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14 janvier 2025 2 14 /01 /janvier /2025 17:35

(verbatim et vidéo)


Pour en savoir plus :
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250114-bayrou.html




 





DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU PREMIER MINISTRE FRANÇOIS BAYROU
LE MARDI 14 JANVIER 2025 À 15h00
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE



 


XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025
Séance du mardi 14 janvier 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

La séance est ouverte.



 

Mme la présidente

L’ordre du jour appelle une déclaration du gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique. (Les députés du groupe Dem et de nombreux députés des groupes EPR et HOR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe DR applaudissent également.)

M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

Le gouvernement, par ma voix, se joint aux vœux que vous avez formulés à l’égard de la représentation nationale et de tous les fonctionnaires qui servent dans cette maison.
En vérité, contrairement à ce que beaucoup pensent, la situation de ce gouvernement présente un avantage considérable. (Murmures.) Sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce que nous pensons ou à ce qu’ils croient que nous pensons, pas un ne trouve notre position enviable. Pas moins de 84 % des Français jugent, paraît-il, que le gouvernement ne passera pas l’année. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il m’arrive même de me demander où les 16 % restants puisent leur optimisme. (Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

M. Alexis Corbière

C’est vrai !

M. François Bayrou, premier ministre

Eh bien, au risque de vous surprendre, j’y vois un atout : quand tout va bien, on s’endort sur ses lauriers, mais quand tout paraît aller mal, on est contraint au courage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Florent Boudié applaudit également.)
Le gouvernement dispose d’un deuxième atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité.

Mme Ségolène Amiot

Non, la démocratie !

M. François Bayrou, premier ministre

Tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent de joindre nos forces pour forcer les issues.
Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances – nous croyons qu’elles sont grandes – et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les sujets d’inquiétude sont innombrables, mais il en est un, criant, qui émerge avec force : le surendettement du pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nos compatriotes, surtout les plus fragiles, savent ce qu’est le désendettement, pardon, le surendettement et quelles incertitudes et difficultés il suscite. Depuis la guerre, la France n’a jamais été aussi endettée qu’elle l’est aujourd’hui.

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

La faute à qui ?

M. François Bayrou, premier ministre

J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite sans tenir compte de ce surendettement et sans se fixer pour objectif de le contenir et de le réduire.

Un député du groupe LFI-NFP

Merci, Bruno Le Maire !

M. François Bayrou, premier ministre

Pourquoi cette situation nous oblige-t-elle tous, collectivement ? C’est parce que tous les courants politiques dits de gouvernement y ont eu part. Quand François Mitterrand a été élu, en 1981, la France était l’un des pays les moins endettés du monde : sa dette s’élevait à peine à plus de 20 % de la production nationale. En 1995, ce rapport était de 52 % ; l’endettement a donc progressé de plus de 30 points en quatorze ans.

M. Aurélien Rousseau

Merci Balladur !

M. François Bayrou, premier ministre

À la fin des années 1990, la santé économique de la France, sur tous les points, était nettement supérieure à celle de l’Allemagne. Son commerce extérieur était largement excédentaire et son endettement inférieur à celui de ses voisins. Puis en 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, les courbes se sont brutalement infléchies et ont commencé une descente que rien ne paraît pouvoir arrêter. Entre 2007 et 2012, sous Nicolas Sarkozy, l’endettement s’est accéléré, augmentant de 25 points de produit intérieur.

M. Pierre Cordier

Il y a eu la crise de 2008, quand même !

M. François Bayrou, premier ministre

Entre 2012 et 2017… (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Il y en aura pour tout le monde, je vous le promets ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – « Pas pour nous ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Entre 2012 et 2017, sous François Hollande, l’endettement a augmenté de 10 points. Enfin, depuis 2017, sous Emmanuel Macron, il a augmenté de 12 points. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)

M. Laurent Jacobelli

Les chiens ne font pas des chats !

M. François Bayrou, premier ministre

Je n’en fais pas un motif d’accusation, car j’en connais les raisons. Quand François Mitterrand a été élu, en 1981, c’était l’alternance : il fallait que les Français, comme on disait à l’époque, y trouvent leur compte. Pour Nicolas Sarkozy, c’est la crise des subprimes. Emmanuel Macron a fait face, coup sur coup, à une cascade de crises jamais vue et jamais imaginée. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et sur quelques bancs du groupe RN.) En voici la liste : à partir de 2018, les gilets jaunes,…

M. Emeric Salmon

Ce n’est pas une crise, ça !

M. François Bayrou, premier ministre

…puis le covid-19, qui a mis le pays à l’arrêt,…

M. Sylvain Maillard

Eh oui !

M. François Bayrou, premier ministre

…puis la guerre en Ukraine, qui a provoqué l’inflation et l’explosion du prix de l’énergie. J’affirme donc que tous les partis de gouvernement, sans exception, ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et Dem.)

M. Emeric Salmon

Ça, c’est vrai !

M. François Bayrou, premier ministre

J’affirme également que tous les partis d’opposition, en demandant sans cesse à cette tribune des dépenses supplémentaires, ont dansé aussi le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

M. Emeric Salmon

Ça, c’est faux !

M. François Bayrou, premier ministre

Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. Cela est d’autant plus grave que nous avons basculé dans un monde nouveau et dangereux : nous sommes passés de la force de la loi à la loi de la force.

M. Aurélien Le Coq

C’est profond !

M. François Bayrou, premier ministre

Le 24 février 2022, au vu et au su de la planète et avec l’indulgence de certains courants d’opinion, une des principales puissances géographiques et militaires du monde, la Russie de Vladimir Poutine, a jeté son dévolu sur un pays souverain, l’Ukraine, pour l’annexer. Un pays de la taille de la France. C’est un fait sans précédent sur le sol européen depuis soixante-quinze ans.
Cette agression a été un signal : celui du règne de la force brutale. C’était rampant, c’est désormais affiché. Immédiatement et significativement, l’Iran et la Corée du Nord ont apporté leur soutien à l’agression de Vladimir Poutine. Ce sont les autres maillons de cette chaîne de puissances décidées à ne plus se laisser arrêter par des règles que nous respections et dont ils contestent désormais la légitimité même.
Naturellement, les dirigeants chinois ne sont pas en reste. En faisant à juste titre l’éloge d’un monde multipolaire, la Chine tisse en réalité le réseau de sa domination économique, technologique, diplomatique et militaire. L’excédent commercial chinois vient de franchir le cap des 1 000 milliards de dollars. C’est le résultat d’une stratégie programmée depuis dix ans, dont la visée est de remplacer purement et simplement notre industrie.

M. Damien Maudet

Heureusement que vous étiez haut-commissaire au plan !

M. François Bayrou, premier ministre

Pour défendre ces règles bafouées, nous avions un grand allié, les États-Unis. Or ceux-ci ont choisi, par d’autres voies – heureusement pas par la violence –, la même politique de puissance et de domination : l’offensive monétaire, la captation de la recherche mondiale, la poursuite de l’application extraterritoriale de leur droit, la domination technologique par des entreprises de taille planétaire et le pouvoir que tout cela donne d’intervenir dans la vie démocratique d’autres États.
Ce nouvel ordre mondial, ou plutôt ce nouveau désordre mondial, qui menace tous les équilibres et toutes les règles de la décence, est incarné sans complexe par certaines figures comme celle de M. Elon Musk. Le président réélu des États-Unis lui-même, fait inédit, articule des menaces d’annexion de territoires souverains : le Groenland, le canal de Panama et même le Canada.
Il est temps de regarder les choses en face. C’est à nous de signifier à ces grandes puissances qui nous sommes car, si nous ne sommes pas capables d’exprimer notre détermination, elles l’oublieront et le négligeront. (M. le premier ministre interrompt son propos.)

M. Pierre Cordier

C’est déjà fini ?

M. François Bayrou, premier ministre

Les pages de mon discours sont un peu mélangées, parce que je suis un néophyte. Je suis donc bien obligé d’apprendre ce métier. (Sourires.)
Dans le nouveau monde de la force brutale, la France a ses atouts : sa diplomatie, la force et la présence de son armée, l’engagement de ses militaires auxquels je veux rendre ici hommage. (Applaudissements sur tous les bancs.) Ils nous protègent collectivement dans un monde brutal.
Je tiens également à évoquer le sort de nos concitoyens retenus en otage par le Hamas ainsi que celui de tous les otages français dans le monde, dont nous exigeons la libération. (Mêmes mouvements.)
Cependant, pour que la France fasse vivre son trésor de civilisation et continue de le partager avec le monde entier, l’Europe doit devenir une communauté stratégique, une puissance politique et de défense à la dimension de la puissance économique qu’elle devrait être. Une seule condition est pour cela nécessaire : nous devons accepter de nous définir et de nous affirmer ensemble.
La construction d’une communauté politique pour faire vivre cette communauté de civilisation est la question qui domine notre vie publique depuis 1945. À cette construction ont contribué, chacun à leur manière, le général de Gaulle, Jean Monnet, Robert Schuman, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Delors et Emmanuel Macron. (Murmures sur les bancs du groupe RN.) Tous ont partagé la conviction selon laquelle l’indépendance de la France tient à celle de l’Europe et réciproquement. La prospérité de la France dépend de celle de l’Europe qui est capable, si elle le veut, de devenir le premier marché de la planète, de parler technologie, industrie, agriculture, à égalité avec les États-Unis et la Chine. C’est la raison pour laquelle nous soutenons de toutes nos forces le rapport présenté récemment par Mario Draghi, dont nous tirons la conclusion que nous devons nous battre tous ensemble pour un investissement à la hauteur de nos besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Toutefois, l’Europe est travaillée elle aussi par des ferments inutiles de division. Si nous ne reconstruisons pas notre unité, comme le président de la République le fait jour après jour, en renforçant à la fois la place de la France en Europe et la vision française de ce que doit être l’Europe, nous serons contraints à la soumission. Je salue le fait que toutes les sensibilités rassemblées au sein de l’équipe gouvernementale sont unies par cette conviction commune. C’est dans cet esprit que j’ai constitué notre équipe gouvernementale. Elle reflète l’union des grandes sensibilités du pays…

Une députée du groupe LFI-NFP

C’est faux !

