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6 juillet 2022 3 06 /07 /juillet /2022 17:43

(verbatim)



Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220706-elisabeth-borne.html







Discours de politique générale de la Première Ministre Élisabeth Borne
le 6 juillet 2022 à 15 heures à l’Assemblée Nationale

 

XVIe législature
Session extraordinaire de 2021-2022
Séance du mercredi 06 juillet 2022


Séance unique
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente.
La séance est ouverte. (Les députés du groupe RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1 • Ouverture de la session extraordinaire

Mme la présidente.
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par le Président de la République par décret du 28 juin 2022.
2 • Requêtes en contestation d’opérations électorales

Mme la présidente.
En application de l’article 34 de l’ordonnanceno 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, j’ai reçu du Conseil constitutionnel communication des requêtes en contestation d’opérations électorales dont il est saisi.
3 • Déclaration de politique générale du Gouvernement
et débat sur cette déclaration

Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à Mme la Première ministre. (Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)

Un député du groupe LR.
Ils sont quand même un peu moins nombreux qu’avant !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en m’adressant à vous, c’est à la France que je parle. Chacune de vos circonscriptions porte une parcelle de notre histoire et des défis qui surgissent devant nous. Chacun de vos territoires…

Un député.
Ah, les territoires !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…exprime une réalité de notre pays, de ses craintes et de ses espoirs.
Nous mesurons tous l’ampleur de la tâche : les Français à protéger, la République à défendre, notre pays à rassembler,…

M. Ugo Bernalicis.
Ce ne sera pas pour aujourd’hui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…la planète à préserver. C’est le sens de l’action du Président de la République depuis cinq ans ; c’est notre mission collective, au Gouvernement comme sur ces bancs. Avec vous, avec tout le Gouvernement, avec nos concitoyens, nous réussirons ; j’y suis déterminée.
Ces dernières semaines, à quatre reprises, les Françaises et les Français se sont exprimés. Par le résultat des urnes, ils nous demandent d’agir, et d’agir autrement. Par leur message, ils nous demandent de prendre collectivement nos responsabilités. Nous le ferons.
Ensemble, nous répondrons à l’écho de l’abstention. Elle est le signe d’une démocratie malade, d’un désarroi de la jeunesse, d’une perte de confiance dans notre capacité à changer les vies.
Ensemble, nous répondrons à la demande d’action. C’est elle qu’exprime le plus fortement le vote des Français. Nous ne pouvons pas décevoir.
Ensemble, nous répondrons à l’exigence de responsabilité. Les Français ont élu une assemblée sans majorité absolue. Ils nous invitent à des pratiques nouvelles, à un dialogue soutenu, à la recherche active de compromis.
Le contexte nous oblige. La guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, nous rappelle combien la paix est fragile. Les prix de l’énergie augmentent et nous devons continuer à protéger les Français. L’épidémie est toujours là et notre vigilance doit rester totale. L’urgence écologique se fait chaque seconde plus pressante et nous avons un devoir d’action. L’insécurité inquiète nos concitoyens et brise encore des vies et des destins.
Nous devons en convenir : dans les dernières semaines, du fait de la guerre qui dure, notre situation économique s’est assombrie. Nos perspectives de croissance se dégradent et les taux d’intérêt augmentent. Quant à nos finances publiques, elles doivent reprendre le chemin de l’équilibre. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot.
La faute à qui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Face à de tels défis, le désordre et l’instabilité ne sont pas des options. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur toutes les solutions,…

M. Maxime Minot.
Ça, c’est sûr !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…mais nous avons toutes et tous conscience de l’urgence et de la nécessité d’agir. Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Fabien Di Filippo.
Ils sont vraiment moins nombreux qu’avant à applaudir !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous répondrons présents. Ensemble, je veux que nous redonnions un sens et une vertu au mot compromis…

M. Pierre Cordier.
Vous n’avez pas le choix !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…depuis trop longtemps oublié dans notre vie politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Le compromis, ce n’est pas se compromettre ; c’est accepter chacun de faire un pas vers l’autre. Cela ne signifie nullement l’effacement de nos différences ou le renoncement à nos convictions – les clivages existent et ils continueront à exister.
Bâtir ensemble ne signifie pas renoncer à son identité. Vous le savez, la mienne a pour socle inaltérable les valeurs de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mon identité, c’est une France plus forte dans une Europe plus indépendante ; c’est l’égalité entre les femmes et les hommes, toujours, tout le temps ; c’est le respect de la laïcité sans accommodement ni compromission ; c’est le refus d’opposer les uns aux autres et de désigner des boucs émissaires ; c’est le courage de dire la vérité aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR – M. Maxime Minot s’exclame.)

M. Michel Herbillon.
Il était temps !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est forte de ces convictions, des valeurs que je chéris et protège, comme femme, comme citoyenne, comme élue, comme Première ministre, que je crois souhaitable et possible que chaque conviction, chaque idée puisse être défendue, débattue et, s’il le faut, combattue.

M. Fabien Di Filippo.
Vous allez nous expliquer comment faire !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Trop longtemps, notre vie politique n’a été faite que de blocs qui s’affrontent. Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Une majorité relative n’est pas, et ne sera pas, le synonyme d’une action relative. (Mêmes mouvements.)
Elle n’est pas, et ne sera pas, le signe de l’impuissance.
Rappelons-nous qu’en 1958, les gaullistes ne sont pas majoritaires à l’Assemblée nationale quand, aux premières heures de la Ve République, ils créent les CHU, les centres hospitaliers universitaires, et l’assurance chômage.

Un député.
De Gaulle, il est loin !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Rappelons-nous que c’est le gouvernement Rocard – qui n’avait pourtant qu’une majorité relative sur ces bancs – qui a créé le revenu minimum d’insertion (RMI), la contribution sociale généralisée (CSG) et a lancé le processus de paix en Nouvelle-Calédonie.
Nous avons encore des droits à conquérir, des progrès à réaliser, des protections à bâtir. Si d’autres y sont parvenus, nous y parviendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Ces dernières semaines, le Président de la République – garant de nos institutions – et moi-même, nous avons consulté et écouté. Nous avons proposé plusieurs manières de faire, dans l’urgence comme pour les années à venir. Le résultat de nos échanges est clair : une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire commence, celle des majorités de projet. Avec mon gouvernement, j’en serai l’infatigable bâtisseuse. Je sais combien nous sommes attendus et je ne suis pas femme à me dérober, ni devant les défis ni devant les débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme Mathilde Panot.
Alors, pourquoi ne pas demander la confiance !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je ne corresponds peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient. (Sourires.) Cela tombe bien : la situation est inédite. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Je n’ai pas le complexe de la femme providentielle. J’ai été ingénieure, femme d’entreprise, préfète, ministre. Mon parcours n’a suivi qu’un fil rouge : servir. (Mêmes mouvements.)
Je ne suis pas une femme de grandes phrases et de petits mots. Je suis convaincue que de telles habitudes ont nourri les postures, la défiance et la crise de notre démocratie. Pour ma part, je crois en trois choses : l’écoute, l’action et les résultats. (Mêmes mouvements.)

M. Fabien Di Filippo.
Quels résultats ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je n’ai qu’une boussole, qui sera celle de mon gouvernement : bâtir pour notre pays.

M. Aurélien Pradié.
On verra !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mon gouvernement ne sera jamais celui des clivages factices et des idées toutes faites,…

M. Stéphane Peu.
C’est ça, oui,…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…car je crois fermement au dépassement entamé il y a cinq ans par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Plusieurs députés du groupe LR.
On a vu les résultats !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je suis fière d’avoir servi dans les gouvernements de Premiers ministres qui n’avaient pas la même histoire politique que moi ; fière de mener aujourd’hui une équipe diverse où les parcours et les expériences se complètent et se renforcent ; fière et impatiente de commencer avec vous un travail de fond et d’idées, projet par projet, au service des Français.
Nous mènerons pour chaque sujet une concertation dense. Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture. Nous nous inscrirons dans le cadre défini par le Président de la République et agirons selon les valeurs qu’il porte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Je l’ai dit aux présidents de groupe de cette assemblée : nous sommes prêts à entendre les propositions de chacun, à en débattre et, si nous en partageons les objectifs et les valeurs, à amender notre projet. Cette méthode de travail, nous devrons l’incarner pour réfléchir collectivement à l’avenir et aux évolutions de nos institutions. Sous l’égide du Président de la République, une commission transpartisane sera lancée à la rentrée pour s’y consacrer. Cette méthode, nous devrons la porter au-delà des murs de cette assemblée. Nous associerons davantage les élus locaux à nos réflexions et à nos décisions ; ils sont le ciment de notre République.

M. Michel Herbillon.
Il serait temps de le reconnaître !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous devons laisser des marges de manœuvre aux territoires, car c’est dans les solutions différenciées que se trouvent les résultats concrets et la vraie égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Je ne crois pas que notre école ou notre santé soient confrontées aux mêmes défis dans le centre de Paris, dans les quartiers de Cayenne ou dans un village au bord de la Vire.

M. Stéphane Peu.
Et en Seine-Saint-Denis ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous consulterons plus encore les corps intermédiaires, les forces vives de notre pays, les Françaises et les Français dans chaque territoire. Plus que jamais, nous mènerons chaque réforme en lien étroit avec les organisations syndicales et patronales – nous avons besoin d’elles, et elles savent qu’elles trouveront en moi une interlocutrice franche, constructive et déterminée.
Associer toutes les forces vives du pays dans un dialogue renouvelé et en partageant les opportunités comme les contraintes, c’est le sens du Conseil national de la refondation voulu par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR – Exclamations sur divers bancs – Mme Raquel Garrido mime un joueur de pipeau.)

M. Marc Le Fur.
Le machin !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Les Français nous attendent.

M. Fabien Di Filippo.
Ça fait plusieurs années !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ils n’accepteront ni immobilisme, ni obstruction, ni invective. Ils veulent un Gouvernement et un Parlement d’action. Nous avons une responsabilité historique vis-à-vis de nos concitoyens : responsabilité dans la manière d’agir, dans les réponses à offrir, dans les résultats à apporter. À partir du cadre choisi par les Français, je vous propose de bâtir ensemble.
Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, c’est de répondre de façon urgente à la question du pouvoir d’achat. Sous l’impulsion du Président de la République, de nombreuses mesures ont été prises depuis l’automne dernier pour protéger les Français de l’augmentation des prix. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.) Sans elles, les prix de l’électricité auraient augmenté d’un tiers.
Grâce à elles, la hausse a été limitée à 4 %. Sans elles, les prix du gaz auraient augmenté de 45 %. Grâce à elles, les prix ont été bloqués. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Sébastien Jumel.
Levez-vous !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Sans elles, un plein de 60 litres coûterait 11 euros de plus.
Nous avons réalisé un investissement rapide et massif pour le pouvoir d’achat des Français. Grâce à lui, notre inflation est la plus faible de la zone euro. Nous avons protégé les Français et nous allons continuer car un grand nombre de nos concitoyens restent à la merci des hausses de prix.
Dès demain, mon gouvernement présentera en Conseil des ministres des textes d’urgence qui comporteront des mesures concrètes, rapides et efficaces pour lutter contre l’inflation.

M. Sébastien Jumel.
Et les spéculateurs de guerre ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous vous proposerons de prolonger le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, d’augmenter les revenus du travail, de mieux partager la valeur en baissant les charges des indépendants et en triplant le plafond de la prime de pouvoir d’achat. Nous vous proposerons également de revaloriser les retraites et les prestations sociales, notamment les allocations familiales, la prime d’activité, les aides personnalisées au logement (APL), l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les bourses sur critères sociaux,…

M. Fabien Di Filippo.
Les bourses au mérite !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…mais aussi d’aider les travailleurs pour lesquels la voiture est une nécessité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Ces mesures sont notre base de travail. Avec mon gouvernement, nous serons à votre écoute et nous les amenderons quand des convergences émergeront. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Au-delà de l’urgence, pour la plupart des Français, le logement est la première dépense. Nous voulons qu’il soit abordable pour chacun. Nous avons donc décidé de plafonner la hausse des loyers et nous proposerons de nouvelles solutions pour que le logement soit accessible partout (Exclamations sur les bancs des groupes LFI - NUPES et LR), en ouvrant la caution publique aux classes moyennes ; en construisant davantage de logements dans les zones en tension ; en concluant un pacte de confiance avec les acteurs du logement social ; en proposant aux collectivités un nouvel acte de décentralisation pour concentrer les moyens et les responsabilités à l’échelle des bassins de vie tout en veillant à ce qu’elles permettent réellement aux projets de sortir de terre.

M. Jean-Paul Lecoq.
En fait, vous avez déjà tout décidé !

M. Thibault Bazin.
Échec depuis cinq ans !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Le pouvoir d’achat, c’est aussi garantir à tous l’accès à une alimentation saine et de qualité. Nous définirons donc avec les professionnels, avec les associations et avec vous les contours du chèque alimentation.
Le pouvoir d’achat, c’est enfin venir en aide aux plus vulnérables. Nous voulons que chacun perçoive les aides auxquelles il a droit avec la solidarité à la source. Nous mettrons fin à l’injustice sociale du non-recours et nous lutterons plus efficacement contre la fraude. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Mais je veux l’affirmer, les deux clés du pouvoir d’achat durable sont le plein emploi et la transition écologique – j’y reviendrai.
Sur tous ces sujets, je suis convaincue que nous pouvons trouver des solutions communes. Nous devrons cependant garder en tête trois principes, tout d’abord celui de la responsabilité environnementale : nous devons prendre en compte l’impact environnemental de toutes nos mesures (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) et remplacer, dès que possible, nos dépenses en faveur des énergies fossiles par des solutions décarbonées.
Le principe de la responsabilité budgétaire, ensuite. Les mesures massives que nous avons prises ont protégé les Français – il fallait les prendre –, mais nous devons retrouver aujourd’hui des perspectives claires pour l’amélioration de nos comptes publics. C’est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social.

Un député du groupe LR.
Éric Woerth a des idées précises sur le sujet !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est un devoir vis-à-vis des générations futures. Une déclaration de politique générale est un moment de vérité, mais aussi un moment de partage des contraintes auxquelles nous faisons face. Les données sont claires : du fait de la guerre qui dure et comme partout en Europe, notre croissance économique sera plus faible que prévu, l’inflation sera plus forte et la charge de la dette continuera d’augmenter.

Un député du groupe LR.
Éric Woerth l’avait prévu !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nos objectifs sont clairs eux aussi : en 2026, nous devrons commencer à faire baisser la dette ;…

M. Patrick Hetzel.
À partir de 2026 !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…en 2027, nous devrons ramener le déficit sous les 3 % du PIB. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Michel Herbillon.
C’est la fin de l’argent magique !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ces objectifs, nous les atteindrons en bâtissant les conditions d’une croissance forte et durable, qui créera les emplois, en menant les réformes nécessaires, en prenant des mesures de bonne gestion et en accentuant la lutte contre les fraudes.

Mme Mathilde Panot.
Fiscales !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
L’équilibre de nos finances publiques est une question de souveraineté. Je sais que beaucoup y sont attachés sur ces bancs – j’en ai parlé notamment avec le président Marleix. (Rires et mouvements divers.)

M. Jean-Paul Lecoq.
Olivier, envoie-lui ton 06 !

Mme la présidente.
S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Enfin, notre troisième principe est le respect ferme de l’engagement pris par le Président de la République devant les Français : pas de hausse d’impôts. Nous devons cesser de croire qu’une taxe est la solution de chaque défi. Pas de hausse d’impôts ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Nous sommes crédibles car nous avons supprimé la taxe d’habitation et baissé l’impôt sur le revenu. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et LFI – NUPES.)

M. Raphaël Schellenberger.
Vous avez augmenté la taxe sur l’essence et le gazole !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Au total, nous avons diminué les impôts des Français et des entreprises de plus de 50 milliards pendant le précédent quinquennat. Dès cet été, nous tiendrons parole. La suppression de la redevance audiovisuelle permettra de faire économiser 138 euros à plus de vingt millions de foyers. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Cette mesure ira de pair avec la réforme du financement de l’audiovisuel public, lequel garantira son indépendance et des moyens pérennes. Nous y travaillerons ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
La fiscalité sera l’un de nos terrains de débat, mais elle peut aussi être un sujet de consensus – nous en avons parlé ensemble, monsieur le président Mattei. (« Ah ! » sur divers bancs.)

Plusieurs députés du groupe Dem.
Bravo !

M. Patrick Hetzel.
Bientôt ce sera le président Chassaigne !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
J’ajoute que le pouvoir d’achat est un combat collectif. Chacun doit y prendre sa part, notamment les entreprises qui dégagent des marges. Au moment où l’inflation est forte, j’attends des employeurs qui le peuvent qu’ils prennent leurs responsabilités. Nous pouvons, nous devons, aller plus loin en la matière.
Notre deuxième défi est de bâtir ensemble la société du plein emploi. C’est une conviction qui m’anime profondément, une conviction nourrie par mon parcours, par deux ans passés comme ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, par nos échanges et par ceux que j’ai avec nos concitoyens. Nous devons changer notre rapport au travail. Le cœur de ce changement est le plein emploi et le bon emploi.

M. Jean-Paul Lecoq.
De bons salaires, de bonnes conditions de travail !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ce n’est pas une illusion ; ce n’est pas un objectif inatteignable. Aujourd’hui, le plein emploi est à notre portée : le travail reste, selon moi, un levier majeur d’émancipation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Lors du précédent quinquennat, nous avons déjà parcouru la moitié du chemin vers le plein emploi. Nous avons le taux de chômage le plus bas depuis quinze ans et le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis quarante ans. La part des Français qui ont un travail n’a jamais été aussi élevée depuis qu’on la mesure. (Mêmes mouvements.) C’est le résultat des réformes de fond que nous avons menées pendant cinq ans. Nous avons déverrouillé l’apprentissage et atteint en 2021 un nombre d’apprentis supérieur à 700 000. (Mêmes mouvements.)
Nous avons rendu le travail toujours plus incitatif avec la réforme de l’assurance chômage.

M. Jean-Paul Lecoq.
Avec un bon nombre de radiations à Pôle emploi !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous avons amélioré et intensifié la formation des demandeurs d’emploi en investissant 15 milliardsdans la formation professionnelle.

M. Patrick Hetzel.
Tout va très bien, madame la marquise !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous avons mieux accompagné les jeunes grâce au plan « 1 jeune, 1 solution » et au contrat d’engagement jeune. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est grâce à ce bilan que nous pouvons désormais viser le plein emploi.

M. Pierre Cordier.
C’est grâce à ce bilan que tu as perdu cent députés !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
J’ai la conviction profonde que notre pays doit et peut sortir du cercle vicieux du chômage de masse. Aujourd’hui, la situation de l’emploi a changé en France. De nombreuses entreprises, dans toutes les filières, dans tous les métiers et dans tous les territoires, cherchent à recruter. Cette situation a des vertus. Elle impose aux employeurs d’améliorer les conditions de travail, de questionner leur de mode de management et d’œuvrer à l’attractivité de leur métier.

Mme Clémentine Autain.
Et les salaires ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Avec le plein emploi, les travailleurs retrouvent le pouvoir de négocier.
Pour atteindre le plein emploi, nous devrons aussi ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail. Je pense aux jeunes, bien sûr, que nous continuerons d’accompagner, mais aussi aux bénéficiaires du RSA. Ce que nous voulons, c’est leur permettre de retrouver un travail. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Comme le disait Michel Rocard, ne perdons pas « la volonté tenace de l’insertion » et revenons à l’esprit du revenu minimum d’insertion et du RSA. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Verser une allocation ne suffit pas. Nous voulons que chacun s’en sorte et retrouve sa dignité par le travail. Ce que nous proposons, c’est donc ni plus ni moins qu’une mesure de justice sociale et d’équilibre entre les droits et les devoirs. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Le plein emploi, nous l’atteindrons aussi en accompagnant mieux les chômeurs. Aujourd’hui, notre organisation est trop complexe. Son efficacité en pâtit. Nous ne pouvons plus maintenir un système dans lequel, d’un côté, l’État accompagne les demandeurs d’emploi et, de l’autre, les régions s’occupent de leur formation et les départements sont en charge de l’insertion des bénéficiaires du RSA. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) C’est pour cette raison que nous voulons transformer Pôle emploi en France travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs des groupes LR, LFI-NUPES et GDR - NUPES.)

M. Fabien Di Filippo.
C’est une révolution !

M. Thibault Bazin.
Quel bricolage !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous devons joindre nos forces et travailler ensemble pour être plus efficaces dans l’accompagnement des chômeurs. C’est ainsi que chaque Français trouvera sa place dans le marché du travail et que nous répondrons aux besoins de recrutement des entreprises.
Le plein emploi, c’est aussi relever le défi de la découverte des métiers, de l’orientation et de la formation. Cela commence dès l’enseignement secondaire. Avec les régions, nous ferons en sorte que chaque élève puisse découvrir et connaître des métiers, notamment ceux de l’artisanat, de l’industrie, du tourisme et les métiers d’art. Nous élargirons aux lycées professionnels le succès de l’apprentissage.
Mais ce défi ne s’arrête pas à la fin du lycée. Nous devrons, dans le supérieur,…

M. Sébastien Jumel.
Supprimer Parcoursup !

M. Stéphane Peu.
Créer un numéro vert !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…permettre aux étudiants de choisir et de se lancer dans une voie en fonction du métier qu’ils veulent exercer.

M. Jean-Paul Lecoq.
C’est quasiment impossible !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Grâce à la formation tout au long de la vie, ils devront se sentir libres d’en changer et de saisir de nouvelles occasions. Grâce à elle, nous pourrons, au cours des prochaines années, former un million de jeunes dans les métiers d’avenir, dont la moitié dans le secteur du numérique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Enfin, grâce au plein emploi, nous créerons de la richesse et nous pourrons financer notre modèle social. Vous le savez, nous avons toujours dit les choses clairement aux Françaises et aux Français.

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Non !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En la matière, la transparence est une exigence et les faux-semblants un manque de respect pour nos concitoyens. Notre modèle social est un paradoxe : à la fois l’un des plus généreux et l’un de ceux dans lesquels on travaille le moins longtemps. (Protestations sur les bancs des groupes LFI - NUPES et GDR - NUPES.)

Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
C’est faux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Notre système de retraite est une exception : on part plus tard à la retraite en France que dans les autres pays européens. Je le dis donc : pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition, pour bâtir de nouveaux progrès sociaux, pour qu’aucun retraité ayant accompli une carrière complète ne touche une pension inférieure à 1 100 euros par mois, pour sortir de situations dans lesquelles le même métier ne garantit pas la même retraite, oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. (Vives protestations sur les bancs des groupes LFI - NUPES, SOC et GDR - NUPES.)

Mme Marie Pochon.
Non !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite. Elle ne sera pas uniforme et devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité.

Mme Raquel Garrido.
Ça ne marchera pas !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Elle devra veiller au maintien dans l’emploi des seniors. Mon gouvernement la mènera dans la concertation avec les partenaires sociaux (Mêmes mouvements) …

M. Alexis Corbière.
Mettez au vote ce que vous dites !

Mme la présidente.
Je vous en prie, chers collègues, laissez Mme la Première ministre poursuivre !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…et en associant les parlementaires le plus en amont possible. Elle n’est pas ficelée, elle ne sera pas à prendre ou à laisser, mais elle est indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
J’ajoute que je ne peux pas, que nous ne pouvons pas, nous résoudre à la pénibilité de certains métiers. Par l’innovation, par la technologie, par l’évolution des carrières, nous pouvons, nous devons, améliorer les conditions de travail et faire en sorte que nos compatriotes ne finissent plus brisés à l’issue de leur carrière. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Un député du groupe RE.
Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Alors oui, le travail est une valeur essentielle ; le travail, c’est la clé de l’émancipation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) , c’est la création de richesse, la liberté d’entreprendre, le partage de la valeur ; ce sont des ressources complémentaires pour notre modèle social (Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES) et une ambition plus forte en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Nous avons tous à y gagner. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Jean-René Cazeneuve.
Très bien !

M. Aurélien Pradié.
Et l’eau, ça mouille !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Bâtir ensemble, c’est apporter des réponses radicales à l’urgence écologique. Devant de tels défis, il n’est plus question d’opposer les radicaux aux partisans d’une écologie des petits pas. Tous, nous avons conscience des enjeux et des risques ; tous, nous devons faire bloc. (Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.) Ce mot de radicalité, je le prends donc à mon compte : nous engagerons des transformations radicales dans nos manières de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer.

M. Bastien Lachaud.
Lesquelles ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mais je l’affirme, je ne crois pas un instant que cette révolution climatique passe par la décroissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. - Murmures sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Au contraire, la révolution écologique que nous voulons mener, ce sont des innovations, des filières nouvelles, des emplois d’avenir ;…

Une députée du groupe LFI - NUPES.
Ça ne marche pas !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…c’est un modèle social préservé car sans activité, nous ne pourrions plus le financer.
Au cours des cinq dernières années, nous avons accéléré la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais nous devons faire plus. Sous l’impulsion de la France, l’Europe s’est fixé l’objectif d’être neutre en carbone en 2050 et de réduire ses émissions de 55 % d’ici 2030. Ces objectifs, nous devons les atteindre ; ensemble, nous gagnerons la bataille du climat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Une députée du groupe LFI - NUPES.
Inaction climatique !

