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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 08:30

Peut-on être à la fois au four et au moulin ? Dominique Strauss-Kahn va devoir s’accrocher s’il veut être porté par la vague élyséenne. Tout est encore permis, mais rien n’est évident pour lui.


yartiDSKaa14Les analystes politiques ne sont pas plus aptes que madame Soleil à prévoir l’avenir. Et pourtant…
 
 
Un directeur du FMI élu Président ?
 
Le directeur général du FMI a démissionné presque quatre ans après sa nomination à Washington. Docteur en science économique et diplômé de sciences politiques, il avait été auparavant Ministre de l’Économie dans son pays. Deux mois et demi après sa démission du FMI, il est élu Président de la République dès le premier tour avec 50,1% pour cinq ans. Il est réélu cinq années plus tard.
 
Non ! Ce n’est pas de la politique fiction. Il ne s’agit pas de Dominique Strauss-Kahn, l’actuel directeur général du FMI, mais de Horst Köhler, actuel Président de la République fédérale d’Allemagne élu le 23 mai 2004 pour cinq ans et réélu le 23 mai 2009, qui avait occupé le même poste quelques années avant DSK.
 
Ce clin d’œil montre que ce haut poste de l’économie mondiale (qui a rang de chef d’État) peut mener à tout, même à atteindre la plus haute magistrature de son pays (pour l’Allemagne à titre très honorifique).
 
Mais revenons à Dominique Strauss-Kahn et à sa possible candidature à l’élection présidentielle de 2012.
 
 
Des sondages élogieux
 
Depuis juillet 2009, le personnage jouit d’une très forte popularité auprès des Français et en début novembre 2009, on le donnait même gagnant dans un second tour face à Nicolas Sarkozy (les sondages dans leur intégralité sont téléchargeables ici et ).
 
On a beau critiquer ou aduler les sondages, ce sont eux qui rendent une candidature à l’Élysée "naturelle" ou pas. Et ce n’est pas récent. Jacques Chirac s’en servait déjà en avril 1974 pour soutenir la candidature de Valéry Giscard d’Estaing, constatant que Jacques Chaban-Delmas ne tenait pas la route dans sondages face à François Mitterrand. Pour la première fois depuis le début de la République, démentant d’éminents politologues (comme Alain Duhamel), la candidature de Ségolène Royal fut montée en mayonnaise par un effet médiatique persistant et des sondages qui tournaient en boucle.
 
Les médias étant ce qu’ils sont, ils voient donc aujourd’hui en Dominique Strauss-Kahn le seul adversaire sérieux de Nicolas Sarkozy. En fait, il aurait dû déjà l’être au printemps 2007 s’il l’avait… vraiment voulu.
 
 
Le trop plein
 
Retournons quelques mois en arrière. En 2007, François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, a tout fait pour retarder le congrès de sa succession. Il fallut attendre un an et demi et une querelle byzantine incroyable à Reims pour qu’il quittât la direction.
 
En 2007, Ségolène Royal croyait encore en ses chances pour 2012, se disant la seule socialiste de l’histoire à avoir recueilli le 6 mai 2007 autant de suffrages : 16 790 440 voix (sauf qu’avec la croissance démographique, c’était encore insuffisant pour battre Nicolas Sarkozy).
 
En 2008, l’année du congrès si prometteur, c’était celle de Bertrand Delanoë. Le maire de Paris avait pour ambition de diriger son parti pour le mener ensuite à l’élection présidentielle. Son échec au congrès de Reims a mis rapidement un terme à cette ambition.
 
Dans la balance, il ne reste donc plus que Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn. On pourrait évidemment imaginer une candidature de Martine Aubry qui, depuis quelques semaines, gagne des points dans les sondages (10% de plus que Ségolène Royal quand même), mais si elle sait rassembler sur sa gauche, elle aurait beaucoup de difficulté à communiquer sur son refus d’alliance avec le MoDem tout en ayant des adjoints MoDem à sa mairie de Lille. Et puis, un joker, François Hollande, qui croit malgré sa très faible notoriété qu’il serait l’homme providentiel du PS.
 
