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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 05:20

« Levez-vous, et rassemblons nos forces pour les victoires auxquelles nous devons contribuer, et qui ne dépendent désormais que de nous, que de vous. Levez-vous pour l’espérance, pour que vive la République, et vive la France ! » (Bernard Cazeneuve, le 10 juin 2023 à Créteil).




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Un événement politique majeur d'envergure intergalactique a échappé aux médias d'information continue il y a deux mois. Quasiment échappé, pour être honnête (on en a un peu parlé). En effet, le samedi 10 juin 2023 à Créteil, l'ancien Premier Ministre socialiste Bernard Cazeneuve a lancé son propre mouvement politique, appelé "La Convention" (la convention pour quoi ? de quoi ? on ne saura pas). On ne peut s'empêcher d'y voir une référence à François Mitterrand qui avait dirigé la Convention des institutions républicaines (CIR) dans les années 1960 avant de s'emparer du PS.

Encore chef du gouvernement, il avait d'ailleurs profité du vingt-et-unième anniversaire de la mort de François Mitterrand, le dimanche 8 janvier 2017, pour lui rendre hommage à Jarnac, en pleine campagne présidentielle, tout en attaquant, par contraste, son ancien collègue Emmanuel Macron qualifié de déloyal : « C'est une belle valeur que la fidélité... comme la loyauté d'ailleurs (…). Encore faut-il tenir sa parole, car la politique ne pouvait se réduire à ses yeux à un exercice de séduction pure, fait de couvertures de magazine et de discours sans projet. ». Ce qui ne l'avait pas empêché le 23 avril 2017 d'appeler tous les électeurs socialistes à voter pour Emmanuel Macron et a faire campagne pour lui entre les deux tours afin de "faire barrage" à l'extrême droite.

Malgré la désaffection des Français pour les partis politiques, et plus particulièrement pour le parti socialiste, Bernard Cazeneuve a réussi à réunir en banlieue parisienne près de 2 000 militants socialistes qui en ont marre de cette alliance contre-nature avec France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, ce sont des socialistes anti-Nupes dont l'objectif est de présenter une liste aux élections européennes de juin 2024 et, ensuite, un candidat à l'élection présidentielle de 2027.

Pour l'occasion, l'ancien Président François Hollande a fait le déplacement, mais je me demande bien en quoi sa présence aiderait son ancien porte-parole de campagne dans cette délicate tâche de vouloir fédérer tous les mécontents du mélenchonisme. J'aurais même tendance à trouver qu'elle serait plutôt contre-productive.

Du quinquennat pourri de François Hollande ont pu quand même se révéler au grand public deux grandes personnalités politiques : Emmanuel Macron, bien sûr, ne serait-ce que parce qu'il a été ensuite élu puis réélu Président de la République, et Bernard Cazeneuve, qui, en 2012, était assez peu connu en dehors du sérail politique, ordinaire député-maire de Cherbourg et porte-parole du PS.

J'ai eu l'occasion de rencontre Bernard Cazeneuve il y a quelques années, c'était le 11 décembre 2017 à la Maison de la Chimie, dans le cadre d'une réunion organisée par Jean-Pierre Chevènement. Bien qu'il soit socialiste, j'ai beaucoup apprécié l'homme, je l'ai trouvé excellent, à la fois sympathique, rigoureux, intelligent, une sorte de monsieur tout-le-monde qui n'a pas eu la grosse tête tout en étant à la fois un crâne d'œuf technocrate et un redoutable animal politique. Quand Richard Ferrand est arrivé pour parler, la comparaison était très dévalorisante pour ce dernier : on n'était plus du tout dans la même catégorie, dans la même pointure. L'excellence se mesure souvent par comparaison.

Élu local depuis 1994, Bernard Cazeneuve est devenu un homme à tout faire de la Hollandie. À l'origine, il a été nommé Ministre délégué aux Affaires européennes le 16 mai 2012, et il faisait le boulot avec une forte motivation européenne, présent où il fallait pour convaincre les jeunes et moins jeunes de l'importance de la construction européenne. Puis, en catastrophe, après l'effondrement de Jérôme Cahuzac, il l'a remplacé immédiatement, au pied levé, bombardé Ministre délégué au Budget le 19 mars 2013, l'un des postes les plus importants de la vie politique (Budget et Intérieur sont essentiels dans une carrière politique ambitieuse).