M. François Bayrou, premier ministre

…avec de l’expérience et de l’enracinement, et s’appuie sur de fortes personnalités. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cette équipe défend un message : comme aux heures où le sort même de notre nation est en question, l’intérêt général oblige à dépasser les préférences partisanes pour que le pays se ressaisisse.
Je doterai chaque ministre d’une feuille de route ; chacune d’entre elles sera communiquée et partagée avec les commissions compétentes du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental. En effet, je soutiens que la société civile organisée doit avoir pleinement voix au chapitre. J’illustrerai notre confiance entière dans les partenaires sociaux dans un instant : elle est centrale, car je crois qu’ils ont entre les mains une part décisive de l’avenir national. (Mêmes mouvements.)
L’équipe gouvernementale reflète des choix révélateurs. L’éducation nationale est à sa place, c’est-à-dire à la première place. (Mêmes mouvements.) Elle est confiée à une personnalité, Élisabeth Borne,…

Une députée du groupe LFI-NFP

Elle n’y connaît rien !

M. François Bayrou, premier ministre

…ancienne première ministre, exemple de méritocratie républicaine et de service de l’État (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elle sera assistée de l’ancien président du Centre national d’études spatiales et spécialiste des universités.

M. Sébastien Chenu

Spécialiste de rien du tout !

M. François Bayrou, premier ministre

Les outre-mer viennent ensuite. L’engagement dans les outre-mer n’a jamais été porté aussi haut dans aucun gouvernement de notre histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Emeric Salmon

C’était le programme de Marine !

M. François Bayrou, premier ministre

J’ai considéré que les outre-mer et nos compatriotes qui y vivent, à un moment de notre histoire commune qui présente tant de risques et de dangers, devaient être promus au rang de toute première préoccupation de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Je remercie Manuel Valls, ancien premier ministre, d’avoir accepté d’en prendre la lourde et passionnante responsabilité. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Un député du groupe EPR

Il aime la République, lui, au moins !

M. François Bayrou, premier ministre

Les questions de sécurité sont brûlantes pour nos concitoyens. J’ai souhaité une coopération étroite entre les ministères de la justice et de l’intérieur pour leur confier la restauration de l’autorité de l’État, qui est indissociablement celle de l’État de droit. Deux ministres d’État, chacun avec son tempérament, mais dont on sait la résolution commune, mèneront à bien cette action. La réponse au narcotrafic ou à la délinquance des mineurs, sur laquelle Gabriel Attal et son groupe ont déposé une proposition de loi, ainsi que la présence des forces de sécurité sur le terrain, à travers de nouvelles brigades de gendarmerie, par exemple, devront confirmer à nos concitoyens que l’État de droit n’est pas l’État de faiblesse. (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.) Nous devrons précisément être sans faiblesse pour lutter contre le terrorisme et tous les séparatismes. De même, chacun d’entre nous le sait, il faudra repenser notre projet pénitentiaire à travers un plan d’urgence se fondant sur une nouvelle approche mieux adaptée aux différents types de détention.
Pour tous les pans de l’action du gouvernement, aussi bien dans les domaines économique, social, territorial, écologique, culturel ou agricole, que pour les armées, l’Europe et les affaires étrangères, la transformation publique ou les sports, chacun de ses membres agira avec le sens de la responsabilité que le moment que nous traversons exige. Nous devons en effet faire face à trois échéances.
D’abord, nous devons répondre à l’urgence : il faut nous ressaisir pour adopter sans tarder les deux budgets, de l’État et de la sécurité sociale. En effet, nous payons tous au prix fort la précarité budgétaire, qui affecte aussi bien les entreprises et les investisseurs que les familles, les contribuables ou les emprunteurs.

Une députée du groupe LFI-NFP

À qui la faute ?

M. François Bayrou, premier ministre

Nous devons relever un deuxième défi, celui de rétablir les conditions de la stabilité, qui impose de se réconcilier, ce dont le pays a tant besoin, et ce que ses citoyens ne cessent de réclamer.
Enfin, le troisième défi s’inscrit dans le long terme : notre pays doit refonder son action publique, ce qui exige que nous nous attaquions sans tarder à tous les problèmes qui sont devant nous, et non à certains à l’exclusion des autres. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme Clémence Guetté

Parlez plus fort, on ne comprend rien !

M. François Bayrou, premier ministre

Je sais bien que ce n’est pas là votre habitude, mais je vous conseille de ne pas crier, car les micros sont coupés et on ne vous entend pas. (Mêmes mouvements.)

Mme Clémence Guetté

On n’est pas au conseil municipal, ici !

M. Pierre Cordier

Il ne faut pas leur répondre, monsieur le premier ministre !

M. François Bayrou, premier ministre

Nous devons d’abord nous ressaisir. Si nous sommes dans une situation de blocage, ce n’est pas seulement sur un plan financier, mais aussi sur un plan politique. Le budget de la sécurité sociale a été censuré, le budget de la nation entièrement a été repoussé en première lecture à l’Assemblée, puis son examen a été interrompu au Sénat. Tous les secteurs d’intervention publique sont entravés : éducation, sécurité, santé, solidarité, agriculture, commerce extérieur. Des milliers de recrutements, par exemple dans la justice, sont suspendus.

M. Erwan Balanant

Eh oui !

M. François Bayrou, premier ministre

Les mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie sont empêchées. Le déploiement de la loi de programmation militaire est entravé. Le fonds Vert des collectivités est bloqué. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les investisseurs s’inquiètent. L’épée de Damoclès de la motion de censure paraît avoir installé la précarité au sommet de l’État.

M. Alexis Corbière

La faute à Macron !

M. François Bayrou, premier ministre

Au cœur de ce blocage, il y a notre incapacité à vivre le pluralisme, à être en désaccord sans constamment nous menacer du pire. Les réquisitoires et les invectives minent la confiance des citoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Il est temps de changer de logiciel démocratique, donc de méthode, pour se confronter mais aussi se respecter et trouver des voies de passage, sans abdiquer ce que l’on est. Le lieu de la diversité où ces différences se transforment en capacité d’action, c’est le Parlement. C’est précisément sur ces bancs que, grâce à l’expression des différences, nous parvenons à dégager une volonté, une stratégie et des plans d’action pour le pays.
La première urgence est de répondre à la question des retraites qui occupe le débat public depuis longtemps. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous voyons combien cette question continue de tarauder notre pays.

M. Aurélien Le Coq

En fait, tout le monde est d’accord !

M. François Bayrou, premier ministre

Le déséquilibre du financement du système de retraites et la dette massive qu’il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés. Je résume les chiffres que nous avions établis au commissariat au plan en 2021 (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), en rappelant que la situation s’est probablement aggravée depuis. Notre système de retraite verse chaque année quelque 380 milliards d’euros de pensions.

Un député du groupe LFI-NFP

Très bien !

M. François Bayrou, premier ministre

D’après le principe du système par répartition que nous affichons, chaque année, les actifs devraient assumer le versement de ces pensions. Or les employeurs et les salariés privés et publics versent à peu près 325 milliards par an. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Aurélien Le Coq

Combien d’exonérations ?

M. François Bayrou, premier ministre

Cette somme s’obtient en additionnant les cotisations salariales et patronales du privé et du public, estimées au même taux, et les impôts versés par les contribuables et affectés aux retraites. Faites le calcul, restent 55 milliards, versés par le budget des collectivités publiques, au premier chef le budget de l’État, à hauteur de quelque 40 ou 45 milliards.

M. Ugo Bernalicis

40 ou 45 milliards ? Il faut savoir !

M. François Bayrou, premier ministre

Or, ces 40 ou 45 milliards annuels, nous n’en avons pas le premier centime. Chaque année, cette somme, le pays l’emprunte. Autrement dit, il a choisi de mettre à la charge des générations qui viennent ou qui viendront une partie du montant des pensions que nous versons aux retraités actuels.

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

Mais non !

M. François Bayrou, premier ministre

Les retraites représentent 50 % des plus de 1 000 milliards de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années.

M. Sylvain Maillard

Eh oui !

M. François Bayrou, premier ministre

Jamais nous n’avons fait l’effort de partager avec les Français cette évidence que la dette contractée par notre pays concerne leurs propres enfants, nos propres enfants, que la charge que nous leur laissons sera trop lourde pour être supportée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Entendez-moi bien, je ne dis pas que la dette soit toujours immorale. Si nous construisons des infrastructures ou finançons la recherche, il est légitime que nous partagions la charge de ces investissements avec ceux qui utiliseront ces équipements ou profiteront de ces connaissances. S’endetter pour construire une université ou un hôpital dont l’usage, par les générations qui viennent, durera cinquante ou quatre-vingts ans est légitime. En revanche, la dette est injuste et elle est insupportable si elle met à la charge de nos enfants nos dépenses courantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Loin d’être seulement un problème financier ou social, cette dette est d’abord un problème moral. Quand on est l’héritier d’une famille, on peut toujours refuser l’héritage qui comporte trop de dettes ; mais quand on est citoyen d’un État, on ne le peut pas.

M. Alexis Corbière

L’État, ce n’est pas une famille !

M. François Bayrou, premier ministre

Ce problème social et moral, le gouvernement n’entend pas le laisser sans réponse. La réforme des retraites est vitale pour notre pays et notre modèle social : bien des gouvernements successifs s’y sont engagés, depuis Michel Rocard jusqu’aux efforts courageux du gouvernement d’Élisabeth Borne. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Je note dans ce débat passionnel un progrès considérable : plus personne ne nie qu’il existe un lourd problème de financement de notre système de retraites.

M. Philippe Gosselin

Pas tout à fait personne !

M. François Bayrou, premier ministre

En même temps, nombre de participants à ces discussions – notamment les organisations du dialogue social et les organisations syndicales – ont affirmé qu’il existait des voies de progrès et qu’on pouvait obtenir le même résultat par une réforme plus juste. Je choisis donc de remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref et dans des conditions transparentes, selon une méthode inédite et quelque peu radicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – MM. François Hollande et Aurélien Rousseau applaudissent aussi. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
La démarche s’appuiera sur un constat et des chiffres indiscutables. Je vais demander à la Cour des comptes une mission flash de quelques semaines, afin de nous donner l’état actuel et précis du financement du système de retraites. Le gouvernement communiquera son résultat à tous les Français. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme : celle de notre automne, où sera discutée la prochaine loi de financement de la sécurité sociale. J’ai la conviction que nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem ni tabou – pas même l’âge de la retraite –, à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée : nous ne pouvons pas laisser dégrader l’équilibre financier que nous cherchons et sur lequel presque tout le monde s’accorde. Ce serait une faute impardonnable contre notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme Danielle Simonnet

Est-ce qu’il y aura un vote ?

