« Il était très apprécié par une partie de l'armée qui voyait en lui un bon chef, juste, charismatique et dévoué à la Nation. Parfois décrit comme brut de décoffrage, il n'était pas toujours très tendre avec ceux qui manquaient de courage, de conviction ou d'énergie. Il savait taper du poing sur la table. Jean-Louis Goergelin était aussi un grand lecteur et un homme de culture. » ("Le Figaro" du 19 août 2023).
Beaucoup de responsables politiques et militaires ont rendu hommage à cette « figure impressionnante ». Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a été retrouvé sans vie ce vendredi 18 août 2023 dans la soirée, à quelques jours de ses 75 ans (né le 30 août 1948) sur une pente du Mont Valier (2 838 mètres d'altitude), dans les Pyrénées, située sur la commune de Bordes-Uchentein, dans l'Ariège. Il aurait fait une chute mortelle au cours d'une randonnée.
Cette triste découverte a été faite par le peloton de gendarmerie de haute-montagne qui avait été alerté par le refuge des Estagnous (2 246 mètres). Selon le parquet de Foix : « Le cadavre d'un homme (…) a été formellement identifié comme étant le général Georgelin (…). Les investigations permettent d'établir que son décès est consécutif à une chute importante lors de la descente, aux alentours de 20 heures, au niveau d'un passage rocheux particulièrement raide. ».
Général d'armée, c'est le grade le plus élevé de l'armée française, cinq étoiles, promu ainsi le 3 octobre 2006. Diplômé de Saint-Cyr en 1969, il faisait partie des militaires les plus importants de France, même s'il était à la retraite. Le Président Jacques Chirac l'a choisi comme son chef d'état-major particulier à l'Élysée, du 25 octobre 2002 au 4 octobre 2006, puis, comme c'est souvent le cas, le chef d'état-major des armées (numéro un) du 4 octobre 2006 au 24 mai 2010 (confirmé par le Président Nicolas Sarkozy). Il a dirigé les opérations extérieures de la France en particulier en Côte d'Ivoire, en Afghanistan, dans les Balkans et au Liban « pour garantir la paix, la défense de nos valeurs et l'équilibre international ».
Jean-Louis Georgelin a été chef adjoint du cabinet militaire à Matignon de 1994 à 1997 (sous Édouard Balladur et Alain Juppé) ; c'était Michel Debré en 1959 qui avait voulu un cabinet militaire pour le Premier Ministre qui, selon l'article 20 de la Constitution, « dispose de la force armée » et, selon l'article 21, « est responsable de la défense nationale » : « Je n’ai pas eu le sentiment d’avoir un rôle exceptionnel, mais j’y ai tout appris sur la manière dont l’État fonctionne, et cela m’a été puissamment utile dans tout le reste de ma carrière. (…) Au cabinet militaire, j’ai beaucoup observé la vie politique et j’ai vu qui détenait quel pouvoir. C’était, de plus, une période intéressante : quand je suis arrivé, en 1994, Édouard Balladur était Premier Ministre. À l’époque, personne ne doutait qu’il deviendrait président, mais j’ai pu assister au fiasco de la "Balladurie", puis à celui des législatives de 1997. En tant que militaire, je n’avais pas de jugement à porter sur le sujet, mais j’ai observé de près tout ce remue-ménage. Autre avantage de ma fonction : elle m’a permis de commencer à connaître un certain nombre de personnes que j’ai retrouvées tout au long de ma carrière. », s'est-il confié en été 2021 à Maïna Marjany et Bernard El Ghoul pour le numéro 22 du magazine des Sciences Po "Émile".
Il y évoquait aussi sa collaboration avec Jacques Chirac : « J’ai tendance à dire que les quatre années que j’ai passées en tant que chef d’état-major particulier du Président de la République furent celles où j’ai été le plus "puissant". Pourquoi ? Parce qu’on construit une relation très forte avec le président. C’est la fonction de chef des armées qui est au cœur de la fonction présidentielle. Il n’y a aucune décision d’ordre militaire, aucun soldat qui ne soit déployé à l’étranger sans que le Président de la République ne l’ait voulu. Et puis, il est celui qui a entre les mains la dissuasion nucléaire et donc le destin du pays. D’où le rôle tout à fait fondamental du chef d’état-major particulier, qui doit être l’interlocuteur du Président dans tous les aspects de la défense : à la fois militaires, mais aussi techniques, juridiques, économiques, financiers et industriels. (…) L’un des grands enjeux est la préparation des décisions futures, qu’il est nécessaire d’anticiper ; quand il faut changer un sous-marin nucléaire, la décision est prise 30 ans avant ! On est dans un rapport au temps différent de celui qui prévaut dans la politique classique. Dès mon passage à Matignon, j’avais compris l’importance stratégique, pour les armées, de la fonction de chef d’état-major particulier. C’est une chose capitale dont les militaires n’ont pas toujours conscience : avoir un officier général auprès du chef de l’État, c’est un atout majeur. Quand le trio Président de la République, chef d’état-major des armées et chef d’état-major particulier fonctionne bien, c’est une chance pour les armées. (…) Sous Giscard, l’usage s’est établi selon lequel le chef d’état-major particulier devient ensuite chef d’état-major des armées. C’était un atout considérable. Pourquoi ? Parce qu’on nommait chef d’état-major des armées une personne qui était rompue au fonctionnement de l’État, aux codes et aux usages de ce monde-là. Il ne faut pas être inhibé, il faut savoir ce qu’est un ministre, un directeur de cabinet, un inspecteur des finances, la Cour des Comptes, le Conseil d’État, une commission parlementaire, etc. En somme, avoir une vision personnelle du fonctionnement de l’État au plus haut niveau pour ne pas se laisser impressionner inutilement. Sinon, au premier conseiller d’État qui passe, vous rendez les armes ! ».
