« Lutter contre le terrorisme, protéger les civils, donner un horizon politique : voilà le sens de l’initiative que je porte au Proche-Orient, pour la paix et la sécurité de tous. » (Emmanuel Macron, le 25 octobre 2023, au Caire).
Le Président de la République française Emmanuel Macron a rendu visite à Israël le mardi 24 octobre 2023 pour exprimer tout le soutien de la France après les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023. Le séjour dans la région a finalement duré deux jours, il s'est prolongé au mercredi 25 octobre 2023 pour rencontrer aussi des dirigeants arabes.
Parler du bilan d'une visite diplomatique est toujours difficile, parce qu'il y a des résultats à court terme et d'autres à long terme. Le résultat à court terme, cela aurait pu être la libération d'un ou plusieurs otages français. À ce jour, 9 Français ont été portés disparus depuis le 7 octobre 2023, et 35 autres ont perdu la vie dans ces crimes contre l'humanité commis par l'organisation terroriste.
Les abonnés à l'opposition systématique du pouvoir en France et du dénigrement permanent de leur propre pays, la France, diront que le bilan est nul, qu'Emmanuel Macron n'a eu aucun résultat, que sa visite n'a servi à rien, sinon à jouer un rôle sur la scène internationale. Ce discours, mille fois entendu bien avant Emmanuel Macron et dans d'autres circonstances, ils s'étaient préparés à le dire avant même qu'Emmanuel Macron ne quitte Paris pour le Proche-Orient. Ceux-là tentent de coincer la réalité dans leur moule qui n'est même plus idéologique mais nihiliste, car finalement, ces gens-là, d'un certain âge, sont plutôt dépressifs et le complotisme est une de leurs maladies récurrentes. Ils ne croient plus ni en l'avenir ni au génie humain et encore moins au génie français.
Alors, rappelons d'abord les trois objectifs de la venue au Proche-Orient d'Emmanuel Macron : le premier, c'était de marquer la pleine solidarité de la France avec Israël après les attaques du 7 octobre 2023 ; le deuxième, c'est de tout faire pour éviter une escalade dangereuse dans la région et réaffirmer l'importance de protéger les populations civiles ; enfin, le troisième est d'ouvrir une perspective politique en rassemblant la communauté internationale pour la sécurité d'Israël et pour la reprise d'un processus de paix.
Autant dire que si le premier objectif dépend uniquement du Président français, et Emmanuel Macron sait y faire dans la compassion et l'empathie, les deux autres objectifs sont plutôt très ambitieux voire missions impossibles. Avec un discours difficile à tenir car avec nuances : la reconnaissance du droit d'Israël à se défendre, mais aussi le ferme souhait que la riposte respecte le droit international, c'est-à-dire ne tue pas aveuglément des populations civiles. Selon les décomptes incertains du Hamas, plus de 7 000 civils auraient été tués à Gaza depuis le 7 octobre 2023 par les bombardements israéliens, dont près de 3 000 enfants. Et cela est inacceptable, pas moins que les victimes israéliennes du 7 octobre 2023.
Emmanuel Macron s'est d'abord rendu à Tel-Aviv où il a rencontré le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou. Il a rencontré aussi les chefs de l'opposition, temporairement en trêve politique pour la circonstance. Emmanuel Macron a rendu aussi visite aux familles des victimes et des otages du Hamas.
Au chef du gouvernement israélien, le Président français a déclaré notamment : « Les actes que vous avez subis dépassent tout entendement. Comme toutes les victimes du terrorisme, ces morts n'ont pas d'autre mobile que la haine pure. Le 11 janvier 2015, vous étiez avec nous, Monsieur le Premier Ministre, lorsque nous marchions dans les rues de Paris et que nous pleurions nos morts. Vous nous disiez la solidarité des Israéliens. Je vous apporte aujourd'hui l'émotion et la solidarité des Français. Nos deux pays sont liés par le même deuil. 30 ressortissants français [en fait, au moins 35] ont été assassinés par le Hamas. Et c'est pour mon pays l'attaque terroriste la plus meurtrière subie depuis 2016. C'est une page noire de notre propre histoire. Nous partageons aussi avec Israël une terrible épreuve, celle des otages. Plus de 200 Israéliens sont retenus [en fait, 224]. 9 Français le sont. C'est plus que nous n'en avions dans le monde entier jusqu'à présent. Et vous savez, nous savons, combien est insupportable pour un pays d’imaginer la captivité de certains de ses enfants. ».
Outre l'émotion et la solidarité, Emmanuel Macron a milité pour que la lutte contre le terrorisme que l'armée israélienne a engagée se fasse dans le respect des droits humanitaires et de la protection des civils. La lutte contre le terrorisme doit d'ailleurs être un objectif commun à toutes les nations.
