat, dans une conférence de presse commune assez solennel en début d'après-midi du 1er mars 2023.
Pour le gouvernement, il est essentiel que le Sénat puisse avoir la possibilité de voter le texte afin qu'au moins une des deux chambres du Parlement ait donné son accord avant les négociations au sein de la commission mixte paritaire.
Revenons donc au débat à l'Assemblée Nationale. Les députés de l'opposition, principalement les populistes mélenchonistes, pendant deux semaines, ont montré une image déplorable de la démocratie parlementaire et ont donné de nouveaux arguments aux abstentionnistes dégoûtés par la vie politique qui considèrent que les politiques sont pourris. En fait, plus que pourris, c'est immatures, le mot qu'il convient d'employer à leur égard : ils ont joué comme dans une cour de récréation, refusant obstinément, en déposant près de 20 500 amendements, d'aller jusqu'au bout du texte, et surtout, Jean-Luc Mélenchon l'a tweeté alors, refusant d'aller jusqu'au vote de l'article 7 du projet de loi (le cœur du projet, le passage à 64 ans), afin de pouvoir dire : les députés ne l'ont pas voté ! Une manipulation qui n'a trompé personne, évidemment. D'autant plus que la réalité constitutionnelle, cela a été au contraire que les députés ne s'y sont pas opposés.
Les syndicats ont été d'ailleurs agacés par ce comportement de garnements immatures car, au contraire, pour eux, il était essentiel que chaque député se positionnât clairement sur cet article 7. Cité le 17 février 2023 dans l'hémicycle par le député Olivier Falorni (MoDem) : « Je voudrais conclure ce bilan en citant quelqu’un pour qui j’ai beaucoup de respect, le dirigeant d’une grande organisation syndicale réformiste dans laquelle je me retrouve souvent, Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT : "L’Assemblée Nationale donne un spectacle désolant au mépris des travailleurs. Honteux". Ce n’est pas un compliment pour vous ! ». Cependant, pour les syndicats, l'essentiel est dans la rue, et ils espèrent une forte mobilisation à partir du mardi 7 mars 2023 pour des manifestations et des grèves.
Rappelons le choix du gouvernement : l'utilisation de l'article 47 alinéa 1 de la Constitution pour un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui limite dans la durée le temps d'examen à l'Assemblée Nationale et au Sénat. L'avantage est d'éviter l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution en cas d'enlisement des débats. Or, cet enlisement était annoncé sans ambiguïté par l'opposition mélenchoniste. Le gouvernement a donc eu raison d'adopter cette voie institutionnelle, et contrairement à ce que tentaient de faire croire les parlementaires de l'opposition, le gouvernement n'a pas écourté les débats, ni bâclé la démocratie.
En effet, il suffit de comparer avec l'examen des deux précédentes réformes des retraites, plus complexes et au texte plus long, la réforme d'Éric Woerth en 2010 (passage à 62 ans) et de Marisol Touraine en 2014 (passage à 43 annuités). Le projet d'Élisabeth Borne a bénéficié de 21 séances d'examen à l'Assemblée Nationale, soit 73 heures et 30 minutes, tandis que la réforme Woerth n'a bénéficié que de 15 séances (8 heures de moins qu'en 2023) et la réforme Touraine 13 séances (30 heures de moins qu'en 2023).
À l'évidence, le gouvernement n'a donc pas bâclé les conditions de la discussion, mais simplement, l'opposition a refusé un comportement honnête en multipliant les amendements : 764 amendements en 2010, 3 120 amendements en 2014 et près de 20 500 amendements en 2023, soit beaucoup plus, comme l'a rappelé la Première Ministre : « La réalité est là : le gouvernement a laissé plus de temps au débat que lors des précédentes réformes. Alors, comment se fait-il que nous n’ayons même pas atteint l’article 3 ? La raison est simple : (…) plus de 20 000 amendements sur ce texte, 6 fois plus que pour la réforme Touraine et 27 fois plus que pour la réforme Woerth, alors même que ces textes comportaient trois fois plus d’articles que notre projet. ».
