« La seule autocritique que vous nous concédez est celle d'une défaillance pédagogique. Vous voulez apaiser le pays ? Je le crois sincèrement. Mais il n'y a qu'une solution : rendez aux Français les deux ans de vie que vous leur volez ! » (Laurence Rossignol, le 22 mars 2023 au Sénat).
Depuis le débat sur la réforme des retraites, l'esprit populiste de la Nupes est entré jusqu'au Sénat, qui n'a pourtant pas de "sénateurs insoumis". Ce court extrait ci-dessus, c'est la fin de la question (qui n'en était pas une) de la sénatrice Laurence Rossignol, lors de la séance des questions au gouvernement du mercredi 22 mars 2023 au Sénat.
Il est assez stupide, franchement illusoire, foncièrement démagogique et grossièrement simpliste de parler de "deux ans de vie volés" alors qu'une année de travail n'est pas une année de vie et rien de volé, au contraire, mieux rémunérée qu'une pension de retraite. Et rappelons toujours qu'avant 1981, selon les directives du CNR, la retraite était à 65 ans à une époque où l'on mourait beaucoup plus tôt et où l'on protégeait très peu les travailleurs des risques sanitaires majeurs (genre amiante) qui écourtait réellement la vie de bien des travailleurs. Et on ne parlait alors pas "d'années volées".
Cette séance, alors présidée par Gérard Larcher, se tenait deux heures après le début de l'intervention du Président de la République Emmanuel Macron à la télévision. C'était donc l'occasion pour cette représentante de l'opposition d'en faire un rapide résumé... polémique bien sûr, sans omettre d'interpréter abusivement quelques paroles présidentielles. Sa question avait donc plutôt valeur de commentaire personnel. Elle s'adressait à la Première Ministre Élisabeth Borne mais elle n'a eu en réponse "que" le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Avant d'évoquer la réponse du ministre, rappelons qui est Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat depuis le 6 octobre 2020 (elle allait d'ailleurs présider la séance dès la fin des questions au gouvernement).
C'est une sénatrice de l'Oise de 65 ans (âge dépassé de départ à la retraite). Issue de la LCR et journaliste au journal de la CGT, Laurence Rossignol a rejoint le parti socialiste en 1981 et s'est retrouvée membre de plusieurs cabinets de ministres ou de responsables socialistes (Pierre Joxe, Laurent Fabius, Frédérique Bredin, etc.) et entre deux missions de cabinet, elle s'est retrouvée bombardée responsable à la MNEF. Élue locale de Compiègne et de l'Oise depuis la fin des années 1990, membre du Conseil Économique et Social (tremplin pour sa carrière), après plusieurs défaites aux élections législatives, elle est élue sénatrice de l'Oise en septembre 2011 et réélue en septembre 2017.
Le plus important a été qu'elle a été nommée membre du gouvernement sous le quinquennat de François Hollande, sous la houlette de Marisol Touraine, d'abord comme Secrétaire d'État chargée de la Famille, des Personnes âgées, de l'Autonomie et de l'Enfance, du 9 avril 2014 au 11 février 2016, puis Ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes du 11 février 2016 au 10 mai 2017. Dans la majorité socialiste se trouvait un jeune député socialiste de Grenoble, par ailleurs neurologue, du nom de ...Olivier Véran.
C'est sans doute la raison pour laquelle Élisabeth Borne a laissé répondre son porte-parole. Car ce dernier n'a pas la mémoire courte et a rappelé que Marisol Touraine avait aussi défendu une réforme des retraites, et plutôt une réforme dure puisqu'il s'agissait d'augmenter la durée de cotisation jusqu'à 43 annuités, ce qui revient, pour ceux, entre autres ceux qui ont fait des études, qui ont démarré tardivement leur vie active, à ne pas pouvoir prendre leur retraite avant l'âge de 67 ans ! L'âge légal est l'arbre qui cache donc la forêt. Le plus important est la durée de cotisation (d'où d'ailleurs les revendications justifiées pour les carrières longues).
Olivier Véran a donc rappelé à Laurence Rossignol ce passé commun pourtant pas si lointain, 2014 : « En 2014, vous étiez ministre déléguée auprès de Marisol Touraine. J'ai été député socialiste et vous et moi, nous avons eu le courage de soutenir en 2014 une réforme des retraites portée par le gouvernement auquel vous apparteniez, qui a, pardonnez du peu, allongé la durée de cotisation pour tous les Français qui travaillent. Vous l'avez fait dans un souci de justice, avec pour objectif d'équilibrer un système de retraite qui, dans la durée, aurait été déficitaire. ».
Et aussi un autre rappel, la loi Travail adoptée avec l'article 49 alinéa 3 de la Constitution : « Permettez-moi aussi de vous rappeler, madame la sénatrice, qu'à l'époque, lorsque vous faisiez partie du gouvernement, un texte important, courageux et nécessaire pour l'économie de notre pays, a été adopté en ayant recours à l'article 49 al. 3. Pour autant, vous n'avez pas alors démissionné du gouvernement, pas plus que je n'ai quitté le groupe socialiste. Vous avez sans doute la mémoire sélective, moi pas ! ».
Le ministre a conclu : « Surtout, madame la sénatrice, nous venons du même bord. Quand nous disons que nous allons augmenter les petits salaires, qui sont inférieurs du SMIC, vous devriez dire oui ! Quand nous disons que nous allons améliorer les fins de carrière pour les salariés, vous devriez dire oui ! Quand nous disons que nous allons lever une contribution exceptionnelle sur les grands groupes qui rachètent des actions, vous devriez dire oui ! Et, quand nous proposons de mettre en formation les bénéficiaires du RSA qui sont loin de l'emploi, ou même de les employer, vous devriez applaudir avec nous, madame la sénatrice. C'est cela, avoir de la mémoire, du courage et de la conviction dans la continuité ! ».
Bien entendu, l'ancienne ministre Laurence Rossignol, désormais dans l'opposition, n'a pas été convaincue par son ancien partenaire de la majorité parlementaire. Ce n'est pas étonnant, une question qui n'en était pas une, c'est une séance de posture, montrer son positionnement à ses amis, à ses (grands) électeurs. Un ministre n'a jamais convaincu un membre de l'opposition lors des questions au gouvernement. Et réciproquement, évidemment.
Simplement, il faut parfois rappeler la réalité : quand ils sont au pouvoir, les membres de la Nupes savent prendre des décisions responsables et courageuses. Mais maintenant, dans l'opposition, avec une forte concurrence, sous l'emprise du gourou Mélenchon, plus aucun socialiste n'est prêt à gouverner la France et le PS est devenu juste un groupuscule démago et populiste, à l'instar du grand chef. Triste fin de parti qui se termine en eau de boudin.
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