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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 04:57

« Parce qu’elle est un sujet d’interrogations et d’inquiétudes pour nos concitoyens, qu’elle mêle enjeux collectifs et situations éminemment personnelles, et qu’elle fait l’objet d’évolutions notables ces dernières années, la question de la fin de vie doit être débattue de manière approfondie par la Nation. » (Communiqué de l'Élysée du 13 septembre 2022).



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Le Président de la République Emmanuel Macron a choisi de relancer le débat sur la fin de vie, et cela d'une manière qui me paraît très douteuse. Il le fait au début de son second quinquennat parce que la question de l'euthanasie a été parmi les mesures préconisées par tous les candidats de gauche à l'élection présidentielle de 2022.

Je regrette que ce débat soit relancé alors que la Nation venait d'atteindre un point d'équilibre consensuel avec la loi Claeys-Leonetti en février 2016 (je l'avais abondamment évoqué à l'époque). Il ne faut pas que le besoin de posture centrale, c'est-à-dire ni trop à gauche ni trop à droite n'entraîne le gouvernement à vouloir légaliser l'euthanasie afin de rééquilibrer politiquement l'image "à droite" (?) de la réforme des retraites. Il ne faut pas non plus succomber aux pressions multiples et aux sondages alors que la réforme des retraites est justement l'exemple d'une décision qui rejette cette gouvernance par les sondages.

L'opportunité du débat est mise en cause car depuis 2005, la France est dotée de dispositif législatif qui répond aux principaux enjeux de la fin de vie et qui mérite déjà sa chance, à savoir la loi Leonetti du 22 avril 2005 puis la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.

Dix ans après sa promulgation, la loi Leonetti était encore très peu connue des soignants eux-mêmes ! La loi Claeys-Leonetti n'a pas fait l'objet d'une évaluation. Certes, tout peut toujours s'améliorer selon les applications, mais l'idée générale que la France a adoptée dans son universalisme, c'est que soigner ne signifie pas acharnement thérapeutique ni, surtout, souffrances. Le principe général est d'empêcher la souffrance des patients, que ceux-ci d'ailleurs soient en fin de vie ou pas. Aujourd'hui, dans 99,9% des cas, les solutions thérapeutiques existent pour éviter les souffrances. Il est vrai que cela nécessite aussi le développement massif des soins palliatifs et la France, dans ce domaine, est très en retard (pour des raisons budgétaires), même si le gouvernement d'Édouard Philippe a fait beaucoup d'efforts dans ce domaine.

Alors, oui, on peut discuter de la fin de vie, mais avec la sagesse dont le législateur a toujours fait preuve jusqu'à maintenant, refusant les solutions simplistes, démagogiques et excessives. Par ailleurs, l'époque, plus qu'il y a dix ans ou vingt ans, veut qu'on se préoccupe aussi de l'argent public, des perspectives comptables, et on voit trop bien l'intérêt de l'État à écourter l'existence tant des patients (avec les soins palliatifs parfois coûteux) que des retraités en général (ce qui, du reste, constitue une sorte d'étrange coïncidence qu'on parle à la fois de réforme des retraites pour rééquilibrer le système par répartition et d'euthanasie dont le principe pourrait faire des miracles aux finances publiques : en effet, ce qui coûte cher dans les soins, ce sont les six derniers mois de vie, il suffit de les supprimer...). Ces arguments économiques dans le débat sur l'euthanasie ont maintenant cours, presque sans scrupule. Il faudra bien en tirer les conclusions jusqu'au bout. Ou s'en inquiéter définitivement.

Le Président de la République a saisi l'occasion d'un avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui laisse une ouverture pour aller vers l'euthanasie. Il a effectivement indiqué : « Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) vient de rendre public l’avis intitulé : Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité. Cet avis, qui met en avant l’équilibre à trouver entre le devoir de solidarité envers les personnes fragiles et le respect de l’autonomie de la personne, constitue une base solide pour mener une réflexion collective sur ce sujet sensible. ». On peut s'étonner de ce changement de position alors qu'auparavant, le CCNE avait toujours rejeté cette option pour des principes humanistes. La raison : la politisation, durant le quinquennat de François Hollande, de la composition du CCNE qui a volontairement évolué avec des partisans de l'euthanasie (relire à cet égard mon article du 16 décembre 2013).

C'est curieux que ce sont toujours les personnes bien-portantes qui réclament l'euthanasie, mais tous les médecins qui sont confrontés chaque jour à la maladie aux côtés de leurs patients en fin de vie, disent que les demandes d'euthanasie dans leurs services sont extrêmement rares.