Avec ces amendements pour la plupart insignifiants (dont certains ne concernaient que des virgules ; d'autres puérils et méprisants : « Quand je vois certains vouloir renommer l’index seniors "feuille de salade", je me dis : quel mépris ! »), les groupes de la Nupes n'ont pas voulu le débat mais l'affrontement.
Élisabeth Borne l'a martelé : « Pris au piège par la manœuvre du Rassemblement national, vous avez hésité, commencé à retirer des amendements, mais trop peu et trop tard pour permettre d’arriver ne serait-ce qu’au cœur du texte. Il est vrai que vous avanciez en ordre dispersé. Dans un des oracles Twitter dont il a le secret, le cher leader de la France insoumise s’en est pris, une fois de plus, aux députés communistes, en leur reprochant de renoncer à leurs amendements. À cette brimade, il a ajouté un aveu saisissant, dans un rare éclair de lucidité : Jean-Luc Mélenchon a rappelé à la Nupes ce qu’elle devait éviter à tout prix : le vote. Il reconnaît ainsi ce que vous peinez à comprendre : vous n’avez pas de majorité sur ces bancs. Je vois bien les contorsions de la France insoumise, qui tente de rejeter la responsabilité de cet examen incomplet sur le gouvernement, tâtonnant pour prouver l’impossible. Bien sûr, votre droit d’amendement est total, mais vous l’avez dévoyé : pour vous, il n’est pas l’expression du débat, mais une arme de blocage. (…) Votre seul et unique objectif est d’enlever toute légitimité au Parlement. Vous aviez déclaré vouloir le chaos dans l’hémicycle : vous l’avez bien démontré ces dernières semaines, car fondamentalement, vous ne croyez pas à la démocratie, vous la minez en la transformant cirque. ». Dans les rares amendements de fond que la Première Ministre a qualifiés de « racoleurs et outranciers », la Nupes a voulu augmenter de 130 milliards d'euros les impôts et taxes des Français ! Comme si les Français n'étaient pas encore assez imposés.
La critique de la Première Ministre était bien ciblée contre la Nupes : « C’est vous, et vous seuls, qui avez choisi d’empêcher le débat. Votre seul et unique objectif est d’enlever toute légitimité au Parlement. Vous aviez déclaré vouloir le chaos dans l’hémicycle : vous l’avez bien démontré ces dernières semaines, car fondamentalement, vous ne croyez pas à la démocratie, vous la minez en la transformant cirque. (…) Certains parmi vous, en particulier sur les bancs de la France insoumise, ont choisi de salir la démocratie parlementaire. Vous avez multiplié les injures, les outrances et les menaces. Nous voulions débattre projet contre projet ; vous avez choisi d’enchaîner insulte sur insulte. (…) Les Français nous ont élus pour travailler et pour débattre, pas pour faire de l’hémicycle une foire d’empoigne. ».
Élisabeth Borne a aussi attaqué le RN qui ne proposait rien de concret : « Avec cette motion de censure, le Rassemblement national montre sa vraie nature et le vide de son projet. Après deux semaines de mutisme dans l’hémicycle, l’extrême droite s’est enfin réveillée, naturellement pas pour faire des propositions, évidemment pas pour sauver notre système de retraite, surtout pas pour faire avancer le pays, mais pour une manœuvre grossière qui visait uniquement à obtenir un brevet de meilleur opposant. Qu’importe le fond, tant que le coup tactique est bon. Le Rassemblement national attend sagement, tapi dans l’ombre, pour voir où le vent tourne, et à la vingt-cinquième heure, il surgit pour se remettre au centre du jeu médiatique, mais toujours pas dans le débat démocratique. (…) La réalité, c’est que vous n’avez ni projet social, ni solution pour nos compatriotes, et qu’à plusieurs reprises, les Français ont refusé vos pseudo-solutions. Vous dressez un écran de fumée qui se veut le gage de votre respectabilité. Vous avancez masqués, refusant de participer au débat. Vous espérez que la discussion abîmera un peu plus l’image que nos concitoyens se font de nos institutions. Vous attendez que les débats se soient tenus pour attaquer, manipuler, récupérer. ».
