Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 15:08

Avec ses singes vaccinés et son ami d’ami, l’humoriste a réussi à faire mieux que faire rire, il a fait peur. Dix mois après avoir suscité la colère.



_yartisingeguillon01.jpgDepuis sa sortie  dans sa chronique du 17 février 2009 sur la vie privée de Dominique Strauss-Kahn et les protestations de ce dernier, Stéphane Guillon a atteint les sommets de la notoriété. Humoriste de radio (il sévit le matin sur France Inter juste avant l’interview de l’invité de Nicolas Demorand), Stéphane Guillon est avant tout un saltimbanque qui fait de la scène. Son humour est parfois caustique, fumeux, provoquant, d’un goût douteux, mais c’est un peu l’exercice de style qui veut cela même si parfois, les blagues s’enferment dans une sorte de narcissisme très égocentré. L’indépendance de Radio France avait à l’époque tangué mais l’humoriste était confirmé l’année suivante malgré le changement de présidence.
 
Bref, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il est toujours sain que des fous du roi existent même en République.
 
Apparemment, une seconde chronique risque de consolider sa notoriété sur Internet, et donc, son autonomie par rapport à sa station de radio. Depuis son petit speech du 8 décembre 2009, la rumeur court que des singes vaccinés contre le virus de la grippe A (H1N1) 2009 seraient morts au bout de quatre mois.
 
 
Stéphane Guillon, expert en pharmacovigilance
 
Certaines personnes sur Internet ont repris une partie de la chronique de Stéphane Guillon dans un but précis d’alarmisme contre le vaccin : « J’ai un ami qui possède un laboratoire de recherche aux États-Unis. Je tiens l’histoire de lui, Éric, elle est véridique. Tous les singes qu’il a fait vacciner en août sont morts quatre mois plus tard. Tous. ».
 
L’aparté « elle est véridique » semble avoir apporté à ces phrases son pesant de crédibilité pour ne pas dire de cacahuètes.
 
Puis, sous prétexte que sa chronique était restée indisponible pendant quelques heures sur le site de Radio France (probablement pour des raisons techniques), certains imaginèrent que non seulement Stéphane Guillon avait donné une information capitale sur le vaccin contre la grippe A mais en plus, il était courageux, car le seul à avoir eu l’audace de le dire, d’aller contre la prétendue "omerta" des médias, et finalement, censuré par son employeur (on s’étonne encore aujourd’hui de pouvoir écouter la chronique chez Dailymotion et Youtube malgré cette "censure").
 
La côte de popularité de l’humoriste, par conséquent, a dû monter aussi haut que sa courbe de notoriété. Le seul courageux qui dit enfin la vérité mais qu’on veut réduire au silence. J’imagine l’humoriste en train de se marrer de telles réactions.
 
 
Prenons d’abord la "pseudo-information"
 
Analysons les éléments avant même de la replacer dans le contexte humoristique.
 
L’imprécision totale (le nom de l’ami ? le lieu exact aux États-Unis ? nom du laboratoire ? nom précis de l’espèce de ces singes ? le type de vaccin ? contre quel virus ? de quoi les singes sont-ils morts, insuffisance respiratoire, crise cardiaque… ? etc.) discrédite facilement une telle assertion. Une information, ce sont des faits vérifiables, donc précis en unité de temps, de lieu et de circonstances : qui, quoi, quand, où, comment…
 
De plus, en général, on ne "possède" pas un labo de recherche, on est d’abord scientifique, médecin, biologiste etc. et par ce métier, on occupe certaines fonctions, on enseigne, on dirige un labo, une équipe, un organisme de veille sanitaire etc.
 
Le fait que ce soit aux États-Unis réduit d’ailleurs l’intérêt puisqu’à ma connaissance, les Américains n’utilisent pas le même type de vaccins qu’en France.
 
