Il faut donner un signe fort pour montrer la combativité rassemblée de la France face aux spéculateurs de tous horizons. Aujourd’hui. Dans sept mois, il sera trop tard. Au Président de la République d’en prendre l’initiative.
Ce mercredi 26 octobre 2011 à Bruxelles se tient un second Sommet européen en moins d’une semaine pour résoudre la crise des dettes souveraines des États européens. Commencée il y a un an et demi en Grèce, elle s’est propagée vers l’Irlande, le Portugal, et maintenant, elle menace l’Espagne et surtout l’Italie.
Ce sera peut-être l’occasion de faire des avancées notables dans la construction européenne, avec la mise en place d’une réelle gouvernance économique. Le couple franco-allemand semble plus que jamais en mesure de donner le ton.
Une question de confiance
La crise est ubuesque. Il s’agit surtout d’une question de confiance. Les marchés financiers sont avant tout des détraqués psychologiques, réagissant au quart de tour aux moindres rumeurs même infondées, les rendant ainsi auto-réalisatrices. C’est du délire.
Pourtant, la confiance, c’est à peu près ce qui régit les choses les plus importantes dans une vie : l’amour entre deux êtres, l’amitié, l’embauche d’un collaborateur, l’obtention d’un prêt, les élections… Tout engagement important, en fait, est basé avant tout sur la confiance. Et donc, basé sur un risque.
Aujourd’hui, l’Allemagne et la France jouissent d’une grande confiance internationale sur les marchés des dettes souveraines. L’Allemagne a cependant un avantage sur la France, elle a un commerce extérieur excédentaire car sa production industrielle et ses exportations sont florissantes. Alors que la France, en faiblesse économique, voit ses déficits perdurer et sa dette s’accroître de façon inconsidérée (vers 1 700 milliards d’euros). Les prévisions de croissance pour 2012 vont même être revues à la baisse par le gouvernement lui-même pour présenter les lois de finances de l’année prochaine.
Tout est une question de confiance. Or, avant une échéance politique aussi cruciale que l’élection présidentielle du printemps 2012, l’incertitude politique est grande. D’autant plus grande que les sondages donnent largement gagnant un candidat prisonnier d’un programme politique adopté en mai 2011 qui n’est pas très sérieux vis-à-vis des finances publiques.
Un défaut de crédibilité pourrait coûter très cher
Il ne faut pas se moquer, comme beaucoup de démagogues anti-européens, de la confiance des marchés financiers. Elle est l’une des conditions nécessaires au redressement économique. La France doit absolument la préserver. Il suffit juste de comprendre que l’augmentation de 1% du taux d’intérêt des dettes souveraines coûterait à la France 15 milliards d’euros supplémentaires par an. À terme, ce serait l’étouffement à la grecque.
Or, pour maintenir cette confiance, il ne faut pas attendre sept mois, l’issue de l’élection présidentielle. Il n’y a pas à attendre car la situation est trop grave et trop urgente. Il faut prendre des mesures financières qui rassurent.
Réduire les dépenses et augmenter les recettes
Il n’y a pas beaucoup de solutions pour rassurer, d’ailleurs. Il faut réduire les déficits publics et pour cela, il faut prendre deux mesures en parallèle : réduire les dépenses de l’État et augmenter les prélèvements obligatoires. Opération très risquée avant des échéances électorales, certes, mais nécessaires. Trop attendre, c’est hypothéquer les chances de la France. Et opération de véritable équilibriste, car il ne faudrait pas non plus plomber une croissance encore trop timorée.
La chance, c’est que sur l’objectif final d’équilibrer les comptes, l’ensemble des partis de gouvernement en France est d’accord sur le principe. Quels sont-ils ? Ils sont trois : l’UMP et ses alliés, le PS et le MoDem qui, bien que nettement plus faible que les deux premiers, est porteur d’un message fort qui peut se faire entendre car son leader a été le seul candidat qui avait porté cet enjeu en 2007.
Certes, les moyens pour atteindre l’objectif sont parfois différents. Par exemple, l’UMP ne souhaite pas augmenter les impôts tandis que le PS croit que l’État peut encore faire des dépenses irresponsables dans tous les domaines (éducation, culture etc.) alors que la France n’en a plus les moyens. D’ailleurs, ancien Ministre de l’Économie et proche de François Hollande, Michel Sapin a déjà annoncé qu’il faudrait modifier le programme socialiste et éviter plus de 5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Cette prise de conscience est heureuse.
Des protagonistes désormais bien identifiés
L’autre chance, c’est que depuis le 16 octobre 2011, la situation de la campagne présidentielle s’est clarifiée en identifiant le nom du candidat socialiste. Il y aura donc seulement trois personnalités susceptibles d’être élues le 6 mai 2011 : François Hollande (au top dans les sondages), Nicolas Sarkozy (le Président de la République sortant) et François Bayrou (qui pourrait renouveler voire améliorer sa performance de 2007).
Il est donc temps de court-circuiter les ingérences des officines financières étrangères sur la campagne présidentielle. Pour cela, il faut découpler les mesures à prendre pour assainir les finances publiques et les enjeux de la campagne présidentielle. Le seul moyen, c’est de faire l’union sacrée, c’est-à-dire, puisque c’est lui qui est au pouvoir, que Nicolas Sarkozy propose à François Hollande et à François Bayrou de se mettre d’accord sur les mesures drastiques de retour au déficit nul.