Lors de la formation du gouvernement de Manuel Valls, l'Élysée et Matignon étaient en désaccord sur le nom du futur Ministre de l'Intérieur... et Bernard Cazeneuve est devenue la solution médiane le 2 avril 2014. À ce nouveau poste, il a fait preuve d'une forte compétence, hissé comme homme d'État à partir des attentats qui ont endeuillé la France en 2015 et 2016. La démission de Manuel Valls pour cause de candidature à la primaire socialiste a enfin poussé Bernard Cazeneuve jusqu'à Matignon le 6 décembre 2016, pour le mandat le plus court de la Cinquième République (jusqu'au 15 mai 2017), choisi là encore pour sa fidélité, sa loyauté, sa technicité, et sa solidité.

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Âgé de 60 ans (qu'il vient d'avoir le 6 juin 2023 ; il aura donc 64 ans en 2027, l'âge de François Mitterrand en 1981), Bernard Cazeneuve coche toutes les cases pour être un candidat majeur à l'élection présidentielle, mais toutes les cases de l'ancien monde, celui d'une séparation bien claire du paysage politique entre la gauche et la droite. Depuis six ans, le paysage s'est éclaté en deux gros extrémismes populistes, de droite avec le RN et de gauche avec FI, mais aussi leurs supplétifs respectifs, une partie de LR à droite et une partie du PS à gauche, et entre les deux, grâce à Emmanuel Macron, il y a eu un regroupement des "gens raisonnables".

Pourquoi Bernard Cazeneuve a-t-il attendu si longtemps ? S'il voulait vraiment attendre son but, il aurait dû se lancer dans la bataille présidentielle dès le lendemain de l'élection présidentielle de 2017 au même titre que Dominique Strauss-Kahn aurait dû se lancer dès le lendemain de l'élection présidentielle de 2002. Au lieu de cela, il a été attentiste, observateur, écrivain (il a écrit sur le quinquennat qu'il a servi), mais en n'ayant rien fait, il a laissé le terrain à Anne Hidalgo avec le "succès" que l'on sait.

Apparemment, Bernard Cazeneuve, poussé par des vieux éléphants socialistes (entre autres François Hollande et Jean-Christophe Cambadélis), ne semble pas vouloir réitérer cette erreur, ou plutôt, pense que l'impossibilité constitutionnelle d'une troisième candidature d'Emmanuel Macron lui donne une "fenêtre de tir", comme on dit, pour avoir toute sa place dans le débat présidentiel de 2027. Mais encore faut-il qu'il puisse se distinguer tant d'Emmanuel Macron que de Jean-Luc Mélenchon. Pour ce dernier, la distinction est évidente et son mouvement La Convention est même basé sur cet anti-mélenchonisme viscéral.

Pour Emmanuel Macron, la distinction n'est pas évidente sinon des susceptibilités personnelles. Bernard Cazeneuve est un homme raisonnable, qui souhaite gérer le pays avec un équilibre budgétaire et maintenir une intégration européenne qui est l'intérêt de la France. Il a, par ailleurs, un atout qu'aucun autre socialiste n'a jamais eu dans l'histoire du socialisme, ni François Mitterrand, ni Lionel Jospin, c'est la crédibilité de vouloir maintenir l'ordre. Il est même l'auteur d'une loi (la loi n°2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique) que les socialistes aujourd'hui veulent abroger parce qu'elle serait trop sécuritaire. Seul Manuel Valls pouvait le rivaliser sur ce terrain-là, mais son arrivisme promacronien entrecoupé d'une aventure électorale barcelonaise intempestive l'a complètement grillé aux yeux des électeurs français.

Bernard Cazeneuve croit que la gauche raisonnable, celle qui rejette le populisme des insoumis, a un boulevard en 2027 : « L’enjeu, c’est de reconstituer la grande force de gauche dont le pays a besoin. Il n’y a pas de victoire possible pour la gauche, si ce n’est pas cette force là qui est la première à gauche. ». Mais il n'a pas compris que la France a complètement changé sa sociologie électorale depuis 2017, il devient anachronique de rester dans le vieux schéma mitterrandien d'une gauche qu'il faudrait unir face à une droite de droit divin.