M. François Bayrou, premier ministre

Plusieurs partenaires sociaux ont indiqué qu’ils avaient identifié des pistes pour que la réforme soit socialement plus juste et cependant équilibrée.

M. Emeric Salmon

Parce qu’elle n’est pas juste aujourd’hui ?

M. François Bayrou, premier ministre

Ces pistes méritent toutes d’être explorées. Toutes les questions doivent pouvoir être posées. Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à l’ordre du jour de ces discussions et négociations les questions qui le préoccupent : rien n’est fermé. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Une délégation permanente sera donc créée. Je la réunirai dès vendredi.

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

Extraordinaire !

M. François Bayrou, premier ministre

Je proposerai aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table, de s’installer dans les mêmes bureaux, ensemble, pendant trois mois, à dater du rapport de la Cour des comptes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si, au cours de ce conclave – c’est ce qu’on dit quand on ferme les portes –, cette délégation trouve un accord d’équilibre et de meilleure justice, nous l’adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou avant, et si nécessaire, par une loi. Je souhaite que cet accord soit trouvé, mais si les partenaires ne s’accordaient pas, c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Après les retraites, le budget. L’adoption d’un budget est indispensable pour les Français, pour l’action de la France, pour son image et pour son crédit. Cette orientation vers un retour à l’équilibre, qui sera pluriannuelle et respectueuse de nos engagements européens, passera nécessairement par des efforts de l’État lui-même. Nous ne changerons pas l’objectif de retour à 3 % de déficit public en 2029.

Un député du groupe LFI-NFP

Avec Macron, on ne change rien !

M. François Bayrou, premier ministre

Cette contrainte se présente dès maintenant : les prévisions de croissance, en particulier à la suite de la crise née du vote de la motion de censure, ont toutes été revues à la baisse.

Mme Mathilde Panot

C’est aussi lié à l’évolution de la démographie !

M. François Bayrou, premier ministre

Nous ne voulons pas ignorer ces avertissements. Le gouvernement a donc décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025. Avant la censure, celle-ci était de 1,1 % ; nous la fixons à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France. Il sera proposé de fixer l’objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB.

M. Thibault Bazin

C’est encore très optimiste !

M. François Bayrou, premier ministre

Des économies importantes seront proposées. Pour la suite, c’est un puissant mouvement de réforme de l’action publique qu’il faut conduire. Il faudra trouver des méthodes d’organisation de l’État qui ne requerront pas d’augmentation de nos dépenses publiques. Il nous faut repenser tous nos budgets, non pas à partir du prolongement de ce qui se faisait l’année précédente, augmenté d’un pourcentage d’inflation, mais de ce qu’exige le service ou l’action à conduire. Ces budgets redéfinis et repensés, je demanderai à tous les ministres de les préparer dès le printemps. (Mme Maud Petit applaudit.) C’est un effort dont personne ne devra s’exclure, chacun à sa manière, dans l’exercice quotidien de ses missions.
Cet exercice devra interroger notre organisation. Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Nous connaissons le rôle précieux de plusieurs d’entre eux, comme France Travail, mais ces 1 000 agences ou organes, sans contrôle démocratique réel, constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux et sérieux peut difficilement se satisfaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem.)
Les parlementaires seront pleinement associés à cet effort d’organisation et de rationalisation. C’est la fonction du Parlement, qui s’exprimera à son degré le plus éminent : contrôler et évaluer. Cet effort devra être prolongé et inventif. Il devra être soutenu dans le temps, parce que souvent, la réforme prend du temps et, au début, coûte cher.
J’annonce la création d’un fonds spécial, entièrement dédié à la réforme de l’État. Il sera financé en réalisant une partie des actifs, en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique. L’objectif est de pouvoir investir, par exemple, dans le déploiement de l’intelligence artificielle dans nos services publics. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Ces sommes ne pourront pas être utilisées pour des dépenses courantes, pour abonder tel ou tel budget ; elles resteront donc uniquement consacrées à ces efforts de réorganisation. Cette manière de rendre actif un patrimoine aujourd’hui inactif nous permettra peut-être un jour d’initier le scénario de réduction de notre endettement.
Deuxième grand objectif, se réconcilier. J’ai la certitude que nous avons devant nous une grande œuvre de réconciliation : réconcilier les Français entre eux, réconcilier les Français avec leur État et leurs élus, et réconcilier les Français avec les entreprises. L’unité du pays, nous ne la ferons pas à coups d’incantations. Elle passe par l’association effective de tous, de manière continue, aux affaires qui les concernent. Cette association porte un nom qu’on utilise souvent sans lui donner sa vraie portée : c’est la démocratie – pas seulement la démocratie électorale, avec ses surenchères et ses éléments de langage. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Un député du groupe LFI-NFP

Et le résultat des urnes ?

M. François Bayrou, premier ministre

Marc Sangnier, philosophe qui siégea après la guerre sur ces bancs, a défini la démocratie comme l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen. Or il n’y a pas de citoyens conscients et responsables si l’on ne partage pas avec eux les vérités les plus fondées, même les plus brutales.

Mme Alma Dufour

Et si on ne respecte pas leur vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. François Bayrou, premier ministre

La politique du gouvernement, c’est la vérité partagée. Le gouvernement considérera les Français comme des partenaires des décisions à prendre et non pas comme les sujets d’une monarchie, qui n’auraient d’autre choix que d’obéir ou de se révolter. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous ne laisserons aucun problème hors de notre champ. Pour chacun d’entre eux, nous partagerons les diagnostics avec les Français, afin d’établir la délibération sur des bases indiscutables.

Un député du groupe EcoS

C’est audacieux !

M. François Bayrou, premier ministre

Selon moi, la démocratie, c’est aussi la question de la Ve République : concilier la capacité d’action de l’État avec le pluralisme. Cette capacité d’action passe par une coopération entre les pouvoirs. De ce point de vue, le Parlement a des prérogatives qui doivent être pleinement respectées – et elles le seront.

M. Alexis Corbière

Alors, on vote !

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

Censure !

M. François Bayrou, premier ministre

Je pense, en particulier, à son pouvoir d’initiative, qu’il ne manquera pas d’exercer sur des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie. Notre société n’est plus enfermée dans l’impasse de la bipolarisation – et c’est heureux. On sait à présent que, sur un sujet donné, il n’y a pas que deux options définies à l’avance.

Mme Émilie Bonnivard

C’était mieux avant !

M. François Bayrou, premier ministre

Il y a plusieurs sensibilités, en contraste, qui ne s’excluent pas. À mes yeux, le but de la démocratie n’est pas qu’une idée triomphe sur les autres ; c’est que les différentes sensibilités puissent vivre ensemble. Pratiquement, la question est celle de la reconnaissance du pluralisme.

Un député du groupe LFI-NFP

Et la reconnaissance des élections ?

M. François Bayrou, premier ministre

Dans la vie politique française actuelle, il y a une pluralité de courants – peut-être cinq ou six principaux. Je respecte la réflexion de ceux qui estiment que cela doit être source d’affrontements – je connais bien Jean-Luc Mélenchon, depuis longtemps.

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

Nous aussi ! Vous ne nous achèterez pas comme ça !

M. François Bayrou, premier ministre

Je sais qu’il est un homme cultivé et un esprit stratège, mais je n’approuve pas la stratégie, définie très précisément et explicitement, qui consiste à « tout conflictualiser », à faire de tout sujet un conflit. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Jean-Michel Jacques

C’est irresponsable !

M. François Bayrou, premier ministre

Je me dis qu’à voir nos divisions, ceux qui veulent soumettre notre pays doivent se frotter les mains. Depuis longtemps, depuis des siècles, d’Henri IV aux grands républicains, notre pays reconnaît la tolérance et la laïcité, c’est-à-dire l’idée qu’on n’a pas besoin, parce qu’on croit quelque chose, d’obliger les autres à abandonner leurs idées. Acceptées depuis longtemps en matière religieuse et philosophique, ces idées peuvent aussi s’imposer dans la vie politique.

M. Bastien Lachaud

Ça n’a rien à voir avec la laïcité !

M. François Bayrou, premier ministre

Si, ça a tout à voir. Ce qu’on appelle la laïcité – dont la racine grecque signifie « faire un seul peuple » – a droit de cité aussi bien dans la vie politique que dans la vie religieuse et philosophique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS

N’importe quoi !

M. François Bayrou, premier ministre

Faire un seul peuple, c’est reconnaître que le pluralisme est légitime. Ce dernier doit être organisé. Je suis un défenseur des partis politiques et des syndicats…

Mme Marie Pochon

Ça s’appelle l’État de droit !

M. François Bayrou, premier ministre

…et souhaite qu’ils puissent être un jour reconnus comme des mouvements d’utilité publique. Ils doivent pouvoir se financer sans avoir besoin de passer par des stratégies de contournement. C’est pourquoi je souhaite la création d’une banque de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Philippe Gosselin applaudit aussi.)
L’objectif est que le financement des partis politiques et des campagnes ne dépende plus de choix de banques privées, mais puisse éventuellement, et en recours, être le fait d’organismes publics, placés sous le contrôle du Parlement.

Mme Sophia Chikirou

Vous l’avez déjà promis en 2017 !

M. François Bayrou, premier ministre

Je suis partisan, quand je vois l’état de la démocratie américaine, que nous échappions à cette contrainte : la vie politique tenue par l’argent.

M. Alexis Corbière

C’est une farce !

M. François Bayrou, premier ministre

L’argent a sa place, notamment dans le monde des affaires, mais il ne doit pas diriger les consciences, ni prendre le pas sur la libre volonté des citoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) C’est pourquoi la banque de la démocratie traitera le problème du financement de ces organisations, de vos organisations. Il faut également que chacun puisse trouver sa place au sein de la représentation nationale, à proportion des votes qu’il a reçus.

M. Erwan Balanant

Bravo !

M. François Bayrou, premier ministre

C’est la seule règle qui permettra à chacun d’être lui-même, authentiquement, et non prisonnier d’alliances insincères. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. Hervé de Lépinau

Quel aveu !

M. François Bayrou, premier ministre

Je propose que nous avancions concernant la réforme du mode de scrutin législatif. Chacun exprimera alors sa position : il y a une option à prendre sur ce principe, une discussion à avoir sur ses modalités. On voit bien quels sont les principaux choix. C’est mon opinion que ce mode de scrutin doit rester enraciné dans les territoires, qu’il ne doit pas créer plusieurs catégories de citoyens ayant des droits différents. Cette adoption du principe proportionnel pour la représentation du peuple dans nos assemblées nous obligera en outre probablement, comme l’a dit le président du Sénat, à reposer la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Enfin, la démocratie suppose un accès à une information fiable. Les conclusions des états généraux de l’information, lancés par le président de la République, devront être traduites. De même, la réforme de l’audiovisuel public, bien commun des Français, devra être conduite à son terme.