Mme Mathilde Panot.
Condamnés deux fois !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Pour y parvenir, tout mon gouvernement est mobilisé. Le Président de la République m’a chargée de la planification écologique ; chaque ministre aura une feuille de route « climat et biodiversité ».

M. Jean-Paul Lecoq.
En quelle année ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous allons définir ensemble un plan d’action, un plan de bataille ; dès le mois de septembre, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation « énergie et climat ». Filière par filière, territoire par territoire, nous définirons des objectifs de réduction d’émissions, des étapes et des moyens appropriés.

M. Patrick Hetzel.
Et quand vous avez fermé Fessenheim ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
La transition écologique est l’affaire de tous : les dirigeants des grandes entreprises doivent montrer l’exemple et leur rémunération dépendra de l’atteinte des objectifs environnementaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Nous avancerons avec les élus locaux : ils ont la charge de l’aménagement du territoire, des transports, de l’habitat, des déchets. Nous avons besoin d’eux et c’est le sens même de la création d’un ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ils seront également source d’inspiration, d’initiatives et d’idées. Bien souvent, dans leurs territoires, ils ont montré le chemin.
Nous voulons être, nous serons, la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme Farida Amrani.
C’est une blague ?

Un député du groupe LR.
Vous allez rouvrir les centrales à charbon !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est la garantie de notre souveraineté énergétique ; c’est la préservation de notre pouvoir d’achat ; ce sont des filières industrielles nouvelles et des emplois créés. Car je le dis et je le répète : notre écologie est une écologie de progrès. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI - NUPES.) Je le sais, cette transition peut parfois provoquer des craintes, émanant notamment des salariés des secteurs en mutation. Madame la présidente Chatelain, monsieur le président Bayou, nous en avons parlé et nous y tenons comme vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Rires sur les bancs LFI - NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Philippe Gosselin.
Bon, il n’y a pas que Marleix !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous ne laisserons personne sur le bord de la route. Nous avons retenu les leçons du textile et de l’acier : chaque transition ira de pair avec un accompagnement pour la formation et la reconversion. Pour sortir du carbone, nous nous doterons d’un mix énergétique équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire (M. François Ruffin proteste vivement) ; nous accélérerons le déploiement des énergies renouvelables ; nous investirons dans le nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs et des innovations (Même mouvement.) …

Mme la présidente.
Monsieur Ruffin !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…pour le nucléaire du futur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La transition énergétique passe par le nucléaire ; je sais que c’est une conviction largement partagée sur ces bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI - NUPES et Écolo - NUPES.)
C’est une énergie décarbonée, souveraine et compétitive.

M. Erwan Balanant.
Chassaigne est d’accord !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Réussir la transition énergétique, c’est pouvoir la piloter. Je le disais il y a quelques instants, l’urgence climatique impose des décisions fortes, radicales. Nous devons avoir la pleine maîtrise de notre production d’électricité et de sa performance. Nous devons assurer notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux à venir. Nous devons prendre des décisions que sur ces bancs mêmes, d’autres ont pu prendre avant nous, dans une période de l’histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l’énergie et de la production. C’est pourquoi je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Plusieurs députés du groupe LR se tournent vers les bancs du groupe GDR - NUPES et, s’adressant à M. André Chassaigne, scandent : « André, André ! »)

M. Stéphane Peu.
Le diable se cache dans les détails !

M. Sébastien Jumel.
Le cheval de Troie, on connaît !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique.
Réussir la transition énergétique, c’est ensuite consommer moins. Si nous sommes moins dépendants du gaz russe que nos voisins, nous ne pouvons pas croire ou faire croire que les décisions unilatérales de la Russie nous épargneraient. Si la Russie venait à couper ses exportations de gaz, nous serions touchés nous aussi. Dès maintenant, nous devons envisager tous les scénarios concrets, même les plus difficiles, et faire connaître leurs conséquences à tous les acteurs concernés et à tous les Français. Nous pouvons tenir, mais chacun devra agir.
Plus largement, nous devons éviter toutes les consommations inutiles dans le domaine du logement. Nous amplifierons le succès de MaPrimeRénov’ pour rénover 700 000 logements par an. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)

M. André Chassaigne.
C’est dans le programme, ça ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous voulons permettre à chacun d’avoir accès à des transports propres ; cela vaut partout, en ville comme dans la ruralité. Le ferroviaire est et restera la colonne vertébrale d’une mobilité propre.

M. François Ruffin.
Vous l’avez bousillé, le ferroviaire !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous continuerons les investissements consentis ces dernières années pour les transports du quotidien, pour les petites lignes. Je veux ici rendre hommage à l’action de Jean Castex, infatigable voix des territoires (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) et qui s’est engagé personnellement pour le ferroviaire.

M. Patrick Hetzel.
Et Édouard Philippe, vous n’en parlez pas ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Partout, d’autres solutions que l’usage individuel de la voiture thermique devront être construites ; partout, nous devons continuer à soutenir les mobilités propres et actives. Nous souhaitons permettre aux Français d’avoir accès à une voiture à zéro émission ; pour y parvenir, nous prolongerons les aides à la conversion et nous instaurerons un système de location de longue durée à moins de 100 euros par mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) C’est un projet écologique et c’est une ambition industrielle, car nous construirons ces voitures électriques en France. (Mêmes mouvements.)
Au-delà des transports, nous allons décarboner partout. C’est vrai notamment dans l’industrie, où nous nous appuierons sur les 50 milliards d’investissements de « France 2030 », dont la moitié au moins sera consacrée à ces enjeux. Cela vaut aussi pour l’agriculture, puisque nous continuerons à transformer notre modèle agricole – j’y reviendrai.
Protéger l’environnement, c’est enfin préserver la nature et la biodiversité face au risque d’une sixième grande extinction. Nous accentuerons notre politique de préservation des espaces naturels – forêts, montagnes, littoraux, océans – et nous aurons une attention toute particulière pour nos outre-mer, dont la biodiversité est un trésor inestimable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Jimmy Pahun.
Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous devrons enfin poursuivre notre sortie de la société du gaspillage et du tout-jetable. Il faut du réemploi, de la réparation, du recyclage (Mêmes mouvements) ; cela crée de l’activité, du pouvoir d’achat. Des outils ont été créés lors du précédent quinquennat ; il faut maintenant pleinement s’en emparer.
Vous le voyez, derrière les mots, derrière les engagements, l’urgence nous impose des actes rapides. Tout ne viendra pas de l’État seul, chacun devra y prendre sa part ; c’est la condition de la réussite.
Mesdames et messieurs, au cours de nos échanges, j’ai vu se dégager une autre volonté commune : bâtir la République de l’égalité des chances.

M. Sébastien Jumel.
Pas un mot sur l’hôpital !

M. Patrick Hetzel.
Il faudra redresser l’école ! Et là aussi, il y a de la marge !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous refusons une société dans laquelle la vie et les destins sont tracés selon le quartier où l’on est, selon le lieu où l’on vit, selon la couleur de sa peau ou la profession de ses parents. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Alors, au cœur de l’engagement du Président de la République et de mon gouvernement, se trouve une volonté de briser les inégalités de destin, de n’accepter aucune assignation sociale ou culturelle, de permettre à chacun de choisir son avenir, de tracer les chemins de l’émancipation. (Mêmes mouvements.) La République de l’égalité des chances se construit dès la naissance. L’enfance sera une priorité de ce quinquennat, dans la droite ligne du chantier des 1 000 premiers jours. Nous répondrons à ce qui est aujourd’hui la première préoccupation des parents : le manque de solution de garde pour les enfants, notamment ceux de moins de trois ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Pour réussir, mon gouvernement souhaite bâtir, avec les collectivités, un véritable service public de la petite enfance ; il permettra d’offrir les 200 000 places d’accueil manquantes. Nous voulons des solutions proches des domiciles, accessibles financièrement.
Nous viendrons en aide en priorité à ceux qui en ont le plus besoin : les parents qui élèvent seuls leurs enfants, le plus souvent des femmes. Pour eux, pour elles, nous continuerons à bâtir un accompagnement global. Avec les pensions alimentaires désormais directement versées sur les comptes en banque, nous avons franchi une étape majeure (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) ; nous continuerons et nous accorderons une aide aux familles monoparentales pour la garde des enfants jusqu’à douze ans. (Mêmes mouvements.)

Mme Marie-Pierre Rixain.
Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir en priorité pour l’école et pour la jeunesse. C’est un chantier essentiel ; c’est là que tout se joue. Nous continuerons la refondation de l’école entamée lors du dernier quinquennat.

Mme Sophia Chikirou.
Catastrophe !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Notre école, c’est celle qui conforte les savoirs fondamentaux. (Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)

M. Fabien Di Filippo.
Vous l’avez abîmée, l’école !

M. Patrick Hetzel.
Vous avez dégradé l’école.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Notre école, c’est celle qui conforte les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – et qui s’empare des nouveaux savoirs comme le codage informatique. Notre école, c’est celle qui garantit l’égalité et ne renonce jamais à l’excellence.

M. Fabien Di Filippo.
C’est faux ! Baccalauréat à plusieurs vitesses ! Catastrophe !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous devons pousser chaque élève à se dépasser ; dans notre école, nous devons aider les jeunes à faire éclore leurs talents et les adultes à les déceler, même s’ils ne sont pas dans le moule. Former des millions de jeunes et s’adapter aux personnalités de chacun, c’est le défi auquel font face chaque jour les professeurs. Notre école doit donc être celle qui offre aux enseignants la reconnaissance et la place qu’ils méritent. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Les enseignants sont le cœur battant de la République et, grâce à leur mobilisation durant la crise sanitaire, ils ont permis à notre école de rester ouverte.

Un député du groupe GDR - NUPES.
Est-ce que vous allez les payer ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous devons mieux les associer à la transformation de l’école : nous revaloriserons leurs salaires et construirons avec eux les évolutions de leur profession. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme Farida Amrani.
C’est faux !

Mme Élisabeth Borne.
Avec eux, nous devrons bâtir un nouveau pacte, répondre à la question des remplacements,…

M. Patrick Hetzel.
C’est la catastrophe, les remplacements !

Mme Élisabeth Borne.
…avancer pour l’aide individualisée,…

Mme Sophia Chikirou.
Augmenter les salaires !

Mme Élisabeth Borne.
…adapter leur formation, soutenir les projets collectifs. Mais il serait illusoire de croire que les solutions seraient identiques partout sur tous les territoires. L’égalité réelle, c’est adapter notre action en fonction des situations locales et des besoins des élèves. Le plan « Marseille en grand », lancé l’an dernier par le Président de la République, a ouvert la voie…. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE – Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Nous donnerons des marges de manœuvre aux établissements pour s’adapter. Nous mobiliserons toute la communauté scolaire, les associations et les élus car l’émancipation de nos jeunes passe par l’école, mais aussi par le sport, la culture, l’engagement. L’égalité réelle, nous la construirons dans le dialogue avec toutes les parties prenantes. Cette concertation sera lancée dès septembre.
Notre jeunesse doit également continuer à faire vivre les valeurs républicaines. Mon gouvernement continuera à déployer le service national universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)
L’avenir de notre jeunesse passe, enfin, par un enseignement supérieur et une recherche ayant les moyens de leurs ambitions. L’université française est une chance précieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.) Elle forme et aiguise les esprits, elle assure la transmission et le progrès des savoirs dans tous les champs de connaissance. L’université sera donc au cœur de l’action de notre gouvernement. Nous améliorerons les conditions de vie et d’études de nos jeunes, nous renforcerons l’égalité d’accès et de réussite, en particulier dans le premier cycle universitaire, et nous simplifierons le système de bourses étudiantes.

M. Fabien Di Filippo.
C’est un atelier de bricolage, cet après-midi !

Mme Élisabeth Borne.
L’avenir de notre jeunesse, c’est aussi accompagner toutes les voix de l’émancipation. Assumons d’être une grande nation culturelle. La culture sauve, grandit, fait l’âme et le rayonnement de notre pays. Rendons la culture accessible à toutes et tous, dès la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
C’est pourquoi nous proposerons détendre le pass culture dès la sixième et d’amplifier l’éducation artistique et culturelle. (Mêmes mouvements.) Soutenons la création dans l’espace physique comme numérique, prolongeons notre action pour sauvegarder le patrimoine. C’est notre identité, notre héritage, notre histoire.

Bâtissons une nation sportive. Le sport donne sa chance à tous. Offrons trente minutes de sport par jour à chaque élève du primaire. Faisons des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 un accélérateur de l’activité physique dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est offrir une santé de qualité à toutes et tous. Les Français le savent et nous le disent : nous faisons face à un manque criant de professionnels de santé. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES, GDR-NUPES et LR.) Cette réalité, nous ne pouvons ni la nier ni l’occulter. Si nous avons supprimé le numerus clausus en 2018, nous devons aussi dire les choses : cette situation durera encore plusieurs années.
Face à ce défi, nous devons activer tous les leviers. Le premier, c’est la prévention. À tort, on résume trop souvent la santé aux soins. La prévention consiste à faire des campagnes de santé publique, des dépistages et des bilans de santé aux moments clés de la vie. Bien au-delà, elle s’inscrit dans toutes les politiques publiques. Prévenir les maladies implique d’agir sur la qualité de l’air, l’habitat, les conditions de vie et les inégalités sociales, c’est-à-dire les principaux déterminants de la santé de chacun. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
C’est pourquoi, avec le Président de la République, nous avons souhaité que le Gouvernement comprenne un ministre de la santé et de la prévention. C’est un défi que l’État ne peut pas relever seul. Nous travaillerons avec les élus – en particulier les maires qui sont nos partenaires privilégiés.

M. Fabrice Brun.
Et les déserts médicaux ?

Mme Élisabeth Borne.
Ensuite, nous devrons soutenir les soignants. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES, GDR - NUPES et LR. )

M. Patrick Hetzel.
Tous les exclus du Ségur !

Mme Élisabeth Borne.
Le covid-19 a mis à jour les fragilités de notre système de soins. Il a aussi montré l’engagement exceptionnel de nos soignants, et je veux leur rendre hommage. (Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. - « Hypocrites ! » scandent les députés des groupes LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES et GDR - NUPES. »)

Mme la présidente.
Mes chers collègues, s’il vous plaît, pas de telles manifestations dans l’hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES, dont plusieurs membres montrent les bancs du groupe RE en criant « Adressez-vous à eux ! ».) Poursuivez, madame la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne.
C’est d’abord grâce à nos soignants que notre pays a tenu. Notre devoir est de continuer à agir. Le Ségur de la santé a permis des revalorisations sans précédent des rémunérations des soignants et dégagé des moyens inédits pour notre hôpital. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Pourtant, tout n’est pas réglé, loin de là. Nous avons pris des mesures d’urgence pour cet été. L’heure est maintenant aux solutions structurantes. Nous devons renforcer l’attractivité des métiers. Nous devons permettre aux soignants de passer plus de temps auprès des patients en allégeant la charge administrative et en renforçant la coopération entre les professionnels de santé.

M. François Ruffin.
Baratin !
 

Mme Élisabeth Borne.
Nous devons investir dans l’innovation pour moderniser notre système de soins. Dans chaque territoire, nous devons construire une offre de santé adaptée.
Je suis convaincue que les solutions viendront des professionnels, des élus, des patients et du terrain. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Dès septembre, des concertations seront lancées partout en France avec un objectif clair : lutter contre les déserts médicaux par une meilleure coordination entre les acteurs, entre la ville et l’hôpital, entre le public et le privé. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI -NUPES.)
Nombreux m’en ont parlé, notamment le président Vallaud, (« Ah ! » sur les bancs de divers groupes), nous pouvons construire des consensus sur ce sujet-là aussi. (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.)
Je veux ici aussi rappeler que l’épidémie de covid-19 n’est pas finie, mais qu’elle reprend même nettement ces derniers jours. Si notre système de santé est actuellement préservé, nous devons rester vigilants et prêts à agir.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est faire de la France un pays où l’on vieillit bien, qui favorise l’espérance de vie en bonne santé, qui assure une prise en charge de qualité à domicile ou en maison de retraite. Notre première mission : donner aux personnes âgées la capacité de vieillir sereinement chez elles.
Nous y parviendrons grâce au dispositif MaPrimeAdapt’ leur permettant d’aménager leur logement. Nous y parviendrons en améliorant la qualité des services à domicile. Mais il nous faut aussi améliorer la vie de nos aînés en maison de retraite. Les scandales récents sont révoltants. Nous avons renforcé les contrôles pour qu’ils ne puissent plus survenir. Nous devons maintenant inventer des établissements de demain à la fois plus ouverts, plus humain et mieux médicalisés.

Mme Farida Amrani.
Non lucratifs !

Mme Élisabeth Borne.
Nous devons construire des liens plus forts entre établissements et domiciles, créer des EHPAD hors les murs pour une prise en charge toujours plus adaptée à chaque situation.
Les investissements du Ségur de la santé ont été une étape majeure pour cette transformation, mais nous devons aussi relever le défi de l’attractivité pour permettre le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants d’ici à 2027.
Lors du précédent quinquennat nous avons créé la cinquième branche de la sécurité sociale, nous avons posé les fondements du financement de cette nouvelle solidarité nationale pour le grand âge. Là encore, avec les départements, je vous propose de travailler ensemble à bâtir un service public efficace qui réponde aux besoins des personnes âgées et des familles, au plus près des territoires.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est aussi construire une société inclusive. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et LR.)

M. François Ruffin.
Ça nous manquait !

Mme Élisabeth Borne.
Le handicap concerne 12 millions de Français. Un conjoint, un parent, un enfant : toutes nos familles sont concernées. Offrons-leur une société qui accepte, qui inclut, qui respecte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Une conférence nationale du handicap se tiendra début 2023.

M. Aurélien Pradié.
On a vu le résultat de la dernière ! On s’en fout des conférences ! « Déconjugalisez » l’AAH, vous serez concrète !

Mme Élisabeth Borne.
Nous agirons pour l’accessibilité universelle pour l’autonomie – notamment financière – des personnes handicapées, pour la transformation des structures médico-sociales et pour une meilleure reconnaissance des personnels de l’accompagnement. Nous devons améliorer l’inclusion par le travail dans le milieu ordinaire d’abord, et aussi dans les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) ou en entreprises adaptées.
Je vous annonce que mon gouvernement réformera l’allocation aux adultes handicapés (AAH) avec vous et les associations. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et Horizons. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)

M. Sébastien Jumel.
La mauvaise foi incarnée !

M. Fabien Di Filippo.
Avalez votre chapeau !

Mme Élisabeth Borne.
Il s’agira d’une réforme en profondeur. Nous partirons du principe de la « déconjugalisation ». ( « Ah ! » sur les bancs des groupes RN et LR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI - NUPES, SOC, Écolo -NUPES et GDR - NUPES.) C’est une question de dignité et une avancée très attendue. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et Horizons.)

M. Stéphane Peu.
Mais vous aviez voté contre !

Mme Élisabeth Borne.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est réussir la cohésion des territoires. Avec les territoires et leurs élus, nous voulons une relation fondée sur le respect, le dialogue et l’action. C’est une préoccupation partagée. Nous en avons beaucoup parlé ensemble, monsieur le président Marcangeli, monsieur le président Chassaigne. (« Ah ! » sur divers bancs.)
Je veux saluer l’engagement et la détermination des élus locaux. Je l’ai dit, les politiques publiques doivent se construire avec eux. La crise sanitaire l’a montré : quand nous travaillons main dans la main, nous pouvons tout surmonter.

Les cinq dernières années ont permis de commencer à réduire les fractures de notre France. Nous avons créé plus de 2 000 Maisons France Services.

M. Patrick Hetzel.
Ça ne fonctionne pas !

Mme Élisabeth Borne.
Nous avons investi pour redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs et pour accélérer le renouvellement urbain. Mon gouvernement poursuivra la logique de différenciation partout où elle répond aux attentes. Monsieur le président Pancher (« Ah ! » sur divers bancs) , nous l’avons évoqué ensemble : la règle commune doit pouvoir s’adapter en fonction des spécificités de chaque territoire.
Nous voulons donner plus de poids aux élus locaux, plus de lisibilité dans leurs compétences, plus de cohérence dans leur action. Le conseiller territorial peut être un moyen d’y parvenir et de construire les complémentarités indispensables entre départements et régions. Cela passera naturellement par les concertations approfondies que nous lancerons l’an prochain.

M. François Ruffin.
Dans la concertation !

Mme Élisabeth Borne.
Pour mener à bien leurs missions, les collectivités ont besoin de visibilité et de stabilité dans leurs compétences. C’est l’enjeu de l’agenda territorial que nous devons bâtir ensemble : État et collectivités doivent se donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer, des moyens nécessaires.
En Corse, le cycle des discussions engagé avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. (MM. Bruno Millienne et Jean-Paul Mattei applaudissent.) Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses, notamment la jeunesse, en matière de travail, de logement, de transition écologique, de développement économique et de sécurité. Nous sommes prêts à aborder tous les sujets, y compris institutionnels.

M. François Ruffin.
Dans la concertation !

Mme Élisabeth Borne.
Nous sommes prêts à en discuter en transparence, dans un esprit constructif et responsable. Mais ne cédons pas à la facilité, répondons au cas par cas à ce qui bloque ou ne fonctionne pas.
Mon gouvernement sera aussi celui de la justice territoriale. Quartiers prioritaires ou ruraux, nos territoires partagent des défis communs : bâtis dégradés, manque de transports collectifs, difficultés d’accès à la santé et à l’emploi, problèmes de sécurité.
De tous les territoires de France, j’entends cette demande commune de justice, de cohésion et de considération. Nous allons y répondre. Pour nos quartiers, nous bâtirons des solutions qui changent le quotidien et redonnent des chances. Nous définirons les nouveaux contrats de villes et répondrons aux urgences avec les habitants, les associations et les élus locaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous mènerons des opérations de renouvellement urbain. Elles sont essentielles car l’égalité se mesure en commençant par observer l’état de sa rue, de son hall d’immeuble ou de son école.
Nous continuerons à investir en faveur de la ruralité. Un nouvel agenda rural sera établi. Nous poursuivrons le déploiement du réseau France services pour garantir des services publics de proximité et de qualité aux habitants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Nous lutterons contre la fracture numérique. Nous irons au bout de la couverture mobile et très haut débit de notre territoire. Nous accélérerons les formations et l’accompagnement aux usages numériques. La cohésion des territoires, ce sont aussi des fonctionnaires présents partout et un État qui répond vite et bien aux demandes des Français. Il faut donner aux fonctionnaires les moyens de leur action. Nous poursuivrons la modernisation de l’État. Il faut offrir aux agents des trois versants de la fonction publique une reconnaissance et de meilleures conditions de travail. C’est le sens notamment de la revalorisation du point d’indice que nous proposons, la plus importante depuis près de quarante ans.

M. Matthias Tavel.
3,5 points, c’est trop peu !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je veux aussi avoir un mot particulier pour nos compatriotes des outre-mer, des territoires qui représentent une chance inestimable pour notre pays. Ce sont des terres de jeunesse et d’espoir, les places fortes de notre souveraineté. Plus que jamais, nous avons besoin de nos outre-mer.
Pourtant, ces derniers mois, vous avez dit vos doutes, vos craintes et vos colères.

M. Jean-Paul Lecoq.
À juste titre !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Il y a quelques jours, toutes les collectivités d’outre-mer se sont rassemblées pour lancer l’appel de Fort-de-France. Nous leur répondrons. Mon gouvernement les accompagnera pour soutenir leur développement économique et créer de l’emploi, pour renforcer la présence des services publics et assurer la sécurité, pour améliorer, avec les collectivités, la distribution d’eau potable, l’assainissement et le traitement des déchets et pour agir sur toutes les causes de la vie chère, comme dans l’Hexagone.
Nous devons avancer sur toutes ces questions et placer les outre-mer aux avant-postes de la transition écologique. Je demande à tout mon gouvernement la plus grande attention pour les territoires ultramarins.

Mme Mathilde Panot.
Avec le GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) et le RAID (recherche assistance intervention dissuasion), par exemple !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Ce quinquennat sera également celui d’une nouvelle page de notre histoire républicaine avec la Nouvelle-Calédonie.
Nous aurons à écrire l’avenir de notre relation au terme du processus politique défini par l’accord de Nouméa.

Un député du groupe LFI – NUPES.
Vous avez failli !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Des discussions seront engagées avec l’ensemble des parties. J’y prendrai, comme mes prédécesseurs, toute ma part. Je veux ici rendre hommage à l’action d’Édouard Philippe, figure du sens de l’État face aux crises. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Chacun connaît son engagement pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir pour notre sécurité. Cette conviction, qui m’anime profondément, s’est forgée tout au long de mon parcours, en particulier sous l’uniforme de préfète. Car l’insécurité est une inégalité. Elle touche directement et violemment ceux qui ont déjà été fragilisés par la vie, qui vivent dans des quartiers ou des zones où certains cherchent à imposer leur loi face à celles de la République. Le combat pour la sécurité est donc un combat pour l’égalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Mon gouvernement le mènera avec fermeté.
J’ai confiance dans nos forces de l’ordre et j’ai le plus grand respect pour elles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

Mme Natalia Pouzyreff.
Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est pourquoi j’ai envers elles la plus grande exigence. Et je le dis sans détour : honte à ceux qui attaquent systématiquement nos policiers et nos gendarmes, honte à ceux qui tentent de dresser les Français contre ceux qui les protègent. (Les députés des groupes RE, Dem et HOR applaudissent et se lèvent – De nombreux députés du groupe LR et plusieurs députés du groupe RN applaudissent également.)