Le résultat pour la Nupes a été pire que son objectif : le texte dans son ensemble a été considéré comme adopté avant même le début de l'examen de son article 3 et tout le texte a donc été déposé au Sénat puisque les députés n'ont pas pu tenir les délais (larges) fixés par la Constitution.
Un vote a néanmoins eu lieu après minuit le vendredi 17 février 2023, à la fin du temps consacré à l'examen de la réforme : en effet, le groupe RN a déposé une motion de censure et sa discussion a eu lieu pendant la nuit, juste avant la semaine de vacances parlementaires. Sans surprise, la motion de censure a été rejetée, puisqu'elle n'a été votée que par 89 députés (scrutin n°1097), les 88 membres du groupe RN ainsi que Nicolas Dupont-Aignan (on peut noter que la femme du maire de Béziers, Emmanuelle Ménard, n'a pas pris part au vote comme la totalité des députés de la majorité, de LR et de la Nupes).
Depuis des semaines, parmi les éléments de langage de l'opposition de gauche, il y a eu ce passage vidéo du député alors socialiste Olivier Dussopt qui s'opposait à la réforme Woerth en 2010. Pourtant, rappeler cela est plutôt contre-productif dans l'argumentation : cela signifie que Olivier Dussopt, devenu le ministre de cette nouvelle réforme des retraites, a évolué, a réfléchi, a compris que si on voulait sauver notre système de retraite par répartition, il fallait lui assurer un financement durable et autonome, sans déficit, et c'est facile d'anticiper avec la démographie, d'un côté les baby boomers, de l'autre l'espérance de vie en progression par rapport aux précédentes décennies. L'ancien ministre UMP, devenu député Renaissance Éric Woerth, interrogé sur BFMTV le soir du 9 février 2023, constatait avec amusement qu'Olivier Dussopt avait en effet évolué et plus généralement, ceux qui sont aux responsabilités ont des propositions forcément conformes à la réalité financière du pays, tandis que les populistes restent sur des postures simplistes et démagogiques. Rappelons aussi qu'aucun gouvernement n'est jamais revenu sur les précédentes réformes des retraites depuis la réforme d'Édouard Balladur.
D'autres, pour s'opposer à la réforme, osent brandir le programme du CNR mais ils devraient le relire : il n'a jamais été question d'autres retraites qu'à l'âge de 65 ans. Pérenniser le financement durable des retraites par répartition est justement préserver l'esprit du CNR. Renoncer à établir l'équilibre, c'est s'assurer un système en faillite dans quelques années, avec les conséquences qu'on peut savoir, sa faillite.
Autre élément de langage, la réforme des retraites ferait augmenter le chômage. La réponse d'Éric Woerth le 17 février 2023 dans l'hémicycle : « Certains disent que la réforme des retraites va augmenter le chômage. On a le droit de se pencher sur la question, il faut le faire. Mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas réformer les retraites ! Si vous adoptez un tel raisonnement, alors il vaudrait mieux fixer l’âge de départ à la retraite à 30 ans ! Ainsi, il n’y aurait plus de chômage du tout ! Les gens seraient à la retraite, pas de chômeurs ! Peut-être certains seraient-ils d’accord, demandant un droit à la paresse ! Les politiques de l’emploi, de lutte contre le chômage, passent par la croissance économique, les résultats des entreprises et la formation professionnelle. La réforme des retraites, c’est autre chose. On ne peut pas tout faire et tout dire au travers d’une réforme des retraites ! ».
Les débats à l'Assemblée n'ont été qu'une succession de rappels au règlement, d'incidents, d'invectives, de postures, de procédures, mais rien sur le fond. C'est une véritable imposture, une honte pour les électeurs, une honte aussi pour l'image de la France dans le monde, alors que le climat mondial est tendu, les menaces nucléaires élevées, etc.
Au lieu du film ou de l'émission de variétés, les téléspectateurs français ont pu voir lors des séances de nuit à quel point ces députés n'honoraient pas leurs honorables prédécesseurs sur ces bancs.
