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9 novembre 2010 2 09 /11 /novembre /2010 02:16

Il y a quarante ans, le "chêne" est tombé. 2010 est une année De Gaulle : sa naissance, son appel du 18 juin et sa disparition sont l’occasion de commémorations. Que reste-t-il du gaullisme aujourd’hui ? Seconde partie.

 

yarti40DeGaulle06Dans la première partie, j’ai évoqué le gaullisme tel qu’il s’est traduit dans l’organisation des partis politiques depuis quarante ans.

Je vais tenter en seconde partie d’imaginer, plutôt qu’un programme politique qui dépendrait des circonstances historiques précises (ce qui signifie par exemple que reprendre le programme politique du Conseil national de la Résistance n’a pas beaucoup d’intérêt en 2010, soit soixante-cinq ans plus tard), les valeurs qui peuvent définir le gaullisme dans le comportement politique.


Post-gaullisme de valeurs : critères à usage actuel

J’en ai répertorié sept et ce ne sont que des suggestions personnelles que je livre ici sans ordre particulier (et sans prétention).

1. L’anticipation, la clairvoyance.

C’est certainement la faculté extraordinaire qu’a laissée De Gaulle à la France : non seulement la certitude que la victoire de l’Allemagne ne pouvait pas durer car il y avait encore les Américains, mais déjà bien avant la guerre, avec l’idée d’utiliser des régiments de blindés.

C’est l’élément le plus rare de nos jours : parce que l’économie est en crise, tout se décide pour du court terme. L’anticipation est l’un des exercices les plus difficiles aujourd’hui (gouverner, c’est pourtant prévoir). Oserais-je toutefois faire remarquer que la décision de lever un emprunt national en juin 2009 relève sans doute de cette volonté d’anticipation ? La France vit depuis trop longtemps sur ses acquis d’excellence d’il y a plusieurs décennies et il y a un réel besoin de relancer cette excellence par de nouveaux investissements de grande ampleur.

2. L’indépendance vis-à-vis des partis et de tout groupe de pression.

Cette indépendance est avant tout un courage politique. Au contraire de De Gaulle (et dans une moindre mesure, de Giscard d’Estaing dont le parti était mineur), aucun des successeurs n’a pu être élu sans le concours décisif d’un grand parti gouvernemental, jusqu’à ce qu’à partir de 1981, ce soit les propres chefs de parti qui soient élus à l’Élysée.

L’exemple de personnalités pourtant très populaires quelques mois avant l’élection présidentielle comme Raymond Barre en 1988, Édouard Balladur en 1995 et François Bayrou en 2007 montrent que sans soutien d’un grand parti, le succès présidentiel est désormais impossible.

Au PS comme à l’UMP, tous les candidats potentiels à l’élection présidentielle ont bien compris l’importance de la conquête de leur parti (ce qui a donné la cacophonie du congrès de Reims en novembre 2008 ou l’objectif défini par Jean-François Copé de diriger l’UMP en octobre 2010).

Cette caractéristique d’indépendance ne pouvait fonctionner qu’avec un homme exceptionnel à la légitimité historique reconnue. Le scrutin universel direct rend le Président de la République directement dépendant de l’ensemble des Français, et par conséquent, devrait le rendre indépendant de tous les groupes dont il aurait pu émaner à l’origine. La pratique présidentielle depuis 1981 montre cependant que cette belle théorie est concrètement mise en défaut, et plus encore à partir de 2007.

3. L'intégrité et sobriété.

Servir la France et pas se servir de la France.

De Gaulle payait lui-même ses factures d’électricité à l’Élysée et son épouse achetait au Bon Marché la vaisselle pour leurs repas privés. Tous les responsables du pouvoir politique avait une certaine sagesse afin de ne pas associer intérêt privé et responsabilité politique.

C’est à partir du début des années 1970 que les tentations furent grandes d’utiliser ses positions de pouvoir à des fins d’enrichissement personnel. Le développement urbain a favorisé ce genre de collusion entre maires et acheteurs de terrains, par exemple, d’autant plus que les campagnes électorales devenaient de plus en plus coûteuses pour relayer la communication politique.

4. L’intérêt général avant l’intérêt catégoriel.

La tentation naturelle des élus est de défendre d’abord leurs propres électeurs avant l’ensemble de la population. La responsabilité des hommes d’État est de réussir à faire émerger un intérêt général tout en ménageant chaque intérêt particulier. Le clientélisme peut être géographique, par catégories socioprofessionnelles, par âge etc. mais il nécrose la vie nationale par ce qu’il entraîne des politiques incohérentes et désordonnées (exemple : les niches fiscales).

Défendre l’intérêt général, c’est aussi un acte de courage car les sondages peuvent contester les décisions prises : que ce soit la décision sur le vaccin contre la grippe A ou la réforme des retraites, l’intérêt général nécessite cependant d’être bien expliqué et bien compris par l’ensemble de la population. Cela a été le cas pour l’abolition de la peine de mort.

5. La souveraineté de la France.

Si De Gaulle a refusé l’armistice en juin 1940, c’est avant tout qu’il voulait sauver la France, avant même les Français. En quelques années, il a incarné la France elle-même surtout malgré lui : avant de partir à Londres, De Gaulle était effondré de savoir qu’il n’y avait personne de plus important que lui, politiquement ou militairement, prêt à continuer le combat. Il s’inquiétait d’avoir une plus grande crédibilité que ce qu’il était (général à titre temporaire et ancien sous-secrétaire d’État) face au gouvernement de Churchill et face aux États-Unis.

Ce n’est donc pas un hasard si De Gaulle a amorcé la réconciliation puis l’amitié franco-allemandes et a mis en œuvre le Traité de Rome (signé avant son retour au pouvoir). Pour lui, il s’agissait de donner à la France toutes les forces de l’union face à d’autres puissances mondiales (en particulier les États-Unis).