M. Sylvain Maillard.
Oui, honte à eux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous voulons une gendarmerie et une police républicaine au plus près des Français, qui attendent des réponses fortes pour leur sécurité du quotidien. Nous en parlions ensemble, madame la présidente Bergé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Les cinq dernières années ont permis de donner des moyens exceptionnels à nos forces de sécurité intérieure.

Un député du groupe LR.
Ça n’a servi à rien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous avons recruté 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Nous avons fortifié notre sécurité civile et agi pour nos sapeurs-pompiers. Nous avons renforcé notre lutte contre le terrorisme et les moyens de nos services de renseignement en prolongeant l’effort entamé depuis les attentats de 2015. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le quinquennat qui s’ouvre doit nous permettre d’amplifier cet effort autour d’une vision globale et de moyens pour notre sécurité.

Un député du groupe LFI – NUPES.
Et le Stade de France ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est pourquoi mon gouvernement vous proposera une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Les défis sont nombreux : contre l’insécurité du quotidien, contre la cyberdélinquance et contre les trafics. Nous renforcerons encore les moyens de notre sécurité.
Élue d’une circonscription rurale, j’ai aussi été préfète d’une région largement rurale. Je sais ce qu’est le sentiment d’abandon de certains territoires et la crainte de voir la sécurité s’éloigner. Il ne doit pas y avoir de zone blanche en matière de sécurité.

M. Jean-Yves Bony.
Vous avez humilié les ruraux !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Aussi, nous engageons la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Ces dernières années ont montré la nécessité de mieux assurer l’ordre républicain.
Nous créerons onze nouvelles unités de force mobile. Cependant, chacun le sait sur ces bancs – et les Français nous le disent –, les solutions ne se trouvent pas uniquement dans des effectifs supplémentaires.

M. Jean-Paul Lecoq.
C’est vrai !

Mme Sophia Chikirou.
Il faut de la police de proximité !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
J’entends la colère des Français et l’exaspération des forces de l’ordre face aux multirécidivistes. La réponse, c’est le refus de l’impunité.

M. Jean-Paul Lecoq.
Et la prévention ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Nous doublerons le temps de présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici à 2030 (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE) grâce à nos recrutements, en allégeant les procédures et en les modernisant. Une profonde réforme de l’investigation sera lancée, avec une formation plus longue, le passage obligatoire de l’examen d’officier de police judiciaire et la création des assistants d’enquête.
La réponse passe aussi par l’efficacité de la justice, par des décisions rapides et respectées. Les états généraux de la justice, lancés par le Président de la République, ont montré qu’il fallait des moyens supplémentaires et des méthodes nouvelles, qu’il fallait répondre à la crise de confiance de nos concitoyens, aux attentes fortes des professionnels et garantir, toujours, l’indépendance de la justice.
Mon gouvernement vous proposera une loi de programmation pour la justice. Nous voulons notamment recruter 8 500 magistrats et personnels de justice supplémentaires pour une justice plus proche, pour réduire les délais et permettre aux juges de se concentrer sur leurs missions fondamentales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Nous agirons pour que chaque peine prononcée soit exécutée et pour lutter contre la surpopulation carcérale. Une quarantaine d’établissements pénitentiaires, soit 15 000 places, seront livrés dans les prochaines années.

M. Thibault Bazin.
Vous êtes bien en retard !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je veux que nous ayons, en lien étroit avec les élus, les associations, les magistrats et les forces de l’ordre, une action toujours plus résolue dans la lutte contre les violences sexuelles, sexistes et intrafamiliales. C’est mon combat. Je l’ai mené comme préfète ; je le mènerai comme Première ministre (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) pour que les victimes soient écoutées, protégées et accompagnées, pour que les plaintes soient déposées et que la justice soit dite. Cette exigence absolue nécessite une mobilisation absolue.
Enfin, bâtir la République de l’égalité des chances, c’est défendre nos valeurs avec intransigeance. La liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité ne sont pas négociables. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La laïcité constitue un pilier de notre pacte républicain. Face à elle, le séparatisme et l’islamisme représentent des périls mortels. Ils s’en prennent à notre unité républicaine. Ils sont le terreau de la radicalisation et du terrorisme. Mon gouvernement continuera à les combattre de toutes ses forces.
L’égalité, c’est le refus des discriminations. Avec tout mon gouvernement, je serai une combattante pour l’égalité entre les femmes et les hommes (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR), la grande cause du quinquennat. Nous agirons dans tous les domaines, notamment pour l’égalité économique. Nous lutterons avec intransigeance contre toutes les discriminations. Qu’elle concerne le genre, la religion, la couleur de la peau, le handicap ou l’orientation sexuelle, chaque discrimination est une humiliation, une blessure, une violence. Aussi, en concertation avec tous les acteurs, nous continuerons à les prévenir et à les sanctionner. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
Je voudrais à présent vous parler de notre souveraineté. Elle ne correspond ni au repli sur soi ni à l’exclusion. Au contraire, elle représente notre capacité à peser et à affronter les crises.

M. François Ruffin.
Et McKinsey ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Elle est à la fois profondément française et profondément européenne.

M. Sébastien Jumel.
Renoncez au traité de libre-échange !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
La pandémie nous a prouvé notre trop forte dépendance aux industries étrangères. La guerre en Ukraine nous a rappelé que nous devions faire front pour faire entendre notre voix. Les crises migratoires nous ont montré le besoin de solidarité européenne et la nécessité de toujours mieux protéger nos frontières. L’Union européenne nous protège et nous projette dans l’avenir. Une Europe plus forte, c’est une France plus forte. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
La présidence française du Conseil européen a permis plus de 130 accords et autant de réponses pour le climat, le numérique, l’autonomie stratégique, les droits sociaux ou l’égalité femme-homme. Les défis de la souveraineté nous attendent. Bâtissons ensemble une France plus forte dans une Europe plus indépendante. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Cela passe par la souveraineté énergétique. Nous ne pouvons plus dépendre du gaz et du pétrole russe, nous gagnerons notre souveraineté grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables.

M. Patrick Hetzel.
Vous n’avez plus aucune crédibilité sur ces questions !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Cela passe aussi par la souveraineté industrielle et numérique. Nous sommes sur la bonne voie. Grâce aux baisses d’impôts, à la réforme du marché du travail et à l’attractivité retrouvée, nous avons mis un coup d’arrêt à quarante ans de désindustrialisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI – NUPES.)
Maintenant, accélérons, tout d’abord en continuant à attirer les entreprises et les industries.

M. Fabien Di Filippo.
Vous êtes embourbés !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Comme le Président de la République l’a annoncé, nous vous proposerons de baisser encore les impôts de production et de supprimer la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dès la loi de finances pour 2023. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI – NUPES.)
Concrètement, près de 8 milliards permettront de renforcer la compétitivité de nos entreprises – il s’agit, pour les trois quarts, de PME et d’ETI, les entreprises de taille intermédiaire.

M. Hubert Wulfranc.
Ces milliards permettront aussi de renforcer le grand capital !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Tout aussi concrètement, nous compenserons cette perte de ressources auprès des collectivités.
Accélérons ensuite en investissant massivement dans les secteurs d’avenir comme l’alimentation, l’énergie, le spatial, les biomédicaments ou l’électronique. Bâtissons des filières d’excellence française et européenne. C’est le sens des 50 milliards d’investissements de France 2030 pour l’innovation, pour la recherche et pour la réindustrialisation.
Plus largement, nous investirons dans nos sites universitaires et nos organismes de recherche. Nous continuerons à revaloriser et à simplifier le métier de chercheur. La recherche, quel qu’en soit le domaine, inspire et fait la force de notre pays. Je veux rendre hommage à l’excellence de nos universités et laboratoires. En disant ces mots, je veux féliciter, au nom du Gouvernement, le mathématicien Hugo Duminil-Copin, dont la médaille Fields fait la fierté de toute notre recherche. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Accélérons encore en protégeant et en promouvant notre culture et notre création mais aussi en tenant notre rang de grande nation numérique, une nation qui soutient sa French Tech , une nation capable d’apprendre à ses jeunes les bons usages et de lutter, à travers la régulation, contre le cyberharcèlement et la haine en ligne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, cela suppose aussi la garantie de notre souveraineté alimentaire. Le constat est édifiant : près de la moitié des agriculteurs prendront leur retraite d’ici à 2030. Nous devons assurer l’avenir de la filière agricole. La représentation nationale a montré, autour de la question des retraites, qu’elle pouvait s’unir pour nos agriculteurs. Dès lors, bâtissons ensemble une loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture.

M. Sébastien Jumel.
C’est énorme !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Elle permettra de faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Cela passe par une meilleure rémunération, par le soutien à la transmission de nos exploitations et à l’entrepreneuriat ainsi que par la poursuite de notre soutien massif à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, avec l’assurance récolte et des moyens de protection des exploitations.
Cela passe aussi par l’investissement pour de nouvelles productions, notamment les protéines végétales, par la protection, dans les accords internationaux, contre la concurrence déloyale des pays qui ne respectent pas nos critères sociaux et environnementaux (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES et LR) et par une politique d’alimentation qui respecte chacun des acteurs et leur donne une juste rémunération. (M. François Ruffin s’exclame.) Beaucoup a été fait lors du premier quinquennat. Nous devons continuer.
Mesdames, messieurs les députés, une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est également tenir nos frontières. Au niveau européen, nous poursuivrons ainsi le travail entamé sous présidence française pour renforcer Schengen mais aussi pour des contrôles accrus aux frontières de l’Europe et pour une politique d’asile mieux coordonnée.
Au niveau national, la France restera fidèle à sa tradition d’asile et, pour que cette politique soit juste, nous devrons poursuivre l’accélération du traitement des demandes en simplifiant et en modernisant les procédures. En matière d’immigration irrégulière, nous continuerons notre lutte à tous les niveaux, créerons une force des frontières et poursuivrons notre combat contre les passeurs, lesquels organisent de véritables trafics d’êtres humains et doivent être poursuivis, puis sanctionnés. À ceux que nous accueillons, nous devons offrir une meilleure intégration par le travail et, dans le même temps, nous devons reconduire plus rapidement ceux dont la demande d’asile a été refusée. Je tiens à rappeler que disposer d’un titre de séjour en France impose de respecter ses lois. Le Gouvernement sera intransigeant sur ce point. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)
Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est aussi préserver notre souveraineté stratégique. La guerre aux portes de l’Europe et le maintien de la menace terroriste nous rappellent que nous devons pouvoir nous défendre, faire entendre notre voix. À cet égard, au Levant, au Sahel, sur le flanc est de l’Europe, sur terre, dans les airs, sur les mers ou dans le cyberespace, partout et dans tous les milieux, nos armées se battent pour notre liberté… parfois au péril de la vie de nos soldats ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem. – Mme Delphine Batho et M. Bastien Lachaud applaudissent aussi.)
Je veux affirmer à nos armées le plein soutien et la confiance du Gouvernement et de la nation ici représentée. (Mêmes mouvements.) Je veux leur rendre hommage et avoir une pensée pour nos soldats tombés au combat, pour les familles endeuillées, et pour tous ceux, revenus des terrains d’opération, meurtris dans leur chair ou dans leur esprit. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
Le contexte géopolitique et les désordres du monde nous obligent : notre pays doit disposer d’un modèle d’armée complet, équilibré et modernisé, un modèle d’armée cohérent et capable d’agir. Le précédent quinquennat a déjà permis un effort sans précédent depuis la fin de la Guerre froide : nous avons respecté l’exécution de la loi de programmation militaire, modernisé nos infrastructures, mené un renouvellement massif de nos équipements et lancé les grands programmes d’avenir comme celui du nouveau porte-avions. Nous devons maintenant poursuivre et amplifier cet investissement : le Président de la République annoncera prochainement les contours d’une nouvelle loi de programmation militaire.

M. Jean-Paul Lecoq.
Et la bombe atomique dans tout ça, à quoi sert-elle ? Elle nous coûte des millions tous les jours !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Il donnera une vision et un cap à nos armées comme à notre industrie de défense en tirant tous les enseignements de l’engagement de nos forces et de la coopération avec d’autres armées. (M. Matthias Tavel mime un joueur de violon.) Nous tiendrons notre rôle. Nous agirons en cohérence avec nos ambitions européennes et avec nos alliés de l’OTAN. Il s’agit aussi de fortifier la résilience de la nation et, par l’accroissement de la réserve, par des actions auprès de notre jeunesse, par le travail sur la mémoire et par l’attention portée aux anciens combattants, de renforcer le lien entre l’armée et la nation.
La France, sous l’impulsion du Président de la République, devra enfin tenir toute sa place sur la scène internationale. Cela veut dire plus d’efforts en matière de solidarité internationale, une ambition accrue pour les défis globaux comme la santé ou le changement climatique ; cela veut dire aussi poursuivre le renouvellement de notre relation avec l’Afrique par le dialogue, par les partenariats et par le travail de mémoire.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je viens de vous présenter l’ambition que porte mon gouvernement.

Plusieurs députés LFI - NUPES.
Ouais !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je vous l’ai dit : elle est le socle de notre travail à venir.

M. Ugo Bernalicis.
Faites voter alors !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Mais les moyens de l’atteindre pourront être enrichis, amendés. Les échanges nourris que j’ai menés avec les groupes de cette assemblée me montrent que nous avons les moyens et la volonté de nous retrouver autour de valeurs et d’objectifs communs (Protestations sur les bancs du groupe LFI - NUPES), de construire ensemble (« On vote ! On vote ! » sur les bancs du groupe LFI - NUPES) …

Mme la présidente.
S’il vous plaît, mes chers collègues.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…et de bâtir des majorités d’idée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – « La confiance ! La confiance ! » sur les bancs du groupe LFI - NUPES.) L’heure n’est pas à nous compter, mais à nous parler. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES et GDR - NUPES.) La confiance ne se décrète pas a priori. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES et GDR - NUPES.) Elle se forgera texte après texte, projet après projet, car nous travaillerons de bonne foi et en bonne intelligence, comme nous le demandent les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES et GDR - NUPES.) Devant chaque défi, chacun devra se poser la question : veut-il bloquer ou veut-il construire ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupe LFI - NUPES, SOC, Écolo - NUPES et GDR - NUPES.) Car c’est en fonction de cela que les Français nous jugeront.

Mme Mathilde Panot.
C’est vous qui voulez bloquer !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Les enjeux devant nous sont immenses, mais je suis confiante et déterminée.

Une députée LFI - NUPES.
En ce cas posez la question de confiance !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Notre pays est celui de tous les possibles, celui qui a surmonté les crises une à une avec force et solidarité, celui qui refuse la fatalité, celui où la promesse républicaine peut et doit avoir un sens et une réalité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe GDR - NUPES.) Cette conviction, je la tiens de mon histoire. Car si je suis ici devant vous,…

M. Alexis Corbière.
C’est un hasard !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…Première ministre de la France, je le dois à la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupe RE, Dem et HOR.) C’est elle qui m’a tendu la main en me faisant pupille de la nation, alors que j’étais cette enfant dont le père n’était jamais vraiment revenu des camps. ( Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) C’est elle qui m’a montré que le travail peut déjouer les destins tracés et qui m’a donné un métier. (Mêmes mouvements.) C’est elle qui me guide et me pousse dans mon engagement, elle à qui je veux rendre un peu de ce qu’elle m’a donné ! (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Vigier.
Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
C’est la République, je le rappelle, qui a ouvert la voie à tant de femmes avant moi : je pense à Irène Joliot-Curie, Suzanne Lacore et Cécile Brunschvicg, premières femmes membres d’un gouvernement, en 1936, sous le Front populaire (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Raquel Garrido et M. Stéphane Peu applaudissent aussi.) ; je pense aux trente-trois premières femmes à faire leur entrée dans cet hémicycle au lendemain de la Libération (Mêmes mouvements) ; je pense à Simone Veil, dont la force et le courage m’inspirent à ce pupitre (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement) ; je pense à Édith Cresson, première femme à accéder aux fonctions de Première ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mmes Delphine Batho et Sandrine Rousseau applaudissent aussi, de même que M. Gérard Leseul.)

M. Erwan Balanant.
Ayez du courage à gauche !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je sais, dans cette assemblée présidée pour la première fois par une femme (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR), et comme chaque femme sur les bancs de cet hémicycle, ce que je dois à toutes celles qui ont ouvert le chemin avant nous. Je crois à la force de l’exemple et le combat continuera jusqu’à ce que l’égalité ne fasse plus question ! (Mêmes mouvements.)
J’ai partagé avec vous un peu de mon histoire, mais l’histoire de la République, c’est celle de toutes les Françaises et de tous les Français : la France, notre France, c’est celle des enseignants qui donnent des visages et des noms à la transmission et à l’émancipation (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR) ; La France, notre France, c’est celle des soignants, qui ne comptent pas leurs heures et n’ont reculé devant aucun effort pendant plus de deux années de pandémie (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN) , celle des travailleurs de la deuxième ligne, qui ont assuré la continuité de notre économie, celle des commerçants, qui ont été exemplaires et ont tenu (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR) ; la France, notre France, c’est celle de cette jeunesse qui nous met devant nos responsabilités, s’engage pour le climat, prête à se battre pour notre destin commun (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES) ; la France, notre France, c’est aussi celle des créateurs, des entrepreneurs, des travailleurs, des fonctionnaires, des artisans et des agriculteurs (Mêmes mouvements) ; la France, notre France, c’est celle qui vient en aide à ceux qui en ont besoin, celle qui ne laisse personne sur le côté et tend toujours la main, celle de la solidarité, de l’engagement et de la volonté. Mais c’est aussi la France des craintes que nous devons écouter, des peurs auxquelles nous devons répondre, et parfois des colères que nous devons apaiser. Toute cette France, c’est la nôtre. Soyons à sa hauteur, à la hauteur des Françaises et des Français. Une nouvelle page de notre histoire politique s’ouvre. Nous allons l’écrire ensemble ! Devant vous, je m’engage à en partager les enjeux et les contraintes,…

M. Jérôme Guedj.
Alors, engagez votre responsabilité !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
…à vous faire part des feuilles de route du Gouvernement et des différentes voies que nous pourrions emprunter. Je m’engage à ne jamais rompre le fil du dialogue avec les groupes parlementaires, avec les forces vives, avec les Françaises et les Français. Je m’engage à bâtir des compromis ambitieux sans compromission sur les valeurs, à bâtir des solutions concrètes, des majorités de projets et d’idées.
Les Français ont sonné l’heure de la responsabilité. Soyons au rendez-vous. Nous avons toutes et tous à y prendre notre part. Nous avons tout pour réussir. Bâtir ensemble, nous y parviendrons ! (Mmes et MM. les députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent longuement. – « Le vote ! Le vote ! Le vote ! » scandent longuement les députés du groupe LFI - NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme Aurore Bergé.

Mme Aurore Bergé (RE).
Madame la Première ministre, à travers votre nomination, c’est une certaine idée de la République qui s’affirme, dans laquelle les parlementaires peuvent, je le crois, se reconnaître largement par-delà leurs convictions et leurs engagements. Une République du travail, celui qui a permis votre parcours. Une République de l’engagement, celui qui n’a jamais cessé de vous animer dans toutes vos fonctions. Une République de l’égalité, celle qui s’adresse à toutes les petites filles de notre pays. C’est donc avec beaucoup émotion que je prends la parole après vous, sous l’œil bienveillant de la première femme élue à la présidence de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Ce sont encore deux femmes qui me succéderont à cette tribune. Quel symbole au regard de l’histoire de France et des combats qui nous ont précédés, au regard du mépris et des quolibets qu’ont dû, ici, supporter tant de femmes parlementaires et ministres ! Le temps des femmes est venu et c’est historique. Le temps des femmes est venu et il durera. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Soyez assurés que nous saurons user de nos nouvelles responsabilités avec bienveillance, mais surtout avec pugnacité. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas d’être les premières, mais de nous inscrire dans le temps long.
Madame la Première ministre, vous venez de nous exposer la feuille de route que vous fixez au Gouvernement. Il me revient, en tant que présidente du principal groupe de l’Assemblée, de préciser nos intentions et l’état d’esprit qui nous anime alors que nos concitoyens s’interrogent légitimement sur notre capacité, majorité comme oppositions, à adapter les pratiques parlementaires à la nouvelle donne politique qu’ils ont choisie. Nous sommes collectivement dépositaires d’un héritage, la Constitution de la Ve République ; moi-même comme l’ensemble des députés de mon groupe y restons fidèles. Fidèles à celui qui l’a inspirée : le général de Gaulle. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Fidèles à ceux qui l’ont fait évoluer : Jacques Chirac, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy. Fidèles au subtil équilibre des pouvoirs prévu par notre texte fondamental : un président légitime, un gouvernement qui a les moyens d’agir, une Assemblée nationale ayant la capacité à légiférer en toute liberté. Voilà notre cadre commun : non pas le blocage ni l’idée bien peu républicaine que les résultats des élections peuvent être contestés dans la rue (Applaudissements sur les bancs du groupe RE) ,…

M. Guillaume Kasbarian.
Bravo !

Mme Aurore Bergé.
…mais cette Ve République qui nous fait, qui nous tient et que, dans cette majorité présidentielle, nous voulons faire vivre. Face aux temps présents, nous devrons de nouveau en faire évoluer l’usage, car les attentes de nos concitoyens sont fortes, notamment s’agissant de leur association aux processus de décision. Mais faire évoluer, ce n’est pas déconstruire ; améliorer, ce n’est pas trahir les intentions des constituants de 1958. Le débat d’aujourd’hui nous offre l’occasion de clarifier et de définir un cap et un chemin.
Que les opposants acharnés à la Ve République s’en offusquent, rien de plus normal : ils sont dans leur rôle.

M. Alexis Corbière.
C’est vrai !

Mme Aurore Bergé.
Mais que des représentants de partis de gouvernement, qui ont exercé le pouvoir en respectant l’esprit de la Constitution, feignent de s’en indigner, voilà qui est plus surprenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Aurore Bergé.
Il y a ceux qui veulent abattre la Ve République et ceux qui veulent la faire vivre pleinement ; nous sommes de ceux-ci. Nos institutions constituent le socle de notre action. Elles sont, bien au-delà des bancs de la majorité présidentielle, notre bien commun. Les 10 et 24 avril, puis les 12 et 19 juin, les Français ont fait leur choix : celui d’un président fort, largement réélu (Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem) – et pour la première fois hors cohabitation –, celui d’un parlement fort où les lois non seulement se votent, mais s’élaborent. Il n’y a pas les Français qui votent bien et ceux qui votent mal…
 

M. Alexis Corbière.
Ça, c’est vrai !

Mme Aurore Bergé.
…il y a le choix souverain des Français, dont nous sommes collectivement dépositaires.

M. Alexis Corbière.
Dites-le à Darmanin !

Mme Aurore Bergé.
D’abord, en matière de méthode, il faudra faire davantage de place à la délibération collective – le socle de notre pacte démocratique –, à l’écoute, au débat, aux négociations. Il faudra faire émerger une culture du compromis, mieux associer les parlementaires au travail en amont et revoir la fréquence d’examen des textes de loi car, comme le dit le Conseil d’État, « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Moins de lois, mais des lois mieux écrites, mieux négociées, mieux évaluées pour améliorer concrètement la vie des Français : voilà notre objectif. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Il faudra rééquilibrer l’initiative législative entre propositions et projets de loi, au bénéfice du Parlement ; notre groupe y veillera. À tout cela, nous sommes prêts, je suis prête.
Le choix des Français commande ensuite que nous rassemblions autour d’un grand dessein capable de fédérer, au-delà de la majorité présidentielle, tous ceux qui, ayant fait d’autres choix ou s’étant abstenus, se reconnaissent dans la République – non pas une République inerte qui, à force d’immobilisme, finit par se recroqueviller, mais une République d’action qui retrouve sa capacité à changer la vie. (M. Matthias Tavel rit.) Le compromis consiste à partager un même objectif et à trouver un accord sur les moyens d’y parvenir. Il doit se faire dans la transparence, sans rien cacher de ses intentions. Rechercher des compromis, c’est la nature même du travail parlementaire ; c’est ce qui permet d’enrichir notre projet. Le compromis oui, la compromission jamais ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
La situation nous invite à une forme de renaissance républicaine. Cela tombe bien : nous sommes profondément républicains, et l’objectif d’une renaissance de nos politiques et de nos pratiques est la raison même de l’existence de notre groupe, ce qui fait sa cohérence, ce qui a réuni des femmes et des hommes qui n’ont pas tous les mêmes parcours politiques ou personnels, mais qui ont décidé de s’engager.

M. Aurélien Pradié.
C’est ce qu’on appelle des traîtres !

Mme Aurore Bergé.
La renaissance doit donner à notre modèle les moyens d’agir ; elle doit se traduire en actes. Nous sommes conscients de l’ampleur de la tâche qui est la nôtre : nous savons que nous formons une assemblée élue par une minorité d’électrices et d’électeurs. Le souci de vérité nous impose de rappeler qu’aucun des groupes de notre assemblée, aucune des coalitions déclarées ne peut revendiquer en conscience d’avoir obtenu la pleine et entière confiance des Français.