Une députée du groupe LFI-NFP

Oh là là !

M. François Bayrou, premier ministre

Je voudrais ensuite parler de l’État. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.) Je suis le premier à mesurer la qualité de notre fonction publique. Nous le constatons à chaque catastrophe : la présence de l’État force le respect. Je le répète, ce que plusieurs d’entre nous, comme Mme la présidente, ont vu à Mayotte force le respect. Reste que notre bureaucratie est trop lourde, incroyablement nuisible au développement du pays.

M. Sylvain Maillard

Il a raison !

M. François Bayrou, premier ministre

Un document récemment publié, fondé sur les études du centre de réflexion Bruegel, montre que le poids des normes, qui pénalise la croissance, est de 0,8 % du PIB en Italie, 0,3 % en Espagne, 0,17 % en Allemagne et de près de 4 % en France, soit dix fois plus que chez nos voisins. Cette contrainte dont chacun connaît la lourdeur constitue un frein insupportable à l’activité de notre pays, de toutes ses disciplines. Le gouvernement s’engagera donc dans un puissant mouvement de débureaucratisation.
Le projet de loi de simplification de la vie économique, dont l’examen a commencé, devra être adopté rapidement ; mais il faut agir plus en profondeur et dans la durée. Selon quelle méthode ? Je n’en connais qu’une : rendre du pouvoir au terrain. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Laurent Croizier applaudit.) Grâce à France Expérimentation, les acteurs de terrain devront redéfinir eux-mêmes, en partenariat avec l’État, les simplifications, suppressions, allégements d’obligations, utiles dans le domaine de l’agriculture, par exemple. Les collectivités locales doivent avoir une place centrale dans ce projet. Elles assurent 70 % de l’investissement de notre pays, beaucoup plus que l’État ! Quand l’activité fléchit, c’est cet effort de leur part qui soutient le bâtiment, les travaux publics, l’équipement de nos villes. Ce sont elles qui soutiennent l’implantation d’entreprises, se tiennent aux côtés des associations, maintiennent le tissu social dans ses dernières mailles.
Cet effort d’investissement est précieux pour le pays. (Mme Nathalie Oziol s’exclame.) Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l’eau, l’assainissement, le statut et la protection des élus. Les initiatives parlementaires en ce sens devront aboutir. Sur le plan financier, l’effort demandé aux collectivités sera ramené, comme proposé lors des débats parlementaires, de 5 milliards initialement à 2,2 milliards en 2025. J’ai tout à fait confiance dans la capacité des élus à mener cet effort.
Avoir confiance dans la responsabilité des collectivités suppose aussi de tenir compte des spécificités de certaines. C’est le cas, qui me tient à c?ur, pour la Corse ; c’est le cas, que nous allons explorer et travailler, pour les collectivités d’outre-mer. S’agissant de la Corse, un calendrier a été fixé, conformément aux orientations déterminées par le président de la République, afin d’aboutir à une évolution constitutionnelle fin 2025 : ce calendrier sera respecté.
Soutenir l’esprit d’entreprise, tel est le chantier suivant. Il existe chez nous un réflexe nuisible, déjà ancien : prendre pour cible, dans le débat, les entreprises, plus spécialement les entreprises françaises, et en particulier celles qui réussissent le mieux à l’exportation. Les entreprises que l’on dit multinationales sont en réalité celles qui, par leur savoir-faire, leur recherche, leur esprit de conquête, ont réussi à être sélectionnées pour la compétition mondiale. Elles font honneur à la France et contribuent à sa richesse. (Mme Nathalie Oziol et M. Aurélien Le Coq s’exclament.)
J’ai la conviction que, dans toutes les conditions fixées par la démocratie sociale, nous devons faciliter la tâche de nos entreprises. Elles doivent être prémunies contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR), sans quoi nous nous retrouverions dans la situation que décrit la fable de La Fontaine intitulée « La poule aux ?ufs d’or ».

M. Pierre Cordier

Et « La cigale et la fourmi » ?

M. François Bayrou, premier ministre

Vous le savez, le propriétaire d’une poule qui pondait un œuf d’or chaque matin « crut que dans son corps elle avait un trésor. / Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable / À celles dont les œufs ne lui rapportaient rien, / S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien ».
L’entreprise produit les richesses et l’emploi, pour tout le pays, grâce à ses dirigeants, ses chercheurs, ses cadres, ses salariés ; mais si elle se voit surchargée de prélèvements et de normes, elle cesse de produire. Le trésor est dans l’activité, la créativité, la souplesse. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. Philippe Juvin applaudit également.) Cette œuvre de réconciliation à laquelle nous sommes appelés ne deviendra possible que si nous offrons une perspective à notre pays. Nos efforts doivent être tendus vers un but qui suppose la lucidité et le courage que je décrivais à l’instant : une nouvelle promesse française.
Je vous propose là d’examiner une œuvre de refondation républicaine. Cette promesse française, c’est celle qui offre à chacun les conditions de sa dignité, en tant que citoyen et en tant que personne. Pour cela, la France ne s’en remet pas à la seule loi du marché. Elle a toujours porté en elle un idéal de fraternité et de solidarité.

Un député du groupe GDR

Jusqu’à Macron !

M. François Bayrou, premier ministre

La solidarité envers chacun, quels que soient son milieu de naissance, son accent, sa couleur de peau, sa condition d’origine, c’est pour tous la possibilité de s’affirmer, d’avoir une deuxième chance si l’on échoue, une troisième chance si l’on rencontre encore des difficultés. C’est l’intuition fondatrice que le président de la République a défendue en 2017 et dont je veux réaffirmer ici la nécessité.
La promesse française, c’est aussi l’attention portée à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit d’un combat de civilisation, que nous devons mener ici et ailleurs, partout où les femmes subissent l’intolérable. Je pense en particulier au sort des Afghanes et des Iraniennes, enfermées vivantes (Applaudissements prolongés sur tous les bancs) : interdiction d’aller à l’école, à l’université, de chanter, de sortir de chez soi. Chez nous, cette égalité suppose une lutte sans merci contre les violences sexuelles ou sexistes, mais aussi pour l’égalité salariale et professionnelle.

Mme Marie-Charlotte Garin

Avec quel argent ?

M. François Bayrou, premier ministre

Je voudrais m’arrêter un instant à un mouvement que nous avons tous connu et, à mon sens, négligé : celui des gilets jaunes. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il y a six ans, sur nos ronds-points, ils dénonçaient l’état de notre société, tel qu’ils le ressentaient : la division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), ceux qui passent à la télévision et ceux qui regardent l’écran, ceux qui appartiennent aux milieux de pouvoir, par exemple aux arrondissements centraux de Paris, et les autres (Mme Mathilde Panot s’exclame),…

M. Sylvain Maillard

On n’attaque pas Paris !

M. François Bayrou, premier ministre

…qui se sentent oubliés, négligés. Je suis certain que la promesse française suppose que nous puissions abattre le mur séparant les uns des autres. C’est la raison pour laquelle il nous faudra reprendre l’étude des cahiers de doléances présentés par les gilets jaunes (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – M. Philippe Brun applaudit également), de manière que s’expriment dans notre société (Brouhaha)…

M. Ugo Bernalicis

Et après ?

M. Thibault Bazin

Au moins, cela servira à quelque chose !

M. François Bayrou, premier ministre

J’imaginais que vous pouviez adhérer à cette idée ! De manière que s’expriment dans notre société, disais-je, les attentes, souvent les plus inexprimées, des milieux sociaux exclus du pouvoir.
Chercher une forme d’harmonie, c’est aussi accepter d’évoquer les craintes et les réalités que, dans notre pays, suscite l’immigration. Cela ne date pas d’hier. La misère, les conflits, les bouleversements climatiques se conjuguant, l’immigration est devenue une question brûlante sur toute la planète. Elle l’est pour ceux qui supportent les vagues migratoires, pour ceux qui craignent d’être menacés par de prochaines vagues ; les réseaux sociaux attisent cette crainte tous les jours. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Un député du groupe LFI-NFP

C’est surtout M. Retailleau qui attise les haines !

M. François Bayrou, premier ministre

J’ai la conviction profonde que l’immigration, qui, je le répète, se développe sous toutes les latitudes, est une question de proportion. L’installation d’une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c’est un mouvement de générosité qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l’école, des parents qui reçoivent tous les signes de l’entraide. Que trente familles s’installent, le village se sent menacé et des vagues de rejet apparaissent. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

Mme Sophie Taillé-Polian

N’importe quoi !

Un député du groupe LFI-NFP

Jean-Marie Le Pen s’est réincarné !

M. François Bayrou, premier ministre

Telle est exactement la situation que nous connaissons à Mayotte, où les illégaux…

Mme Marie Mesmeur

Ce ne sont pas des illégaux, mais des humains !

M. François Bayrou, premier ministre

…représentent 80 000 habitants sur 300 000. C’est comme si Paris intra-muros comptait 500 000 illégaux établis dans des bidonvilles : nos compatriotes mahorais ne le supportent pas. Nier que cette immigration illégale soit pour la société mahoraise un facteur de déstabilisation, c’est se voiler la face, se mentir et leur mentir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Bien sûr, la différence de niveau de vie entre Mayotte et les Comores est considérable : la richesse par habitant est dix fois moins élevée aux Comores qu’à Mayotte, où le niveau de vie est déjà quatre à cinq fois inférieur à celui de la métropole.

Une députée du groupe LFI-NFP

Et vous trouvez cela normal ?

M. Bastien Lachaud

Hexagone ! Pas métropole ! Mayotte est un département !

M. François Bayrou, premier ministre

Mayotte est un département et nous n’avons pas le droit de laisser se développer dans un département français un désordre aussi profond que celui qui déchire actuellement la société mahoraise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà pourquoi il est de la responsabilité du gouvernement de maintenir et de faire respecter l’ordre, à Mayotte comme en métropole.
Bien sûr, dans l’humanité, c’est la misère qui pousse les gens à fuir leur pays : nous le savons bien, nous les Basques, les Béarnais, les Bretons qui avons, au XIXe siècle, fourni tant de contingents d’émigrés.