Je voudrais ainsi revenir sur une des attaques de l'opposition sur la situation des femmes dans ce projet de réforme. Certains membres de la majorité sont revenus sur ce mauvais argument en le confrontant à la réalité.
D'abord, le ministre délégué Gabriel Attal, qui a cité sa sœur en situation d'inégalité salariale, dans la séance de nuit du 16 février 2023 : « Je le dis calmement et tranquillement : ce qui peut être énervant ou agaçant, c’est le sentiment que vous donnez parfois de vous arroger le monopole de la défense des femmes. Je ne suis pas sûr que cela vous serve car on a l’impression, en vous écoutant, que vous considérez avoir été élus pour faire la leçon, là où nous considérons que nous avons été élus pour faire, tout court. Heureusement que les femmes n’ont pas attendu vos leçons de morale et votre prétendu monopole pour agir ! Heureusement que nous ne vous avons pas attendus pour doubler la durée du congé de paternité, dont on parlait depuis des décennies en France ! Heureusement que nous ne vous avons pas attendus pour augmenter de 50% l’allocation de soutien familial ! C’est 700 euros de plus par an pour les familles monoparentales, pour les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Heureusement que nous ne vous avons pas attendus pour rendre la contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans dans notre pays ! Heureusement que nous ne vous avons pas attendus pour mettre en place une garantie contre les impayés de pension alimentaire pour toutes ces femmes à qui leur conjoint ne verse pas de pension alimentaire ! (…) La réalité, comme vous le dirait le député Guedj s’il était là, car il est allé lui-même chercher les informations ce matin, c’est que la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme bénéficiera deux fois plus aux femmes qu’aux hommes. Un million de femmes verront leur pension de retraite augmenter deux fois plus que celle des hommes. Cela, vous ne le supportez pas, parce que vous ne supportez pas que ce soit nous qui agissions. Vous préférez faire la leçon en permanence. Eh bien, ne vous en déplaise, nous allons continuer à agir, nous allons continuer à mener ce combat et nous savons, ce soir, que nous le mènerons sans vous. ».
Philippe Vigier (MoDem) a énuméré les avancées en faveur des femmes grâce à cette réforme, lors d'une intervention en séance de nuit le 6 février 2023 : « Vous n’avez pas l’apanage de la défense des femmes. C’est une cause qui nous est commune à tous. Je vais citer quelques exemples très simples qui illustrent les véritables avancées que le projet de loi comporte pour les femmes. Les carrières hachées concernent, vous le savez, des hommes et des femmes qui ont malheureusement connu des drames familiaux, professionnels, ou qui ont été atteints de maladies très graves. À l’heure actuelle, ces personnes, il s’agit majoritairement de femmes, doivent attendre l’âge de 67 ans pour percevoir une retraite à taux plein. En 2015, lorsqu’elle était au pouvoir, la gauche n’est pas revenue sur cette injustice. Grâce à cette réforme, nous allons prendre trois mesures. La première concerne les personnes qui ont exercé des travaux d’utilité collective, des TUC. En 1989, et ce n’est pas Arthur Delaporte qui me contredira car il a participé, avec Paul Christophe, à une mission flash sur le sujet, 67% d’entre elles étaient des femmes. Grâce à ce texte, les trimestres effectués dans le cadre des TUC seront pris en compte dans le calcul de leurs droits à la retraite. Par ailleurs, les aidants, soit 9,3 millions de personnes, pourront intégrer quatre trimestres dans le calcul de leurs droits, de même que ceux qui ont pris un congé parental. Ces trois mesures concernent majoritairement des femmes. Alors, faites ce que vous voulez, chers collègues, mais les Françaises et les Français sauront, si vous balayez ce texte d’un revers de la main, que vous aurez voté contre les femmes ! ».