M. Alexis Corbière.
C’est vrai !

Mme Aurore Bergé.
En revanche, par leur abstention comme par leur vote, nos compatriotes nous ont placés, chacun, au pied du mur : ils nous ont donné mandat pour agir, pour trouver les voies de faire avancer le pays. Ils ont formulé une exigence dont nous devons nous montrer dignes pour mériter leur confiance.
Quel constat pouvons-nous faire aujourd’hui ? Les grands principes que notre République a formulés, installés, concrétisés, sur lesquels se sont construites les oppositions les plus fortes, font désormais l’objet d’un large consensus. Il faut s’en réjouir. Plus personne ou presque ne remet en cause le principe de l’éducation gratuite et universelle, du droit à l’accès à la santé, du droit à la sécurité. (« Si, vous ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.) Plus personne ou presque ne remet en cause la nécessité d’agir pour lutter contre le dérèglement climatique et pour nous préparer aux effets inéluctables des changements en cours.
Cependant, derrière ce relatif consensus sur les enjeux, il y a la réalité vécue par nos concitoyens, qui justifie des réformes et des décisions. La réalité d’une école qui, trop souvent encore, malgré l’engagement de ses acteurs et les moyens qui lui sont consacrés, reproduit les inégalités. La réalité des déserts médicaux et des difficultés d’accès aux soins sur tout le territoire, malgré l’implication admirable de nos soignants et les efforts considérables engagés au cours des dernières années. La réalité d’une insécurité qui mine le quotidien des Français les plus vulnérables, dans les quartiers de nos villes et dans nos villages, malgré le professionnalisme des forces de l’ordre et l’augmentation des budgets de la police et de la justice. La réalité d’un système de retraite par répartition, qui est notre patrimoine commun mais qui doit être garanti dans la durée – il faut à la fois faire progresser les petites retraites et nous laisser les marges de manœuvre indispensables pour faire face aux défis du grand âge. La réalité d’un système social qui figure parmi les plus redistributifs au monde, mais qui n’empêche pas la peur du déclassement ou la crainte de ne pas réussir à boucler la fin du mois. La réalité des contraintes nouvelles liées aux adaptations nécessaires à la préservation du climat, synonymes de dépenses nouvelles, de changements d’habitudes, de bouleversement de nos modes de production et de consommation, d’une remise en cause de nos sources d’énergie. Les Français n’attendent pas seulement que nous protégions des institutions et des services publics qui fondent notre pacte républicain ; il nous faut les consolider et donc les rebâtir, assurer leur renaissance. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI - NUPES.)
Cette renaissance (« Oh, ça va, on a compris ! » sur les bancs du groupe LFI –NUPES) nécessitera des investissements nouveaux ; il nous faut donc conserver une économie en croissance.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Aurore Bergé.
Car précipiter notre pays dans la crise par des décisions déraisonnables et des dépenses sans contrainte reviendrait à faire porter à nos entreprises des charges insupportables au prix de la baisse de leur compétitivité (Applaudissements sur les bancs du groupe RE) …

M. Adrien Quatennens.
Les Français, eux, ont déjà beaucoup supporté !

Mme Aurore Bergé.
…à abdiquer notre objectif de plein-emploi, à appauvrir les Français et, in fine , à obérer la capacité de l’État à faire face à ses responsabilités. Pas d’augmentation de la dette, pas d’augmentation des impôts : voilà le seul cadre responsable dans lequel nous pouvons mener notre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Sylvain Maillard.
Très bien !

Mme Aurore Bergé.
La renaissance que nous incarnons imposera de protéger le pouvoir d’achat et donc de poursuivre le travail entamé pour une fiscalité allégée. Trop d’impôt tue l’impôt ; on ne combat pas l’inflation en l’alimentant – souvenons-nous des mots si justes de Pierre Bérégovoy. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) La renaissance que nous voulons contribuer à faire émerger exigera de préserver les générations futures, donc de tenir l’objectif d’une dette publique contenue puis réduite. Il faut continuer à renforcer notre Europe, une Europe plus forte et plus souveraine, capable de résister aux nouveaux empires et aux nouveaux défis environnementaux, technologiques, sanitaires, migratoires, qui ne connaissent pas les frontières. La présidence française de l’Union européenne a démontré notre capacité d’action collective sous l’impulsion du Président de la République : taxe carbone aux frontières, régulation des grandes plateformes numériques et solidarité indispensable avec le peuple ukrainien qui lutte pour sa liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Quelle émotion de voir le drapeau européen entrer au cœur du parlement ukrainien, alors qu’ici, certains voudraient l’en chasser ! (Vifs applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Je suis fière de m’exprimer devant ce drapeau, notre héritage et une part indispensable de notre avenir.
Enfin, la renaissance républicaine passe par la réaffirmation de la laïcité comme fondement de notre bien commun, par la capacité à faire renaître le goût du métier chez les enseignants qui se sentent déconsidérés en tant que figures d’autorité et finissent par se sentir mal protégés.

M. Alexis Corbière.
Ils sont surtout mal payés !

Mme Aurore Bergé.
Je vous parle ici en tant qu’élue d’un département qui a connu l’effroi avec la décapitation de Samuel Paty. La renaissance passe par le refus acharné des discriminations comme des assignations ou des enfermements identitaires, par la passion de l’égalité entre les territoires et entre les citoyens, par la défense de nos libertés publiques telle la liberté d’entreprendre. Elle passe par la capacité d’offrir des chances de s’extraire de sa condition de naissance, par un accompagnement digne des personnes dépendantes ou handicapées, par la culture pour tous, condition évidente et nécessaire de l’émancipation. À chaque fois, madame la Première ministre, que le Gouvernement sollicitera l’Assemblée pour mettre en œuvre des politiques publiques répondant à ces objectifs, vous pourrez compter sur le soutien plein et entier des députés de notre groupe.
Ces réformes à venir, ces lois à rédiger et à amender, cette action de l’État à évaluer, les groupes de la majorité devront les aborder en tenant compte de la nouvelle donne politique de l’assemblée issue des urnes le 19 juin dernier. Elles devront adopter de nouvelles pratiques et se donner un nouvel objectif, celui de concourir à une forme de renaissance démocratique. Après tout, nous ouvrir aux autres, intégrer leurs points de vue quels qu’ils soient – dès lors qu’ils se situent dans l’arc républicain –, préférer le consensus sur les projets aux postures idéologiques, tout cela est dans l’ADN du mouvement que nous avons bâti avec le Président de la République. C’est la raison de notre engagement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
La coconstruction des textes législatifs avec le Gouvernement fut déjà une réalité lors de la précédente législature ; sans doute ne l’avons-nous pas assez revendiquée. Je rends hommage à nos prédécesseurs, notamment à celles et ceux à qui le sort électoral a été défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Ils ne méritaient pas cette image injuste de députés Playmobil que certains se sont appliqués à leur accoler. (« Si, si ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.) C’était injuste tout simplement parce que c’était faux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Aurélien Pradié.
Vous avez raison, c’était trop aimable ! En réalité, c’était pire !

Mme Aurore Bergé.
C’était faux, et cela ne doit pas nous empêcher d’être encore plus déterminés, par exemple en usant des prérogatives de contrôle du Parlement avec davantage d’imagination et d’audace. La présidente de l’Assemblée nationale a proposé des pistes pour améliorer l’efficacité de notre travail collectif ; je souhaite que nous nous en saisissions ensemble, par-delà les frontières de nos groupes respectifs. De même, je ferai appel aux membres de mon groupe, afin d’adopter de nouveaux modes de fonctionnement, qui contribueront à une renaissance de la démocratie parlementaire.
Il s’agira de nous montrer capables de travailler davantage avec nos collègues, par exemple en réfléchissant aux modalités de cosignature des propositions de loi et des amendements, avec des députés d’autres groupes de l’arc républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Nous en débattrons, et nous trancherons.
Cette volonté de renaissance démocratique n’est ni une fin en soi, ni une simple réponse à l’équilibre politique inédit de notre assemblée. Elle figurait dans le projet présidentiel, avec l’annonce d’une nouvelle méthode de gouvernement, pour atteindre un but précis : élaborer et adopter des textes plus efficaces et plus en adéquation avec les réalités du pays. Ils permettront aux Français de se projeter, ils répondront à leurs difficultés particulières et leur donneront collectivement confiance en leur avenir.
J’en donnerai deux exemples. D’abord, le projet de loi visant à garantir le pouvoir achat : très attendu par nos concitoyens, il procède d’une exigence d’efficacité et de solidarité. Nous ne sommes pas tous égaux pour supporter le poids de l’inflation : il nous reviendra de nous assurer que les mesures que nous défendrons seront adaptées à toutes les situations et qu’elles atteindront réellement leur cible.
Avec ce texte, nous pourrons montrer que nous sommes capables de compromis.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

Mme Aurore Bergé.
J’entends certains ici dire déjà qu’ils ne le voteront pas. Pourtant, personne sur ces bancs n’estime qu’il ne faut pas répondre à l’urgence, ou laisser faire. Personne n’a intérêt au blocage.

M. Matthias Tavel.
Mais vous ne faites rien !

Mme Aurore Bergé.
C’est pourquoi je m’adresse solennellement à toutes les bonnes volontés de l’hémicycle : avec ce texte, nous pourrons montrer aux Françaises et aux Français que nous avons entendu leur message. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Avec ce texte, nous pourrons agir vite et fort pour améliorer leur vie quotidienne ; pour revaloriser les minima sociaux, la prime d’activité, les pensions de retraite, les allocations familiales ; pour limiter la hausse des loyers ; pour que chacun ait accès à une alimentation de qualité, sans que jamais cela ne soit au détriment de ceux qui nous nourrissent.
Pendant l’examen de ce texte, madame la Première ministre, nous nous conduirons en partenaires loyaux et positifs du Gouvernement, nous serons ouverts à la discussion et aux améliorations que proposeront nos collègues des autres groupes politiques, dans le respect de l’engagement que nous avons pris envers nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)

Une députée du groupe LFI – NUPES.
Attention à ne pas être trop godillots quand même !

Mme Aurore Bergé.
Ce qui vaut pour les projets de loi doit également valoir pour les initiatives parlementaires. Elles forgent notre identité, dans cette enceinte et auprès des Français. Aussi disons-nous un grand oui à l’inscription du droit à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dans la Constitution. (Mêmes mouvements.)
Les droits des femmes ne sont ni un fonds de commerce, ni un sujet accessoire. Ceux qui affirment que nous avons le temps d’attendre se trompent. D’autres démocraties l’ont pensé, dans lesquelles désormais des femmes risquent quinze ans d’emprisonnement si elles exercent une liberté fondamentale. Une petite fille américaine de dix ans – dix ans ! – est condamnée à mener à terme une grossesse résultant d’un viol. Nous avons les moyens d’agir, aussi le ferons-nous : nous protégerons les femmes, maintenant et pour demain, pour le bien de notre pays, et pour adresser un message aux femmes du monde entier. (Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)
Nous aurons ainsi l’occasion d’engager ensemble, dans une logique transpartisane, une modification constitutionnelle, par la voie de l’initiative parlementaire. Ce sera la première fois depuis 1958. La Constitution en offre la faculté au Parlement, saisissons-la !
Nous serons loyaux et fidèles au Président de la République et au projet qui nous a conduits ou reconduits ici. Certains nous diront soumis, mais cela ne nous empêchera pas de réaffirmer notre loyauté et notre fidélité, loin des caricatures.
Nous sommes libres de mener nos combats politiques en faveur de nouvelles conquêtes sociales pour les Français. On nous dira affranchis, mais cela ne nous empêchera pas d’engager des actions, ni de faire des propositions, fidèles en cela au mandat que les Français nous ont confié. Nous l’avons déjà fait, sans jamais sombrer dans la démagogie, mais en croyant résolument au rassemblement et au dépassement politique.
Les membres du groupe que j’ai désormais l’honneur de présider emprunteront ce chemin de crête, « en même temps » du temps parlementaire, déterminés et sereins. J’en sais l’exigence et la complexité, j’en sais surtout la nécessité, pour que les Français nous jugent utiles, pour eux et pour leurs enfants. Je le répète, ils ont choisi d’élire un Président fort et une assemblée forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
J’ai commencé mon propos en citant la Constitution, j’y reviens pour le conclure. Il est un fait incontestable. Par le vote du 19 juin, les Français ont sans doute exprimé des attentes fortes, des impatiences, des colères, mais ils ont aussi clairement choisi de ne pas changer de République. En 1967, le président de Gaulle déclarait : « Un jour viendra, sans doute, où notre Constitution avec tout ce qu’elle implique sera devenue comme notre seconde nature. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Il nous appartient désormais, par notre sens des responsabilités, par la pratique de notre mandat, de lui donner raison. Car cela correspond à nos convictions et, surtout, au verdict des urnes.
Les membres du groupe Renaissance sont prêts à démontrer que nous sommes collectivement capables de trouver dans notre texte fondamental les ressources pour que la France continue d’avancer. Nous sommes clairs concernant le cadre général, qui sera cohérent avec le projet du Président élu par les Français en avril, projet que nous nous sommes engagés à contribuer à concrétiser. Nous sommes clairs concernant les compromis que nous sommes disposés à élaborer avec tous ceux qui partagent les valeurs républicaines qui nous animent, quels que soient les désaccords politiques qui nous distinguent par ailleurs.
Nous sommes également fidèles à l’esprit des femmes qui nous guident, comme Ruth Bader Ginsburg pendant son mandat à la Cour suprême des États-Unis, qui disait : « Luttez pour les choses qui vous tiennent à cœur, mais faites-le d’une manière qui amènera d’autres personnes à vous rejoindre. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Enfin, madame la Première ministre, nous affirmons avec clarté que nous vous soutenons, ainsi que votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme Marine Le Pen.

Mme Marine Le Pen (RN).
L’histoire retiendra que le 19 juin s’est produit un événement majeur, un bouleversement démocratique, une évolution salvatrice des pratiques institutionnelles. L’histoire retiendra que ce 19 juin, à vingt heures, les Français ont imposé l’équilibre. Peut-être pour avoir trop abusé des prérogatives que lui confiait la Constitution, certainement pour les avoir trop mal utilisées, pour avoir cru que du palais de l’Élysée, il était possible d’imposer unilatéralement aux Français les volontés d’un seul, sans les écouter, sans les consulter, sans les considérer, Emmanuel Macron, qui avait tous les pouvoirs, se voit contraint d’entendre les Français. Et c’est heureux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En cela, le peuple a suivi les recommandations que nous exprimions avec sobriété et, je le crois, sagesse, lors de la campagne des élections législatives, et il a décidé de ne pas lui abandonner tous les pouvoirs. Il lui impose un rééquilibrage institutionnel : nous sommes passés d’un régime très présidentiel à un régime plus parlementaire. Le retour du politique saute au visage d’Emmanuel Macron – c’est un grand moment politique ! Le peuple malicieux a répondu à son appel de venir le chercher, et avec les armes que lui offre la démocratie, l’a remis à sa place.
Qu’a dit le peuple ? « Vous êtes le Président ; nous vous donnons certes une majorité, mais une majorité relative : nous voulons vous obliger à ne pas gouverner seul, nous voulons vous obliger à entendre les oppositions, à prendre en considération des préoccupations qui vous auraient échappé, à diriger autrement, sans brutalité, ni provocation. »

M. Matthias Tavel.
C’est vous qui l’avez fait élire !

Mme Marine Le Pen.
Pourtant, le Président fait comme s’il ne s’était rien passé. En chemise, manches retroussées, échevelé par l’action, il se met en scène en sauveur du monde, comme si l’exercice du pouvoir pouvait se réduire à une bande-annonce produite par Netflix,…

M. Laurent Croizier.
C’est mieux que de soutenir Poutine !

Mme Marine Le Pen.
…à la divulgation irresponsable de discussions diplomatiques, à quelques facéties immatures et dérisoires d’un pouvoir irrémédiablement narcissique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Un député du groupe RE.
Vous n’êtes pas à la hauteur !

Mme Marine Le Pen.
Mais surtout, dans la vraie vie, il nous inflige des remaniements plus improbables les uns que les autres. Concernant la forme, ils sont distillés par bribes, annoncés par la rumeur, au goutte-à-goutte, comme un robinet qui fuit, en oubliant que l’autorité gouvernementale, si nécessaire au pays, se construit par le sérieux et la solennité, qu’elle est rendue crédible grâce à la vision proposée et à sa cohérence.
La situation gouvernementale n’est pas sous contrôle mais, comme dans tant d’autres domaines, hors contrôle. Les nominations invraisemblables se succèdent, sans prendre en considération les résultats des élections, la volonté collective qui s’est exprimée, le changement institutionnel intervenu.
Le pouvoir ne réfléchit plus, il tâtonne ; il ne décide plus, il improvise ; il n’agit plus, il titube. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La seule certitude qui lui reste est l’illusion de la puissance.
Emmanuel Macron n’a pas compris que le Premier ministre ne devait pas dépendre de la seule volonté jupitérienne, mais devait s’accorder avec l’Assemblée telle qu’elle est issue des élections. Le temps où il était à la fois Président, Premier ministre et ministre de tout est révolu.
Ce n’est pas vous faire injure, madame Borne, que de dire qu’étant donné les circonstances électorales, votre nomination ne relève pas d’une décision de grande politique mais d’un scénario devenu obsolète. Cette confirmation dans vos fonctions au lendemain des législatives ne relève pas du réalisme politique, ni même d’une juste compréhension de la nouvelle donne démocratique, mais presque d’une incongruité institutionnelle et, je dirai, d’une provocation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
C’est un choix qu’a fait Emmanuel Macron, et on en voit immédiatement les limites puisque, madame la Première ministre, vous êtes dans l’impossibilité de solliciter un vote de confiance. Et j’ose dire que vous avez bien fait, car nous n’avons aucune confiance dans votre gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Bruno Millienne.
Ils sont là-bas, les Playmobil !

Mme Marine Le Pen.
Ce n’est pas illégal, mais c’est anormal, et surtout révélateur du caractère bancal de l’édifice institutionnel qui tente laborieusement de se dresser devant nous. Le Président n’a pas compris l’injonction nouvelle qui lui était faite de prendre du recul, de s’effacer devant la volonté du peuple et de n’avoir pour seul devoir que de la faire advenir.
Le pays voulait davantage de sécurité, or le Président reconduit Éric Dupont-Moretti. (Huées sur les bancs du groupe RN.) Le pays s’inquiétait du malaise dans la police et constatait le désastre du Stade de France, or il confirme Gérald Darmanin dans ses fonctions. (Mêmes mouvements.)

Un membre du Gouvernement.
Eh oui, il est populaire !

Mme Marine Le Pen.
Le pays constate l’effondrement de l’hôpital, notamment des services d’urgence, or il nomme François Braun, qui suggère comme réponse de les fermer la nuit. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe RE.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
C’est faux !

Mme Marine Le Pen.
Le pays réclamait de la sincérité et c’est Olivier Véran qui est nommé porte-parole du Gouvernement. Il attendait de la cohérence et voit la très courageuse Sarah El Haïry contrebalancer symboliquement l’invraisemblable nomination du wokiste Pap Ndiaye. (Mêmes mouvements.) Il voulait de la retenue et le Président invente un ministère du plein-emploi, comme on sortirait du chapeau un ministère du bonheur !

M. Rémy Rebeyrotte.
Caricature !

Mme Marine Le Pen.
Ce qui ressort de tout cela, malheureusement pour le pays, c’est qu’il n’y a pas de direction. Une direction suppose deux éléments. D’abord, la maîtrise des événements : Emmanuel Macron et son Gouvernement ne gouvernent pas, mais rafistolent ; ensuite, le sens donné à l’action : là où on attendait une vision, on ne constate que des contradictions. On ne dirige pas un pays avec l’obsession de la rupture, ni avec la pathologie du « en même temps » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Gouverner, c’est voir la situation telle qu’elle est. Comment maîtriser des événements qu’on est incapable de voir ? Gouverner, c’est donner un cap, c’est se donner les moyens humains et institutionnels de l’atteindre. Le pays souhaite être dirigé,…

Un membre du Gouvernement.
Il l’est !

Mme Marine Le Pen.
…il attend une vision politique claire, qui donne à l’autorité publique un sens et assigne à l’action publique des objectifs clairs et accessibles.
Le pays va à vau-l’eau. Il connaît une violence endémique qui s’enkyste partout ; une submersion migratoire que le pouvoir n’essaie même plus de juguler (Protestations sur les bancs du groupe RE) ; un sentiment d’abandon qui se généralise, notamment chez plus vulnérables, assorti d’une aggravation de la crainte de l’avenir ; une inflation provoquée par cinq ans de gestion calamiteuse, qui menace l’épargne et annonce la ruine des travailleurs modestes, des classes moyennes et des retraités (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe RE. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN) ; le litre d’essence à 2,30 euros ; le travail qui ne paie plus ; une organisation ferroviaire qui, avec les premiers effets de la privatisation, déraille ; des pénuries qui s’installent partout ; un effacement total de la France sur la scène internationale et notamment sur nos terres traditionnelles d’influence comme l’Afrique.

Un député du groupe RE.
Et la Russie ?

Mme Marine Le Pen.
Il est temps de remettre la France en ordre. (Mêmes mouvements.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Maréchal, nous voilà !

Mme Marine Le Pen.
Il nous faut retrouver une parole publique dont la crédibilité assoira l’autorité. Il nous faut reconstruire l’État, son autorité, ses moyens. Il nous faut redonner au pays un projet collectif enthousiasmant.

M. Hubert Ott.
Avec Poutine ?

Mme Marine Le Pen.
Ces grands objectifs, corollaires indispensables du redressement national, le groupe Rassemblement national les fera valoir ici. Il défendra les grandes priorités que ses électeurs lui ont donné pour mission de promouvoir et, dans toute la mesure du possible, de faire appliquer : retrouver notre souveraineté en nous préservant d’une Union européenne prisonnière d’une dérive impériale, qui constitue la négation du droit des peuples et des gens (Mêmes mouvements) ; renouer avec une représentation politique ou sociale vraiment démocratique, qui fasse que chaque citoyen se sente représenté ; revoir l’action diplomatique…

M. Hubert Ott.
Avec Poutine ?

Mme Marine Le Pen.
…sécuritaire, sociale, judiciaire et éducative (Mêmes mouvements) ; repenser le modèle économique mondialisé, pour un modèle basé sur le localisme, les circuits courts et la promotion des productions locales et nationales, bref, un modèle plus vertueux, plus écologique et plus responsable (Mêmes mouvements) ; se pencher sur les conditions concrètes de vie des Français, leur pouvoir d’achat, leur santé, leur logement,…

Un député du groupe LFI-NUPES.
Et leurs châteaux !

Mme Marine Le Pen.
…leur droit à la mobilité et à la liberté ; ouvrir des perspectives pour les trente années qui viennent, par la redéfinition d’une grande politique industrielle, la mise en œuvre de choix énergétiques prospectifs dégagés de stupides a priori idéologiques, le rééquilibrage des territoires et la recherche d’une plus grande harmonie économique par une politique de démétropolisation en faveur de la ruralité. (Mêmes mouvements.)
Nous mesurons la responsabilité que nous ont confiée les électeurs en nous plaçant comme premier groupe d’opposition. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.) Cette désignation comme force d’opposition au Gouvernement, c’est-à-dire comme force d’alternance au pouvoir en place, nous honore évidemment. Vous l’avez compris, nous ne souhaitons pas être une opposition d’obstruction, mais de proposition (Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC) ; pas une opposition de principe, qui chercherait à mettre le pouvoir à la faute, mais une force qui place l’intérêt national au-dessus des vaines et venimeuses agitations partisanes (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES) . Sur les principes qui sont les nôtres, vous nous trouverez toujours fermes ; selon l’attitude du Gouvernement, résolus soit à nous opposer si les mesures vont dans le mauvais sens, soit à trouver des voies de passage dès lors qu’ils sont pris en compte.

Mme la présidente.
Merci de conclure.

Mme Marine Le Pen.
Cela signifie la prise en considération de nos priorités, de nos motions et de nos amendements. Il appartient donc au Gouvernement de décider du blocage ou du fonctionnement institutionnel.

Mme la présidente.
Merci, madame la présidente.

Mme Marine Le Pen.
Excusez-moi, j’ai quinze minutes de temps de parole.

Mme la présidente.
Un autre intervenant de votre groupe disposait de cinq minutes. Il n’interviendra donc pas.

Mme Marine Le Pen.
Il aura autant de temps de parole en moins.

Mme la présidente.
Non, ça ne se passe pas comme ça, madame la présidente Le Pen. Il n’aura pas de temps de parole.

