« Regardez son regard. Celui d’une femme iranienne, forte, courageuse, défiant la tyrannie là où le monde a détourné les yeux. Un regard que le régime de Téhéran a décidé d’éteindre, un matin, à l’heure de leur prière. Ils vont l’exécuter. (…) Sous la terreur, une autre voix s’éteint. Une autre flamme s’évanouit. Réveille-toi, monde. Ne laisse pas la bravoure mourir en silence. » (Maneli Mikhan, le 10 novembre 2024 sur Twitter).
C'est avec stupeur mais sans illusion que ce dimanche 10 novembre 2024, les avocats et la famille de Varisha Moradi ont appris qu'elle a été condamnée à la peine de mort par la quinzième chambre du tribunal islamique révolutionnaire de Téhéran et qu'un ordre d'exécution a été donné.
Le verdict a conclu un simulacre de procès qui s'est tenu en deux audiences le 16 juin 2024 et le 5 octobre 2024, au cours desquelles Varisha Moradi n'a pas pu exercer son droit à se défendre, ni ses avocats qui n'ont eu accès au dossier qu'à l'issue de la seconde audience pendant seulement quelques heures.
Opposante déterminée de la dictature des mollahs, Varisha Moradi, qui est par ailleurs une prisonnière politique kurde (les Kurdes iraniens sont pourchassés dans leur pays), a été condamnée à mort officiellement pour "insurrection armée" (ou "rébellion armée") [baghi]. Elle est membre de la Société des femmes libres du Kurdistan oriental (KJAR). Elle avait été arrêtée le 1er août 2023 à Sanandaj, la capitale la province iranienne du Kurdistan (qui compte 850 000 habitants), par les agents du Ministère du Renseignement.
Ce pseudo-procès a été mené par le président (depuis 2009) de cette chambre spéciale qui juge les affaires politiques les plus importantes, à savoir le tristement célèbre Abolqasem Salavati, connu pour utiliser la torture dans les instructions judiciaires afin d'obtenir les aveux des accusés, et pour les condamner à mort par dizaines (34 selon l'ONG "United for Iran"). Il a notamment condamné à mort et fait exécuter par pendaison Mohsen Shekari, une jeune personne de 23 ans qui aurait blessé un milicien en 2022 (le corps de Mohsen n'a jamais été rendu à la famille), il a aussi fait exécuter le 14 janvier 2023 le citoyen irano-britannique Alireza Akhbari malgré l'indignation de la communauté internationale.
Selon des juristes, la condamnation à mort de Varisha est en contradiction avec l'acte d'accusation qui a fait référence à l'article 288 du code pénal islamique, qui prévoit une peine maximale de quinze d'emprisonnement. Mais Abolgasem Salavati a justifié la condamnation à mort par l'article 287 qui prévoit la peine de mort aux personnes convaincues de résistance armée contre la République islamique. Ces arguties juridiques paraissent bien anecdotiques lorsque le pouvoir en place veut éliminer ses opposants. En Iran, l'État de droit n'est qu'une vue très théorique de l'esprit, voire très théocratique.
Enfermée à la prison d'Evin à Téhéran depuis le 14 août 2023, Varisha n'a plus le droit de revoir sa famille depuis le 6 mai 2024. Elle a fait une grève de la faim du 10 au 30 octobre 2024 pour protester contre la condamnation à mort et l'exécution d'autres prisonniers politiques en Iran et plus généralement dans le monde. En raison de son état de santé, elle a dû être hospitalisée une nuit à l'extérieur de la prison puis est retournée dans sa cellule au quartier d'isolement. Le 4 août 2024, Varisha avait déjà refusé de se présenter à l'audience de son procès pour protester contre la condamnation à mort prononcée contre Pakhshan Azizi et contre Sharifeh Mohammadi.
En octobre 2024, Varisha a réussi à faire parvenir un message à la Radio Zamaneh (station privée qui émet en persan pour l'Iran depuis Amsterdam) : « Ne laissez pas les guerres extérieures éclipser la répression interne. Ma grève de la faim s’inscrit dans cet effort. Nous ne permettrons à aucun prix que les voix des combattants intérieurs qui se sont courageusement levés soient noyées par le bruit des guerres et des aventures vaines. ».
Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) a fermement condamné la condamnation à mort de Varisha Moradi et a appelé à une réaction majeure de la communauté internationale pour réclamer vivement sa libération.
Oui, il faut sauver la soldate Varisha ! On peut croire que l'agitation médiatique est vaine face aux rouleaux-compresseurs des révolutionnaires islamiques, mais parfois, cela peut infléchir leurs décisions. Ainsi, après une vive protestation de la communauté internationale contre la condamnation à mort du chanteur populaire Toomaj Salehi le 24 avril 2024 pour "corruption sur Terre", le chanteur a vu sa peine annulée par la Cour suprême iranienne le 22 juin 2024 en attendant la révision de son procès. Cela signifie très clairement que la mobilisation internationale (notamment à Paris, Sidney, Toronto) a porté ses fruits et fait basculer certains juges dans le doute. Mobilisons-nous aussi pour sauver Varisha Moradi ! Elle est simplement accusée d'être Kurde et de vouloir être une femme libre. Toute action de soutien est donc la bienvenue et peut faire infléchir ces barbus misogynes.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (10 novembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Varisha Moradi.
Aïnaz Karimi.
Arezou Khavari.
Ahou Daryaei.
Ebrahim Raïssi.
Khosro Besharat.
Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
Alireza Akbari.
Mehran Karimi Nasseri.
Claude Malhuret contre la mollarchie.
Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
L'Iran de Bani Sadr.
De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
Incompréhensions américaines (1) et (2).
Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
Dennis Ross et les Iraniens.
Un émissaire français à Téhéran.
Gérard Araud.
Stanislas de Laboulaye.
Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241110-varisha-moradi.html
https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/il-faut-sauver-la-soldate-varisha-257637
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/12/article-sr-20241110-varisha-moradi.html
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