M. Inaki Echaniz

Bravo !

M. François Bayrou, premier ministre

Néanmoins, la volonté de protéger et d’appliquer nos lois doit être sans faille, tout en étant respectueuse de ceux que les vagues de la vie ont conduits jusqu’à nous. Respecter ces personnes, c’est les intégrer dans un ordre dans lequel elles peuvent se reconnaître. Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence met en péril, par leur nombre, la cohésion de la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Comment faire, alors que 93 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées ? Arrêtons-nous un instant sur ces chiffres : sur 140 000 OQTF prononcées chaque année, 7 % seulement sont exécutées – 93 % ne le sont donc pas. Leur absence d’exécution découle d’ailleurs moins de la volonté du gouvernement que du refus des pays d’origine d’accueillir leurs ressortissants lorsqu’ils sont obligés de quitter notre territoire.

M. Thibault Bazin

Comme l’Algérie !

M. François Bayrou, premier ministre

Si nous ne résolvons pas cette question, toutes nos déclarations d’intention seront vaines. Cette politique ferme que doivent mener les ministères de l’intérieur et de la justice suppose également l’action de tous les autres ministères. C’est pourquoi je réactiverai le comité interministériel de contrôle de l’immigration. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Je sais que les parlementaires ne manqueront pas de prendre des initiatives à ce sujet. Il nous appartiendra de les articuler avec la nécessaire transposition du pacte européen sur la migration et l’asile. Nous devrons aussi renforcer l’aide publique au développement, en retrouvant dès 2026 une trajectoire dynamique. (Mme Sabrina Sebaihi s’exclame.)
Notre cap, c’est l’intégration.

M. Emeric Salmon

Non, c’est l’assimilation !

M. François Bayrou, premier ministre

Notre cap, c’est l’incorporation à la nation de ceux qui sont amenés à la rejoindre : par le travail, qui crée des liens et donne la reconnaissance ; par la langue, qui est une patrie ; par l’apprentissage et l’acceptation des modes de vie et des valeurs qui nous guident dont, en particulier, le respect de la liberté des femmes et de ceux qui croient différemment ou qui ne croient pas.
En revanche, nous serons sans faiblesse vis-à-vis de tous ceux qui prônent l’inverse. La République n’existe que si elle se fait respecter. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. Emeric Salmon

Mme Vautrin dit l’inverse !

M. François Bayrou, premier ministre

Je ne me lancerai pas dans un catalogue de mesures, comme c’est souvent le cas lors des déclarations de politique générale. (« Si ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Néanmoins, les grandes politiques doivent être inspirées par l’idée du long terme, l’esprit du plan, que je veux voir présents dans tous les ministères. Il ne peut y avoir ni partage des grands choix avec les citoyens, ni débat sérieux au Parlement sans vision de long terme.
C’est particulièrement évident s’agissant de grandes questions qui engagent nos orientations sur plusieurs décennies, telles que la transition écologique. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Contrairement à ce que certains pensent, l’écologie n’est pas le problème, mais la solution – c’est en tout cas cette approche que nous privilégions.

Mme Sandrine Rousseau

Ce sont de belles paroles, mais il faut de l’argent !

M. François Bayrou, premier ministre

La France a engagé son effort en matière d’adaptation au changement climatique – sujet crucial – mieux et davantage qu’aucun autre pays au monde. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Cette ardente obligation doit être poursuivie et amplifiée : nous devons planifier la transition en finalisant notre stratégie bas-carbone, en préservant la biodiversité et en produisant de façon décarbonée, grâce à des technologies nouvelles. Je pense notamment à la politique énergétique, qui a pour but de rendre accessible à tous une énergie décarbonée. Pour y parvenir, la production d’électricité d’origine nucléaire est un axe essentiel, tout comme la géothermie, réservoir inépuisable, sous nos pieds, de calories gratuites et de frigories. (M. Romain Daubié applaudit.)
Nous devons saisir la question de l’eau à bras-le-corps, à travers une grande conférence nationale déclinée dans les régions.
La transition écologique, c’est aussi favoriser les mobilités les mieux adaptées, de l’hydrogène au plan vélo, qui doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires.
Dans la refondation de notre projet, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche sont également des sujets essentiels.

Mme Julie Laernoes

Vous n’avez plus rien à dire sur l’énergie ? C’est déjà fini ?

Mme Danielle Simonnet

C’est particulièrement court en matière d’écologie !

M. François Bayrou, premier ministre

L’une des fiertés de ma vie est d’avoir été un enseignant de l’éducation nationale et d’avoir des enfants qui sont eux-mêmes enseignants. L’une des fiertés de ce gouvernement est d’avoir placé le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche au premier rang et de l’avoir confié à une femme au parcours exemplaire, qui se trouve en ce moment au Sénat, en train de lire cette déclaration de politique générale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe RN.)
Toutefois, comment accepter que l’école française, qui était la première du monde, soit désormais classée au rang qui est le sien en mathématiques comme en lecture ? Les enseignants de l’université dépeignent des étudiants de première année, qui viennent de passer treize, quatorze ou quinze ans sur les bancs de l’école, ne parvenant pas à écrire un texte simple, compréhensible, avec une orthographe acceptable. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme Dieynaba Diop

Arrêtez de réduire les heures d’enseignement chaque année !

M. François Bayrou, premier ministre

C’est pour moi le plus grand de nos échecs, dont sont victimes en particulier les plus faibles. Car ceux qui sont issus des milieux qui n’ont pas les codes, ceux qui ne connaissent personne, comme on dit,…

Mme Marie Mesmeur

C’est l’école de la République ou pas ?

M. François Bayrou, premier ministre

…et n’ont accès ni à l’influence, ni au pouvoir, se voient écartés sans recours, faute d’avoir les armes nécessaires pour affronter la traversée des formations supérieures. J’ajoute que l’obligation d’orientation précoce les perturbe et les met en danger.

Un député du groupe LFI-NFP

Supprimez Parcoursup !

M. François Bayrou, premier ministre

Les enfants ne sont pas comme les poireaux : ils ne poussent pas tous à la même vitesse. (Brouhaha sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, RN, SOC, EcoS et GDR.) Vouloir sélectionner précocement, sans que l’esprit et les attentes aient mûri, est une erreur, ou en tout cas une faiblesse. Notre système scolaire et universitaire doit accepter, si ce n’est favoriser, les réorientations et les changements de formation.

Mme Marie Mesmeur

Supprimez Parcoursup ! Et réformez les bourses, enfin !

M. François Bayrou, premier ministre

Vous avez raison, la question de Parcoursup se pose ; c’est précisément ce que je suis en train d’expliquer. Il faut ouvrir les portes, sans doute en inventant une année d’articulation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur.

Mme Marie Mesmeur

Il faut y octroyer de l’argent !

M. François Bayrou, premier ministre

Ce qu’on appelait autrefois la propédeutique, c’est-à-dire la préparation à un enseignement dont on ne maîtrise ni les bases ni les compétences, devrait devenir une préoccupation majeure dans l’organisation du système éducatif. En écartant certains jeunes dès la classe de seconde, on rend à la nation le plus mauvais des services. Combien sur ces bancs étaient, à 13, à 14 ou à 15 ans, davantage en rupture d’école que dans un parcours de succès scolaire ? Combien ont trouvé dans la vie des chemins jusqu’alors inimaginables pour eux ? Ce qui est regrettable dans notre système éducatif, c’est que les choses se jouent très tôt, trop tôt même, pour ceux qui n’appartiennent pas aux milieux les plus favorisés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Alexis Corbière

C’était le projet d’Attal avant !

M. François Bayrou, premier ministre

Ma conviction est que les gisements de progrès sont du côté des enseignants. Tous ici, nous avons en mémoire les visages et les voix d’enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes, qui, parce que leur regard s’est posé sur l’enfant que nous étions, ont changé notre vie. Ces enseignants magnifiques existent et ils sont nombreux. Mais l’organisation de l’éducation nationale ne parvient pas à les repérer, ou les repère si peu, et les trésors de pédagogie qu’ils ont élaborés sont perdus.
Permettez-moi de rappeler l’intuition fondatrice que le président de la République a présentée au pays en 2017 : combattre l’assignation de la naissance (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem), du quartier, de la religion, de la consonance du nom, de l’accent, des difficultés nées de familles éclatées, de l’adolescence solitaire (M. Ugo Bernalicis s’exclame) et offrir à tous ceux-là, tout au long de la vie, de nouvelles chances.

M. Aurélien Le Coq

C’est combien d’argent en plus pour l’université ?

M. François Bayrou, premier ministre

Parmi les combats à mener, il faut promouvoir la lecture contre le monopole des écrans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Vincent Descoeur

Très bien !

M. François Bayrou, premier ministre

Je sais qu’un chemin est possible, notamment en formant davantage nos professeurs afin de mieux les préparer. Je suis conscient des difficultés, car les écrans ont pris le pas sur tout autre mécanisme de transmission des connaissances. Néanmoins, il s’agit d’un enjeu national et je proposerai d’y répondre en mobilisant toutes les compétences créées au profit de la lecture, telles que, par exemple, l’intelligence artificielle. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Enfin, il nous faudra poursuivre la grande réforme de l’enseignement professionnel engagée par les gouvernements précédents.
La culture joue également un rôle essentiel dans la promesse française. La défense et l’affirmation d’une politique culturelle est une politique sociale. L’émerveillement partagé devant la beauté d’un monument, d’une ville que l’on restaure, d’une pièce de théâtre ou d’un concert : tout cela élève, rend fier et rassemble. C’est pourquoi la défense du beau, madame la ministre de la culture, est un devoir de l’État. Cela passe par une politique du patrimoine ambitieuse, car le patrimoine est l’une de nos principales fiertés. Cela passe aussi par un soutien à la création.
Permettez-moi d’évoquer, dans cette promesse française, les outre-mer. Nous avons présenté le plan Mayotte debout lors de notre venue sur l’île. C’est un plan ambitieux non seulement pour traiter de l’urgence, mais aussi pour refonder Mayotte. J’ai mentionné la crise migratoire que connaît ce département : un débat doit être ouvert sur ce sujet, notamment sur les conditions nouvelles d’exercice du droit du sol – que vous avez évoquées, madame la présidente, dans vos vœux.
Je pense également à la Nouvelle-Calédonie, qui doit construire son avenir. Les événements de mai 2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme. Je souhaite que le processus politique reprenne, avec des négociations qui devront aboutir à la fin du trimestre.
J’inviterai en janvier les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations, en demandant au ministre des outre-mer de suivre particulièrement ce dossier. Je crois là encore que femmes et hommes de bonne volonté sauront trouver des voies novatrices pour le bien de tous les Calédoniens. Mais je pense à tous nos outre-mer, qui sont une fenêtre ouverte sur le monde, que nous vantons souvent, et qui nous enrichissent par leur identité propre. Chaque territoire a sa situation, ses chances et ses difficultés. Nous définirons pour chacun un plan de développement et de financement, dans le cadre d’un nouveau comité interministériel des outre-mer que le ministre d’État préparera avec les élus de ces territoires.
Venons-en maintenant à la méthode que nous suivrons pour retrouver la production, l’innovation et l’industrie. On voudrait nous condamner au déclassement, alors que la Silicon Valley déroule ses tapis rouges à nos ingénieurs du numérique et de l’intelligence artificielle. Nous sommes, nous Français, des géants de la recherche informatique, algorithmique et automatique ; ne nous laissons pas devenir des nains de la nouvelle économie, qui sera précisément fondée sur le numérique. Il en est de même pour l’espace ou les énergies décarbonées.