M. Rémy Rebeyrotte.
Respectez les procédures de l’Assemblée nationale !

Mme Marine Le Pen.
S’il choisit l’intransigeance, le raidissement ou l’irrespect envers nos électeurs, il en assumera, devant le pays, la responsabilité. Pour notre part, nous sommes prêts à toute éventualité. Nous n’aurons pas à voter sur la confiance, puisque le Gouvernement se dérobe, et nous influerons donc sur les textes qui nous seront présentés, au premier rang desquels celui que les Français attendent avec espoir et impatience, à savoir celui sur le pouvoir d’achat. Notre première décision a d’ailleurs légitimement été de demander une commission d’enquête sur les raisons de l’inflation qui les frappe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Madame Borne, vous ne pourrez pas faire comme si de rien n’était. Vous ne pourrez pas faire comme si rien n’avait changé. Le peuple a voté, entendez-le ! Nous sommes ses représentants, entendez-nous ! (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
Madame Le Pen, je vous précise que votre temps d’intervention était de dix minutes. Vous l’avez largement dépassé. M. Alexandre Loubet ne pourra donc pas intervenir. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot (LFI - NUPES).
Madame la présidente, madame la Première ministre, collègues. Le Président a été élu sans mandat ; voici venue sa Première ministre sans confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)

M. Alexis Corbière.
C’est vrai !

Mme Mathilde Panot.
Ce mercredi 6 juillet est une date à marquer d’une pierre noire pour la démocratie : madame Élisabeth Borne, vous devenez officiellement la Première ministre d’un gouvernement minoritaire. Vous êtes, bel et bien, chargée de conduire la politique de la nation par le seul fait du prince ; vous ne devez votre place qu’à un Président de la République lui-même élu par défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE.)

M. Alexis Corbière.
C’est vrai !

M. Emeric Salmon.
Élu par vous !

Mme Mathilde Panot.
Il faut le dire, l’exercice auquel nous nous prêtons est une mascarade : nous parlerons chacun à la suite, avant que vous ne rentriez tranquillement à Matignon. Ainsi, vous faites l’aveu de votre faiblesse. Vous ne vous soumettez pas au vote de confiance, de peur de ne pas l’obtenir. Jamais en trente ans une Première ministre ne s’était défilée ainsi. (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

M. Alexis Corbière.
Elle a raison !

Mme Mathilde Panot.
Votre parti a été battu aux élections législatives, perdant cent sièges, vous-même êtes classée dernière chef de gouvernement d’Europe en représentativité populaire, seuls 26 % des votants et 12 % des inscrits se réclament de votre parti aux dernières élections…

M. Sylvain Maillard.
Et combien du vôtre ?

Mme Mathilde Panot.
…mais vous faites comme si de rien n’était. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.)
Dans ces circonstances, un vote de confiance s’imposait, mais vous avez choisi la fuite. Le mercredi 6 juillet restera comme ce jour où, de nouveau, vous avez piétiné le vote des Français. Votre stratégie désormais, c’est sauve qui peut ! Et vous êtes prêts à tout. Jamais au compromis, mais à toutes les compromissions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)

Un député du groupe RE.
Parlez pour vous !

Mme Mathilde Panot.
Nous avons vu la semaine dernière l’étendue de votre forfait moral et politique. « Tout sauf la Nouvelle Union populaire » était votre credo. Vous vous êtes livrés à toutes sortes de combines et de renvois d’ascenseur. Le Rassemblement national s’est retiré de la course à la présidence de l’Assemblée, permettant à Mme Braun-Pivet d’accéder à son trône. (Protestations sur les bancs des groupes RE et RN.) Le lendemain, des députés de vos rangs ont élu deux membres d’un parti fondé par des SS comme vice-présidents de l’Assemblée. Vous ne vous en êtes pas cachés : plutôt la peste brune que le contrôle fiscal ! (Les députés du groupe LFI - NUPES se lèvent et applaudissent.) Quoi de plus normal quand vous partagez un programme libéral au service de l’oligarchie !
Alors oui, nous déposerons une motion de défiance ! C’est ce qui se produit lorsque l’exécutif n’écoute que lui-même. Il est temps de vous apprendre le sens du mot « démocratie », que vous détestez et que vous ne tolérez que lorsqu’elle vous est favorable. En 1966, votre prédécesseur Georges Pompidou, qui s’était soustrait comme vous au vote de confiance, s’exprimait ainsi : « La lettre et l’esprit de la Constitution de 1958 veulent en effet que le Gouvernement soit entièrement libre de demander ou non un vote de confiance et qu’il appartienne de préférence à l’Assemblée de mettre en jeu la responsabilité ministérielle par la procédure la plus normale et la mieux adaptée, je veux dire la motion de censure. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)

Votre porte-parole nous conseille de vous écouter avant de préjuger de quoi que ce soit. Nous vous avons écoutée, madame la Première ministre, mais surtout, nous vous avons déjà vue à l’œuvre. Vous n’en êtes pas à votre premier méfait : vous avez été l’artisane zélée de la casse du service public ferroviaire et de la casse de l’assurance chômage, qui a permis de réaliser 2 milliards d’euros d’économies sur le dos des plus pauvres. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Vigier.
Pas vrai !

Mme Mathilde Panot.
Vous n’avez jamais dévié : vous souhaitez toujours gouverner contre le peuple, sauf que votre pouvoir est en voie de décomposition. Depuis le 19 juin 2022, vous avez tout fait pour dissimuler votre pouvoir par effraction. Vous avez d’abord lancé une opération de sauvetage.

Mme Perrine Goulet.
Et vous, vous avez perdu !

Mme Mathilde Panot.
Le Président de la République a proposé des alliances texte par texte ou un gouvernement d’union nationale. Mais il ne s’agit surtout pas pour lui d’infléchir son programme de maltraitance sociale et d’irresponsabilité écologique, puisqu’il a reçu, dit-il, une légitimité claire sur le fondement d’un projet clair. Là encore, vous refaites l’histoire : Emmanuel Macron n’a pas été élu par adhésion à son projet, il a été élu face à l’extrême droite. (Mêmes mouvements.)

M. Emeric Salmon.
Il a été élu par vous !

Mme Mathilde Panot.
Les citoyens avaient le choix entre le pire et le pire du pire ; ils ont choisi le pire.
Malgré tout, Emmanuel Macron ne veut rien lâcher de son programme impopulaire. Dorénavant, tout sera comme auparavant. Pour lui, l’élection législative n’a jamais eu lieu. Comme toujours en Macronie, l’essentiel est de simuler la démocratie pour mieux la bafouer. Le Président a feint d’engager les discussions : désormais, la balle serait dans le camp des oppositions, il nous incomberait à nous de nous situer par rapport au parti majoritaire, qui n’est à présent plus majoritaire. En d’autres termes, soit nous avalisons la guerre sociale, la retraite à 65 ans et le conditionnement du RSA au travail gratuit, soit nous sommes une minorité de blocage ; soit nous sommes de votre côté, c’est-à-dire contre le peuple, soit nous sommes pour l’intérêt général, donc pour vous hors du champ républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.)
Votre ministre de l’intérieur nous désigne comme des ennemis. Là encore, vous avez en horreur tout ce qui s’apparente à une opposition démocratique et fait vivre l’alternative dans le pays. Ce sera donc vous ou le déluge, dites-vous. Nous disons que quand c’est vous, c’est le chaos. Nous savons que pour vous, depuis si longtemps, la terre ne tourne pas autour du Soleil, mais autour de Jupiter. En vérité, la Macronie peine à faire le deuil des cinq années passées. Elle traîne une nostalgie enfantine : les Playmobil lui manquent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.) Qu’il était doux ce temps où 300 députés appuyaient de concert sur un bouton sans prendre le temps de lire les textes !
Le pouvoir est désormais en disgrâce, impropre à la démocratie. Alors la Macronie se replie sur elle-même, elle grogne, elle boude ; ses pulsions d’éviction du champ républicain la reprennent, le sectarisme revient au galop. Hors de question de signer la proposition de loi constitutionnelle de la NUPES visant à protéger le droit à l’avortement : le pouvoir minoritaire fera sa propre proposition, même si elle n’est inscrite nulle part à l’ordre du jour de cette session – peut-être parce que vous avez préféré mettre ce texte au placard pour acheter la complaisance du Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il va falloir vous y faire : vous n’êtes plus le centre de gravité politique, vous êtes battus.
Après tout, pourquoi nous ferions-vous confiance ? Madame Borne, il faut le dire, vous êtes une rescapée. Vous êtes la Première ministre la moins bien élue de la Ve République…

M. Emeric Salmon.
Élue par vous !

Mme Mathilde Panot.
…vous avez maintenu un gouvernement à trous et à sursis ; trois de vos ministres ont été défaits aux législatives ; la ministre des outre-mer a tenu trente-six jours avant de prendre la fuite ; que dire du ministre accusé de plusieurs viols, maintenu en poste jusqu’à lundi,…

M. Rémy Rebeyrotte.
Scandaleux !

Mme Mathilde Panot.
…ou de la secrétaire d’État visée par des accusations de viols gynécologiques, toujours en fonction à ce jour !

M. Sylvain Maillard.
C’est honteux !


Mme Mathilde Panot.
Le camouflet électoral des législatives porte votre nom, mais vous êtes toujours là !
À un gouvernement chaotique en succède un autre. Vous promouvez les amis qu’il vous reste ; rares sont ceux qui veulent monter à bord du Titanic . Alors l’équipe des volontaires ressemble à s’y méprendre à un fond de tiroir. Dans ce gouvernement « darmanisé », on croise des hommes essentiellement : onze hommes ministres contre cinq femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.) En revanche, un homme secrétaire d’État contre neuf femmes… Renaissance a par ailleurs ressuscité la Manif pour tous, le ministère de la jeunesse est sous la tutelle du ministère des armées, les outre-mer dépendent de l’intérieur, peut-être en récompense de l’envoi du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) et du RAID (recherche assistance intervention dissuasion) en Guadeloupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.) La planification écologique a disparu au profit d’un ministère piloté par un novice. Votre nouveau monde est une machine à remonter le temps.

M. Philippe Vigier.
On a connu mieux !

Mme Mathilde Panot.
Pourquoi nous ferions-vous confiance, à vous qui découvrez les profiteurs de guerre, mais ne faites rien quand Total engrange 16 milliards de bénéfices, à vous qui présentez des mesures sociales inférieures au niveau de l’inflation, à vous qui êtes à nouveau épinglés par le Haut Conseil pour le climat (HCC) pour votre inaction climatique (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES) , à vous qui ne faites confiance qu’aux riches et aux pollueurs, à vous qui n’avez rien fait pour enrayer la crise des urgences et des établissements de santé ? Nous ne vous faisons pas confiance, mais au fond peu vous chaut.

M. Sylvain Maillard.
C’est vrai !

Mme Mathilde Panot.
Madame la Première ministre, soyons clairs : croyez-vous que notre modèle de production et de consommation doive bifurquer pour lutter contre le dérèglement climatique ? Nous, oui. Vous, non. Croyez-vous que le marché et les incantations soient incapables de régler tous les problèmes ? Nous, oui. Vous, non. Trouvez-vous indigne que 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, quand cinq milliardaires possèdent autant que 27 millions de Français ? Nous, oui. Vous, non. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) Que cela vous plaise ou non, il va falloir vous y habituer ; cela s’appelle la démocratie.
Madame la Première ministre, il faudra vous soumettre ou vous démettre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.) Nous ne croyons pas une seule seconde à une Macronie qui retrouve la raison. Vous avez présenté votre feuille de route, celle du dépôt de bilan de M. Emmanuel Macron ; voici la nôtre. Cette semaine, nous avons présenté notre deuxième proposition de loi commune à la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES) : SMIC à 1 500 euros nets, blocage des prix à la baisse des produits de première nécessité et du carburant, revalorisation de 10 % des aides au logement et du point d’indice des fonctionnaires, garantie d’autonomie à 1 063 euros par mois pour les jeunes, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, gel des loyers. Voilà des mesures qui seraient de nature à débloquer le pays,…

M. Alexis Corbière.
Elle a raison !

Mme Mathilde Panot.
…car la minorité de blocage à la vie digne, à la redistribution des richesses, à la sauvegarde des écosystèmes, c’est vous ! (Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix (LR).
Les Français ont décidé, en élisant leurs députés à l’Assemblée nationale, de priver le Président de la République de majorité absolue.

M. Maxime Minot.
Eh oui !

M. Olivier Marleix (LR).
Notre assemblée est aujourd’hui à l’image de notre pays, fracturée. Le fait d’avoir voulu dissoudre les clivages politiques par des débauchages individuels n’aura, au bout du compte, abouti qu’à remettre au goût du jour la vieille recette de la « petite soupe sur [le] petit réchaud » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR)…

M. Maxime Minot.
Très bien, bravo !

M. Olivier Marleix (LR).
…dénoncée en son temps par le général de Gaulle, mais n’aura pas permis de relever le défi essentiel : enrayer le déclin de la France. Cette « petite soupe », nous n’en voulons pas.
Notre responsabilité est claire : ni compromission ni petits arrangements (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR) avec un Président de la République dont nous contestons les orientations chancelantes depuis 2017 s’agissant de la dette, de l’énergie, de la souveraineté agricole et industrielle, de la sécurité, de l’immigration, de la transition écologique.

M. Patrick Hetzel.
Très bien !

M. Olivier Marleix.
Mais jamais de blocage stérile : nous n’avons pas l’intention de tout paralyser alors que notre pays a déjà pris trente ans de retard, faute d’une vision claire et d’une action résolue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Nous ferons tout pour que les cinq prochaines années soient plus utiles à notre nation que l’ont été les dix dernières.

Plusieurs députés du groupe LR.
Très bien !

M. Olivier Marleix.
Nous avons pour boussole le bien commun de la France et des Français. Dès qu’il en sera question, nous serons au rendez-vous. Oui, nous sommes prêts à voter tous les textes qui iront dans le sens du sursaut national, relatifs à l’amélioration du pouvoir d’achat par le travail, à la reconstruction de notre appareil industriel (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR),…

Mme Véronique Louwagie.
Bravo !

M. Olivier Marleix.
…à la sanction des délinquants ou à l’accès à la santé.
Mais pour que la France retrouve la maîtrise de son destin, nous vous invitons, madame la Première ministre, à rompre franchement avec « la politique du chien crevé au fil de l’eau ». Il est temps de répondre à l’attente légitime d’autorité dans notre pays, d’autorité du savoir et de l’enseignant à l’école, d’autorité des policiers dans nos quartiers, d’autorité de la loi et de la sanction vis-à-vis des délinquants, d’autorité de nos frontières face à des flux migratoires qui débordent nos capacités d’assimilation. L’humiliation qu’a représentée la chienlit du Stade de France pour les Français…

M. Marc Le Fur.
Tout à fait !

M. Olivier Marleix.
…est un énième symptôme de l’alarmante déliquescence de l’autorité dans notre pays. Nous vous appelons à en prendre la mesure et à prendre les décisions qui s’imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Patrick Hetzel.
Très juste !

M. Olivier Marleix.
Si vous êtes disposée à construire suffisamment de places de prison – nettement plus que les 2 000 places créées lors de la dernière législature –, vous pouvez compter sur nous.

M. Patrick Hetzel.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
Si vous êtes disposée à instaurer des peines minimales exemplaires pour enfin sanctionner les délinquants, vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot.
Mais oui !

M. Olivier Marleix.
Si vous êtes disposée à plafonner strictement l’immigration en fonction de nos capacités d’assimilation, vous pouvez compter sur nous. Si vous êtes disposée à expulser les étrangers fichés pour radicalisation terroriste, vous pouvez compter sur nous. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR– NUPES.)

Une députée du groupe LFI – NUPES.
À droite toute !

Mme Véronique Louwagie.
Bravo !

M. Olivier Marleix.
Nous devons aussi – et peut-être surtout – répondre à l’exigence de justice sociale la plus élémentaire : pouvoir vivre dignement de son travail. À coups de chèques à crédit et de dépenses sociales incontrôlées, vous avez fait croire que l’assistanat était la solution alors qu’il n’est qu’illusion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot.
Bravo !

M. Olivier Marleix.
Plutôt que de multiplier les chèques d’argent public, tâchons de réduire l’écart délirant entre le salaire brut et le salaire net, en réduisant les prélèvements obligatoires dont nous sommes les champions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR– NUPES.)
Plutôt que de réduire les pensions de retraite, fruits d’une vie de travail, en les valorisant ou en augmentant la CSG – contribution sociale généralisée –, ayez enfin le courage de mener une réforme juste de notre système de retraite. Oui, nous devons tout faire pour revaloriser le travail et il n’y a pas de droit sans devoir. Si vous êtes prêts à exiger des bénéficiaires du RSA quinze heures d’activité (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) ,…

M. Maxime Minot.
Très bien !

M. Olivier Marleix.
…par exemple dans nos EHPAD qui manquent ne serait-ce que d’une présence humaine auprès de nos aînés, alors vous pouvez compter sur nous.
Ne nous dupons pas. La France doit créer plus d’emplois et produire plus de richesses ; la clef du pouvoir d’achat est là. Alors, ne tuons pas ce qu’il reste d’industrie au nom d’un écologisme punitif dont le seul effet est de laisser produire à l’étranger ce que nous ne produisons plus en France.

Mme Émilie Bonnivard.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
Désormais, nos importations représentent la majorité de notre empreinte carbone. Nous tuons à la fois nos emplois et notre planète. Pour réunir les conditions d’une réindustrialisation décarbonée, il faut moins de normes et de paperasse, et une vraie politique de filière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

Mme Véronique Louwagie.
Bravo !

M. Maxime Minot.
Tout à fait !

M. Olivier Marleix.
Madame la Première ministre, il nous faut surtout retrouver l’excellence nucléaire sans laquelle l’électricité sera plus chère et plus carbonée. Que de temps perdu !

M. Patrick Hetzel.
Bravo !

M. Olivier Marleix.
Renationaliser EDF, pourquoi pas, sauf si c’est pour mieux démembrer le groupe. Nationaliser les pertes pour privatiser les profits ne peut être le projet.

Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES.
Oh ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI – NUPES.)

M. Olivier Marleix.
Enfin, arrêtons d’être les idiots du village planétaire : toutes les nations défendent leurs intérêts, y compris au sein de l’Union européenne, personne ne défendra les nôtres à notre place.
Nous devons enfin sortir de l’illusion de l’argent magique qui menace notre souveraineté. La réalité se rappelle déjà à nous à l’issue d’un mandat au cours duquel la dette publique a augmenté de 700 milliards – soit deux fois plus qu’en Allemagne –,…

M. Patrick Hetzel.
C’est abyssal !

M. Olivier Marleix.
…bien moins en raison de la crise sanitaire qu’en raison de vos choix budgétaires, comme l’a rappelé la Cour des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Aujourd’hui, la hausse des taux d’intérêt nous met au pied du mur. Alors, revenons au bon sens de Montesquieu : « Le point fondamental de la bonne administration est facile ; il ne consiste qu’à ajuster la dépense avec la recette. »

Mme Émilie Bonnivard.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
Tous les entrepreneurs et toutes les familles doivent le faire, et votre gouvernement, madame la Première ministre, doit le faire également. Votre discours sur ce point nous interroge.

M. Pierre Cordier.
C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Olivier Marleix.
Les familles et les entreprises françaises sont toujours aussi accablées d’impôts et de taxes : le taux des prélèvements obligatoires était en 2021 le même qu’en 2016…

M. Jean-Paul Lecoq.
Il y a déjà trop de cadeaux pour les riches !

M. Olivier Marleix.
…alors que notre hôpital est au bord de l’implosion,…

M. Maxime Minot.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
…que le niveau de notre éducation s’effondre et que celle-ci ne promeut plus assez le mérite,…

M. Patrick Hetzel.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
…que la justice sanctionne trop peu et trop lentement et que des millions de Français sont privés d’accès à la santé. L’argent du contribuable est trop souvent gaspillé. Il est possible et nécessaire de faire mieux avec moins d’argent public, telle est la réalité.
Soyons clairs, augmenter les effectifs de soignants ou de magistrats, oui. Mais à condition, par ailleurs, de réduire drastiquement les emplois publics dans les administrations centrales (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR), d’en finir avec cette bureaucratie tatillonne dans les quelque 1 200 agences de l’État, dans tous ces bureaux qui ont pullulé à mesure que les services de terrain se raréfiaient.

M. Jean-Paul Lecoq.
Populisme !

M. Olivier Marleix.
La méthode de la révision générale des politiques publiques, instaurée il y a quinze ans, n’était peut-être pas la bonne, mais cela ne justifie en rien de laisser filer le nombre d’emplois publics comme vous le faites depuis 2017 – on dénombre 70 000 emplois supplémentaires dans la seule fonction publique. Faire des économies d’argent public est possible, nous le démontrons dans les régions que nous gérons. (Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)

Mme Émilie Bonnivard et M. Maxime Minot.
Eh oui !

M. Olivier Marleix.
Enfin, il faudra avoir le courage de protéger l’argent des Français contre la fraude sociale tout autant que contre les champions de l’optimisation fiscale qui abusent sous vos yeux et ceux de Bercy des prix de transfert pour ne pas payer d’impôts en France. Nous serons à vos côtés si vous avez le courage de réduire la dépense publique inefficace pour diminuer l’imposition confiscatoire du travail, y compris l’imposition des moyens d’aller au travail, c’est-à-dire des carburants. La taxation des carburants est le plus injuste des impôts (Applaudissements sur les bancs du groupe LR) parce que c’est celui qui vise directement et exclusivement cette France qui se lève tôt pour bosser et qui ne s’en sort plus.
La politique du courage que nous appelons de nos vœux est la seule propre à rétablir la cohésion nationale. Au terme de ces cinq années, notre nation est épuisée, fracturée. Les Français ont envoyé un message au Président de la République : l’arrogance solitaire et le mépris des corps intermédiaires doivent cesser. Au cours des cinq prochaines années, l’assemblée des élus de la nation que nous sommes tous devra être entendue. Nous, les députés du groupe Les Républicains, menons un combat en faveur de la cohésion nationale. Ce n’est pas un slogan tiède et vaporeux comme l’est devenu le vivre-ensemble, mais un inlassable combat animé par l’amour de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot.
Parfait !

M. Olivier Marleix.
Qu’il n’y ait pas une France des précaires et une France des protégés, mais une seule France ; qu’il n’y ait pas une France des jeunes et une France des seniors, mais une seule France ; qu’il n’y ait pas une France des métropoles et une France des villages, mais une seule France ; qu’il n’y ait pas une France des usines et une France des start-up,…

M. Patrick Hetzel.
Excellent !

M. Olivier Marleix.
…mais une seule France ; qu’il n’y ait pas une France qui croit au ciel et une France qui n’y croit pas, mais une seule France, la France fière de son histoire et sûre de son destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Maxime Minot.
Très bien !

M. Olivier Marleix.
Notre nation n’est ni un « torrent d’individus » ni une juxtaposition de communautés. Elle est ce que nous avons en héritage et en partage, elle nous dépasse et nous oblige. Non seulement nous avons le droit, mais nous avons le devoir de défendre notre nation et notre mode de vie. Oui, nous voulons que la France reste la France, que notre nation retrouve son rang. Voilà le chemin exigeant sur lequel vous savez pouvoir nous trouver. (Mmes et MM. les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent longuement.)

Plusieurs députés du groupe LR.
Bravo !

Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Madame la Première ministre, vous l’avez dit tout à l’heure, nous sommes face à une situation exceptionnelle et à des défis immenses.
Une situation exceptionnelle, d’abord, du fait de la composition de notre assemblée. À l’occasion des élections législatives, le peuple français vient de faire de la proportionnelle une réalité.

M. Aurélien Pradié.
Cela vaccine un peu !

M. Jean-Paul Mattei.
Le groupe Démocrate, attaché à l’idée de représentation proportionnelle, salue la proposition de notre présidente d’ancrer ce principe dans le marbre de la loi au cours de la législature. De fait, aujourd’hui, le Parlement reflète davantage la société française dans la diversité de ses opinions et de ses attentes.
Loin d’être un signe d’instabilité, c’est une preuve de la vitalité intacte de notre démocratie. Cela nous oblige à réinventer notre façon de travailler ensemble.

M. Bruno Millienne.
Absolument !

M. Jean-Paul Mattei.
Chacun d’entre nous, avec les idées qu’il incarne, est ici à sa place, celle à laquelle le suffrage universel l’a hissé.

M. Bruno Millienne.
Bravo !

M. Jean-Paul Mattei.
Chacun a ici la lourde responsabilité de façonner le destin de la France et des Français. Pour les cinq prochaines années, le Parlement sera plus que jamais au cœur de la vie politique et institutionnelle. C’est un motif de satisfaction pour notre famille politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne et M. Philippe Vigier.
Très bien !

M. Jean-Paul Mattei.
Montesquieu, que je vais citer également, nous a appris que « pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

M. Bruno Millienne et M. Philippe Vigier.
Bravo ! Excellent !

M. Jean-Paul Mattei.
La réforme constitutionnelle de 2008 a fait sien cet objectif et a donné davantage de droits au Parlement en matière d’initiative et de contrôle législatif. Elle a reconnu les droits de l’opposition, à laquelle revient la présidence de la commission des finances. Elle était inspirée par l’inquiétude démocratique d’un parlement qui ne refléterait plus l’opinion ou musellerait l’opposition au point que celle-ci n’aurait d’autre choix que la rue pour se faire entendre.
Nous avons la chance de disposer d’un socle institutionnel solide qui permet d’inscrire le changement politique majeur que nous vivons dans le cadre existant. Le Parlement devient désormais incontournable et n’est ni une chambre d’enregistrement ni un récif sur lequel se brisent toutes les réformes ou toutes les idées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne et M. Philippe Vigier.
Bravo !

