« L’ensemble de la gauche progresse sensiblement en sièges, avec un solde positif d’au moins 9 sièges. Cette progression s’effectue pour l’essentiel au profit des écologistes (+5). » (Pierre Martin, politologue grenoblois, Telos le 29 septembre 2023).
Comme souvent dans des élections multiples, il est très compliqué de dresser des tendances générales alors que des considérations locales et aussi personnelles sont prégnantes. Néanmoins, on peut écrire que le Sénat renouvelé de moitié lors des élections sénatoriales du 24 septembre 2023 est un peu plus à gauche et un peu plus écologiste, mais à peine. C'était prévisible et attendu après la forte progression des écolos bobos dans les grandes agglomérations aux élections municipales de 2020.
Il est encore difficile de donner la composition exacte des différents groupes politiques (il y en a huit) parce que beaucoup d'élus se sont présentés devant leurs grands électeurs comme des divers droite, divers centre ou divers gauche, ou encore, des élus d'outre-mer choisissent leur groupe de manière parfois singulière (les indépendantistes vont chez les communistes, par exemple).
Les socialistes (présidés par l'ancien ministre Patrice Kanner réélu) devrait progresser légèrement, tandis que les écologistes (présidés par Guillaume Gontard réélu) devrait bondir de 12 à 17 sièges. Parmi les nouveaux élus EELV, une jeune femme, Mathilde Ollivier, née le 9 juin 1994, donc elle a 29 ans, elle est la plus jeune élue de ce scrutin, aussi la benjamine du Sénat. Elle est plus jeune de quelques mois que le socialiste Rémi Cardon, mais elle n'est pas la plus jeune élue de l'histoire puisque ce dernier, qui garde le record de jeunesse, a été élu il y a trois ans, donc à 26 ans, et encore auparavant, David Rachline avait aussi obtenu un siège à 26 ans dans le Var. Le groupe communiste (qui change de présidente, Éliane Assassi ne s'étant pas représentée, est remplacée par Cécile Cukierman réélue) a aussi obtenu un ou deux sièges supplémentaires.
Au centre droit, le groupe Les Républicains (présidé par Bruno Retailleau) a perdu quelques sièges mais garde son hégémonie sur la haute assemblée et son allié aussi, l'Union centriste (présidée par Hervé Marseille réélu) dont les effectifs se sont légèrement effrités.
L'intéressant est dans les divers centre et surtout, les divers de la majorité présidentielle qui se répartissent dans plusieurs groupes. Il y a le groupe de Renaissance, appelé RDPI, présidé par François Patriat, qui a perdu quelques sièges, mais le solde de la majorité est positif grâce aux bons scores des candidats de Horizons qui vont dans le groupe présidé par Claude Malhuret (LIRT). Il faut dire que le parti de l'ancien Premier Ministre, très populaire, Édouard Philippe est principalement structuré par des maires, et il était donc normal qu'il fît un bon score aux sénatoriales dont 95% des grands électeurs proviennent des municipalités. Le MoDem a gagné en sièges (le MoDem siège à l'Union centriste) et l'ancienne ministre radicale de gauche Annick Girardin a été élue à Saint-Pierre-et-Miquelon et siège, comme tous les radicaux, au groupe RDSE (ancienne Gauche démocratique). On voit que les partis de la majorité restent ultra-minoritaires au Sénat, mais ils font bon compagnonnage avec la majorité sénatoriale.
De plus, il est logique qu'un nouveau parti mette beaucoup de temps à s'imposer au Sénat, les gaullistes ont mis quarante ans pour avoir l'un des leurs au plateau, Christian Poncelet, et pour Renaissance, ça risque d'être plus long encore vu l'absence récurrente d'implantation locale. À noter également l'échec étonnant de la seule ministre candidate à ces élections, Sonia Backès, Secrétaire d'État chargée de la citoyenneté, dont l'échec en Nouvelle-Calédonie a surpris, elle aurait dû être élue au second tour si on se fiait aux rapports de force, et pour la première fois, un candidat indépendantiste a été élu. Elle a donné sa démission du gouvernement le 27 septembre 2023. Une autre mauvaise surprise pour Renaissance est l'échec de l'ancien ministre rocardien Alain Richard qui se représentait dans le Val-d'Oise (par erreur, j'avais affirmé qu'il ne se représentait pas) et qui a été battu.