Au-delà de l'opportunité d'un tel débat au sortir d'une pandémie qui a tué plus de 165 000 personnes en France, les plus fragiles de nos citoyens généralement, la méthode choisie me paraît très douteuse sur le plan démocratique : « À cette fin, sera constituée dès octobre [2022] une convention citoyenne dont les conclusions seront rendues en mars 2023. Elle sera organisée par le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) dont c’est désormais la vocation. (…) L’ensemble de ces travaux permettra d’envisager le cas échéant les précisions et évolutions de notre cadre légal d’ici à la fin de l’année 2023. ».

Cette Convention citoyenne est effectivement en train de terminer ses travaux ces prochains jours et comme par miracle, on connaît déjà la réponse : feu vert pour l'euthanasie et le suicide assisté ! Cette manière de faire est doublement déplaisante : elle ne relève pas de la démocratie car les membres de cette Convention citoyenne ne représentent pas le peuple, au contraire des parlementaires ; de plus, parce que ce sont des "candides" (ils ne sont pas rémunérés, ils ont aussi leur propre activité professionnelle et autre, et ne peuvent pas prendre le temps de devenir compétents sur ce sujet très précis, comme c'est le cas des parlementaires), ils sont très largement conditionnés par ceux qui les "encadrent", leur apportent le contexte, le cadre juridique, médical, etc. On l'a vu avec la Convention citoyenne pour le climat où une quasi-unanimité a voté pour des mesures rigoureusement écolo-extrémistes (comme l'interdiction de ligne aérienne quand il y a une ligne TGV, etc.).

Enfin, ceux qui "encadrent" les "citoyens", c'est les membres du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE)... et je conteste à Emmanuel Macron l'idée que le CESE soit une troisième chambre parlementaire comme il aimerait tant la confondre. S'il y avait bien des économies à faire dans les institutions, ce serait plutôt supprimer le CESE que le Sénat qui, lui, apporte une véritable valeur ajoutée à la démocratie (on le voit encore pour la réforme des retraites). Le CESE, qu'est-ce que c'est ? Cela n'a été jamais que des placards dorés pour des anciens syndicalistes à la retraite, pour des anciens parlementaires dont on a préempté la circonscription pour un autre, etc. Avec des rémunérations proches de celles des parlementaires... sans leur légitimité.

Alors, c'est sûr, les membres du CESE ont le temps de s'autosaisir de n'importe quel sujet et de disserter sur tous les enjeux économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux. Très étrangement le CESE (j'y reviendrai dans un prochain article sur la fin de vie) a déjà pondu une réflexion sur la fin de vie en 2018. Et devinez quoi ? Son avis est majoritairement en faveur de l'euthanasie (avec des contestations minoritaires). Confier l'encadrement de citoyens tirés au sort pour la discussion sur la fin de vie à un organisme qui, dans son passé très récent, a déjà annoncé la couleur, donne, à mon sens, un doute complet sur l'intérêt de l'exercice.

Bien sûr, aucune loi ne pourra être en application si elle n'a pas été adoptée et donc discutée au Parlement, mais le fait que la base de cette future loi soit le travail de cette Convention citoyenne m'inquiète très fortement. Sera-ce aussi une prochaine convention citoyenne qui imposera l'interdiction des automobiles dans les centres-villes ? l'obligation de se chauffer à l'électricité et pas au fuel ni au gaz ? Etc.

Car non seulement c'est antidémocratique, mais cela réduit considérablement la responsabilité du gouvernement ou de la majorité parlementaire : c'est pas moi, c'est les "citoyens" de la convention ! Je caricature évidemment, car Emmanuel Macron est bien conscient du caractère très sensible du sujet : « Le débat sur ce sujet délicat, qui doit être traité avec beaucoup de respect et de précaution, doit donner à chacun de nos concitoyens l’opportunité de se pencher sur ce sujet, de s’informer, de s’approprier la réflexion commune et de chercher à l’enrichir. ». Il a ainsi prévu que le gouvernement engage des concertations avec tous les partis pour atteindre un consensus.

La Convention citoyenne se termine avec trois sessions au mois de mars 2023. Ses travaux s'achèveront le 2 avril 2023 en principe.

La lettre de mission du 13 septembre 2022 finit ainsi : « Le temps nécessaire sera pris, et toutes garanties doivent être données pour assurer les conditions d’un débat ordonné, serein et éclairé. ». Avec cette méthode peu neutre, permettez-moi d'en avoir de gros doutes...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (05 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Les deux illustrations proviennent de tableaux de Paula Modersohn-Becker.


Pour aller plus loin :
Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
Fin de vie 2023 (1) : attention danger !

Le drame de la famille Adams.
Prémonitions (Solace).
Vincent Lambert.
Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
Euthanasie : soigner ou achever ?
Le réveil de conscience est possible !
Soins palliatifs.
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking et la dépendance.
La dignité et le handicap.
Euthanasie ou sédation ?
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La loi Leonetti du 22 avril 2005.


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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230305-fin-de-vie-2023do02.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/fin-de-vie-2023-2-methodologie-247125

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/02/26/39827728.html






 

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