M. Jean-Paul Mattei.
Il nous faudra revoir notre façon de légiférer et de travailler ensemble, entre nous d’abord mais également avec le Gouvernement, dans le cadre d’un dialogue constructif permettant d’aboutir à des accords solides car viables dans le temps et consentis par tous. Pour y parvenir, vous me trouverez toujours à vos côtés, madame la Première ministre, en qualité de médiateur, tout comme le groupe Démocrate.
La semaine dernière, pour la première fois, nous avons élu une présidente de l’Assemblée nationale. Pour tous les parlementaires, c’est une fierté et c’est un signe incontestable que les mentalités évoluent. Pour la première fois, nous avons choisi un député d’un parti qui n’avait jamais gouverné à la tête de la commission des finances. Ainsi remanié, le Gouvernement est un gouvernement d’action au service des Français. Il devra plus que jamais entendre ce qui se dira dans notre assemblée et dans le pays.
Ses qualités d’écoute et de dialogue sont, je le sais, les vôtres, madame la Première ministre. Je salue votre élection en tant que députée du Calvados, qui fait de vous l’une des nôtres également. Vous avez toute votre légitimité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)
Vous êtes, madame la Première ministre, une femme d’État aguerrie. Je sais que votre connaissance de nos institutions et du Gouvernement vous permettra de conduire efficacement son action et d’animer un dialogue vertueux avec le Parlement.

M. Laurent Croizier.
Excellent !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Nous sommes en effet face à des défis immenses. Il nous reviendra, ensemble, de poursuivre les réformes utiles à notre pays, pour lesquelles nos concitoyens ont réélu le Président de la République. Pour ce faire, il nous faudra continuer à libérer les énergies sans casser les talents et réparer la cohésion de notre société.

Un député du groupe RN.
Oh là là !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) est le premier soutien de la majorité. Nous en partageons les valeurs : le respect de chacun et le souhait d’une société plus solidaire ; le goût de la liberté dans une France apaisée, réunie autour du pacte républicain, avec un Parlement fort et un État de droit respecté ; le souci de voir nos territoires protégés, intégrés à la République par une décentralisation efficace,…

M. Laurent Croizier.
Bravo !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
…maillés de services publics et entendus dans leurs besoins spécifiques ; le désir d’améliorer la vie des gens dans le respect de l’État de droit, de moderniser l’économie, d’encourager les entrepreneurs et de soutenir les plus fragiles contre les chocs qui déstabilisent la société ; la volonté de répondre à l’urgence climatique et de préserver notre environnement. Nous le devons aux générations futures.
Le Haut Conseil pour le climat évalue l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre à 6,4 % depuis l’an dernier, malgré une baisse tendancielle de 23 % par rapport à 1990. Signe de l’importance de cette prise de conscience au plus haut sommet de l’État, vous êtes, madame la Première ministre, en charge de la planification écologique et énergétique. Vous avez d’ailleurs déjà annoncé, pour le début de 2023, une nouvelle loi de programmation pour le climat. C’est pourquoi notre groupe soutiendra le programme ambitieux proposé par le Président de la République en matière d’action climatique. Nous nous attacherons, avec vous, à atteindre la neutralité carbone en 2050, à rénover 700 000 bâtiments, à végétaliser les villes, à consacrer 10 milliards d’euros à la transition écologique durant le quinquennat.
La défense de notre souveraineté nationale, aussi bien militaire que stratégique, énergétique et alimentaire, passe par une armée forte, par la modernisation du modèle industriel et agricole, et par le développement du mix énergétique. L’appartenance européenne nous permet d’être plus forts ensemble sur la scène internationale dans un contexte qui a révélé la fragilité des États isolés. À cet égard, nous pouvons nous réjouir que nos partenaires aient écouté la voix de la France au cours des six derniers mois de la présidence française de l’Union européenne.

M. Bruno Millienne.
Absolument !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Sur la scène internationale, la France a également œuvré pour avancer sur les questions climatiques. Le mois dernier, le G7 a pris l’engagement de mettre un terme au financement d’énergies fossiles sans capture du carbone d’ici à la fin de l’année 2022. Sous l’impulsion du Président de la République, l’accord de Paris a été réaffirmé. Son objectif est de limiter le réchauffement climatique à 1,5 % par rapport à l’ère préindustrielle et de parvenir à zéro émission nette de carbone d’ici à 2050.
Nous aurons enfin l’impérieuse nécessité de restaurer nos finances publiques très dégradées, pour ne pas léguer à nos enfants un avenir hypothéqué. Sur ce point, nous devrons conserver à l’État les moyens de faire face à une autre crise majeure. Les réponses ponctuelles pour répondre à l’urgence ont été adaptées à la covid 19 ; elles ont impliqué une dégradation considérable de la dette. L’État emprunte aujourd’hui à un taux de 2 %, ce qui entraînera une augmentation de 11 points de PIB de la dette en dix ans. Revenir à une maîtrise réelle de nos finances est une obligation, pas une option. Nous devrons réfléchir aux solutions pérennes qui permettront de retrouver un point d’équilibre viable pour l’économie et pour la société.
Le monde change. La France change. La société change. Notre pays est divisé : notre devoir est de tout faire pour réunir nos concitoyens. Cela nous oblige à faire preuve de plus de solidarité et de responsabilité. La crise sanitaire nous a montré la fragilité de notre société et des États. Chacun d’entre nous l’a ressenti à son propre niveau, du retraité à l’étudiant, du chef d’entreprise au salarié. Nous devrons donc renforcer notre capacité à répondre à une nouvelle crise, tout en restaurant nos moyens de résilience collectifs.
À l’heure où l’inflation, que les économistes croyaient disparue à jamais, refait son apparition et frôle les 6 % par an, nous devons travailler en premier lieu sur la question du pouvoir d’achat de nos concitoyens, afin que chacun puisse raisonnablement se projeter dans l’avenir sans brider ni briser les talents. Nous devrons repenser la fiscalité pour mieux répartir les richesses et garantir l’accès aux ressources naturelles et énergétiques, dont la rareté nous a cruellement été rappelée. Nous devrons être collectivement plus vertueux, plus sobres, plus économes dans nos façons de vivre,…

M. Hubert Ott.
Très bien !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
…de consommer, de nous déplacer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Nous devrons aussi accepter d’aborder sans tabou la question du vieillissement de la société (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem) et ce qu’elle implique en termes de cinquième risque et de viabilité de notre système de retraite. Ne pas le faire serait, là encore, trahir les générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Laurent Croizier.
Très bien !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Nous vivons un contexte international de montée des périls qui a déjà marqué de sombres heures de l’histoire de notre pays. Avec la guerre à nos portes, en Europe, dont l’horreur saisit chacun de nous, nous devons tout faire pour que la France ne soit pas déstabilisée. Il nous revient aussi d’affronter les enjeux de la solidarité et de notre tradition d’accueil, désormais posés de façon inédite. Les Français ont besoin de notre sagesse, pas de postures politiques ou d’anathèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Sylvain Maillard.
Il a raison !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Madame la Première ministre, le groupe Démocrate demeurera un soutien, un partenaire engagé, à la fois au Parlement et dans votre Gouvernement. Il sera le laboratoire des pratiques nouvelles de votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. Bruno Millienne.
Très bien !

M. Jean-Paul Mattei (Dem).
Nous savons votre détermination, ainsi que votre courage et votre pugnacité. Vous connaissez notre fidélité et notre soutien constructif. C’est pourquoi, sur ce chemin, vous avez toute notre confiance. (Mmes et MM. les députés des groupes Dem, RE et HOR se lèvent et applaudissent.)

Plusieurs députés du groupe Dem.
Bravo !
La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud (SOC).
Nous voici donc réunis dans l’un de ces moments singuliers et, à bien des égards, inquiétant, dont l’histoire a parfois la ruse.
Singulier d’abord, car, pour la première fois depuis longtemps, le Parlement trouve aujourd’hui une centralité nouvelle. Le suffrage universel – notre juge et notre maître à tous – ne vous a pas accordé de majorité, madame la Première ministre. Les Français ne vous font plus confiance, ils ne font plus confiance au Président de la République (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem) et ne veulent pas de son programme. Vous avez perdu le Président absolu en même temps que vous perdiez la majorité absolue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR –NUPES.) Les électeurs ont donc fait le choix d’une minorité présidentielle et d’un parlementarisme de fait. Le cœur du pouvoir a quitté le palais de l’Élysée pour prendre place ici, au Palais-Bourbon.
Inquiétant ensuite, car cette assemblée est des plus mal élue de son histoire ; sa légitimité est mise à mal par la marée montante de l’abstention, symptôme d’une démocratie fatiguée et d’électeurs qui ne croient plus en leurs représentants.

M. Bruno Millienne.
La faute à qui ?

Mme Perrine Goulet.
Vive les frondeurs !

M. Laurent Croizier.
Vous êtes à l’extrême gauche !

M. Boris Vallaud (SOC).
Inquiétant surtout, avec l’entrée en nombre d’une extrême droite contre laquelle vous aviez promis d’être le rempart. Au lieu de cela, nous avons entendu, dans vos rangs mêmes, se fissurer le front républicain (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES) et nous vous avons vus, sur vos bancs mêmes, faciliter l’élection de deux vice-présidents du Rassemblement national (Mêmes mouvements). La fébrilité n’autorise à perdre ni son sang-froid ni ses principes républicains. Pour nous, il n’y a rien à espérer du désespoir et l’extrême droite est une funeste impasse (Mêmes mouvements.) Dans cette assemblée, comme socialistes et comme républicains, nous servirons toujours une autre idée de la France.
Madame la Première ministre, nous ne vous rejoindrons pas pour mettre en œuvre un programme et un projet libéraux qui ne sont pas les nôtres et pour lesquels les électeurs ne nous ont pas désignés. Nous nous sommes opposés durant cinq ans à la baisse des APL, à l’abandon de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et à l’instauration de la flat tax . Nous avons plaidé pour une lutte déterminée contre les inégalités, que vous n’avez, en définitive, jamais menée. Nous avons combattu votre réforme de l’assurance chômage – violente envers les plus précaires –, du logement social – désastreuse pour les bailleurs sociaux –, et combattu encore votre première réforme des retraites – injuste pour ceux qui exercent des métiers pénibles.
Nous avons dénoncé les insuffisances de votre engagement en faveur de l’environnement, qui a valu à notre pays d’être condamné pour inaction climatique (Vives protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.– Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.) Nous avons dénoncé le malthusianisme de votre politique éducative, guidée non par l’ambition de donner une place à chacun, mais par le souci que chacun reste à sa place. Nous nous sommes désolidarisés de votre politique en matière d’asile et d’immigration, et avons contesté les lois qui portaient une atteinte excessive à nos droits et à nos libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.)

M. Laurent Croizier.
Vous êtes applaudi par l’extrême gauche !

M. Boris Vallaud (SOC).
Chaque fois, nous avons proposé ; chaque fois, vous vous êtes obstinés.
Madame la Première ministre, convenez-en, nous n’avons pas été élus pour donner au Président de la République la majorité que les Français lui ont refusée (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR –NUPES) , moins encore, pour mettre en œuvre la retraite à 65 ans, les contreparties au RSA ou la libéralisation de l’école publique. Treize millions de Français sont en situation de précarité sur le plan de la mobilité, 12 millions habitent dans des passoires énergétiques, 10 millions vivent sous le seuil de pauvreté, 8 millions résident dans un désert médical, 6 millions demeurent sans emploi stable et 300 000 d’entre eux sont sans domicile fixe ; 20 % de nos compatriotes vivent à découvert. Les températures augmentent en même temps que la biodiversité s’effondre. Nous avons touché les limites du monde tel qu’il a prévalu jusqu’à aujourd’hui, menacé par l’injustice et la démesure, et en définitive par la précarité économique, sociale et écologique où nous a entraînés l’ère néolibérale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.)
Vous aspirez à un retour à la normale, nous aspirons à un changement de modèle. À l’aube d’une décennie critique, nous avons des propositions utiles à la vie des Français, dont nous sommes prêts à débattre ici.

Mme Perrine Goulet.
Vous vous êtes couchés !

M. Boris Vallaud (SOC).
Notre projet ne nous appartient pas. L’idéal qu’il entend réaliser est à la portée de tous. À chaque fois que vous élèverez le débat pour atteindre cet idéal de justice,…

Mme Sophia Chikirou.
Cela n’arrivera pas, malheureusement…

M. Boris Vallaud.
…vous nous trouverez à vos côtés. Vous affirmez que les oppositions s’opposent à tout. Apprenez à écouter, à considérer leurs propositions et parfois à les faire vôtres.
Nous défendons le travail de valeur et la reconnaissance de l’utilité sociale. Chacun doit pouvoir vivre dans la dignité d’un travail de qualité, justement rémunéré. Notre philosophie n’est pas celle des chèques occasionnels ou des primes qui ne créent pas de droits sociaux (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR –NUPES) ; c’est celle des salaires qui permettent à chacun de vivre de son travail et de préparer sa retraite, celle du juste partage de la valeur ajoutée. C’est la raison pour laquelle nous proposons l’augmentation du SMIC à 1 500 euros et nous défendons la limitation des écarts de rémunération. (Mêmes mouvements.)
Nous proposons une plus grande justice fiscale pour que les classes moyennes cessent de payer les impôts des riches que vous avez exonérés d’ISF, pour que les PME ou les PMI (petites et moyennes industries) cessent de payer les impôts quand les multinationales cachent leurs profits dans les paradis fiscaux.
Nous proposons l’ouverture des droits sociaux à l’âge de 18 ans, comme partout en Europe, car nous ne voulons plus voir notre jeunesse grossir les rangs des banques alimentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.) Dans son discours à la jeunesse, Jaurès disait de la République qu’elle est un grand acte de confiance. Faisons confiance à notre jeunesse. Nul besoin de la placer sous la tutelle du ministère de la défense comme vous le proposez ! (Mêmes mouvements.)
Nous plaidons pour une politique écologique et sociale du logement, pour la massification de la rénovation thermique des logements afin de sortir en dix ans les Français de la précarité énergétique, pour une écologie populaire planifiée au lieu d’un effondrement brutal afin de permettre aux Français de mieux vivre, de mieux se loger, de mieux se nourrir, de mieux se déplacer. Nous défendons la République jusqu’au bout, celle de Jaurès, celle des services publics. Nous défendons l’accès aux soins par l’obligation d’installation des médecins, par la défense de l’hôpital. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR –NUPES.) Nous défendons l’accès à l’éducation par la mixité scolaire, que vous n’avez jamais défendue.
Ces propositions, comme bien d’autres, nous les avons formulées et elles sont sur la table. C’est le sens de la proposition de loi sur le pouvoir d’achat que nous avons déposée avec la Nouvelle union populaire écologique et sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.) Il va vous falloir écouter, entendre, renoncer aussi à beaucoup de vos projets – alors que vous paraissez n’avoir renoncé à rien –, partager le pouvoir pour l’exercer et faire vivre ce Parlement.
Président du groupe Socialistes et apparentés, je suis l’héritier d’une grande famille, celle du socialisme (MM. Sylvain Maillard et Laurent Croizier s’exclament) , qui siège sur les bancs de l’Assemblée nationale depuis 129 ans.

M. Laurent Croizier.
Jaurès aurait honte !

M. Boris Vallaud (SOC).
Or, en me tournant vers le passé, je constate que certains des grands combats qu’a menés le socialisme et qui font désormais partie de notre histoire commune, l’ont été alors que les socialistes ne disposaient pas de majorité. Je prendrai deux exemples. Le début de la IVe République a quelques titres de gloire : l’application du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), la fermeture du bagne de Cayenne, la nationalisation des banques et des industries de l’énergie, le retour à la semaine de 40 heures, la généralisation de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.– M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)
Or ce fut une majorité qui allait de la démocratie chrétienne jusqu’aux communistes, en passant par les socialistes, qui présida à cette œuvre ; cette majorité parlementaire donna aussi bien sa confiance à un socialiste comme Félix Gouin qu’à un démocrate-chrétien comme Georges Bidault.

M. Cyrille Isaac-Sibille.
Rejoignez-nous !

M. Boris Vallaud.
Mon deuxième exemple remonte à la fin du XIXe siècle, à cette IIIe République fatiguée où se succédaient les scandales et les affaires, jusqu’au plus grand péril : l’affaire Dreyfus. La République était en danger. En 1899, après une énième provocation nationaliste, au plus fort de la crise, le gouvernement Waldeck-Rousseau obtint la confiance d’une large partie de l’Assemblée, qui allait du centre droit jusqu’aux troupes de Jaurès.
Ce gouvernement-là sera le plus long de la IIIe République ; il mettra fin à l’affaire Dreyfus, il encadrera la durée du travail des femmes et des enfants, fera voter la loi sur les associations de 1901 et celle autorisant la syndicalisation des fonctionnaires… Et c’est toujours avec le soutien de la gauche et des socialistes que cette Assemblée votera l’immortelle loi de séparation des Églises et de l’État. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI - NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.)

M. Laurent Croizier.
Quittez la NUPES ! Quittez le RN de gauche !

M. Boris Vallaud.
Vous le voyez, si j’osais, je vous dirais que ce que la République a réalisé de plus glorieux, elle l’a fait précisément en rassemblant des formations politiques diverses.
Je veux ici m’adresser un instant aux députés du Rassemblement national. L’histoire glorieuse que je rappelle n’est pas la vôtre. Ceux dont vous êtes les héritiers n’étaient pas dans les murs de cette enceinte en 1946 ; je n’ose vous dire où ils étaient pour la plupart. (« Et la francisque ? » sur les bancs du groupe RN.) Ceux dont vous êtes les héritiers étaient sur les bancs des accusés de Zola. Ce que la France a fait de grand dans son histoire, elle l’a fait sans vous, et le plus souvent, elle l’a fait contre vous. (Mmes et MM. les députés des groupes SOC, LFI - NUPES, Écolo°–°NUPES et GDR°–°NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe Dem applaudissent également.)

Une députée du groupe RN.
Quelle honte !

M. Pierre Cordier et M. Rémy Rebeyrotte.
N’oubliez pas Jacques Doriot !

M. Rémy Rebeyrotte.
Et méfiez-vous de Marcel Déat !
 

M. Boris Vallaud.
Venons-en, madame la Première ministre, à la mise en œuvre pratique de ce parlementarisme de fait. Partagez la maîtrise de l’ordre du jour en mettant le programme législatif de votre Gouvernement en délibération au sein de la conférence des présidents de notre Assemblée ; rééquilibrez l’initiative de la loi en intégrant à votre agenda des initiatives parlementaires, en particulier venues des oppositions – à nous, ensuite, de les défendre. Desserrez l’étreinte du temps sur les travaux parlementaires en allongeant de quelques semaines le délai entre le dépôt de vos textes et leur discussion ; permettez qu’interviennent des travaux préparatoires de qualité et une délibération sincère, à la recherche de l’intérêt général. Retenez-vous d’utiliser les procédures d’urgence et les ordonnances. Changez en ce sens, madame la Première Ministre – quitte à légiférer un peu moins.
Chers collègues, quant à nous, changeons nos pratiques. Répartissons mieux entre nous les fonctions de rapporteur de nos travaux, et exigeons de celles et ceux qui les exerceront un travail de concertation avec tous les groupes. Investissons pleinement la fonction de rapporteur d’application, pour juger de la qualité des études d’impact, et donnons une utilité aux contributions citoyennes déposées à l’occasion de celles-ci.
Agenda législatif partagé, initiative législative équilibrée, temps législatif augmenté, exercice nouveau de la fonction de rapporteur…

Mme la présidente.
Merci. Votre temps de parole est écoulé. (Protestations sur les bancs des groupes SOC, LFI - NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.)

M. Boris Vallaud.
Je termine, madame la présidente. Socialistes, de gauche, nous demeurons votre opposition et nos désaccords sont nombreux et profonds. Nous défendrons à chaque fois la justice et l’égalité. Enfin – je termine…

Mme la présidente.
Non, monsieur le député. C’est la même règle pour tout le monde !

Plusieurs députés du groupe SOC.
Bravo, Boris ! (Mmes et MM. les députés des groupes SOC, LFI - NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Laurent Marcangeli.

M. Laurent Marcangeli (HOR).
C’est avec la conviction que nous vivons un instant particulier et décisif de notre vie démocratique et institutionnelle que je m’adresse à vous, au nom du groupe Horizons et apparentés que j’ai l’honneur de présider.
La tâche qui attend l’Assemblée nationale est considérable.
Le contexte politique dans lequel nous nous trouvons est inédit, et nous devons prendre du recul pour l’appréhender. Le choix des Français nous oblige, nous autres parlementaires, à opérer un tournant majeur dans notre manière de légiférer au nom du peuple français.
Madame la Première ministre, les rapports que votre gouvernement entretiendra avec cet hémicycle devront tenir compte du vote dont sont issus les 577 députés de la nation.
Non, la France n’est pas devenue ingouvernable. Nous demeurons convaincus que, si les femmes et les hommes de bonne volonté s’organisent et s’entendent au service de l’intérêt national, alors nous ferons de cette nouvelle configuration une force. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Les élus locaux que nous sommes pour bon nombre ici font quotidiennement cet exercice du dépassement au sein de leurs collectivités. Puissions-nous nous remémorer nos expériences et nous inspirer des méthodes de gouvernance locales, indispensables dans nos territoires, désormais requises au cœur de cet hémicycle !
Notre responsabilité collective, face au destin de notre pays, mérite bien que nous nous essayions à l’exercice, incommode mais pas insurmontable, du consensus.
Notre pays trace sa voie dans un monde incertain et dangereux. La guerre est de retour sur le continent européen. Nos soldats donnent leur vie pour combattre le terrorisme islamiste – je veux ici leur rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.) Notre situation économique devient chaque jour plus périlleuse et pèse sur notre dette publique. Trop nombreux sont nos concitoyens qui souffrent d’un pouvoir d’achat indigne, dans un contexte d’inflation galopante. L’approvisionnement énergétique de l’Europe est menacé et les événements climatiques extrêmes se multiplient. Enfin, malheureusement, la pandémie menace à nouveau.
En ces temps de grands bouleversements, la France court le risque de se retrouver en marge des affaires du monde. Nous courons, mes chers collègues, le risque de la vulnérabilité.
Ce sentiment de vertige, de doute sur notre destin national est, au fond, à l’origine de l’inquiétude des Français. C’est à nous, responsables politiques, législateurs, membres du Gouvernement, qu’il appartient de les réconcilier avec la politique.
Pendant cinq ans, beaucoup a été fait par le Président de la République et les gouvernements d’Édouard Philippe et de Jean Castex pour tenir le cap d’une France plus forte, plus juste et plus prospère. Mais ce bilan n’altère en rien notre conscience de l’ampleur des changements et transitions à venir comme de l’impatience du pays.
C’est dans cet esprit de continuité que le groupe Horizons s’est engagé au sein de la majorité présidentielle, qui doit désormais devenir une association de projets et d’actions, pour continuer à réformer le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Ce projet de réforme, celui du Président de la République, a été – qu’on le veuille ou non – validé par les Français au second tour de l’élection présidentielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)
Mais, en choisissant leurs députés, les Français ont aussi adressé à leurs responsables politiques un message rare dans l’histoire de la Ve République : aucun groupe n’est en mesure de gouverner seul. Le dialogue, la recherche du compromis et l’élargissement de la majorité seront les seules façons de conjurer l’immobilisme.
Nous avons aujourd’hui la lourde responsabilité de répondre à l’appel des Français.
Que nous dit cet appel ? Il nous dit d’abord : agissez, réformez, protégez, libérez ; appliquez, dans ses grandes lignes et sa philosophie, le projet que nous avons choisi lors de l’élection présidentielle. Mais, en même temps, il nous dit : travaillez ensemble, soyez créatifs et raisonnables, tirez le meilleur de chaque proposition pour agir sur l’essentiel, cessez les postures et les effets de manche dont nous ne voulons plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mes chers collègues, ce message envoyé par le peuple français, nous allons devoir nous en accommoder.
Certes, nous entendons les appels au dialogue, texte par texte : c’est ce que le bon sens politique semble commander. Mais le « coup par coup » ne propose pas de stratégie pérenne, mûrie. Considérer les choses par le petit bout de la lorgnette n’a jamais produit de ligne claire de gouvernement. Or c’est bien de lignes claires que le pays a aujourd’hui besoin.
Nous sommes convaincus que le projet précède l’alliance. Nous croyons que les convergences sont possibles. Notre devoir de parlementaires consiste à les identifier, à les exposer clairement aux Français et à agir en conséquence.
Nous le disons très nettement : proposer aux Français une plateforme d’action commune ne signifie pas gommer les différences ou abandonner les identités politiques ; cela signifie se mettre d’accord sur l’essentiel, sur les dispositions concrètes, factuelles, qui nous permettront de répondre à la fois aux défis les plus urgents et à ceux des générations à venir.
Nous, parlementaires du groupe Horizons et apparentés, croyons que la majorité et d’autres forces peuvent s’accorder sur quelques axes d’action simples, de bon sens, proches des préoccupations de notre peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Le premier de ces axes, c’est la priorité qui doit être donnée à l’éducation, mère de toutes les batailles. Il existe déjà un consensus politique dans cette assemblée pour faire porter l’effort sur les fondamentaux, le français et les mathématiques, mais aussi pour revaloriser la rémunération et le rôle des professeurs, pour améliorer l’orientation des élèves, ou encore pour donner plus de liberté aux établissements pour mener à bien leur projet pédagogique.
Prendre des mesures en faveur de l’éducation nationale, c’est aussi, plus largement, s’inquiéter des conditions de vie et d’éveil de nos enfants. Du harcèlement à l’école aux violences intrafamiliales, de la lutte contre la grande précarité à celle des discriminations de toute forme : voilà, aggravées par la recrudescence des contenus toxiques en ligne, les urgences de notre siècle, celles auxquelles nous devons donner la priorité.
Dans le même temps, nous devrons travailler sans relâche sur la santé, l’autonomie, le grand âge ; nous devons travailler à faire émerger une société plus inclusive pour nos concitoyens en situation de handicap.
Ensuite, il nous faut préserver notre souveraineté budgétaire et financière. Notre dette publique se monte à 2 813 milliards d’euros, soit près de 120 % de notre PIB. Cela doit nous alerter, et nous sommes nombreux à souhaiter que notre État soit plus économe et revienne sur une trajectoire financière soutenable. Nous sommes, mes chers collègues, que nous le voulions ou non, l’Assemblée nationale qui devra accompagner la sortie du « quoi qu’il en coûte » – indispensable en son temps – et qui devra restaurer l’équilibre des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