Aujourd'hui, le pays est complètement tourné vers la droite voire la droite populiste et extrême. Depuis deux élections présidentielles, le débat n'est plus entre la gauche et la droite, mais entre l'extrême droite et le centre droit. Il n'y a justement plus d'espace politique pour le centre gauche parce qu'il doit choisir entre la gauche la plus archaïque ou la droite. François Mitterrand avait choisi l'alliance avec les communistes, mais les communistes étaient, malgré tout, des gens raisonnables si on les compare aux insoumis d'aujourd'hui. Emmanuel Macron a gagné en 2017 parce qu'il avait convaincu surtout la gauche de voter pour lui au lieu de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi une partie de la droite qui ne croyait plus aux chances de François Fillon.

On peut penser que l'héritier du macronisme sera de droite, mais il peut y avoir aussi des prétendants sur le flanc gauche (auquel on peut même ne pas s'attendre, par exemple, Gabriel Attal, qui aura 38 ans en 2027, soit, finalement, seulement un an de moins qu'Emmanuel Macron en 2017...). Une division du centre gauche et du centre droit entraînerait nécessairement la victoire de l'extrême droite en 2027. Quand j'écris "division", je pense à une division dans l'électorat, pas à une division dans l'offre politique car si une candidature ne recueille pas plus que Anne Hidalgo en 2022, il n'y a pas division, il y a juste inexistence.

De plus, Bernard Cazeneuve se complaît à critiquer ou mettre en garde Emmanuel Macron (comme sur la police après la polémique marseillaise). C'est de bonne guerre quand on veut exister politiquement, mais à force de critiquer un courant de pensée sensiblement identique au sien, on offre le pouvoir à des populismes autrement plus dangereux pour la nation.

Pire : Bernard Cazeneuve a pris une référence à Léon Blum. Certes, Léon Blum est un grand homme d'État qui mérite bien plus qu'être simplement le symbole d'une gauche au pouvoir, il appartient à l'ensemble des Français et la modestie de sa tombe à Jouy-en-Josas (où il habitait) fait comprendre que le pays n'en a pas tiré toutes ses richesses d'enseignement. Se référer à lui donne cependant à la démarche une connotation totalement anachronique dans un pays où les électeurs de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour représentent quand même 30,2% des suffrages exprimés (plus de 10,6 millions d'électeurs !).

Il y a en ce moment un petit frémissement dans les sondages en faveur de Bernard Cazeneuve. Ce n'est pas une vague, mais comme personne ne bouge, le moindre mouvement est récompensé dans "l'opinion publique". Il reste que son parti, le PS, est tenu d'une main de fer par Olivier Faure qui souhaiterait être l'héritier de Jean-Luc Mélenchon à la Nupes. Deux stratégies diamétralement opposées qui ont pourtant le point commun d'être destinées à foncer dans un mur.

Si Bernard Cazeneuve croit vraiment en son destin, et je le répète, il n'est pas illégitime d'y croire, il devra alors plutôt séduire les électeurs de centre droit comme l'a fait Emmanuel Macron en 2017. Sinon, La Convention ne serait qu'une chapelle socialiste de plus dans un paysage électoral déjà sinistré. Rendez-vous est pris aux européennes...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bernard Cazeneuve, le thanatopracteur du hollandisme.
Bernard Cazeneuve nommé Premier Ministre.
Bernard Cazeneuve et les valeurs chrétiennes de la France.
Discours de Bernard Cazeneuve le 3 octobre 2015 à Strasbourg (texte intégral).
Bernard Cazeneuve et la sécurité routière.
Le fichier centralisé des 60 millions de visages des Français.
Bernard Cazeneuve.
Charles Hernu.

Pierre Mauroy.
Roger-Gérard Schwartzenberg.
Georges Kiejman.
Robert Badinter.
Roland Dumas.
Olivier Dussopt.
Laurence Rossignol.
Olivier Véran.

Sophie Binet.
Hidalgo et les trottinettes de Paris.
Hidalgo et les rats de Paris.
Les congés menstruels au PS.
Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
Nuit d'épouvante au PS.
Le laborieux destin d'Olivier Faure.

PS : ça bouge encore !
Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
Le leadershit du plus faure.
L'élection du croque-mort.
La mort du parti socialiste ?
Le fiasco d'Anne Hidalgo.
Le socialisme à Dunkerque.
Pierre Moscovici.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230729-cazeneuve.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bernard-cazeneuve-le-fol-espoir-249395

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/07/01/39957879.html





 

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