Laurent Fabius ? Il y a renoncé, je crois, assez clairement, admettant qu’il n’était actuellement plus en position d’être candidat, ce qui, de sa part, est une position honnête et lucide pas forcément facile à admettre. Et la nouvelle génération ? oui, mais qui ? Vincent Peillon, Manuel Valls, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Gérard Collomb… ou même Hubert Védrine si l'on tient compte des noms de domaine réservés sur Internet ? Là aussi, le trop plein fabrique le vide.
 
Dominique Strauss-Kahn va donc probablement, dans les mois qui vont venir, bénéficier d’une image très positive qui ne sera jamais altérée : ni par les régionales, ni par les aléas de la vie politique ordinaire. Il est au-dessus, ailleurs, absent tout en surplombant.
 
Il va faire l’homme providentiel incontournable. Raymond Barre à partir de 1984 qui devenait de plus en plus évident qu’il aurait été le seul à battre François Mitterrand en 1988. Jacques Delors en 1995, le seul à battre… Édouard Balladur. Ou encore ce Lionel Jospin de 2002, sûr de lui, de son bilan, de son intelligence, en avance dans les sondages sur son concurrent Jacques Chirac.
 
 
Attentisme contreproductif
 
yartiDSKaa41Oui, mais. Le problème de Dominique Strauss-Kahn, c’est que c’est un dilettante. Un dilettante politique dans les faits. Peut-être par peur de tuer, par fidélité à son parti, par absence de stratégie claire. Mais dilettante.
 
Dominique Strauss-Kahn était, dès 1997, le dauphin potentiel de Lionel Jospin, avec une rivale, Martine Aubry (désormais alliée depuis un an). Le probable Premier Ministre d’un Lionel Jospin Président en 2002. Son éviction du gouvernement le 2 novembre 1999 pour cause d’affaire MNEF a un peu terni l’héritier naturel.
 
Et à ce titre, Dominique Strauss-Kahn a été un excellent porte-parole dans les soirées électorales. Refusant toute abstention et choquée même de l’attitude de Lionel Jospin, il fit appel sur les plateaux de télévision dès le soir du 21 avril 2002 à voter Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen (rappelons que Lionel Jospin, prisonnier d’un ego vexé, s’est abstenu).
 
Mais il aurait dû aller plus loin, d’autant plus que Lionel Jospin avait annoncé clairement la couleur de son abandon. Dominique Strauss-Kahn aurait dû tout de suite relever le poing et annoncer qu’il voulait prendre la suite. Il y aurait eu parmi les éléphants beaucoup de bousculement, mais il les aurait pris de vitesse et aurait pu poursuivre avec la bataille des élections législatives de juin 2002 que François Hollande a donc dû mener. À l’époque, Ségolène Royal n’avait pas encore été "fabriquée". En revanche, les ambitions présidentielles de Nicolas Sarkozy étaient désormais très claires.
 
Cinq années pour préparer une candidature à l’Élysée, ce n’était pas de trop. Je rappelle quand même le nombre d’années qu’il a fallu à chaque Président de la République pour être élu à partir de l'expression publique de son ambition présidentielle :
- Charles De Gaulle : 12 ans (c’est un peu spécial, car collège électoral réduit).
- Georges Pompidou : 7 ans.
- Valéry Giscard d’Estaing : 12 ans.
- François Mitterrand : 16 ans.
- Jacques Chirac : 19 ans.
- Nicolas Sarkozy : 5 ans.
 
Le système politique français laisse peu de chance à des éventuels Barack Obama de venir en irruption dans le débat présidentiel.
 
En prenant date en 2002, Dominique Strauss-Kahn aurait pu construire une opposition solide sans problème de leadership. Il n’a pas osé. Il n’a peut-être pas voulu ? Il pensait que le succès était dans une guerre de lenteur. Que l’éléphant qui se déclarerait le premier allait perdre. Finalement, aucun éléphant ne partit et c’est Ségolène Royal qui gagna sans trop de suspens la primaire socialiste du 16 novembre 2006.
 