M. Laurent Marcangeli.
Nous le savons tous : il y va de notre indépendance nationale et de la pérennité de notre modèle social.
Les Français attendent aussi de nous une France plus sûre, sur tout le territoire de la République. Nous trouverons une majorité pour mettre plus de forces de l’ordre sur le terrain et mener un effort de recrutement massif dans la justice. Nous devrons travailler à la simplification des procédures pour mieux punir les infractions du quotidien et les violences à l’égard des dépositaires de l’autorité publique.
Nous devrons, dans toutes nos réformes, consolider les bases d’une écologie de gouvernement, fondée sur le progrès, la justice sociale, la sobriété, la protection de notre biodiversité, la durabilité. Nous sommes certains que nous atteindrons un compromis quand il s’agira de traiter de ces enjeux fondamentaux et de mettre notre pays sur la voie d’une société sobre et prospère.
Assurer notre prospérité, c’est aussi restaurer les bases de notre puissance économique et industrielle. C’est promouvoir une France du travail, une France compétitive et innovante. Pour cela, il faut poursuivre la modernisation du code du travail et la réforme de l’assurance chômage, aller plus loin dans la baisse des impôts de production pour les entreprises, atteindre l’objectif de 1 million d’apprentis par an et réformer le lycée professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Sylvain Maillard applaudit également.)
Enfin, nous considérons que la préservation de notre modèle social passe par une réforme de notre système de retraite par répartition, qui doit devenir plus sûr, plus juste et plus fluide. Nous le savons : pour rendre le système soutenable sans augmenter les cotisations des actifs ni baisser les pensions des retraités, la question de l’âge de départ doit être posée. Les modalités de cette réforme, s’agissant notamment de la prise en compte de la pénibilité, de la fixation d’une pension minimale ou de la sortie des régimes spéciaux, doivent faire l’objet de discussions larges ; à nouveau, il nous faudra trouver la voie de la concorde et du compromis sur ce sujet.
Éducation, santé, ordre public, sérieux budgétaire, écologie, solidité de notre modèle social, risques liés à la vie hyperconnectée : ces piliers peuvent soutenir une majorité parlementaire d’action, pour faire des cinq années qui viennent un succès pour la France. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive ; nous pouvons nous retrouver sur bien d’autres sujets.
Sur tous ces enjeux, nous devrons nous appuyer sur les élus locaux et leur faire confiance.
Pour ma part, madame la Première ministre, je veux vous répéter que je soutiendrai votre action. À la suite des propos que vous avez tenus tout à l’heure, je veux vous dire qu’en tant qu’élu de la Corse, avec mes trois collègues que je salue, je serai à vos côtés pour que ce territoire vive des lendemains meilleurs.
Winston Churchill l’a dit : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge. » Soyons les artisans de bonne volonté de ce changement politique dont le pays a besoin. (« Stop ! Temps écoulé ! » sur les bancs des groupes FI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.) Le groupe Horizons et apparentés prendra toute sa part pour faire réussir la France. Vous pouvez compter sur nous, madame la Première ministre. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Quarante-trois degrés à Biarritz le 18 juin ; cinquante et un degrés à Jacobabad, au Pakistan, le 14 mai : chaque année, nous connaissons de nouveaux records de température. L’action humaine, notre action, modifie le climat, met en péril le vivant : nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l’anthropocène. Il n’y a plus d’orages mais des tempêtes, plus d’épisodes pluvieux mais des inondations ; les sinistres succèdent aux catastrophes ; les classes ferment à cause des vagues de chaleur. Ici comme ailleurs, régulièrement, les récoltes sont perdues, les bâtiments détruits, les routes défoncées, les arbres arrachés. Et bien souvent, il y a des morts.
Pourtant, nous savons depuis longtemps.
En 1971, Total enterre un rapport sur l’impact de ses activités sur le réchauffement climatique. En 1984, le rapport Meadows explique pour la première fois qu’une croissance infinie dans un monde fini n’a pas de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.) Depuis 1988, les experts du GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – alertent les gouvernements. Mais nous ne faisons rien, disons-le clairement ! (Protestations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) La transition écologique ne constitue toujours pas le cœur des politiques publiques.
Je vous le dis plus clairement encore : madame la Première ministre, votre projet a cinquante ans de retard ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)

M. Pierre Cordier.
Hulot, reviens !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Il est tout droit sorti des années 1970, période où la croissance, la technologie et l’énergie infinies devaient résoudre tous les problèmes. Et en cinq ans, la situation s’est encore dégradée. Votre bilan, c’est la certitude que faute d’une action déterminée, de choix clairs et assumés et d’un budget à la hauteur, la France trahit les engagements de la COP21 dont nous étions si fiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)

M. Laurent Croizier.
Comment financez-vous le système social ?

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Pourquoi cette inaction ? Parce que certains se pensent à l’abri et continuent de croire que l’argent leur permet de s’adapter et de créer une bulle de confort – illusion construite par et pour les forts, par et pour les puissants.
Pourquoi cet attentisme ? Parce que les premières victimes du dérèglement climatique sont les plus pauvres, les plus vulnérables ; celles et ceux qui ne vivent pas au bon endroit ; celles et ceux qu’on entend rarement, qu’on ne veut pas écouter et qu’on ne voit pas ; celles et ceux qui croulent sous les factures, sous les contraintes et sous l’inflation ; celles et ceux qui tiennent nos hôpitaux à bout de bras face à une pandémie née de la destruction des milieux naturels. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)
Pourquoi cet immobilisme ? Parce que l’écologie, madame la Première ministre, est une promesse de campagne aussitôt trahie au lendemain des élections. (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Millienne.
Trahie par vous-mêmes !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Pour affronter la crise climatique, il faut affronter les inégalités territoriales. Vous en avez parlé, madame la Première ministre, mais comment vous croire ? Chez moi, en Isère, la montagne s’écroule, les glaciers disparaissent, les étés sont irrespirables. À la Luire, à la Villeneuve ou dans le quartier de Renaudie, on étouffe sur les dalles l’été et l’on gèle l’hiver dans les passoires thermiques. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)
Pour affronter l’effondrement du vivant, il faut oser remettre en cause un modèle économique guidé par une idéologie productiviste, extractiviste et destructrice. (Mêmes mouvements.) La NUPES est une union des forces, parce qu’il nous paraît évident que la lutte contre le dérèglement climatique est un combat pour la justice sociale. (Mêmes mouvements.)
Lorsqu’on est comptable d’un bilan tel que le vôtre, madame la Première ministre, je comprends qu’on ne se soumette pas à un vote de confiance, car la confiance en un second quinquennat se construit ou se délite sur les preuves laissées par le précédent. (Mêmes mouvements.)
Celles-ci ne jouent pas en votre faveur. La réforme de l’assurance chômage est un recul social. La baisse des APL est une ponction directe chez nos bailleurs sociaux. (Mêmes mouvements.) Et l’enterrement de la Convention citoyenne pour le climat est une erreur historique.
Pensez-vous vraiment qu’il suffira de quelques effets de manche pour que notre pays aille mieux quand c’est tout un système qui broie des vies entières ?

M. Bruno Millienne.
Vous ne savez faire que ça, des effets de manche !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Les Françaises et les Français n’y croient pas : écoutez-les ! Les gilets jaunes et les marches pour le climat ont convergé pour nous rappeler que la fin du monde et la fin du mois sont un seul et même combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, FI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)

M. Pierre Cordier.
L’apocalypse selon les verts !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Les électeurs et les électrices ont fait un choix, celui de vous imposer dans les urnes la proportionnelle que vous leur aviez promise sans jamais la leur donner.

M. Fabien Di Filippo.
Vous nous vaccinez contre la proportionnelle !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Ils ont eu raison ! Ils ont eu raison avant nos institutions. Ils ont eu raison avant un personnel politique fossilisé dans son présidentialisme. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Ce vote vous oblige, madame la Première ministre. Il vous oblige, après avoir « expliqué » à l’Assemblée nationale et au peuple, à les écouter. N’ayez pas peur de la démocratie, n’ayez pas peur de cette Assemblée ! Faites confiance aux Français et aux Françaises qui portent déjà les prémices d’une autre attention au vivant, d’une autre attention au monde et aux autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Vous avez fait 4,6 % à la présidentielle !

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo - NUPES).
Que cette Assemblée soit celle où nous tracerons des chemins pour une nouvelle sensibilité au vivant, pour l’émancipation de chacun et de chacune, et pour conserver l’habitabilité de notre terre. (Mmes et MM. les députés des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.)

M. Fabien Di Filippo.
La gauche plurielle !

Mme la présidente.
La parole est à M. André Chassaigne.

M. Damien Adam.
Voilà un républicain ! (Murmures sur divers bancs.)

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Madame la Première ministre, vous n’avez pas, dans cet hémicycle, l’Assemblée que vous espériez. Votre formation politique et vos alliés ne forment plus qu’une majorité relative, très relative.
Cette déroute d’un Président de la République privé de majorité absolue n’est pas un accident de parcours. Elle est d’abord l’expression du rejet massif de la méthode de gouvernement qui a prévalu sous le précédent quinquennat.

M. Thibault Bazin.
C’est vrai !
 

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
L’hypertrophie présidentielle a vécu ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, FI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) Le chef de l’État ne peut donc affirmer que les Français lui ont renouvelé leur confiance « sur le fondement d’un projet clair et en [lui] donnant une légitimité claire ». Il n’a pas de mandat pour imposer son agenda politique.
L’heure n’est plus à l’exercice solitaire du pouvoir ! (Mêmes mouvements.) L’heure n’est plus à l’arrogance et au mépris des revendications populaires. Elle n’est plus aux passages en force, à l’humiliation du Parlement, au pouvoir exorbitant des cabinets de conseil, qui considèrent les êtres humains comme des agrégats statistiques et comme des chiffres à gérer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) La démocratie retrouve enfin des couleurs et vous allez devoir apprendre à écouter, à dialoguer, à respecter la représentation nationale et à adopter une attitude constructive.
Par ailleurs, vous avez devant vous une Assemblée divisée,…

M. Thibault Bazin.
Fracturée !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
…à l’image de notre pays que vous avez contribué à fracturer, tout en faisant grandir la peste brune. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Votre politique de défaisance sociale, conduite avec acharnement, a attisé la colère de nos concitoyens, qui assistent à l’effondrement de notre système de santé, au dépeçage de notre système éducatif, au recul des services publics, à la dégradation de l’environnement et de leurs conditions de vie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
À présent, ils ploient sous la hausse de l’inflation, laquelle est tirée par les prix de l’énergie et des matières premières. Mais comment répondez-vous à leurs difficultés ? En multipliant les rustines et en accumulant les petits chèques et les mesures d’urgence inefficaces et sans lendemain.

M. Thibault Bazin.
C’est un échec !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Comment pourrait-il en être autrement quand le chef de l’État a fixé pour ligne rouge de n’augmenter ni les impôts ni la dette, condamnant votre Gouvernement à l’immobilisme dès l’entame du quinquennat. Vous n’êtes libre que de reprendre d’une main ce que vous donnez de l’autre, pour opérer des coupes sombres dans les dépenses publiques et pour détricoter notre système de protection sociale et de retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Nous n’acceptons pas cette politique du pire, qui conjugue injustice sociale, précarité, inaction climatique et recul des services publics.

M. Thibault Bazin.
Et iniquité territoriale !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Nous récusons l’arbitraire de ces fameuses lignes rouges.
Nous avons une exigence : revoir de fond en comble notre système fiscal pour garantir une meilleure répartition des richesses et de la valeur, réduire les écarts de revenu, pénaliser la rente financière et améliorer significativement le niveau de vie de l’immense majorité de nos concitoyens. Il nous faut appliquer ce que préconisait l’abbé Pierre, qui soutenait que « le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Nous devons aussi remettre en cause les règles budgétaires européennes pour recréer un État qui planifie et investit dans la transition écologique, dans notre système éducatif sacrifié et dans la restauration de notre système de soins, dont l’extrême dégradation tétanise notre peuple à l’aube d’un été que tous les professionnels de santé prédisent comme dramatique en raison du manque de personnels. (Sourires sur quelques bancs du groupe RE.)

M. Sébastien Jumel.
Ça vous fait rire ?

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
L’autre urgence est de revaloriser de manière significative et pérenne les salaires, les pensions et les minima sociaux, mais aussi de bloquer les prix des loyers, des carburants et de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) De telles mesures répondent non seulement à une attente de nos concitoyens, mais aussi à une nécessité économique. L’enjeu est ici de favoriser l’accès de tous à une alimentation et à des biens plus durables et de meilleure qualité.
L’urgence est enfin, au niveau international, de promouvoir la paix. Cela passe, en Europe, par la résolution des causes profondes du conflit ukrainien. Nous ne créerons pas les conditions d’une sécurité collective européenne sans remettre en cause la manière dont celle-ci a été construite, sans œuvrer au désarmement et sans nous appuyer sur l’ONU et le respect du droit international. (Mêmes mouvements.)
La même exigence vaut pour le Proche et le Moyen-Orient et le conflit israélo-palestinien. Nous ne le dirons jamais assez : la France doit jouer un rôle moteur, au plan diplomatique, pour récuser le « deux poids, deux mesures » et œuvrer, en toute souveraineté, à la coopération solidaire des nations et des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que le groupe que j’ai l’honneur de présider est celui qui accueille en son sein le plus grand nombre de parlementaires d’outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) Ce sont des parlementaires décidés à faire entendre leur voix – voix singulière qu’il vous faudra, elle aussi, apprendre à écouter et à respecter.
Sur ces territoires, la situation est gravissime. Se nourrir, se loger, se soigner, se déplacer : tout était déjà plus cher avant la crise. Désormais, les surcoûts explosent. Aux monopoles et duopoles, qui résistent aux lourdes amendes, s’ajoute le fret maritime, dont les tarifs ne semblent plus avoir de limites.

M. Thibault Bazin.
Il y a aussi la question du logement en outre-mer !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Aucun secteur n’est épargné. Les prix des matières premières flambent. Les consommateurs trinquent.
Souvent cité comme un exemple à suivre, le bouclier qualité-prix de La Réunion, qui limite les prix des produits de première nécessité, est lui-même menacé étant donné que les industriels locaux en demandent la révision. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et FI – NUPES.)
Davantage encore que dans les autres territoires oubliés de la République, nombreux sont nos concitoyens d’outre-mer à survivre sous le seuil de pauvreté. L’inflation amplifiera ces ravages si des mesures fortes ne sont pas prises sans plus attendre. La revalorisation du coefficient géographique est devenue une urgence et ne peut être encore reportée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, FI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Dans ce contexte, le développement des circuits courts et l’objectif d’autonomie alimentaire ont beau être partout préconisés, ils sont aussi entravés. Bien des terres antillaises sont polluées pour des siècles en raison de ce scandale d’État qu’a été l’utilisation massive de chlordécone ( Mêmes mouvements ), tandis que le statut du foncier en Guyane interdit tout développement d’initiative locale. Connaissez-vous un autre territoire de la République où 95 % du foncier relève du patrimoine de l’État, où un agriculteur, un industriel ou un maire est confronté à un foncier abondant, mais rendu rare et cher par cet anachronisme juridico-politique ? (« Bravo » sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.)

M. Pascal Lavergne.
C’est n’importe quoi !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Ces territoires ne doivent plus être placés à la périphérie. C’est pourquoi nous continuerons de porter aussi la voix du peuple polynésien, meurtri par les conséquences des essais nucléaires français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Je souhaite ici tordre le cou à un réflexe tenace, consistant à assimiler l’outre-mer à une litanie de difficultés. Non seulement ces territoires paient au prix fort des politiques publiques souvent inadaptées, mais ils sont également au cœur des nouveaux enjeux planétaires.
Dans ce XXIe siècle à vocation maritime, la France peut se targuer d’être la deuxième puissance maritime mondiale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.) Longtemps négligée, cette dimension maritime est devenue centrale, comme l’a encore montré la récente conférence des Nations unies sur les océans qui s’est déroulée à Lisbonne.
De la même manière, en ce qui concerne l’enjeu vital de la préservation de la biodiversité, la France tire sa force des outre-mer, qui représentent 84 % de la biodiversité française (Mêmes mouvements) , laquelle est plus importante que celle de toute l’Europe continentale.

M. Thibault Bazin.
Il a raison !

M. Jimmy Pahun.
On va mettre fin à l’utilisation des fonds marins !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Mais comment comptez-vous mieux prendre en compte ces difficultés réelles et tenir des promesses qui le sont tout autant en replaçant le ministère des outre-mer sous la tutelle du ministère de l’intérieur, configuration qui, la dernière fois qu’elle a été retenue, avait entraîné la fonte de ses effectifs.

M. Charles Sitzenstuhl.
Jospin l’avait fait !

M. André Chassaigne (GDR - NUPES).
Madame la Première ministre, votre refus de soumettre votre déclaration de politique générale au vote de la représentation nationale traduit le décalage de votre feuille de route avec les attentes du pays. Vous considérez que votre Gouvernement ne tire pas sa légitimité de l’Assemblée nationale, mais encore et toujours du chef de l’État. Cela ne présage rien de bon pour l’avenir de notre pays. C’est pourquoi nous prendrons, pour notre part, toutes nos responsabilités en agissant tant au sein de la NUPES qu’en tant que groupe indépendant, qui est force de proposition et qui a la culture du débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.)
Pour terminer, je reprendrai des mots d’Aimé Césaire. Dans « le combat de l’ombre et de la lumière », dans « la lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur », nous sommes « du côté de l’espérance » (Mme Delphine Batho applaudit.), mais comme Aimé Césaire le disait si bien, du côté d’une « espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté » – je dis bien « hors de toute naïveté ».
Aussi la question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui est-elle d’abord de savoir quel chemin d’espérance est ouvert par vos propos. Nous jugerons sur pièces, mais nous ne pouvons que douter, tant la servitude mercantile qui étouffe notre république risque d’étouffer votre Gouvernement – c’est ce que Jack London qualifiait de « talon de fer ».
En ce qui nous concerne, face aux renoncements comme aux moindres avancées, nous n’aurons qu’une boussole : celle de l’intérêt du peuple de France, de ce peuple qui attend des réponses à la hauteur de sa colère. (Mmes et MM. les députés des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher (LIOT).
Je voulais tout d’abord souhaiter la bienvenue à l’ensemble de nos collègues. J’ai aussi une pensée pour toutes celles et ceux qui ne sont plus présents dans cet hémicycle, notamment pour mon ami Jean Lassalle.
Madame la Première ministre, je vous adresse de façon républicaine mes vœux de réussite. Je me réjouis de voir les femmes occuper, enfin, les grands postes à responsabilités : au Gouvernement, mais aussi à l’Assemblée, madame la présidente.

M. Pascal Lavergne.
Ce n’est pas grâce à vos voix !

M. Bertrand Pancher.
Nous débutons ce mandat avec beaucoup de gravité. Notre pays n’a jamais été aussi fracturé, au bord de l’implosion. Nous sommes tous porteurs des messages et des angoisses de nos concitoyens. Nous devons être à la hauteur de cette responsabilité.
Perspective d’une crise économique, septième vague du Covid, guerre en Ukraine, montée des inégalités, système de santé à bout de souffle, coût de la vie exorbitant, dérèglement climatique… la liste des menaces est malheureusement si longue, et nos concitoyens tellement désabusés – voire désespérés – qu’ils refusent d’aller voter. Notre devoir est de les remobiliser pour affronter ensemble ces immenses défis.
La défiance est partout. Emmanuel Macron avait été élu, en 2017, sur la promesse de rassembler autour d’un projet de modernisation. Nous en sommes si loin…

M. Thibault Bazin.
Il n’a pas réussi !

M. Bertrand Pancher.
Cette réalité nous invite tous, à la modestie, mais aussi à l’audace.
Madame la Première ministre, vous venez de tracer vos grands axes d’actions. Nous vous avons entendue et serons très attentifs à leur mise en œuvre et à ce qui est fondamental à nos yeux : la méthode.
Vous l’avez compris, vous ne pouvez plus gouverner seuls, d’en haut, et décider uniformément, depuis Paris, des solutions pour le pays. L’absence de majorité absolue doit vous amener à faire des compromis – enfin, et tant mieux !
En vous donnant une majorité très relative, les Français vous ont dit : « Gouvernez autrement, écoutez-nous et partagez les responsabilités. » J’en appelle donc à un nouveau pacte démocratique, qui suppose de rompre radicalement avec toutes les pratiques en vigueur depuis longtemps et renforcées depuis cinq ans. Y êtes-vous prête, madame la Première ministre ?
Le Gouvernement compte un ministre du « renouveau démocratique » : vaste programme ! Il pourra compter ici sur le soutien de nombreux députés, s’il s’engage à pratiquer la co-élaboration ; il est crucial, en effet, de préserver notre république.
Revivifions d’abord le Parlement dans ses moyens et dans ses prérogatives. Nous devons pouvoir travailler correctement : solliciter l’aide de spécialistes pour nous éclairer serait plus utile que la présence quotidienne des gardes républicains.
Nous souhaitons également une plus juste répartition des responsabilités, comme c’est le cas dans toutes les démocraties qui nous entourent. L’absence de majorité absolue n’y est pas vécue comme un drame mais comme une chance : pourquoi pas chez nous ? Nous voulons exercer pleinement le mandat que les Français nous ont confié. Nous ne voulons plus être sous la tutelle des hauts fonctionnaires – toujours les mêmes – qui dirigent notre pays et prétendent toujours en savoir plus que nous, alors qu’ils ne se sont jamais fait élire nulle part. La République, ce n’est pas la République parisienne, c’est la République des territoires !
Nous ne voulons plus légiférer dans l’urgence. Notre pays croule sous les textes bavards, trop technocratiques et mal écrits. Il étouffe sous les normes et la concentration des pouvoirs. Arrêtons la bureaucratie, les décisions totalement déconnectées des réalités ! Nos concitoyens n’en peuvent plus. Redonnons de l’autonomie à toutes nos organisations, en commençant par l’hôpital.
Nous voulons, de façon urgente, renforcer la participation citoyenne. Inspirez-vous des préconisations du rapport Bernasconi, fort intéressant, remis à votre prédécesseur en février dernier. Ouvrons le droit de pétition ; permettons à nos concitoyens de nous saisir directement ; utilisons le référendum à choix multiples… N’ayons pas peur du peuple français, nous sommes ici pour le servir.
Refondons enfin notre organisation territoriale. J’en appelle à un choc de décentralisation pour une véritable République des territoires ! Pourquoi, dans ce pays, tout est-il toujours concentré au plus haut niveau de l’État ? La France est multiple, diverse : c’est sa force, sa richesse ; la France est belle : ce sont nos territoires, des plus petits aux plus grands ; la France, c’est aussi l’outre-mer trop souvent relégué au second rang, malgré de grandes déclarations d’intention. Transférez donc enfin aux territoires qui le souhaitent toutes ces compétences que l’État n’arrive plus à exercer. Transférez les moyens financiers qui vont avec et faites confiance, enfin, aux élus locaux ! Cela ira mieux et beaucoup plus vite.
Je veux à ce stade évoquer la question corse, que vous avez mentionnée. Je le redis, la solution doit être globale : économique, sociale, fiscale, culturelle et, bien sûr, institutionnelle – ce n’est pas un vilain mot ! Le processus initié doit conduire à un statut d’autonomie renforcée : appelons un chat un chat.

M. Thibault Bazin.
Il faudrait aussi évoquer la Lorraine : nous devons avoir les mêmes droits qu’en Alsace !

M. Bertrand Pancher.
Je le disais, les Français attendent des mesures exceptionnelles et urgentes pour repenser l’offre de soins et refonder un hôpital à bout de souffle ; pour accélérer la transition écologique ; pour que soit votée, enfin, au profit de nos personnes âgées, abandonnées, une grande loi sur l’autonomie et la dépendance, trop de fois repoussée.
J’ai entendu également votre engagement pour l’autonomie des personnes en situation de handicap. Nous avons défendu, ces dernières années, contre le précédent gouvernement, un projet de déconjugalisation de l’AAH. Cette réforme doit être menée.
Partout, les Français attendent aussi des mesures exceptionnelles et urgentes en faveur du pouvoir d’achat. La brusque montée des prix fragilise les plus précaires et les classes moyennes. Elle touche certains territoires plus que d’autres. Nous attendons, depuis plusieurs semaines, deux nouveaux projets de loi.
Nous regrettons que vous n’ayez pas trouvé, une solution plus juste, plus ciblée et plus efficace pour protéger les Français, de la hausse des prix du carburant. Vous allez prolonger la réduction générale de 18 centimes.