M. Aurélien Le Coq

Et les licenciements chez Thales ?

M. François Bayrou, premier ministre

Le gouvernement est attaché à la trajectoire d’investissement dans la science définie par la loi de programmation de la recherche. Cette dernière se fait dans les universités et les laboratoires, mais aussi dans les entreprises.

M. Aurélien Le Coq

Avec quel argent ?

M. François Bayrou, premier ministre

La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle – dont je ne sais si elle est intelligente ni si elle est artificielle, mais elle est un changement d’être pour notre humanité – doit entrer dans sa troisième phase. Cette stratégie ambitieuse pour la diffusion de l’intelligence artificielle dans l’industrie, l’action publique, la formation et la recherche, s’appuie sur un programme d’investissement dans les infrastructures. Le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, qui se tiendra à Paris en février, traduira cette ambition.
Dans ces domaines, il nous faut définir des politiques de filière, produit par produit, en partant des faiblesses et des manques de notre balance commerciale. Chaque filière réunira les grandes entreprises, les sous-traitants, l’État et les régions autour d’un enjeu de production. Les géants mondiaux présents sur notre sol et qui ont des racines en France – Dassault Systèmes, Safran, Total, Airbus, Saint-Gobain ou Danone – ont un potentiel de partage des capacités de mise au point et de soutien à des entreprises nouvelles, notamment pour les produits et les secteurs dont nous sommes absents.
Retrouver la production, c’est aussi tourner nos regards vers l’agriculture. Je veux avoir un mot particulier pour les filières agricoles. Quand nous évoquons leur crise, nous voyons ce qui saute aux yeux : la crise des revenus et le sentiment qu’ont nos agriculteurs de ne pas être respectés. À l’origine de cette situation, il y a une crise morale : les agriculteurs, les paysans – le monde dont je viens –, avaient jusqu’à il y a peu la certitude d’être les meilleurs connaisseurs et les meilleurs défenseurs de la nature. Aujourd’hui, on les accuse de nuire à la nature, et c’est une blessure profonde. Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation ; c’est donc une faute. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. Julien Dive

Qu’allez-vous faire ?

M. François Bayrou, premier ministre

Le principal enjeu pour notre agriculture est celui de l’égalité des armes. À l’intérieur même de l’Europe, on impose à nos agriculteurs des normes et des obligations qui ne sont pas imposées à nos voisins européens, et je ne parle même pas de ceux qui sont très au-delà de nos frontières (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR), en particulier en Amérique du Sud – je fais évidemment référence à l’accord avec le Mercosur.

M. Sébastien Chenu

C’est votre construction !

M. François Bayrou, premier ministre

De très grandes injustices risquent aussi d’être commises dans la gestion des ressources en eau. Je ne suis pas d’accord pour qu’on assimile la gestion de l’eau de surface au pompage des nappes profondes, comme si c’était la même chose. (M. François Jolivet applaudit.) Nos agriculteurs vivent cela comme une injustice. Sur la question de l’eau, j’ai dit que je souhaitais que des conférences soient organisées au plan national et régional pour définir une stratégie de long terme.

M. Jean-Paul Lecoq

Il ne faut pas supprimer les agences de l’eau !

M. François Bayrou, premier ministre

Toutes ces questions seront traitées dans la loi d’orientation agricole. Je m’engage à ce que pour les entreprises agricoles, comme pour les entreprises et les familles, nous remettions en question les pyramides de normes en donnant l’initiative aux usagers. Ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles – et s’il faut des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’obligation de revaloriser le travail est évoquée sur tous les bancs. Je souhaite qu’une concertation sur le travail et les salaires aborde la qualité de la vie au travail, la rémunération et le sens du travail, la santé au travail, la prévention et la prise en charge des arrêts de travail, ainsi que la situation des travailleurs pauvres et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Il faudra poursuivre les efforts en matière de revalorisation salariale, notamment par la mise en place de dispositifs d’épargne salariale, d’intéressement et de participation dans tous les secteurs.
Enfin, le territoire français doit être plus équilibré. En 1947 paraissait un livre qui a fait beaucoup de bruit à l’époque, Paris et le désert français. Aujourd’hui, il y a Paris, les grandes métropoles et le désert français ; et à chaque étape, il y a un gouffre. Le reste du tissu national, éloigné géographiquement, disparaît médiatiquement et politiquement. L’aménagement du territoire est l’une des grandes questions devant nous. Il touche aux conditions de vie de nos concitoyens, aux services publics, aux transports et au logement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Sylvain Maillard

Et pourtant, Paris va mal !

M. François Bayrou, premier ministre

Le grand ministère que nous avons construit autour de François Rebsamen incarne l’objectif qui est le nôtre : que chaque personne ait sa chance et que chaque territoire ait sa reconnaissance et sa chance.

Un député du groupe EcoS

Avec quel argent ?

M. François Bayrou, premier ministre

Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Tant d’esprits, de volontés, d’initiatives, de capacités provinciales et issues des quartiers périphériques ont le sentiment, ou plutôt la certitude, d’être écartés et oubliés.
Je veux m’arrêter sur le sujet du logement. Si l’on ne peut pas se loger, on ne peut pas se faire reconnaître. Nous avons besoin d’une politique du logement repensée et de grande ampleur. Je salue les efforts menés par les précédents gouvernements pour lever les contraintes en matière de construction de logements. Nous pouvons aller plus loin encore en réduisant les délais, en allégeant les demandes d’autorisation, en favorisant la densification et en facilitant les changements d’usage.

Mme Justine Gruet et M. Philippe Gosselin

Et le ZAN ?

M. François Bayrou, premier ministre

Cela suppose de relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété et de soutenir les élus bâtisseurs par un système d’encouragement à l’investissement, y compris privé.

M. Philippe Gosselin

Très bien !

M. François Bayrou, premier ministre

Quant au transport, qui est la condition même de l’égalité des droits sur le territoire, nous avons devant nous de nombreux défis en matière de financement des infrastructures et des équipements nouveaux. Pour se préparer à les relever, une conférence sur son financement durable sera organisée avec les collectivités locales et les professionnels.
La santé, qui est l’une des toutes premières préoccupations des Français, que ce soit en urgence ou au quotidien, se situe au cœur de notre modèle social. Nous avons tous été confrontés, pour nous ou pour un proche, à l’impossibilité de trouver un médecin généraliste, un spécialiste, un dentiste pour se faire soigner. Quant à l’hôpital, il connaît aussi une crise, en particulier financière, plus que préoccupante. L’absence d’une vision pluriannuelle des ressources consacrées à notre système de santé le prive de facto de la capacité à se doter de projets à moyen et à long terme et complique ainsi sa capacité à anticiper les besoins de santé futurs des Français. Il faut passer, madame la ministre, d’une logique budgétaire annuelle à une logique de financement pluriannuel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

M. Aurélien Le Coq

Cela fait vingt ans qu’on nous l’explique !

M. François Bayrou, premier ministre

Il faut aussi retravailler sur l’enjeu clé de la démographie médicale, en impliquant notamment les élus territoriaux et en menant de front le travail sur la question – jusqu’ici irrésolue – de la formation des soignants.
Je confirme que la santé mentale sera la grande cause nationale en 2025, comme l’avait décidé mon prédécesseur Michel Barnier (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) – je l’ai soutenu et lui adresse mon amitié. Dans ce cadre, pour faire face à l’enjeu de la soutenabilité de l’hôpital, le gouvernement proposera une hausse notable de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ce qui permettra d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles.

M. Jérôme Guedj

Enfin quelque chose !

M. François Bayrou, premier ministre

À cette fin, la mesure de déremboursement de certains médicaments et consultations ne sera pas reprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Aurélien Rousseau

Ah !

M. François Bayrou, premier ministre

Le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion, d’épanouissement et de fierté. Nous avons vécu une année olympique historique et avons devant nous le projet Alpes 2030. Nous savons que c’est à l’école que se joue l’avenir du sport. Dans le cadre des parcours de soins pour les maladies chroniques, nous proposerons par exemple une nouvelle offre dans les maisons sport-santé. 100 000 bilans d’activité physique seront proposés aux personnes atteintes de telles maladies.
Nous devons aussi nous mobiliser en faveur de la politique du handicap, alors que nous allons fêter le vingtième anniversaire de la loi de 2005. L’école pour tous est en crise ; il faut l’améliorer, la politique de l’école inclusive ayant atteint une masse critique. Un comité interministériel du handicap sera organisé dans les meilleurs délais, et je tiens à confirmer à l’Assemblée nationale le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS et Dem. – Plusieurs députés des groupes EcoS, SOC et GDR se tournent vers M. Sébastien Peytavie.)

Mme Sandra Regol

Bravo Sébastien Peytavie !

M. François Bayrou, premier ministre

Dans le cadre de la grande politique démographique qui s’impose à nous, il nous faut avancer sur la question du grand âge. L’objectif de permettre aux personnes de bien vieillir en ayant le choix de leur domicile suppose l’ouverture d’un dialogue avec le Parlement et les départements. Je réaffirme aussi la priorité qui s’attache pour moi à la protection de l’enfance.

Mme Isabelle Santiago

Ah !

Mme Dieynaba Diop

Et le repas à 1 euro ?