Dans un rappel au règlement, Philippe Vigier a également mis la socialiste Valérie Rabault devant ses contradictions lors de la séance de nuit du 17 février 2023 : « J’ai écouté madame Rabault avec l’attention qu’elle mérite car elle intervient à chaque fois pour tenir des propos qui sont fondés. Néanmoins, je lui rappelle qu’elle avait quelques responsabilités dans cette maison lorsque la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, dite loi Touraine, y a été examinée. Dans ce texte, avez-vous pris quelque disposition que ce soit contre les carrières hachées ou les injustices dont les femmes sont malheureusement victimes ? Certainement pas ! Vous avez laissé les choses se poursuivre. Je vous prends ainsi en flagrant délit d’incohérence parce que c’est grâce à ce gouvernement et au groupe Démocrate, présidé par Jean-Paul Mattei, suivi par le groupe Horizons et le groupe Renaissance, que les congés maternité dont les femmes ont bénéficié avant 2012 seront enfin pris en compte. ».
Le député Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) a aussi voulu promouvoir l'action du Président Emmanuel Macron en faveur des femmes : « Je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait dans ce domaine au cours du précédent quinquennat. Depuis tout à l’heure, vous nous parlez des femmes que vous rencontrez. Figurez-vous que nous en rencontrons, nous aussi ! Je peux vous parler de Marie et de Béatrice qui, comme 400 000 aides-soignantes et infirmières, ont vu leurs salaires augmenter ; de Béatrice, qui a perçu 250 euros de plus grâce à l’augmentation de l’allocation de soutien familial versée aux familles monoparentales ; de Stéphanie, dont le conjoint a pu prendre un congé de paternité deux fois plus long ; de Monique, qui a bénéficié de la réforme du versement des pensions alimentaires ; de Chantal, qui a vu sa prime d’activité revalorisée ; d’Anne, qui a pu profiter, comme de nombreuses femmes victimes de violences, des milliers de places d’hébergement d’urgence qui ont été ouvertes sous le dernier quinquennat ; ou encore d’Agnès, victime de violences conjugales, qui a pu être entendue, comme d’autres femmes, par l’un des 53 000 policiers et gendarmes formés à l’accueil des femmes victimes de violences. Je vous le dis sereinement, vous vous battez pour l’égalité hommes-femmes avec force et conviction. Nous aussi, tout autant que vous ! Alors cessez une bonne fois pour toutes les caricatures et les outrances ! Le combat pour l’égalité hommes-femmes est universel : personne n’a le monopole du cœur, personne n’a le monopole de ce combat. ».
Parlons aussi du respect des femmes au sein même de l'hémicycle. Je reviens ici sur un incident entre une députée FI et la Présidente de l'Assemblée Nationale elle-même qui a eu lieu en début de soirée le 16 février 2023 : la première a pleurniché en laissant croire que les réactions hostiles des députés de la majorité provenaient du fait que l'oratrice était une femme et pas un homme, mais dans ce registre, cela signifierait que les députés n'auraient plus le droit de contredire une femme, c'est absolument indéfendable comme raisonnement.
Aurélie Trouvé (FI) : « J’observe que quand une femme s’exprime dans cet hémicycle, il y a un brouhaha incroyable. Raison de plus pour poursuivre ce débat sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. ».
Yaël Braun-Pivet, présidant la séance : « Vous exagérez, chère collègue ! ».
Aurélie Trouvé : « Il est inadmissible, pour Ersilia Soudais comme pour toutes mes autres collègues femmes, qu’une intervention soit ainsi ponctuée d’exclamations ! ».
Yaël Braun-Pivet : « Franchement, comment pouvez-vous dire cela, madame Trouvé ? Nous siégeons dans un hémicycle qui, pour la première fois, est présidé par une femme ! Et j’ai à mes côtés cinq vice-présidentes, une première questeure et quatre présidentes de groupe. Alors, arrêtez ! ».
Cette stupide polémique a fait aussi réagir la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé : « Plus sérieusement, je demande aux députés de la Nupes de cesser de s’exprimer au nom des femmes. Nous ne les avons pas attendus et nous n’avons pas besoin d’eux. Les femmes sont présentes sur tous les bancs de cet hémicycle. Elles savent se défendre et se faire respecter pour ce qu’elles sont ! ».