En effet, l'une des sorties d'Emmanuel Macron a été de proposer une grande coalition internationale pour lutter contre le terrorisme du Hamas. Sur le modèle de la grande coalition contre Daech. Cette idée, originale mais farfelue, il faut bien le dire, était motivée par la considération suivante : si la communauté internationale laisse Israël seul dans la lutte contre le terrorisme, donc contre le Hamas, cela engendra un carnage dans la population palestinienne. Si au contraire, les pays arabes se décident eux aussi de lutter contre le Hamas, alors Israël aura besoin de moins réprimer, la lutte contre le terrorisme sera alors plus efficace et moins meurtrier.
Les mots exacts d'Emmanuel Macron sont les suivants : « Je suis aussi venu vous dire la solidarité de la France dans la lutte contre notre ennemi commun, le terrorisme ; rappeler devant tous le droit légitime d'Israël de se défendre face à ceux qui œuvrent à sa destruction. Cette cause est juste. Point final. Le Hamas est un groupe terroriste dont l'objectif même est la destruction de l'État d'Israël. C'est aussi le cas de Daech, d'Al Qaïda, de ceux qui leur sont associés dans l'action et dans l'intention. La priorité, votre priorité, mais aussi celle de toutes les démocraties et de la France, est avec vous de vaincre ces groupes terroristes. Nous qui avons été frappés si durement par ces mêmes groupes, voulons vous dire une chose simple : "vous n'êtes pas seuls". C'est pourquoi la France est prête à ce que la coalition internationale contre Daech, dans le cadre de laquelle nous sommes engagés pour notre opération en Irak et en Syrie, puisse lutter aussi contre le Hamas. Je propose à nos partenaires internationaux (…) que nous puissions bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous. Je pense que c'est l'intérêt d'Israël, de sa sécurité, celle aussi de plusieurs de vos voisins menacés par ces mêmes groupes ou des groupes voisins. La lutte doit être sans merci, mais pas sans règles, car nous sommes des démocraties qui luttons contre des terroristes ; des démocraties, donc qui respectent le droit de la guerre et assurent l'accès humanitaire, des démocraties qui ne prennent pas pour cible les civils, ni à Gaza, ni nulle part. Le respect des populations impose en l’occurrence de permettre l'accès de l'aide (…), de rétablir l'électricité pour les hôpitaux, pour les malades et les blessés, sans que cette électricité puisse être utilisée pour faire la guerre. Et nous allons bâtir des coopérations très concrètes sur ce sujet dans les tout prochains jours. ».
Benyamin Netanyahou pourrait voir d'un bon œil cette équivalence entre le Hamas et Daech, car il l'a faite, lui aussi, dans ses récentes déclarations, mais il est moins enclin, en revanche, à vouloir déléguer la sécurité d'Israël et la lutte contre le terrorisme à d'autres États, en particulier arabes. Évidemment, du côté arabe, cette proposition ne peut recueillir un intérêt même minime : les peuples arabes considèrent que le Hamas est un mouvement de résistance des Palestiniens, même le Président turc Erdogan l'a clairement signifié le 25 octobre 2023, et les dirigeants arabes restent vigilants et à l'écoute de la rue.
Daech qui voulait instituer un califat sur toute la région était un réel danger pour la plupart des pays arabes, tandis que le Hamas, au contraire, n'a rien de concurrentiel. Son but est négatif, la destruction d'Israël, il n'est pas la construction d'un semblant d'État. L'organisation terroriste est d'ailleurs manipulée par le Hezbollah (les massacres du 7 octobre ont été préparés à Beyrouth), donc par l'Iran.
Voyant que cette proposition n'avait rien de réaliste ni de raisonnable, Emmanuel Macron l'a rapidement oubliée dans ses échanges ultérieurs. Et c'est tant mieux.
Emmanuel Macron est passé à Jérusalem, et a fait le voyage jusqu'à Ramallah pour y rencontrer le Président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Ce dernier, à 88 ans et demi, est un Président fantoche depuis le 15 janvier 2005. Il ne représente pas le peuple palestinien qui ne s'est plus prononcé démocratiquement depuis une quinzaine d'années. Emmanuel Macron pouvait-il éviter de le rencontrer ? Non, s'il veut garder un positionnement de médiateur.
Dans la rue, des Palestiniens ont manifesté leur hostilité à la venue d'Emmanuel Macron, son portrait a été brûlé (ce qui est assez stupide), mais ils ont probablement manifesté aussi contre Mahmoud Abbas qui ne représente plus rien sinon une sorte de statue du commandeur. Le vrai problème palestinien, c'est qu'il n'y a plus de personnalités solides et valables pour incarner la défense des intérêts des Palestiniens.