M. François Bayrou, premier ministre

La création du haut-commissariat à l’enfance inscrira cette politique dans la continuité.
Parmi les personnes en situation de précarité, il y a aussi des étudiants, en particulier lorsqu’ils doivent se loger dans des grandes villes où les loyers dépassent les moyens de leurs familles. C’est pourquoi la carte universitaire et le réseau des universités sont non seulement une question académique, mais une grande question sociale. Nous lancerons parallèlement la construction de 15 000 logements par an pendant trois ans, en mobilisant le foncier disponible de l’État.
Voilà le projet que nous appelons la promesse française. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous n’avons pas le droit, au nom de nos passions politiques, d’hypothéquer la vie de nos concitoyens. Ils attendent des actes, et c’est sur nos actes qu’ils jugeront de nos paroles, de nos promesses et de nos indignations. C’est sur nos actes qu’ils nous jugeront, tout simplement.

M. Fabien Di Filippo

Quels actes ?

M. François Bayrou, premier ministre

Le but de cette déclaration de politique générale est de permettre à nos concitoyens de passer de la plus extrême inquiétude à la conviction que, même si nous ne sommes pas certains de les résoudre tous, nous traiterons tous les problèmes qui se posent avec toutes nos forces et tous nos moyens. Nous n’allons pas d’un seul coup passer de l’ombre à la lumière.

Mme Dieynaba Diop

Ça c’est sûr !

M. François Bayrou, premier ministre

Nous n’allons pas vivre le grand soir. Mais si nous parvenons à nous faire entendre de vous, élus de la nation, alors nous pourrons passer du découragement à un espoir ténu mais raisonnable. C’est ce projet que j’ai voulu présenter devant vous. Je connais tous les risques. Si nous nous trompons, nous corrigerons. Mais le risque, c’est la vie. Pierre Mendès France – la référence n’est pas choisie au hasard – aurait dit : « Il n’y a pas de politique sans risque, il n’y a que des politiques sans chance ». Ce sont ces chances que nous voulons saisir. J’ai foi dans le peuple français et dans ses représentants. Je sais les ressources d’intelligence, de bravoure et de droiture de notre nation lorsqu’elle choisit de surmonter l’épreuve.
J’ai la certitude que notre peuple et notre pays, avec leur histoire, ont la capacité de se ressaisir. Je n’en veux que deux preuves vérifiables : nous sommes aujourd’hui le plus jeune des pays européens, en dépit du fléchissement de notre démographie qu’il nous faudra mesurer et corriger ; sur le plan de la croissance, au cours des quarante dernières années, la France a été devant l’Allemagne, en particulier lors des sept dernières années. (Mme Danielle Brulebois applaudit.) Nous sommes un peuple de ressources, à la condition qu’il trouve l’unité qui si souvent lui manque. Il l’a trouvée bien des fois au cours de son histoire ; c’est à nous aujourd’hui que cette mission, cette charge et cette chance reviennent. (Les députés des groupes EPR et Dem se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)

Une députée du groupe LFI-NFP

Vous êtes illégitime !

Mme la présidente

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes. La parole est à M. Stéphane Peu. Chers collègues, merci à ceux d’entre vous qui quittent l’hémicycle de le faire en silence !

M. Stéphane Peu (GDR)

Après vous avoir écouté attentivement, nous devons d’emblée vous dire notre déception, même si nous ne nous attendions pas à grand-chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Gérard Leseul et Mme Julie Ozenne applaudissent également.) Il faut reconnaître que votre tâche n’était pas aisée puisque votre gouvernement, comme celui de M. Barnier, est le produit de l’aveuglement du président de la République, de son refus de considérer et d’admettre le vote des Français de juin et juillet derniers. Ils ont pourtant massivement rejeté les politiques menées depuis 2017 : l’injustice fiscale, la dégradation des services publics, la précarisation du travail, la smicardisation du salariat et les attaques répétées contre notre modèle social sont vécues à juste titre comme un affaiblissement de la France.
Au moment où le monde traverse un épisode réactionnaire sans précédent, où la logique guerrière s’installe sur tous les continents, où certains multimilliardaires prétendent se substituer aux démocraties et aux États pour diriger les affaires du monde, les Français ont le sentiment que notre pays est aux abonnés absents et s’inquiètent, dans ce monde anxiogène, du silence de la France. (Mme Soumya Bourouaha et M. Emmanuel Maurel applaudissent.) Notre peuple est plein d’angoisse et de colère. Il ne cesse d’exprimer ses attentes et de réclamer de l’écoute, mais rien n’y fait, même pas son vote. Emmanuel Macron s’obstine, s’isole et se complaît dans l’autosatisfaction. C’est dans ce déni, qui n’est rien d’autre que l’expression d’un mépris du peuple, que résident les causes de la crise politique que connaît notre pays.

Mme Clémence Guetté

Tout à fait !

M. Stéphane Peu

C’est donc d’un changement majeur de cap politique que notre pays a besoin ; mais à ce stade, vous n’en prenez pas la direction. Au contraire, vous adressez deux premiers signaux qui nous inquiètent. Le premier est la composition de votre gouvernement, dont plus de la moitié des membres appartenaient au gouvernement censuré de Michel Barnier et dont les deux tiers ont été membres, à un moment ou à un autre, d’un gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron. Le second est votre choix étonnant et décevant de ne pas rouvrir le débat budgétaire, en poursuivant la navette des lois de finances présentées par le gouvernement Barnier (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS), ce qui interdit à notre assemblée la construction d’un budget nouveau, socialement plus juste, qui préserve les plus fragiles et assure la justice sociale dans notre pays. Ce choix nous interdit d’augmenter les recettes du budget (Mêmes mouvements) en renforçant la fiscalité sur le capital et les plus hauts revenus sans augmenter les impôts des Français. Il nous interdit également de doter nos hôpitaux publics et nos écoles des ressources dont ils ont urgemment besoin. (Mêmes mouvements.) Nous craignons que votre statu quo politique continue à nourrir l’instabilité dans notre pays.

M. Antoine Léaument

C’est vrai !

M. Stéphane Peu

Vous le savez et vous avez pu le constater ces derniers jours, les députés communistes sont constants et seront toujours prêts au dialogue. Nous ne refuserons jamais de discuter et de négocier pour gagner des avancées sociales au service de nos concitoyens. À cet égard, après vous avoir écouté au sujet des retraites, nous regrettons votre refus de convoquer une conférence sociale – notre souhait nous semblait pourtant une espérance raisonnable. En cas d’échec de ce que vous nommez le conclave, nous vous demandons donc que sur la base de ses travaux, le Parlement puisse travailler collectivement à un projet de loi abrogeant et remplaçant la réforme Borne de 2023, sans recourir au 49.3. Il ne peut y avoir de statu quo sur ce sujet.
Enfin, toujours sur le plan social, les Français s’inquiètent beaucoup, et à juste titre, de la question de l’emploi. Nous demandons au gouvernement de prendre l’initiative d’une table ronde des partenaires sociaux pour stopper l’hémorragie en cours des 300 000 emplois menacés par 300 plans sociaux. Nous avons bien d’autres sujets de préoccupation : les salaires et le pouvoir d’achat, l’avenir de l’école, de l’hôpital public ou des territoires dits d’outre-mer. Dans ces domaines, le contenu des lois de finances constituera l’heure de vérité : nous jugerons alors la sincérité de votre déclaration et de vos intentions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

Mme la présidente

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti (UDR)

Monsieur le premier ministre, nous nous connaissons depuis longtemps. Des moments politiques nous ont réunis, comme votre soutien à Édouard Balladur, votre combat contre l’erreur historique de la création de l’UMP,…

M. Antoine Léaument

La bataille d’Alésia, aussi !

M. Éric Ciotti

…mais peut-être plus encore vos alertes sur la dette, votre attachement à l’histoire de France et aux territoires de notre nation. D’autres moments, hélas beaucoup plus nombreux, nous séparent, notamment votre contribution déterminante à la victoire de François Hollande en 2012 et surtout d’Emmanuel Macron en 2017,…

M. Sylvain Maillard

C’était bien, ça !

M. Ludovic Mendes

Mieux vaut soutenir Macron que Le Pen !

M. Éric Ciotti

…à chaque fois contre la droite, et surtout contre la France.

Mme Christine Arrighi

Vous n’êtes pas la France !

M. Éric Ciotti

Par là même, vous portez une responsabilité écrasante et lourde dans le bilan de leur échec et dans le déclin accéléré de notre nation. Après treize ans de hollandisme et de son fils spirituel macroniste, le bilan est en effet terrifiant : la dette publique atteint 3 300 milliards d’euros – 118 % du PIB –, les taux d’intérêt s’envolent et la signature de la France se dégrade de façon affolante. Les déficits dépassent allègrement les 6 %, l’économie française entre en récession, les faillites et les plans sociaux explosent et le chômage repart à la hausse.

M. Charles Sitzenstuhl

C’est faux ! Mensonges !

M. Éric Ciotti

La France aura emprunté cette année 340 milliards d’euros et elle emprunte plus cher que la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Allemagne, naturellement – avec presque un point d’écart.
Vous l’avez dit vous-même et les Français le vivent chaque jour : l’ensauvagement gangrène notre société. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) L’insécurité est devenue le quotidien de millions de Français. Chaque jour, on compte 3 homicides, 1 000 agressions violentes, 600 cambriolages, 330 vols avec armes : une France « Orange mécanique » nourrie par le flux grandissant d’une immigration de masse de plus en plus incontrôlée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Pas moins de 3,5 millions d’étrangers sont entrés légalement sur notre territoire depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

Mme Christine Arrighi

Ça faisait longtemps !

M. Éric Ciotti

Un million de clandestins sont présents en France – l’équivalent de la population de la ville de Marseille. Pendant ce temps, l’Algérie, selon les mots mêmes du ministre de l’intérieur, nous humilie en emprisonnant Boualem Sansal, à qui nous devons penser aujourd’hui (Mêmes mouvements), et en refusant de reprendre ses ressortissants délinquants, comme cet influenceur qu’elle nous a renvoyé. Notre voix s’éteint en Afrique et se discrédite en Europe.
C’est dans ce contexte délétère que vous prononcez votre déclaration de politique générale. Oui, la tâche qui vous attend est difficile. L’Everest que vous évoquez est bien réel et doit être attaqué par son versant droit, car son versant gauche est jonché des cadavres du socialisme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.) Dans cette ascension, deux écueils vous guettent. Le premier est votre penchant naturel à l’immobilisme. En écoutant votre discours, je n’ai pu m’empêcher de penser à deux grandes figures du centrisme ou du radicalisme : Edgar Faure d’abord,…

M. Emmanuel Mandon

Ah, il y a un peu de ça !