Même message de la députée LR Véronique Louwagie : « Cela fait plusieurs fois que les députés de la Nupes s’expriment au nom des femmes de cette assemblée. Nous ne leur avons donné aucun mandat pour cela ! Je vous interdis de vous exprimer au nom des femmes de cet hémicycle ! Vous ne nous honorez pas ; au contraire, vous nous mettez en difficulté ! ».
Sandrine Rousseau (EELV), en criant : « Au fond, vous avez les mêmes arguments que le groupe RN. Or ce n’est pas parce qu’une femme s’en sort que toutes les autres s’en sortent aussi ! En l’occurrence, votre réforme des retraites va dégrader la situation de toutes les femmes françaises. Ce n’est pas parce que l’Assemblée Nationale est présidée par une femme que vous tous n’êtes pas sexistes ! ».
La discussion est allée loin puisque immédiatement après, un député FI a de nouveau attaqué la Présidente de l'Assemblée de manière complètement excessive en l'accusant d'une chose dont il était lui-même l'initiateur.
Ugo Bernalicis (FI) : « Vous pouvez rigoler, madame la présidente, mais moi ça ne me fait pas rire, et je vais vous dire pourquoi. Par une drôle de coïncidence, à chaque fois que vous présidez la séance, il y a des incidents. À chaque fois ! C’est tout de même étrange… Je pense que vous n’êtes pas Présidente de l’Assemblée Nationale : vous êtes un agent provocateur ! ».
De quoi faire réagir les femmes dans tous les groupes de la majorité.
Blandine Brocard (MoDem) : « J’en ai moi aussi assez que l’on s’exprime au nom des femmes. D’ailleurs, je ne suis pas ici en tant que femme, mais en tant que représentante de tous les Français. On ne défend pas la cause des femmes en les rabaissant. Car, en effet, je considère que vous nous rabaissez ! Il est trop facile de votre part de refuser toute critique. Votre seul argument pour la défense des femmes est qu’elles sont des femmes. Excusez-moi, mais nous valons bien mieux ! ».
Anne Le Hénanff (Horizons) : « Personnellement, j’estime que nous avons l’égalité dans cet hémicycle. Je vais vous dire pourquoi. Que ce soit un homme ou une femme qui s’exprime, nous réagissons au contenu de son intervention... ». L'oratrice a été alors interrompue par plusieurs députées FI avec des cris féministes. Elle a poursuivi : « Je reprends : en l’occurrence, ce n’est pas parce que madame Soudais est une femme que nous avons réagi à son intervention, mais parce que ses propos nous ont fait réagir, ce qui est tout à fait différent. ».
Perrine Goulet (MoDem) : « Il est déplorable que les députés de la Nupes, qui nous imposent en permanence leurs jérémiades sur le féminisme, tolèrent que monsieur Bernalicis insulte notre Présidente comme il vient de le faire. C’est une honte ! Quand on défend les femmes, on ne s’attaque pas à la Présidente de l’Assemblée Nationale ! Les scènes tumultueuses, c’est vous qui les provoquez, madame Rousseau. Constamment ! Vous êtes tous minables ! ».
Et ainsi de suite... C'est un exemple de débat stérile, il n'y a eu que cela pendant ces vingt et une séances, sans jamais aller vraiment au fond du texte, seulement des propos polémiques et provocateurs lancés par les députés de la Nupes qui ont fait réagir leurs adversaires (dans l'opposition, seuls quelques députés communistes, bien mal accompagnés, ont tenté de revenir sur le fond).