Enfin, vaccinés ou pas vaccinés, les gens mourront tous d’une manière ou d’une autre et ce n’est donc pas une mort qui a lieu après une vaccination qui est l’information intéressante, c’est le lien prouvé de causalité entre la vaccination et la mort (lien par ailleurs bien difficile à établir de façon certaine).
 
 
Contexte de la chronique
 
On oublie un peu vite d’écouter le début et la suite de cette rumeur qui ont encadré ces trois phrases sur les singes.
 
Début du passage : « Je voudrais terminer sur une bonne nouvelle, quelque chose qui devrait apaiser nos auditeurs vaccinés et conforter les autres. ».
 
Ensuite, les phrases déjà citées, puis la fin du passage : « Alors, d’un côté, c’est vrai que c’est une info un peu anxiogène, je vous l’accorde ; de l’autre, et c’est pour ça que j’ai parlé de bonne nouvelle, quatre mois, ça vous laisse jusqu’en avril pour mettre vos affaires en ordre. On sait qu’on passe un Noël tranquille, sans complication. C’est déjà pas si mal. ».
 
En fait, Stéphane Guillon se moquait bien sûr de toutes les rumeurs qui sont colportées depuis plusieurs mois sur Internet à propos du vaccin contre la grippe A et s’est amusé justement en inventant une histoire complètement abracadabrantesque. Il ne devait pas penser qu’autant de crédules, qui se disent pourtant incrédules vis-à-vis de l’information des institutions médicales officielles, le prendraient au pied de ses mots.
 
Il est sûr que l’expérience, la formation, les réseaux, toute la trajectoire personnelle de Stéphane Guillon lui apportent toute autorité en matière d’informations médicales extrêmement pointues.
 
Pour s’en convaincre, il suffit aussi de lire sa chronique dans "Libération" du 28 novembre 2009 où il raconte sa semaine : « Mercredi [donc le 25 novembre]. Folle journée ! Ma chronique ce matin à France Inter. Les activités des enfants, mon papier à écrire pour Canal + et un spectacle ce soir au théâtre de Colombes. Donc rien pour Libération. Dîner chez des amis après le spectacle, ambiance chaleureuse, discussion enflammée… "Quelqu’un a un ami qui connaît un ami qui tient un laboratoire, tous les singes vaccinés en août dernier contre la grippe A sont morts". Ma femme et moi sommes très surpris, nous répondons que parmi tous les singes que nous fréquentons assidûment, aucun n’est mort suite au vaccin. ».
 
Bref, cette petite histoire de singes n’est pas nouvelle, il l’avait déjà inventée dix jours avant avec une petite différence, ce n’est pas un "ami", mais une relation qui connaît un ami du patron du labo, soit, en gros, tout pour apporter l’imprécision classique des rumeurs fondées sur du vide ("je connais le voisin du cousin d’un ami qui…"). Il a repris le 8 décembre 2009 son histoire de singe en la modifiant un peu... uniquement parce que la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot était l’invitée du jour.
 
 
Vous avez dit humour ?
 
Toujours pour confirmer que ce n’est que de l’humour (j’ai l’impression de marteler une évidence pourtant palpable), Stéphane Guillon s’était aussi amusé le même jour à dire qu’il venait de croiser Roselyne Bachelot et que son visage était paralysé à cause du vaccin.
 
Ses mots exacts sont retranscrits ici :
 