Enfin, dans cette même interview, il rappelait un invariant majeur : « On ne peut pas être militaire sans avoir l’esprit de sacrifice. Le soldat est celui qui est prêt à se faire tuer pour son pays et qui tue au nom de l’État ; il a dans ses mains la violence d’État. C’est également un domaine dans lequel la formation et l’entraînement exigent le goût du risque avec ce que cela comporte de mise en danger, ce qui est peu compatible avec le principe de précaution poussé à l’extrême que l’on observe aujourd’hui dans notre société. ».
Le général Jean-Louis Georgelin a été ensuite nommé grand chancelier de la Légion d'honneur du 9 juin 2010 au 1er septembre 2016. C'est à ce titre, comme le rappelle Wikipédia, qu'il a remis le grand collier de la Légion d'honneur à François Hollande, au début de sa cérémonie d'investiture le 15 mai 2012, pour lui donner la qualité de grand maître de la Légion d'honneur. À la fin de sa carrière, il avait reçu beaucoup de décorations, notamment : grand-croix de la Légion d'honneur le 12 avril 2010, grand-croix de l'ordre national du Mérite, commandeur de l'ordre des Palmes académiques et commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres.
En 2016, à l'âge de 68 ans, libre de toute responsabilité, Jean-Louis Georgelin restait candidat à d'autres fonctions pour être encore utile à son pays, la France. Parallèlement, la foi catholique chevillée au corps, l'officier était devenu (presque) moine chez les bénédictins.
Sa foi et sa carrière ont reçu alors une consécration par le Président Emmanuel Macron qui l'a nommé en conseil des ministres le 17 avril 2019 représentant spécial du Président de la République « afin de veiller à l'avancement des procédures et des travaux qui seront engagés », deux jours après le terrible incendie qui a détruit la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ainsi, il a été nommé le 2 décembre 2019 président de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, avec la mission très ambitieuse de rouvrir la cathédrale pour les offices et pour les visites dans les cinq années : « On ne peut pas perdre Notre-Dame, c'est l'âme de la France ! ». La date de réouverture a été fixée au 8 décembre 2024 et malheureusement, Jean-Louis Georgelin n'assistera pas à cet événement.
Pendant quatre ans, il n'a pas relâché ses efforts pour rendre cet exploit possible. Après une phase de diagnostic, l'un des enjeux était la reconstruction de la flèche de la cathédrale, tant dans sa conception (à l'identique ou novatrice ?) que dans sa réalisation. Il avait assisté à Briey, au nord de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, le 21 juillet 2023, à la première répétition de l'assemblage du premier étage de la flèche et s'était montré optimiste : « À la fin de l'année, nous verrons la flèche dans le ciel de Paris ! ».
Sur Twitter, Emmanuel Macron a ainsi salué « le maître d'œuvre de [la] renaissance [de Notre-Dame] » et lui a rendu hommage : « Pour qui le connaissait, sa disparition en montagne est à l’image d’une vie tournée vers les cimes, toujours. (…) Partout, il laissait l’image d’un homme de devoir, unanimement respecté pour sa droiture sans concessions ni calcul d’intérêts, pour sa radicale liberté. (…) Cette force imposante cachait une sensibilité et une culture d’une finesse hors norme. ». De son côté, le nouvel archevêque de Paris (depuis le 26 avril 2022), Mgr Laurent Ulrich, a annoncé que la messe de ce dimanche 20 août 2023 en l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris serait célébrée à la mémoire du général : « La France et l'Église perdent aujourd'hui l'un de leurs plus dévoués serviteurs. ». Il est des verticalités fatales...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (19 août 2023)
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Pour aller plus loin :
Jean-Louis Georgelin.
Frédéric Veaux.
Pierre Loti.
Léon Gautier.
Lazare Ponticelli.
Le 8 mai, l'émotion et la politique.
Chasseur alpin, courageux jusqu’au bout de la vie.
Les joyeux drilles de l’escadrille.
Le maréchal Ferdinand Foch.
Le colonel Arnaud Beltrame.
Beyrouth, il y a trente-cinq ans.
L’amiral François Flohic.
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Le Colonel de La Rocque.
Le colonel Émile Driant.
Être patriote.
L’appel du 18 juin.
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