Ce qui a fait faire ce bilan désastreux de cette première lecture par Aurore Bergé (Renaissance) dans le débat sur la motion de censure, à une heure très avancée de la nuit (elle était l'avant-dernière oratrice et le vote a eu lieu à 2 heures 50 du matin) : « Cette motion de censure est donc le dernier acte de la tragi-comédie donnée depuis deux semaines par le Rassemblement national et la France insoumise. Nous ne sommes pourtant pas ici au spectacle. Nous sommes à l’Assemblée Nationale. Personne n’a le droit d’avilir notre démocratie. "En attendant l’article 7" restera tristement dans les mémoires comme l’un des épisodes les plus affligeants de l’histoire de l’Assemblée. Comme dans la pièce de Beckett, vos simagrées, vos fausses indignations et votre jeu outrancier ne trompent personne, dans le silence persistant de l’extrême droite et dans les contradictions absurdes de l’extrême gauche. Tous, vous nous dites "Allons-y !", puis vous demeurez immobiles, résolus à ne pas faire ce pour quoi les Françaises et les Français nous ont élus : débattre et voter. À chaque instant, nous pouvions voter ; à chaque instant, vous l’avez refusé. Au lieu de cela, vous préférez, pour les uns, obstruer les débats à coups d’amendements délirants, de rappels au règlement incessants, de provocations et d’injures ; pour les autres, vous enfermer dans un mutisme que vous rompez enfin, non pas pour enrichir les débats, mais pour tenter de censurer le gouvernement. Entre le creux et le néant, la frontière est infime. (…) Au fond, à l’extrême droite et à l’extrême gauche, vous n’avez toujours pas accepté d’avoir perdu l’élection présidentielle et les élections législatives, de ne pas avoir reçu la confiance des Français. ».
Et sa critique visait les deux populismes. D'abord le RN : « Nous vous avons vus, en chœur, d’un extrême à l’autre, défendre les régimes spéciaux : ici, celui des membres du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) ; là, celui des clercs de notaires. Nos collègues mélenchonistes ont abondamment usé du terme de "banquier" comme d’une insulte. Chacun a pu apprécier l’ironie de les voir défendre envers et contre tout le régime spécial de la Banque de France ! Rappelons que ce sont quelque 5,7 milliards d’euros qui comblent le déséquilibre des trois régimes spéciaux les plus importants. Pour le cas bien particulier de la RATP, les cotisations sociales ne représentent que 41% du financement des pensions de retraite ! Ce n’est pas aux contribuables de prendre en charge le coût de dispositifs devenus anachroniques ; nous l’assumons ! Il va falloir vous y résoudre : dans cet hémicycle, les seuls défenseurs du système par répartition sont sur les bancs de la majorité ! Qui, à part nous, pour admettre qu’un régime dont la situation démographique réclame des perfusions régulières d’argent public constitue une anomalie au regard du principe de solidarité entre les générations d’actifs ? ».
Ensuite FI : « Même s’il n’est plus sur le pont, force est de constater que le timonier garde une main ferme, à coups de tweets, sur la barre du navire insoumis ; le moindre écart du reste de sa flottille est vécu comme une mutinerie ! Vous avez réussi à écœurer les syndicats, à désabuser vos propres alliés et à faire honte au débat parlementaire. Pire, à la dignité de ceux qui manifestent et dont nous devons entendre les doutes et les inquiétudes, vous avez opposé une indignité constante. Il y a plus grave et plus impardonnable de votre part, collègues de la France insoumise : par l’obstruction imposée à toute la Nupes, vous avez fait le lit de la croissance du Rassemblement national. De part et d’autre de l’hémicycle, vous êtes les deux faces d’une même pièce : une pièce factice, truquée, qui n’a aucune valeur. Vos méthodes et vos propositions n’ont aucune valeur. Avec vos outrances, vos hurlements et vos invectives, vous donnez à l’extrême droite la possibilité de se planquer et de se faire oublier, et même de vous voler la vedette en déposant une motion sous votre nez ! ».
Nul doute qu'au Sénat, les débats seront plus calmes et qu'ils permettront de vraiment porter attention aux Français et au devenir de notre système de retraite.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01er mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Réforme des retraites 2023 : après les enfants terribles, les sages.
Discours de la Première Ministre Élisabeth Borne dans la nuit du 17 au 18 février 2023 à l'Assemblée Nationale (texte intégral).
Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
Olivier Dussopt.
Aurore Bergé.
Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230217-retraites.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/reforme-des-retraites-2023-apres-246749
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/02/18/39817745.html
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