Après une période d’abstinence médiatique, Ségolène Royal revient dans les médias : sur LCP hier soir, sur France Inter ce matin. Avec une combativité toujours aussi surprenante.
Les sondages pour la primaire socialiste ne sont pas vraiment encourageants pour Ségolène Royal, et pourtant, elle ne désarme pas et continue sa campagne comme si tout allait bien. Je pense qu’elle n’a pas forcément tort.
Car les sondages sont des denrées difficiles à analyser. Certes, ils apportent une photographie plus ou moins exacte d’un état de l’opinion publique, mais justement, le dispositif très nouveau de cette primaire ouverte rend les choses très difficiles à anticiper et appréhender.
Les sondages…
Ainsi, s’agissant des seuls sympathisants socialistes (ceux qui sont susceptibles de se déplacer pour choisir le candidat du PS), les sondages sont bien incapables d’en avoir un échantillon représentatif et suffisamment large pour qu’il ait une signification statistique. La probable désignation d’Eva Joly (résultat le 12 juillet) dans la primaire écologiste (semi-ouverte) serait même la preuve que les instituts de sondages sont bien en peine de définir correctement leurs échantillonnages (parfois, j’ai lu des études qui, finalement, réduisaient à quelques centaines les sondés qui allaient participer à la primaire).
En revanche, on peut imaginer que ces études d’opinions ont un sens en considérant le potentiel électoral dans l’élection présidentielle elle-même de chaque candidat à la primaire. Et il ne fait nul doute que ce genre d’études, comme à chaque période préprésidentielle, influencent les futurs électeurs d’une manière ou d’une autre (pour diminuer l’avance d’un candidat ou au contraire compenser le retard d’un autre).
La grande nouveauté de 2011
Ségolène Royal a compris que la primaire socialiste version 2011 n’avait plus rien à voir avec les primaires d’avant, celle de 2007 ou même celle de 1995 au sein du PS. Car au contraire des précédentes, ce ne sont plus des militants encartés, donc, des gens convaincus, qui vont choisir le candidat, mais n’importe quel citoyen, vous, moi…
Et cette différence est essentielle, car les militants qui sont déjà des personnes convaincues (comme je l’ai dit) veulent absolument la victoire de leur parti (c’est bien normal) et c’est donc naturel que chez eux, le réalisme l’emporte sur l’idéalisme : ils ont toujours choisi le candidat qui était le plus apte (selon les sondages évoqués plus haut) à mener leur parti au plus haut. C’est peut-être une erreur car les sondages n’apportent pas des prédictions mais seulement une vision instantanée qui peut évoluer. Par exemple, DSK (avant l’affaire) aurait été probablement choisi non par strauss-kahnmania mais par volonté de gagner l’élection si la primaire avait été fermée, c’est-à-dire réservée à ceux qui sont sensibilisés par le destin de leur parti. Tout comme Ségolène Royal avait été choisie en novembre 2006.
Or, ici, ce ne sont pas seulement les militants, mais tous les électeurs qui peuvent contribuer au choix du candidat, et bien évidemment, ces électeurs sont beaucoup moins sensibles à la défaite de ce Parti socialiste que ses adhérents. Ils pourraient même préférer un candidat hors du PS si leur candidat PS préféré n’était pas désigné. Ces électeurs n’ont pas de patriotisme de parti et sont donc plus enclins à voter selon leurs préférences sincères plutôt que par calculs pour gagner coûte que coûte.
Le peuple versus le parti
Ce n’est pas un hasard, donc, si de tous les candidats déclarés à la primaire socialiste, Ségolène Royal est la seule à rappeler que tous les électeurs (vous, moi… je me répète) peuvent voter (sous réserve de payer un euro et de signer une chartre des valeurs de gauche qui devra être détruite juste après la primaire pour ne pas être en mesure de constituer un fichier ; autrement dit, cette signature ne vaut pas grand chose en tant qu’engagement social, seulement par rapport à soi, et au regard qu’on peut avoir dans le miroir, ce qui est déjà beaucoup).