M. Thibault Bazin.
Il faut aller plus loin que cette remise de 18 centimes !

M. Bertrand Pancher.
D’autres dispositifs auraient pu être créés, mieux ciblés vers ceux qui en ont besoin.

M. Thibault Bazin.
Ceux qui travaillent !

M. Bertrand Pancher.
Il faut aussi mieux accompagner tous les ménages dans la transition énergétique.
Si la revalorisation prévue des retraites va dans le bon sens, elle demeure inférieure aux prévisions d’inflation. Nous prenons note de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique, mais je veux insister sur une ambition plus large : repenser l’ensemble des carrières des fonctionnaires, à commencer par celles de la fonction publique hospitalière et des enseignants. Nous devons augmenter les petits salaires par le transfert de la prime d’activité et le report du restant de charges sur les hauts salaires.
Nous appelons aussi à diminuer radicalement les frais bancaires. L’augmentation des loyers doit également être mieux plafonnée. Souvenons-nous que nos compatriotes doivent tous pouvoir bénéficier d’un logement digne. Il convient donc de construire plus massivement et de repenser l’aménagement du territoire en défendant la ruralité – je pense ici à nos agriculteurs, qui doivent pouvoir vivre du fruit de leur travail, depuis le moment où ils s’installent jusqu’à leur retraite.
Enfin, nous appelons à des mesures plus fortes encore en direction des outre-mer. La question de la vie chère s’y pose avec davantage de gravité, et les réponses avancées par le Gouvernement ne prennent absolument pas la mesure des difficultés ni du caractère explosif de la situation.
Les mesures pour le pouvoir d’achat doivent être mises en œuvre sans que la dette n’explose davantage. Nous n’avons pas de baguette magique : la dette s’établit à 115 % du PIB, et une remontée des taux signerait l’étranglement de nos finances et de l’action publique. Ma crainte, c’est qu’au bout du compte ce soient les Français qui ne règlent l’addition. La participation des multinationales à la solidarité nationale est donc nécessaire – je pense en priorité aux géants du numérique, dits GAFA, et aux grands groupes pétroliers, qui dégagent des profits en hausse.
Je veux enfin alerter sur trois autres urgences qui menacent notre pays et sa cohésion. La première concerne notre système de soins, durement affecté. L’hôpital est au bord de l’explosion, les déserts médicaux s’étendent. Nous avons pris note de vos propositions. Attaquons-nous aux causes profondes de l’exode des professionnels de santé, hors de l’hôpital.
La seconde urgence, ce sont nos jeunes. Logement, transport, bourses, accès à la culture, ils ont besoin d’un minimum vital garanti et d’une orientation qui ne relègue pas en permanence les moins aisés, notamment ceux des territoires oubliés, en seconde division.
Je terminerai en lançant l’alerte sur le climat et la biodiversité. Si vos discours sont à la hauteur, votre action, elle, n’est ni assez résolue ni assez massive. Elle doit concilier quatre impératifs : la recherche du progrès, le respect de l’environnement, de nos territoires et de la justice sociale ; sans cela, rien ne bougera. Il faut donc engager un vaste plan de financement de la transition énergétique, regrouper les dispositifs et les décentraliser. Nous avons fabriqué une véritable usine à gaz, tout simplement parce que nous n’avons pas voulu faire confiance aux collectivités : il faut plus de simplicité et d’efficacité.

M. Thibault Bazin.
Pourquoi ne pas parler également de l’urgence territoriale ?

M. Bertrand Pancher.
En conclusion, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires aborde la législature avec responsabilité et gravité. Notre priorité : être à la fois dans l’opposition et force de proposition, dans le dialogue et le respect de tous, pour donner enfin à notre pays une vraie vision d’avenir.
Madame la Première ministre, vous avez conclu votre intervention en disant : « La confiance ne se décrète pas a priori , elle se forgera texte après texte, projet après projet. » Nous jugerons cet engagement sur pièces. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Julien Bayou.

M. Julien Bayou (Écolo - NUPES).
Nous n’avons, au nom du groupe écologiste, que dix minutes à nous partager avec ma co-présidente. C’est peu, et j’ai bien conscience que notre avis vous indiffère, puisque vous avez fait le choix de ne pas vous soumettre au vote de confiance, pourtant légitime. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo°–°NUPES et LFI°–°NUPES.) J’irai donc à l’essentiel.
Madame la première ministre, nous n’aurions pas voté la confiance, car nous n’avons aucune raison de vous faire confiance au vu des cinq années écoulées. Au contraire, nous exprimons de la défiance.
Défiance au sujet du climat et de l’effondrement du vivant, puisque vous n’avez rien fait, au point que, par votre faute, la France a été doublement condamnée pour inaction climatique et que notre jeunesse est plongée dans une véritable angoisse existentielle. (Mêmes mouvements.)
Heureusement, les écologistes, héritiers de René Dumont, sont de retour et comme, en leur temps, les Noël Mamère et Cécile Duflot, il faudra désormais compter avec nous.

M. Rémy Rebeyrotte.
Vous avez fait 4 % à la présidentielle !

M. Julien Bayou (Écolo - NUPES).
Et, croyez-moi, le climat ne sera plus traité comme un sujet annexe !
Défiance sociale, car les politiques injustes que vous avez menées ont affaibli les services publics et creusé les inégalités, au point de disloquer le pays.
Défiance démocratique, puisque, malheureusement, nous vous devons la présence sur nos bancs de quatre-vingt-dix députés d’extrême droite. C’est le fruit d’un long travail de banalisation de leur discours, que vous avez mené, vous qui vous présentiez comme un rempart contre eux et qui n’avez pas voulu choisir entre nos candidats, ceux de la NUPES, c’est-à-dire des opposants politiques, et les éternels adversaires de la République. (Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.) De rempart, vous vous êtes faits marchepied, c’est une très lourde faute !
Défiance à l’égard de ce nouveau gouvernement, dans lequel se trouve reconduit le garde des sceaux, pourtant mis en examen, ce qui fait de nous la risée des démocraties modernes.
Défiance à l’égard de M. Darmanin, reconduit au ministère de l’intérieur, alors qu’il qualifie ses opposants d’ennemis… et alors qu’à l’occasion des événements du Stade de France il a fait la démonstration de sa totale incompétence en matière de maintien de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo°–°NUPES et LFI°–°NUPES.)

M. Rémy Rebeyrotte.
En matière d’extrémisme, nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part !

M. Julien Bayou (Écolo - NUPES).
Défiance face à M. Béchu, nommé ministre de la transition écologique, alors qu’on le connaît davantage pour ses prises de positions réactionnaires contre le mariage pour tous et pour l’interdiction dans sa ville des campagnes anti-sida, que pour sa lutte contre le dérèglement climatique et l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles. (Mêmes mouvements.)

Mme Michèle Peyron.
Elle est où l’écologie, dans tout ça ?

M. Julien Bayou (Écolo - NUPES).
Défiance enfin parce que jusqu’ici vous n’avez envoyé aucun signal de votre volonté concrète de saisir cette immense chance que nous ont offerte les Françaises et les Français, cette proportionnelle par effraction, cette absence de majorité absolue qui peut permettre enfin d’avancer, au-delà des postures de la majorité et de l’opposition.
Mon grand-père, Raoul Bayou, député SFIO, place 571 dans cet hémicycle, disait déjà il y a soixante ans : « La majorité, c’est ferme-la ; l’opposition, c’est cause toujours. » Soixante ans après, rien n’a changé, et la situation s’est même aggravée sous le précédent quinquennat.

M. Éric Poulliat.
Entretemps, vous avez été au pouvoir !

M. Julien Bayou (Écolo - NUPES).
La nouvelle configuration pourrait nous laisser espérer que les choses changent – il ne tient qu’à vous d’en décider –, mais j’en doute.
Nous nous battrons pour faire appliquer les accords de Paris et les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.)
Nous serons toujours moteurs pour avancer sur les questions de climat et de justice sociale. Je ne prends qu’un exemple, celui de la surtaxation des profits des sociétés pétrogazières, ces multinationales, ces nouvelles profiteuses de guerre, profiteuses de la crise écologique qui s’enrichissent sur le dos des plus démunis. Surtaxons-les ! Que chacun paie sa juste part, voilà l’urgence ! Que les surprofits des pollueurs soient surtaxés et reversés aux plus vulnérables, voilà la transition écologique dans la justice sociale ! (Mêmes mouvements.)
Madame la Première ministre, la configuration de cette assemblée ne crée pas une crise, mais offre une chance. Aux membres de la majorité relative, je dis : n’ayez pas peur du débat, n’ayez pas peur des compromis ; assumez de descendre de votre piédestal (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem), d’en finir avec vos certitudes, d’écouter les corps intermédiaires, les associations, les syndicats, les autorités indépendantes, qui vous rapportent l’état du pays. Sortez du déni et reconnaissez enfin l’urgence d’agir pour le climat. Saisissez cette occasion de faire progresser la démocratie. Pour notre part, nous, écologistes, nous y sommes prêts et prêtes.
En résumé, madame la Première ministre, chaque fois que vous poursuivrez vos politiques climaticides, de casse sociale et de recul démocratique, vous nous trouverez sur votre chemin, combatifs et déterminés, mais chaque fois que vous déciderez d’agir pour le climat et contre les inégalités, vous nous trouverez, nous les écologistes, prêts et prêtes pour voter ces avancées. (Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan.
Madame la Première ministre, j’avais fait un rêve, celui que vous entendiez le message des urnes, qui a forgé cette nouvelle assemblée. Oui, j’avais rêvé que vous compreniez le sens du vote du 19 juin, son caractère exceptionnel, pourquoi le peuple français, deux mois après le second tour de l’élection présidentielle, vous a refusé la majorité. Oui, j’imaginais, sans doute naïvement, que ce désaveu populaire sans précédent vous aurait conduit à entendre la souffrance des Français étranglés par l’inflation !
Vous auriez pu, par exemple, nous proposer une vraie baisse du prix des carburants, la TVA à taux zéro sur les produits de première nécessité, l’indexation durable des pensions de retraite sur l’inflation, une baisse des charges salariales pour augmenter le salaire net. De telles mesures auraient pu être financées par la taxation des superprofits des profiteurs de crise, par une vraie lutte contre les gaspillages colossaux de la fraude à la carte vitale ou l’évasion fiscale des GAFAM, et auraient été approuvées sur tous les bancs de cette assemblée, j’en suis certain !
Pourtant, vous préférez les vieilles rustines, les fameux chèques, qui ne compensent pas la hausse de l’inflation et font baisser le pouvoir d’achat des Français. Nous retrouvons les grosses ficelles de communication du précédent quinquennat, sans doute soufflées par le cabinet McKinsey, pour vous donner bonne conscience tout en gagnant du temps. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE.)
J’imaginais aussi que vous prendriez conscience de la gravité du déficit extérieur de la France – il atteint un niveau record –, des difficultés de nos artisans et de nos PME. En effet, l’enjeu majeur, vous le savez, est de produire local. C’est le seul moyen de réduire la fracture territoriale, de rééquilibrer nos comptes extérieurs et de protéger vraiment la planète. Pourtant, là aussi, nous retrouvons la marque de fabrique de la Macronie : des demi-mesures, du « en même temps ». Plutôt que de réduire fortement les charges pesant sur les PME et les entrepreneurs patriotes, qui produisent en France ou y relocalisent leur activité, vous préférez déverser toujours plus de milliards d’euros à une Union européenne qui finance nos concurrents, signe des accords de libre-échange déloyaux et nous entraîne vers la guerre. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Oh là là !

M. Charles Sitzenstuhl.
C’est Poutine qui nous entraîne vers la guerre !

M. Nicolas Dupont-Aignan.
Oui, j’imaginais aussi que vous voudriez combattre vraiment l’insécurité, en changeant enfin de politique pénale. Mais là encore, vous restez sourds et aveugles. Vous annoncez des mesures pour la police et la gendarmerie – très bien ! Mais vous avez préféré reconduire dans ses fonctions le précédent garde des sceaux, qui préfère être applaudi dans nos prisons plutôt que de défendre les victimes ! Et je ne parle même pas de l’immigration – là encore, vous ne proposez aucun changement de cap réel.
Enfin, j’imaginais un vrai plan de sauvetage des services publics, principalement pour reconstruire l’école et l’hôpital publics, en métropole et en outre-mer. Là aussi, une énième fois, quelle déception ! Toujours les mêmes poncifs, les discours creux sur l’éducation nationale alors que les classements internationaux nous ridiculisent, année après année. Nous avons tant besoin d’un sursaut pour l’école de la République, grâce à des enseignants mieux payés et des programmes beaucoup plus exigeants.
Quant à l’hôpital, tout le monde aura compris en vous écoutant que vous ne changerez rien à la politique de suppression de 17 300 lits en cinq ans. Pire, vous vous refusez à réintégrer dans leurs fonctions les soignants scandaleusement exclus alors qu’il en manque tant.

M. Thibault Bazin.
Sans oublier les problèmes de la médecine de ville !

M. Nicolas Dupont-Aignan.
Pour conclure (« Il était temps ! » sur les bancs du groupe RE) , en vous écoutant, madame la Première ministre, j’ai compris pourquoi vous n’avez pas osé demander la confiance de l’Assemblée nationale. Chers collègues, à partir du moment où le président Macron et vous-même avez refusé d’entendre l’avertissement populaire des urnes et, dès lors, d’infléchir votre projet afin que les députés issus de bords différents puissent se rassembler autour de quelques mesures fortes – notamment en faveur du pouvoir d’achat des Français –, dans un élan de salut public – nous y étions prêts –, vous saviez que vous n’aviez pas de majorité. Vous aviez pourtant l’occasion historique d’écouter, d’entendre et de proposer un nouveau cap, réconciliant les Français à travers nous.
En vous arc-boutant sur le projet mort-né d’Emmanuel Macron, vous commettez une très grave faute. Vous préférez la facilité politicienne en voulant rejeter la responsabilité du blocage du pays sur les oppositions, alors qu’il ne tient qu’à l’aveuglement et à la surdité d’un Président de la République minoritaire dans son propre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

M. Rémy Rebeyrotte.
Dit celui qui a fait 2 % à la présidentielle ! Ça devient comique !

M. Nicolas Dupont-Aignan.
Franchement, auriez-vous prononcé un discours différent…

Mme la présidente.
Merci.

M. Nicolas Dupont-Aignan.
…si vous aviez eu la majorité absolue à l’Assemblée nationale ?

Mme la présidente.
Merci !

M. Nicolas Dupont-Aignan.
En deux mois, vous avez perdu la confiance des Français. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la Première ministre.

M. Jean-Paul Lecoq.
On va voir si elle a entendu !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Le débat a été riche, nourri, parfois équilibré, parfois un peu caricatural, selon moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Il atteste en tout cas – j’y crois profondément – que nous sommes ici dans le cœur vivant de notre démocratie. Le dialogue entre le Parlement et le Gouvernement fait toujours naître des idées et pousse chacun à sortir des sentiers battus.

M. Thibault Bazin.
Très bien ! Laquelle de nos propositions adoptez-vous ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je ne reprendrai pas tous les points abordés – nombre d’entre eux avaient d’ailleurs fait l’objet d’échanges entre nous la semaine dernière, et beaucoup seront au cœur des débats qui s’ouvriront très bientôt en commission et sur ces bancs sur les textes que le Gouvernement a souhaité présenter lors de cette session.
Manifestement, certains groupes persistent à privilégier les attaques personnelles et l’invective sur le dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Thibault Bazin.
On veut des noms !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Sur la majorité des bancs, j’ai tout de même décelé quelques points de convergence sur les préoccupations des Français : la protection du pouvoir d’achat ; l’inquiétude pour notre planète ; la volonté d’améliorer la présence des services publics, notamment dans nos quartiers et dans le monde rural ; l’inquiétude aussi – quoiqu’elle ne soit pas partagée de la même manière sur tous les bancs – sur la situation de nos finances publiques ; l’insécurité à laquelle nos concitoyens sont encore trop souvent confrontés.
J’entends que nous partons souvent du même point de départ, mais que nous pouvons diverger sur le point d’arrivée. Cela s’appelle le débat démocratique et, pour le dire aussi simplement que possible, cela ne me fait pas peur. Je trouve même cela enthousiasmant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.)

Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi pas un vote de confiance alors ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Cela suppose de nous dire les choses. M. le président Marleix nous dit qu’il est préoccupé par les finances publiques, mais quand j’écoute ses propositions en la matière, je me dis qu’il nous reste du chemin à parcourir pour partager la même approche d’un débat clair et transparent. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo.
Il faut écouter nos mesures de financement !

M. Thibault Bazin.
Vous êtes caricaturale !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Qui peut penser un instant que la réduction du nombre de fonctionnaires nous permettrait demain de lever les gages de tous les abandons de recettes que vous proposez ?

M. Thibault Bazin.
C’est comme ça que vous cherchez un accord ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Monsieur le président Marleix, vous insistez avec raison sur la nécessité de maîtriser la pression fiscale. Vous le dites à une équipe qui a défendu, sous le précédent quinquennat, des baisses d’impôt absolument inédites pour les entreprises et les particuliers. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

M. Thibault Bazin.
Oui, mais pas pour ceux qui ont besoin de rouler !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Quand vous insistez sur la préoccupation de nos concitoyens en matière de sécurité, regardez nos actes et nos propositions. Ne nous enfermons pas les uns les autres dans des postures !

M. Maxime Minot.
Et après, vous pleurerez pour que nous participions à une coalition !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Au-delà des propos d’aujourd’hui peuvent se dessiner des compromis, des convergences, car la situation de notre pays nous oblige, et je sais à quel point votre groupe y est sensible.
Madame la présidente Le Pen, j’ai écouté votre propos si nuancé (Sourires sur les bancs du groupe RE) avec attention. Je distingue bien vos nombreux ennemis – personne n’y échappe –, mais où sont vos propositions ? (« On se le demande ! » sur les bancs du groupe RE.)

Un député du groupe RN.
Il fallait écouter !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
En tout cas, le débat est clarifié : nous retrouvons vos obsessions, loin de votre discours aseptisé de ces derniers temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Au final, nous ne vivons pas dans le même monde, dans la même France. (Exclamations et « Ça, c’est sûr ! » sur les bancs du groupe RN ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin.
Vous êtes si déconnectée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Vous l’avez dit, madame la présidente Bergé, nous ne vendons pas un programme tout ficelé et un chemin jonché de roses. Avec la majorité, avec les groupes qui la composent, nous voulons prendre le temps de débattre pour construire des textes dont la durée de vie dépassera celle de la législature.

M. Thibault Bazin.
Si elle dépasse celle de votre gouvernement, ce sera déjà pas mal !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président Mattei, nous aurons besoin de tous les talents de cette assemblée pour avancer sur des priorités partagées : l’éducation ; la santé ; une société plus inclusive à l’égard des personnes en situation de handicap ; une société prenant en compte le grand âge ; le renforcement de notre souveraineté dans des secteurs stratégiques ; la construction de réponses avec les collectivités territoriales. Sur tous ces points, nous nous retrouvons et votre groupe sera un aiguillon précieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Notre responsabilité collective est de démontrer que l’on peut construire des majorités de projet et conduire une action publique efficace.
Vous l’avez souligné, monsieur le président Marcangeli, nous dialoguerons et avancerons en gardant une ligne claire, celle de nos valeurs, sans que personne n’ait besoin de renoncer à ce qu’il est. Composer, ce n’est pas se renier. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

M. Thibault Bazin.
Elle est plus sympa avec ses alliés !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Prendre en compte la situation des finances publiques, ce n’est pas renoncer à la défense des services publics, comme vous l’avez parfaitement dit.
Madame la présidente Panot, au milieu de vos invectives, j’ai réussi à discerner quelques propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)
Aucune ne peut être balayée d’un revers de main. Cependant – je vous le dis du plus profond de mes convictions –, penser que le blocage des prix ou le relèvement du SMIC à 1 500 euros sont les solutions pour faire face aux défis du pays, c’est comme placer nos économies dans les emprunts russes : c’est la banqueroute assurée pour le pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.)

M. Nicolas Dupont-Aignan.
On voit que vous n’êtes pas au SMIC !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je partage une part des convictions républicaines et des engagements concrets du président Chassaigne. Je ne peux cependant que lui dire que beaucoup de ses propos relèvent, à ce stade, du procès d’intention. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.)
Il y a quelques instants, j’ai prononcé devant vous les mots de dialogue, de concertation, de partenaires sociaux, et vous voudriez nous décrire comme un bulldozer méprisant les atteintes et les craintes de nos concitoyens ! (Mêmes mouvements.)

Mme Alma Dufour.
C’est ce que vous êtes !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Vous savez, au fond, que ce n’est pas le cas, et je porterai sans relâche une volonté de dialogue.
Sur les bancs du groupe Écologiste – NUPES, j’entends un sentiment d’urgence, que je partage. Mais quel besoin de vos mensonges et de vos invectives, monsieur Bayou ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.)
Je l’ai dit, madame Chatelain, nous devons engager une transformation radicale de notre modèle. Je ne sais pas de quel immobilisme vous parlez. Quelque 85 % des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été reprises. Ce sont des faits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.)
Cette transformation va s’imposer à tous : à l’État, aux collectivités et dans la vie quotidienne de chacun d’entre nous. Le temps presse. Parfois, la transition écologique peut percuter des citoyens, des salariés, des entreprises. Tous les arbitrages ne sont pas si simples. Ma conviction est que, dans ce cas, seules peuvent nous sortir de l’ornière la transparence vis-à-vis de nos concitoyens et une démarche résolue. C’est celle qui a présidé à l’action du Gouvernement depuis 2017 (Dénégations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES) ; c’est celle que je souhaite, au-delà des caricatures, que nous construisions ensemble.

Mme Émilie Bonnivard.
Qu’avez-vous fait pour le fret ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Le président Vallaud a présenté, tout en nuances, un plaidoyer pour une politique alternative. Manifestement, ce n’est pas celle que la majorité des Français a choisie. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.) Les Français sont des citoyens profondément éclairés et, s’ils ne supportent pas les arguments d’autorité, ils n’acceptent pas davantage les approches caricaturales ou illusoires. Non, la retraite à 60 ans n’est pas une perspective crédible, vous le savez. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI– NUPES, SOC et Écolo – NUPES.) Non, sortir de l’OTAN ne nous rendra pas plus forts, contrairement à ce que vos alliés insoumis soutiennent à longueur de temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.) Il faut parfois accepter la complexité et la contrainte (Exclamations sur les bancs du groupe LFI– NUPES) , non pour se résoudre à ne rien faire mais, au contraire, pour bâtir autre chose que des châteaux de sable.
Je le veux dire aussi au groupe socialiste : je sais ce qu’il a défendu dans le passé et je connais sa culture de gouvernement. Je suis convaincue que nous pourrons trouver des points de convergence. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI– NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin.
Les camarades ! C’est la gauche plurielle !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Le président Pancher a indiqué, à juste titre, que le pays était parfois au bord de la rupture et il nous a appelés à dépasser les défiances. Je partage son envie d’audace ainsi que son attention à la méthode et au dialogue. Je crois avoir dit clairement que j’étais prête à ce renouveau démocratique ici, au Parlement, et dans les territoires.

Mme Alma Dufour.
Alors, demandez la confiance !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je sais que l’intergroupe NUPES entend déposer une motion de défiance. (« Oui ! » sur les bancs des groupes LFI– NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. ) Mais ce n’est pas à d’aussi fins connaisseurs de la Constitution que je vais rappeler que cet objet juridique et politique n’existe pas : ce que vous allez voter, c’est une motion de censure.

M. Alexis Corbière.
C’est vrai ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI– NUPES.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Vous cherchez à censurer un gouvernement qui commence son travail avec quelques principes de fond que j’ai rappelés – pouvoir d’achat, valorisation du travail, transition écologique, égalité des chances, souveraineté – et avec pour méthode le dialogue et l’échange ; la confrontation aussi, sans doute. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme Raquel Garrido.
Et le principe de responsabilité ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
Je ne sais pas si c’est pour ce motif que vous proposez à vos collègues de nous censurer. Je ne sais pas s’il s’agit de faire croire qu’il existerait une majorité alternative cohérente ; si c’était le cas, j’espère que vous auriez le courage de le formuler.
Je crois que nous pouvons, projet par projet, construire des majorités d’action. J’y crois profondément car nous savons que notre pays ne peut s’enfermer dans le surplace. Je le répète : la confiance, je suis certaine que nous la construirons.

Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES.
Vous ne l’avez pas !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
« Un homme est la somme de ses actes, de ce qu’il fait, de ce qu’il peut faire. Rien d’autre », écrivait Malraux. Ce doit être aussi vrai pour les femmes. Je demande à être jugée sur les actes et sur l’engagement du Gouvernement que j’ai l’honneur de diriger. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme la présidente.
Le débat est clos.
4 • Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente.
Prochaine séance, lundi 11 juillet, à seize heures :
Discussion, en première lecture, du projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra



Source : Assemblée Nationale.

https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20220706-discours-elisabeth-borne.html

 

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