Dominique Strauss-Kahn avait pourtant rassemblé Michel Rocard, Lionel Jospin, Robert Badinter etc. mais n’était rien au regard des sondages. Et il avait osé se revendiquer ouvertement de la social-démocratie, rompant avec les dogmes de façade du socialisme français de l’époque Guy Mollet-François Mitterrand.
 
Au second tour du 6 mai 2007, nouvel échec des socialistes, là aussi Dominique Strauss-Kahn avait un beau discours sur les plateaux de télévision sur un PS à reconstruire. On avait même l’impression que cette fois-ci, débridé par l’échec de Ségolène Royal, il allait enfin donner de la voix. Finalement, non. Ni ce soir-là. Ni les mois qui suivirent. Car pendant ce temps, il se préparait à devenir le directeur général du Fonds monétaire international (nommé le 28 septembre 2007, en fonction le 1er novembre 2007 pour cinq ans).
 
 
Démocratie sociale et social-démocratie
 
Bien que d’origines "jospino-mitterrandistes", Dominique Strauss-Kahn reprend la tradition de la deuxième gauche, celle "moderne" de Michel Rocard et de Jacques Delors qui se veut réaliste et pas utopique.
 
Concrètement, son positionnement social-démocrate aurait dû être une aubaine pour la candidature centriste de François Bayrou. L’idée de ce dernier aurait été de faire éclater le PS et de récupérer la branche strauss-kahnienne.
 
Mais cette branche-là, en fait, depuis deux ans, n’existe plus vraiment. Ses amis sont partis dans des courants très différents, mais on peut penser que les sondages les aideraient à retrouver leur ancienne loyauté.
 
 
Et les électeurs dans tout ça ?
 
En quittant la scène nationale, il est peu probable que Dominique Strauss-Kahn puisse gagner une élection présidentielle. Car cette élection se gagne par la rencontre avec les électeurs. Jacques Chirac avait bien compris en 1994, à l’époque où l’on donnait Édouard Balladur élu presque dès le premier tour. Or, Dominique Strauss-Kahn, selon une remarque d’un journaliste, préférerait la fréquentation des chefs d’État et des grands patrons à la rencontre des ouvriers, des employés, des électeurs de son pays.
 
S’il est aussi haut dans les sondages, c’est surtout parce qu’il représente une position modérée, raisonnable, acceptable par beaucoup de monde, y compris des personnes qui ne sont pas dans le même "camp" que lui. Mais lorsqu’il s’agira de mettre le bulletin dans l’urne, l’expérience a montré que cette cohorte de sympathisants regagnent leur "camp" sans se préoccuper de la sympathie qu’ils peuvent avoir pour la personnalité. La forte popularité d’une Simone Veil et même d’un Raymond Barre n’a jamais pu se traduire en victoire électorale. Cette mésaventure aurait sans doute eu lieu en cas de candidature de Jacques Delors en 1995 (Lionel Jospin y avait finalement terminé en tête du premier tour alors qu’était sérieusement envisagé un duel au second tour entre Jacques Chirac et Édouard Balladur).
 
 
Une primaire retardée, le scénario catastrophe bis
 
Le principe d’une nouvelle primaire pour désigner le candidat socialiste de 2012 devient déterminant dans l’attitude de Dominique Strauss-Kahn. Il a tout intérêt à ce que la primaire se déroule le plus tard possible, c’est-à-dire comme pour la précédente, vers l’automne 2011. Son mandat au FMI aurait été largement entamé et sa démission ne serait pas synonyme d’abandon après quatre ans de mandat (comme Horst Köhler). Martine Aubry, première secrétaire du PS, a, elle aussi, tout intérêt à retarder le plus possible cette primaire afin de conserver sa fragile autorité au sein du PS. Seule Ségolène Royal aurait intérêt à organiser une primaire le plus tôt possible afin de mobiliser ses troupes de militants.
 
D’un point de vue tactique, Ségolène Royal a évidemment raison. La primaire de 2006 avait considérablement plombé les soutiens de la candidates socialistes qui ne lui étaient pas favorables initialement (tout le monde n’est pas Barack Obama qui a réussi à rassembler les électeurs d’Hillary Clinton).
 