Aujourd’hui, le schéma reste le même : face à l’émergence des deux géants économiques, la Chine et l’Inde, l’intérêt de la France passe forcément par une coordination avec ses partenaires européens. Une France qui se replierait sur elle-même, qui refermerait ses frontières, serait une France à l’agonie, qui renoncerait au combat économique qui se joue actuellement et qui deviendrait vassale des nouvelles grandes puissances.

6. Le respect des électeurs.

Le respect des électeurs est un comportement pas forcément facile à préciser.

S’il s’agit de reconnaître l’élection des candidats dans le cadre d’opérations électorales régulières (heureusement, la France est un pays pacifié depuis longtemps, au contraire d’autres pays comme la Côte d’Ivoire ou la Biélorussie), c’est une lapalissade.

S’il s’agit d’appliquer ses promesses électorales, c’est déjà plus difficile à apprécier : les circonstances peuvent changer et exiger (heureusement) un changement de point de vue.

Avec sa démocratie participative (à laquelle je ne crois pas), Ségolène Royal avait réussi, en 2007, à séduire quelques gaullistes historiques dans cette volonté de court-circuitage des corps intermédiaires.

Le respect de la parole du peuple mériterait aujourd’hui plus d’attention : comme il n’y a plus d’élections nationales intermédiaire à cause du quinquennat et de la concomitance de la présidentielle et des législatives, seul le référendum peut être une "respiration démocratique" qui empêche une totale carte blanche au Président de la République pendant cinq ans. De Gaulle avait su à plusieurs reprises prendre des décisions contre la classe politique (notamment en 1962 sur l’élection présidentielle au suffrage universel direct ou en 1969 sur la régionalisation). Respecter les électeurs, c’est aussi les rendre juges fréquemment.

7. Le pragmatisme anti-idéologie.

C’est ce qui frappe beaucoup aujourd’hui. La droite comme la gauche sont encore prisonnières d’idéologies datant du début du XXe siècle en croyant (ou laissant croire) qu’il existe une véritable lutte des classes (ouvriers contre patrons riches) alors que le développement d’une large classe moyenne casse la pertinence d’une telle analyse.

Si on peut regretter que la gauche (même au Parti socialiste) considère les entreprises comme des producteurs de richesses qu’il faut absolument taxer pour redistribuer, avant même de réfléchir sur les moyens de produire cette richesse, la droite réagit souvent dans un schéma tout aussi dépassé, considérant que la demande dépend de l’offre alors qu’il y a actuellement beaucoup trop d’offre.

Deux exemples parmi d’autres : le lundi de Pentecôte travaillé ne rapporte pas grand chose de plus aux entreprises puisque ce n’est pas en produisant plus qu’elles auraient nécessairement plus de clients ou plus de chiffre d’affaire (cela ne fait qu’une taxe supplémentaire) ; les heures supplémentaires avec le slogan "travailler plus pour gagner plus" est le résultat d’une même erreur d’analyse : le travail n’est plus forcément producteur de richesse. Pire : s’il est producteur de stocks, il coûte plus qu’il ne profite. Ces idées datent des Trente Glorieuses. Depuis trente ans, le problème provient de l’existence de producteurs à faibles coûts d’origine étrangère (essentiellement chinoise) qui inondent le marché d’offre plus grande que la demande (demande en baisse aussi par une baisse du pouvoir d’achat).

Le pragmatisme de De Gaulle était immense. Il suffit de voir les positions prises sur l’Algérie. L’Histoire aura du mal à dire si De Gaulle était partisan de l’indépendance de l’Algérie dès mai 1958 mais ce qui est sûr, c’est qu’il a adopté cette position quand il le fallait et qu’il a réussi à convaincre une large majorité des Français. L’intérêt national avant l’idéologie.


Le gaullisme toujours d’actualité

Ces sept critères me paraissent encore d’actualité pour définir un homme d’État responsable en charge de la nation. En ce sens, le gaullisme n’a aucune raison de s’éteindre en 2010, mais les forces qui, naguère, enlisèrent la IVe République et avant, la IIIe République dès 1934, sont toujours présentes au sein des institutions : à la classe politique d’adopter un comportement digne et courageux au-delà des chapelles de partis. Ce sont bien les hommes (et les femmes) et pas les institutions qui font vivre la démocratie.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 novembre 2010)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

De Gaulle en 1958.
De Gaulle en 1959.


(Illustration ci-dessous : dessin de Jacques Faizant dans le "Figaro" du 10 novembre 1970)


yarti40DeGaulle02

 

 

 

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-216

 

 

 

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commentaires

G
L'independant à parfaitement raison sur la conclusion de l'article. Pourtant étant Belge, je me revendique comme Gauliste. Le Général répétait souvant la France avant tout! Il est avec henri spaak (BELGE) un pro européen sans donner la totalité du droit national Français au Européenne. Le Général n'avait qu'un but , une union européenne forte pour éviter les guerres attroces qui ont eu lieu et que chaques pays gèrent leurs politiques individuellement.
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L
Je découvre cet article. <br /> 1°) Concernant la souveraineté de la France, JAMAIS, le Général de Gaulle, n'aurait accepté une construction européenne de type fédérale tel que c'est le cas actuellement ou le droit européen prime sur le droit national.<br /> 2°) Il respectait en effet ses électeurs et il aurait été judicieux, qu'avec lui, la forfaiture du Traité de Lisbonne (copie du TCE) adopté par le Parlement en 2008, n'aurait jamais eu lieu sachant que les électeurs avait rejeté ce Traité portant un autre nom, lors du référendum de 2005.
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