Emmanuel Macron a redit que la solution de paix passait par deux États, l'État d'Israël et l'État palestinien. C'est l'unique voie qui pourrait aboutir à une paix durable. C'est aussi la reprise du droit international. Cela signifie le démantèlement des colonies israéliennes en Cisjordanie. Cette existence d'un État palestinien est l'élément clef de toute stabilité : « La cause palestinienne, elle, doit être entendue avec raison. La stabilité de la région, le retour à la normalisation qui s'annonçait ne seront garantis que si la réponse d'Israël à la violence est évidemment sécuritaire et implacable face aux groupes terroristes, mais aussi politique en acceptant le droit légitime des Palestiniens à disposer d'un territoire et d'un État en paix et en sécurité aux côtés d'Israël, parce qu'il aura intégré l'existence et la sécurité d'Israël comme une condition première. La sécurité d'Israël, la lutte commune contre le terrorisme, le respect du droit humanitaire, l'ouverture d'un horizon politique, tous ces éléments sont indissociables. Il faut agir ici et maintenant en nous battant face au terrorisme et en offrant un espoir. ».
Le lendemain (25 octobre 2023), Emmanuel Macron s'est rendu à Amman où il a été reçu par le roi de Jordanie Abdallah II puis au Caire où il a rencontré le Président égyptien Al-Sissi. Cette reprise de contacts était un préalable avant toute amorce de reprise du processus de paix.
Lors de sa venue le 18 octobre 2023, le Président américain Joe Biden devait aussi rencontrer ces deux dirigeants arabes mais au lendemain de l'explosion d'un hôpital à Gaza (il a été établi qu'Israël n'en est pas à l'origine), ces dirigeants avaient annulé les rencontres à cause de la forte émotion populaire.
Alors, le voyage d'Emmanuel Macron au Proche-Orient a-t-il été utile ? Sur les otages, pour l'instant, aucun résultat direct (aucune libération). Mais sur deux points, cette visite aura été utile. Le premier point, c'est la décision de la France d'augmenter son aide humanitaire en faveur du peuple palestinien, notamment par la venue d'un navire, Tonnerre. La France a obtenu quelques garanties de la part d'Israël et aussi de l'Égypte pour permettre cette aide humanitaire. C'est sur le court terme, l'extrême court terme d'ailleurs, puisqu'il y a urgence pour la population palestinienne en danger.
Le second point, c'est le long terme. Emmanuel Macron est le premier (et le seul) dirigeant d'un pays ami d'Israël à avoir été reçu par des dirigeants arabes depuis le 7 octobre 2023. Or, il est indispensable de maintenir un lien de dialogue et d'échange entre les voisins directs d'Israël. Et surtout, il est indispensable que l'Europe s'investisse dans la reprise du processus de paix, comme elle l'avait fait pour les Accords d'Oslo. Le 23 octobre 2023, Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, a dit à l'Assemblée Nationale très justement : « Il est criminel de ne pas être au rendez-vous. L’Europe ne se relèverait pas d’être restée passive dans des circonstances aussi dramatiques. ».
La France a amorcé une dynamique diplomatique qu'il convient donc de saluer. Elle est fragile, instable, mais aussi prometteuse. L'Union Européenne est prête à aller dans ce sens et d'assurer un agenda. À la suite d'Emmanuel Macron, les dirigeants tchèque et autrichien sont venus à Tel-Aviv auprès de Benyamin Netanyahou. Il n'en sortira peut-être rien, comme plusieurs tentatives de résurrection des Accords d'Oslo depuis 1999, mais on aura au moins essayer.
Et puis, il y a un contexte grave : si Joe Biden a très sagement rappelé que son soutien indéfectible à l'État d'Israël ne pouvait s'exonérer de la protection des civils palestiniens, en tenant un discours équilibré sur le droit d'Israël à assurer sa sécurité mais aussi le droit du peuple palestinien à simplement vivre, la perspective d'une nouvelle élection de Donald Trump en novembre 2024 remettrait en cause toute la diplomatie américaine.
Donald Trump n'a jamais été équilibré dans sa politique au Proche-Orient. Il a rejeté les accords nucléaires avec l'Iran et il a installé l'ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem. Il est donc nécessaire qu'en cas de défaillance diplomatique des États-Unis, l'Europe puisse prendre le relais du même discours équilibré, celui qui pacifie et pas celui qui attise.
En ce sens, Emmanuel Macron a pris des marques pour l'histoire. Pas la sienne, qui serait dérisoire, mais celle du Proche-Orient qui a un besoin urgent de paix pour se développer et amorcer la prospérité. Un processus à l'européenne, après une guerre abominable, est en attente depuis trois quarts de siècle.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
Les Accords d'Oslo.
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Le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahou après sa nouvelle victoire.
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Benyamin Netanyahou III.
Yasser Arafat.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231025-macron-israel.html
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/quel-est-le-bilan-de-la-visite-d-251190
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/10/25/40085701.html
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