Pour devenir un candidat crédible et reconnu par les siens, il aurait fallu organiser cette primaire dès 2008, au même moment que le congrès de Reims, or, tous les responsables socialistes étaient d’accord au contraire sur ce seul point : ne pas désigner le futur candidat. 2012 risque donc de renouveler 2007 de façon assez prévisible.
 
Ni Nicolas Sarkozy ni François Bayrou n’ont cet handicap de légitimité à se présenter. Et à être reconnus comme candidats "naturels". Ni Ségolène Royal bien sûr.
 
 
Que manque-t-il à Dominique Strauss-Kahn ?
 
Si sa crédibilité politique et sa crédibilité économique ne sont pas en cause, la question de la crédibilité électorale de Dominique Strauss-Kahn reste entière. Comment bâtir un mouvement électoral suffisamment puissant dans chaque commune, dans chaque canton si le candidat est en permanence à l’étranger ?
 
Il aurait à répondre à ce slogan relativement destructeur : "candidat de l’étranger" ou à se justifier de son opposition à Nicolas Sarkozy dont les relations restent équivoques (des rumeurs en faisaient même son Premier Ministre en 2009).
 
Il va devoir ménager la chèvre (ses fonctions actuelles) et le chou (une hypothétique élection à l’Élysée).
 
En refusant de se consacrer totalement à sa candidature à l’élection présidentielle, Dominique Strauss-Kahn, comme il en a maintenant l’habitude, risquerait d’hypothéquer ses dernières chances pourtant réelles (il aura 63 ans le 25 avril 2012).
 
 
Une perspective de candidature somme toute peu envisageable
 
Le scénario de sa candidature paraît donc bien compromis en raison du double saut d’obstacles : la primaire socialiste et l’élection elle-même. Pourrait-il ne pas démissionner du FMI en étant candidat à la primaire ? Et s’il démissionnait du FMI et qu’il perdait la primaire, il aurait "tout" perdu ? Pourrait-il être candidat sans diriger son parti, ce qui avait été le grand handicap de Ségolène Royal en 2007 ?
 
Il serait en fait tenté d’imaginer le scénario des Verts de 2002 (Alain Lipietz désigné en primaire puis y renonçant au profit de Noël Mamère). Ne pas participer à la primaire, favoriser alors la candidature-cheval de Troie de Martine Aubry et meilleur dans les sondages, la remplacer dans les derniers mois de la campagne.
 
Ce scénario de candidature "servie sur plateau d’argent" aurait l’avantage de rester au FMI et de ne prendre aucun risque ni personnel ni politique, mais c’est sans doute ne pas comprendre qu’une fois le candidat du PS choisi et investi par la base, celui-ci serait convaincu qu’il serait le meilleur (puisqu’il aurait gagné la primaire), et c’est pourquoi en 2007, Ségolène Royal n’avait aucune raison de céder le pas à un Michel Rocard tellement hors du temps que sa proposition était peut-être à comprendre dans un répertoire comique.
 
L’autre scénario, sans doute le plus dangereux pour Nicolas Sarkozy, ce serait que François Bayrou et Dominique Strauss-Kahn se mettent d’accord avant le premier tour pour présenter un projet politique commun, l’un candidat à l’Élysée, l’autre à Matignon. Mais seraient-ils capables de s’entendre ? et qui devrait quitter son parti d’origine ?
 
 
DSK delenda est
 
Dans cette perspective, même si elle a actuellement des sondages plutôt médiocres, Ségolène Royal a sans problème sa crédibilité de candidate (elle l’a été et a fait un score loin d’être ridicule en comparaison avec le Lionel Jospin de 2002), ce qui est un avantage sur ses concurrents socialistes.
 
Et le Président de la République Nicolas Sarkozy pourrait alors envisager sa possible réélection avec une assez grande sérénité.
 
À moins que…
 
 
 
Sylvain Rakotoarison (22 décembre 2009)
 
 
Pour aller plus loin :
 
 
 
 
 
 
 
yartiDSKaa09
 
 
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