C’est encore ce qu’elle a redit ce mercredi 6 juillet 2011 à "Questions d’Info" sur LCP-France Info-AFP où elle refusait obstinément de donner son opinion concernant la fédération des Bouches-du-Rhône du PS en considérant que ce n’étaient pas les adhérents qui allaient faire cette primaire et que les électeurs se moquaient bien de la cuisine interne du PS (en précisant au passage qu’elle n’a jamais fait partie de ses instances dirigeantes).
Mauvaise foi et arguments qui marquent
Les journalistes de "Questions d’Info" n’ont pas été très perspicaces et heureusement que Patrick Cohen sur France Inter ce matin du jeudi 7 juillet 2011 a insisté et rappelé qu’en novembre 2008, Ségolène Royal s’était beaucoup intéressée à cette fédération des Bouches-du-Rhône puisque c’est dans celle-ci que les résultats ont porté Martine Aubry à la tête du PS.
Un Patrick Cohen capable aussi de redresser quelques inexactitudes de Ségolène Royal qui s’évertue en ce moment à dire par exemple que Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 une augmentation de 25% des retraites ! Si sur LCP, aucun journaliste n’a percuté (je rêverais de journalistes connaissant un peu mieux les dossiers), sur France Inter, Patrick Cohen a corrigé fermement en disant que Nicolas Sarkozy avait promis une augmentation de 25% …du minimum vieillesse, pas des retraites, et que cette promesse avait été réalisée. Un argument de Ségolène Royal également démonté par Daniel Scheidermann qu'on ne peut pas taxer de sarkozyste virulent.
Sur LCP, Ségolène Royal a néanmoins était très convaincante quand elle a martelé qu’elle savait ce qu’était une campagne présidentielle, que c’était éprouvant, qu’elle avait le cuir pour cela et qu’elle avait réussi au moins à être présente au second tour (au contraire de 2002, a-t-elle perfidement rappelé !) en rassemblant quand même près de dix-sept millions d’électeurs.
Ailleurs qu’en Ségolénie
Pendant ce temps-là, François Hollande engrange de nouveaux soutiens et est résolument le candidat des élus socialistes : après André Vallini (député et président du Conseil général de l’Isère), Pierre Moscovici (député du Doubs), Jean-Pierre Bel (président du groupe PS au Sénat et probablement candidat à la Présidence du Sénat dans quelques semaines), Gérard Collomb (sénateur-maire de Lyon), François Rebsamen (sénateur-maire de Dijon), Julien Dray (député), Vincent Peillon (député européen), il vient de recevoir l’appui de l’influent Jean-Marc Ayrault (député-maire de Nantes et président du groupe PS à l’Assemblée Nationale) et du président de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Jérôme Cahuzac, successeur de Didier Migaud (et dans le civil, parfois donneur de gifle).
Au même moment, le président du PRG (radicaux de gauche), Jean-Michel Baylet, sénateur et président du Conseil général du Tarn-et-Garonne, ancien ministre de 64 ans, a annoncé sa candidature à la primaire socialiste. Elle a l’avantage pour le PS d’externaliser le champ de bataille et pour lui de négocier sans doute un groupe pour le PRG dans la future Assemblée Nationale qui sera élue en juin 2012.
Quant à Martine Aubry, le retournement de l’affaire DKS trois jours seulement après son ennuyeuse déclaration de candidature a cassé la possibilité d’une dynamique autour d’elle, tant l’attentisme des strauss-kahniens risque de lui être fatal. Jean-Marie Le Guen n’a toujours pas exclu le retour dans la compétition de son mentor. L’incertitude nuit à sa campagne interne.
Émanation…
Soutenue entre autres par Harlem Désir, Benoît Hamon, Claude Bartolone et Jean-Christophe Cambadélis, Martine Aubry est la candidate des apparatchiks alors que François Hollande est le candidat des élus et que Ségolène Royal cherche à amadouer …tout simplement les électeurs, qui formeront le gros des bataillons de la primaire.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (7 juillet 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Martine Aubry.
François Hollande.
Ségolène Royal.
Primaire ouverte.
Les trois visages du PS.
Où vont les strauss-kahniens ?
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/segolene-royal-et-les-surprises-de-97214
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