« Je m’attendais à accueillir la Roselyne qu’on connaît, bonne vivante, gouailleuse en veste fuchsia et rouge à lèvres assorti… Eh bien, pas du tout. Je n’avais encore jamais vu de près une personne vaccinée avec tous les effets secondaires qui vont avec. C’est terrible. En la voyant débarquer il y a cinq minutes à peine, je me suis dégonflé. On se demande souvent si j’ai des limites. Eh bien oui, je refuse d’attaquer Roselyne dans l’état où elle se trouve. Ces derniers temps, beaucoup de gens se sont moqués de ses mimiques, de ses roulements d’yeux. C’est vrai que lorsqu’elle annonce des morts, on a le sentiment qu’elle vient d’enterrer elle-même les corps. On dénonçait une dramaturgie excessive. La vérité est plus cruelle. Quand Bachelot essaie de bouger son visage paralysé suite aux effets du vaccin, les ordres envoyés par son cerveau font rouler ses yeux, d’où ce sentiment d’assister à un mauvais film muet des années 20. En tout cas, il existe une paralysie du faciès certaine. On navigue entre Sylvester Stallone et la momie de Lénine. Toutes les femmes qui se ruinent en injection de botox, faites-vous vacciner contre la grippe A ! ça paraît bien plus efficace. Depuis l’arrivée de Roselyne dans les couloirs, la gène est palpable. Tout le monde regarde ses chaussures. Deux techniciens qui passaient par hasard ont voulu faire une promesse de don. Il a fallu toute la dextérité de Thomas Legrand [chroniqueur politique sur France Inter] pour leur dire : "Non non, les gars, c’est pas le Téléthon, c’est madame Bachelot. Rangez vos chéquiers.". Le plus triste dans tout cela, c’est qu’on sent que Roselyne ne profite pas de son succès. (…) Elle ne profite pas, elle est totalement Guillain-Barré. ».
 
Faut-il préciser que Roselyne Bachelot n’a pas semblé utile de publier un démenti ?
 
 
Alors, à qui ce petit jeu profite-t-il ?
 
D’abord à l’humoriste qui a tout intérêt à laisser la rumeur s’enfler. Il sait bien qu’on ne pourra pas l’accuser de divulgation de fausse information, il n’est pas journaliste et est censé faire rire tous les jours. S'il est cru, c'est donc qu'il a bien réussi sa chronique, c'est du boulot donc bien fait. 
 
On ne peut pas vraiment parler de mensonges quand on est dans le registre de la plaisanterie. Ainsi, même la caisse de champagne supposée offerte à lui par Frédéric Schlesinger (directeur de France Inter à l'époque de sa chronique sur DSK) est fausse malgré ses affirmations sur Canal +.
 
En revanche, il y a beaucoup de perdants, et en premier lieu les personnes inquiètes et soucieuses d’informations médicales précises, exactes et sérieuses. Et ceux qui n'ont pas le sens de l'humour.
 
 
Vous avez dit "crédule" ?
 
La morale, car il y en a une, c’est que les personnes soi-disant indépendantes, capables de mieux comprendre la médecine que les plus hauts spécialistes d’épidémiologie, préoccupées (avec raison) par leur libre arbitre, incrédules vis-à-vis de la communication institutionnelle qui est sans doute loin d’être parfaite, tombent comme des enfants dans le panneau le plus simpliste d’une blague de potache qui, tellement grosse, ne cherchait même pas à tromper son auditoire (heureusement, tous les journalistes l’ont compris comme tel).
 
En résumé, les incrédules sont bien plus crédules qu’ils ne voudraient le faire croire, tout simplement par un besoin évident de chercher le moindre petit élément qui pourrait confirmer leurs sentiments à l’égard du vaccin contre la grippe A sans être capables d’avoir le recul nécessaire pour analyser la pertinence de ce même élément.
 
 
Dans un autre article sur le sujet, j’évoquerai cette fameuse "décharge" dont on parle tant à propos du vaccin contre la grippe A.
 
 
 
Sylvain Rakotoarison (18 décembre 2009)
 
 
Pour aller plus loin :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
_yartisingeguillon46.jpg


 





Partager cet article
Repost0

commentaires

I
<br /> <br /> salut<br /> un article vraiment sympa dans un blog sympa...Comme d'hab...<br /> bonne soirée..<br /> <br /> <br /> <br /> Lorent<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre


 




Petites statistiques
à titre informatif uniquement.

Du 07 février 2007
au 07 février 2012.


3 476 articles publiés.

Pages vues : 836 623 (total).
Visiteurs uniques : 452 415 (total).

Journée record : 17 mai 2011
(15 372 pages vues).

Mois record : juin 2007
(89 964 pages vues).