Quant aux extrêmes, que le scrutin n'avantage pas, il y a aussi des surprises. Les mélenchonistes font rarement plus de 3% dans quasiment tous les départements, ils ont fait des listes isolées face aux listes de gauche unifiée. Ce n'était pas une surprise, en revanche, le RN a réussi à gagner 3 sièges en réussissant à dépasser les 10% des voix dans trois départements peuplés (Nord, Pas-de-Calais et Seine-et-Marne). Ce qui est instructif, c'est que le RN avait perdu du terrain aux élections municipales de 2020 et donc, au contraire des écologistes, les sièges gagnés ne s'expliquent pas par les élections municipales, mais simplement par des digues qui ont sauté auprès des élus ruraux souvent apolitiques qui ont voté pour le RN plus volontiers que dans les scrutins précédents. Cela marque une nouvelle étape du RN tant dans son implantation locale que dans la respectabilité politique qu'il inspire. Rappelons qu'en 2014, le RN avait étonné la classe politique avec l'élection de 2 sénateurs. Quant à l'unique sénateur zemmourien, Sébastien Meurant (ex-LR), il a été battu car il n'a pas réussi à convaincre ses grands électeurs de son virage à Reconquête.
Un petit mot de la situation de la droite parisienne : LR profondément divisé, c'est la liste soutenue par Rachida Dati qui a gagné la préférence des grands électeurs. Pierre Charon, sénateur sortant sarkoziste, a été ainsi battu. Dans la majorité, Julien Bargeton, qui avait des vues sur la mairie de Paris, a lui aussi été battu, tandis que la gauche s'est profondément renouvelée (au profit de personnalités nationales).
En termes de partis répertoriés par le Ministère de l'Intérieur, ce qui ne préjuge pas de la répartition entre les groupes politiques, les 170 sièges renouvelables sont désormais occupés par 47 LR, 33 PS, 16 divers droite, 13 UDI, 12 divers centre, 11 PCF, 10 divers gauche, 7 EELV, 7 Horizons, 4 Renaissance, 3 RN, 3 radicaux de gauche et 1 régionaliste (soit un total de 167).
Parmi les sénateurs réélus, on peut citer : Gérard Larcher, Philippe Bas, Marc-Philippe Daubresse, Vincent Delahaye, Laure Darcos, Patrick Kanner, Jean-Marie Vanlerenberghe, Guillaume Gontard, Cécile Cukierman, Michel Savin, Ronan Dantec, Joël Guerriau, Jean-François Husson, Olivier Henno, Vincent Capo-Canellas, Muriel Jourda, Béatrice Gosselin, Jean-Raymond Hugonet, Édouard Courtial, Nathalie Goulet, Laurence Rossignol, Bernard Jomier, Rémi Féraud, Marie-Pierre de La Gontrie, Vincent Éblé, Jocelyne Guidez, Roger Karoutchi, Hervé Marseille, Xavier Iacovelli, Fabien Gay, Lauren Lafon, Rachid Temal, Victorin Lurel, Hélène Conway-Mouret.
Et parmi les sénateurs élus : Annick Girardin, David Ros, Olivier Bitz, Francis Szpiner, Yannick Jadot, Ian Brossat, Louis Vogel, Marie-Do Aeschlimann, Isabelle Florennes, Annick Girardin, Mathilde Ollivier, Christopher Szczurek.
Parmi les sénateurs sortants battus : Alain Richard, Pierre Charon, Daphné Ract-Madoux, Julien Bargeton, Sébastien Meurant.
Parmi les candidats battus : Sonia Backès, Patrice Perrot (député Renaissance de la Nièvre).
Enfin, parmi les sénateurs qui ne se représentaient pas : Gérard Longuet, Valérie Létard, Jean-Pierre Sueur, André Vallini, Jean-Louis Masson, Éliane Assassi, David Assouline, Marie-Noëlle Lienemann, Pierre Laurent, Esther Benbassa, Céline Boulay-Espéronnier, Philippe Dominati.
Le Sénat ainsi renouvelé compte désormais 126 femmes (10 femmes en plus), soit 36,2% des 348 membres, ce qui est sans précédent dans l'histoire du Sénat, même s'il y a encore une grande marge de progression pour atteindre la parité arithmétique.
La prise de fonction des sénateurs élus le 24 septembre 2023 a lieu ce lundi 2 octobre 2023 avec comme premier exercice, l'élection du Président du Sénat pour trois ans. Dans les circonstances actuelles, avec une majorité sénatoriales d'au moins 190 sénateurs sur 378, Gérard Larcher, qui a été réélu dans les Yvelines, a tous les atouts pour rempiler jusqu'en 2026 au plateau, nom du lieu où il préside.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 septembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Sénatoriales 2023 (3) : les résultats.
Sénatoriales 2023 (2) : les enjeux.
Sénatoriales 2023 (1) : présentation.
Gérard Larcher réélu Président du Sénat en 2020.
Les élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
L’Assemblée Nationale en ordre de bataille pour la XVIe Législature.
Les élections législatives des 14 et 21 juin 2022.
L'élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230924-senatoriales-2023c.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/senatoriales-2023-3-les-resultats-250579
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/09/24/40052177.html
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