Une union sacrée Sarkozy Hollande Bayrou
L’union sacrée a été évoquée pour la première fois le 4 août 1914 par le Président de la République Raymond Poincaré dans un message lu devant les députés par le Président du Conseil René Viviani, quatre jours après l’assassinat de Jean Jaurès et au lendemain du début de la Première guerre mondiale : « [La France] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée et qui sont aujourd’hui fraternellement rassemblés dans une même indignation contre l’agresseur et dans une même foi patriotique. ».
Aujourd’hui, l’agresseur et l’ennemi sont plus difficiles à identifier mais le besoin d’union sacrée est plus que jamais nécessaire pour faire face ensemble à cette crise financière qui n’est qu’une nouvelle version de la guerre tout court.
La France a du mal avec le consensus politique
En France, deux occasions d’union nationale ont échoué récemment.
La première concernait la réforme des retraites. Le 17 janvier 2010 sur RTL, Martine Aubry, première secrétaire du PS, avait envisagé de négocier avec le gouvernement pour faire adopter une réforme qui serait admise par l’ensemble de la classe politique. Hélas, très critiquée par ses déclarations d’ouverture, Martine Aubry était immédiatement revenue en arrière et s’était rangée dans le schéma classique d’opposition systématique. Le gouvernement a donc dû faire passer la réforme à l’arraché, sans se préoccuper de la cohésion sociale malgré les nombreuses manifestations de l’automne 2010.
La seconde occasion, l’échec incombe probablement au gouvernement qui aurait dû impliquer l’opposition parlementaire à la révision constitutionnelle concernant la règle d’or budgétaire. L’absence de majorité des trois cinquièmes du Parlement a fait capoter cette réforme pourtant acceptée sur le fond par les trois présidentiables sérieux et nécessaire à la crédibilité financière de la France.
L’union sacrée de l’Allemagne, initiatrice de son redressement économique
Dans le passé récent, l’Allemagne avait réussi à réaliser cette union sacrée autour de l’intérêt national. Alors que le pays était en récession, le chancelier Gerhard Schröder avait présenté le 14 mars 2003 au Bundestag un grand nombre de réformes sociales réunies sous le nom d’Agenda 2010 dans le but de relancer la conjoncture et de mobiliser les ressources économiques en leur assurant une meilleure autonomie.
Finalement, les réformes furent adoptées en octobre 2003 avec le soutien de l’opposition (CDU), qui était nécessaire au Bundesrat (équivalent du Sénat allemand), et ont permis le redémarrage économique de l’Allemagne dont on voit aujourd’hui les effets positifs.
C’est avec ce modèle que François Bayrou propose de concevoir un Agenda 2020 pour faire redémarrer économiquement la France.
Les avantages d’une union sacrée avant l’élection présidentielle
Il serait souhaitable de faire adopter par tous les partis de gouvernement un socle de réformes financières qui soient admises par tous et donc, qui seraient stables dans le temps. Avec le Sénat passé à gauche, cette politique de la concertation et du consensus devient même indispensable.
J’y vois de nombreux avantages.
D’abord, cela permettrait de ne pas laisser la situation pourrir pendant sept mois et montrer que la France est capable de réagir immédiatement.
Ensuite, cela obligerait le gouvernement et l’opposition à s’entendre et à adopter des mesures fiscales et sociales qui iraient dans le bon sens : moins de dépenses publique mais plus de justice fiscale. Ni l’UMP ni le PS ne proposent seuls cette double exigence (seul François Bayrou l’a proposée). Plus d’impôts pour les plus aisés, mais aussi réduction du train de l’État. Ce serait faire preuve de sérieux et de responsabilité.
Cette méthode du consensus ferait éviter à la France deux excès : la perception des "cadeaux aux riches" injustes en temps de crise, d’un côté, et la dérive dépensière inconséquente, de l’autre côté.
Enfin, cela permettrait de ne pas faire de la crise financière un enjeu électoral dans la future campagne présidentielle qui, par définition, ne peut que favoriser les surenchères démagogiques et irresponsables.
Ce serait alors un bon moyen de rassurer les partenaires financiers de la France, leur montrer un signe fort que la France n’a qu’une seule voix (et qu’une seule voie) et que celle-ci resterait constante même au-delà de l’élection présidentielle.
Une occasion historique
C’est ce que devrait, à mon sens, proposer le Président Nicolas Sarkozy dans son intervention télévisée prévue sur TF1 et France 2 ce jeudi 27 octobre 2011 à partir de 20h15. Proposer une union sacrée entre tous les partis de gouvernement pour aller dans la même direction de l’assainissement des comptes publics.
Ce serait là une initiative historique, courageuse et responsable. Mais également indispensable au redressement économique et industriel de la France, et, par voie de conséquence, à sa souveraineté.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 octobre 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Règle d’or budgétaire.
La solution de la crise européenne.
François Hollande.
François Bayrou.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/il-faut-l-union-sacree-pour-sauver-103081