M. Éric Ciotti

…qui, avec ses formules toujours aiguisées, soulignait que l’immobilisme est en marche et que rien ne pourra l’arrêter ; Henri Queuille ensuite, qui affirmait qu’« il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». En effet, l’immobilisme en marche nous menace. J’ai entendu beaucoup de constats, mais peu de réponses ou de solutions. Vous avez même évoqué, à juste titre, le nombre totalement insupportable des agences et des comités Théodule, comme les appelait le général de Gaulle, mais une des seules dispositions concrètes de votre discours a été l’annonce de trois comités supplémentaires qui vont s’ajouter à la longue liste de ces pesanteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Le deuxième écueil qui vous guette est la dérive à gauche, dans l’objectif de durer dans une forme de négociation ou plutôt de compromission. Nous vous invitons à éviter et à contourner ces écueils. Vous avez le choix : vous pouvez être un artisan du redressement, mais vous pouvez aussi être l’accélérateur du déclin français. Nous vous mettons en garde. Ne reproduisez pas les erreurs de votre prédécesseur : taxer et imposer pour dépenser plus et s’endetter davantage.
Renoncer à couper dans les 1 600 milliards de dépenses publiques fut une erreur tragique du précédent budget. C’est pour cette raison que nous l’avons censuré.
Or nous redoutons que vous choisissiez de tremper le « en même temps » dans l’acide du socialisme. Ce compromis malheureux et ces alliances contre-nature ne feront qu’aggraver le mal. Cotiser à nouveau aux erreurs historiques de la gauche ne pourra qu’accélérer le naufrage français. Dans cette coalition des contraires, vos alliés issus de la droite ne pourront décemment pas – je l’espère, mes chers collègues du groupe DR – être les complices et les otages de cette situation.
À l’UDR, nous avons toujours été clairs : il est impossible de guérir le mal français en adhérant aux vieilles lunes de la gauche ou en communiant aux valeurs du macronisme agonisant.

M. Sylvain Maillard

Oh là là…

M. Éric Ciotti

Renoncez aux pistes budgétaires les plus délétères : n’augmentez pas les impôts sur les sociétés alors que les défaillances d’entreprise augmentent de façon préoccupante ; renoncez à taxer le patrimoine et la réussite ; renoncez à augmenter les prélèvements obligatoires, qui sont déjà les plus élevés au monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Le courage appellerait au contraire la réforme de l’État, la baisse des impôts et des dépenses publiques, la suppression des normes – une suppression concrète, pas simplement verbale ou théorique.
Vous avez rouvert le chantier des retraites, gage de l’accord caché conclu avec le Parti socialiste pour le dissocier de ses alliés Insoumis. Si vous avez de l’audace, osez la capitalisation, qui s’adosserait à une retraite de base par répartition. C’est la seule solution pour sauver le système ! L’UDR se veut le parti des propositions, notamment de la capitalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.) Soutenez l’entrepreneuriat, ceux qui travaillent et ceux qui cherchent ! Allégez la fiscalité, simplifiez les normes !
Il vous faut aussi ouvrir un immense chantier pour restaurer l’autorité de l’État, l’ordre, la justice, la sécurité dans nos rues. Mettez fin à l’immigration de masse ! Rendez la justice rapide et efficace ! Et lavez l’humiliation algérienne, en abrogeant les accords de 1968 et de 2013 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Je vois que le ministre de l’intérieur approuve ; nous lui faisons confiance pour aller dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Ces combats doivent être prioritaires, libérés des compromis du « en même temps ». Le gouvernement ne peut plus compter des ministres souhaitant restreindre l’AME – aide médicale de l’État – et d’autres, militants d’une AME sans limite ; des ministres soutenant la fin du droit du sol à Mayotte et d’autres, zélateurs de ce droit ; des ministres favorables à l’interdiction du voile à l’université et lors des sorties scolaires et d’autres, promoteurs du voile. Ne voyez-vous pas que les Français sont à bout et que ce grand écart idéologique est le premier carburant du chaos ?
Faites le choix de la clarté et du courage ! La France a besoin d’un sursaut. Pas de renoncements ! (Les députés du groupe UDR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont quelques députés se lèvent aussi.)

Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN)

Clemenceau avait pour usage de dire que pour enterrer un problème, il fallait créer une commission. À vous entendre, monsieur le premier ministre, je crains que vous n’ayez enterré votre gouvernement mort-né à force de le submerger de conférences, de comités, de commissions, de gros machins et de petits bidules qui ne feront rien, sinon amplifier la bureaucratie que vous avez condamnée. Quelle déception, monsieur Bayrou, je dois le dire !
Pourtant, la censure du gouvernement Barnier, le 5 décembre 2024, avait tout d’un événement historique. Pour la première fois depuis 1958, l’Assemblée nationale avait pu déjouer un 49.3 illégitime. Pour la première fois, la censure était soutenue par le peuple français contre un gouvernement minoritaire dans les urnes, dans les esprits et dans les cœurs. Pour la première fois, l’exercice par les députés du plus légitime de leurs droits ralentissait l’emprise corruptrice du parti unique sur la souveraineté du peuple.

M. Pierre Cordier

Mais quelle alliance avec La France insoumise !

M. Jean-Philippe Tanguy

Enfin se manifestait la rupture historique que nos concitoyens avaient voulue aux élections européennes et législatives en soutenant massivement Marine Le Pen et Jordan Bardella !
Oui, la censure arbitrée par le Rassemblement national et l’UDR a rempli son office politique : nous avons protégé les Françaises et les Français en retournant contre vous les alliances cyniques, manipulatoires et antidémocratiques que vous aviez nouées avec la gauche extrémisée pour barrer la route à notre victoire écrasante, de 11 millions de voix. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

M. Philippe Vigier

Tout dans la nuance !

M. Jean-Philippe Tanguy

Oui, la censure a interdit au macronisme de continuer à tondre les classes moyennes et populaires, de spolier les retraités et les travailleurs, d’accabler les entreprises et les entrepreneurs, de solder encore et toujours notre parc nucléaire à nos voisins européens.

Une députée du groupe DR

Respire !

M. Jean-Philippe Tanguy

Si vos manipulations électorales ont réussi, sans doute pour la dernière fois, à faire barrage à la volonté du peuple au nom de l’oligarchie, nous, le Rassemblement national, avons enfin fait barrage à l’oligarchie au nom du peuple ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)
Oui, tout relevait, dans cette censure, de l’évènement historique ; tout aux yeux des Français, mais rien aux vôtres. Qu’avez-vous fait de cette censure et du message politique inédit qu’elle portait ? Rien. Fidèle à la nature nihiliste du macronisme, vous n’avez fait que détourner la prophétie de Nietzsche : tout ne vaut rien ; tout arrive et, cependant, il ne se passe jamais rien, tant cela vous est indifférent.
L’ultime mérite de la censure et des semaines pitoyables qui l’ont suivie aura été de confirmer aux Français votre vraie nature. D’un événement historique, vous ne voyez rien. Du peuple souverain, vous n’écoutez rien. D’une rupture démocratique, vous ne dites rien. Avec cette censure, la Ve République aurait-elle tremblé sans qu’aucun macroniste ici ne sente la moindre secousse ni aucune réplique ?
Encore aurait-il fallu que vous vous soumettiez au sens profond de la Ve République : le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple. Encore aurait-il fallu que vous obéissiez, chers collègues, à une certaine idée de la République, à une certaine idée de la nation, à une certaine idée de la France. Mais vous n’êtes gouvernés que par une idée certaine de vous-mêmes !
Avec cette censure, le chef de l’État aurait pu embrasser enfin, au bout de sept ans, son véritable rôle constitutionnel, celui de garant de nos institutions. Encore aurait-il fallu qu’Emmanuel Macron soit un chef. Encore aurait-il fallu qu’il reste un État. En somme, encore aurait-il fallu qu’Emmanuel Macron n’apparaisse pas pour ce qu’il est : le vide du pouvoir pour un pouvoir avide ; le vide de l’âme pour une âme avide. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Le macronisme n’est qu’un trou noir dévorant l’identité de la France pour que notre nation se perde dans son déclin civilisationnel et social ; un trou noir dont la France ne pourra ressortir, espère le président de la République, qu’à travers une Union européenne stérile, ce « berceau vide où il n’y a pas d’enfant » annoncé par Marie-France Garaud.
Après cette déception, monsieur le premier ministre, une seule question vaut, et elle est simple : êtes-vous enfin du côté du peuple français, de sa dignité, de son identité, de sa liberté ? Ou bien êtes-vous encore du côté d’Emmanuel Macron ?
Vous aviez pourtant tout prévu. En 2017, vous vous disiez « absolument sceptique » sur « l’hologramme » qu’était Emmanuel Macron. Vous ajoutiez que derrière Emmanuel Macron, il y avait de grands intérêts financiers, incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction politique. Vous précisiez : « On a essayé en 2007 avec Nicolas Sarkozy, et ça n’a pas très bien marché. On a essayé en 2012 avec Dominique Strauss-Kahn… »
Vous étiez alors prophète, monsieur Bayrou. Hélas, vous avez choisi le pire : Emmanuel Macron, puis les amis de Nicolas Sarkozy, et maintenant, vous courez derrière ce qu’il reste de socialistes défroqués que n’aurait pas reniés Dominique Strauss-Kahn. En un sens, je vous comprends : ils n’ont pas l’air de coûter cher, les socialistes ; ils se sont soldés aux Insoumis et désormais, tout doit disparaître dans leur héritage !

M. Philippe Vigier

Bois un coup !

M. Jean-Philippe Tanguy

Au terme de sept ans d’erreur, après avoir choisi le pire, allez-vous enfin choisir le meilleur des biens ?

Mme Prisca Thevenot

Faites donc des propositions !

M. Jean-Philippe Tanguy

Nous pensons que vous en êtes capable, car la famille de pensée que vous représentez, les chrétiens-démocrates, a les valeurs nécessaires au sursaut. Nous n’oublions pas que le Modem a toujours défendu en paroles, et souvent en actes, une démocratie saine et pluraliste, une moindre injustice sociale et fiscale, une vision fraternelle et humaniste pour notre pays.
Vous avez, par le passé, eu la force de dénoncer les oligarques du régime et le pillage des biens publics, comme la privatisation des autoroutes. Vous avez, avant d’autres, dénoncé la ruine de l’État, la spoliation des classes moyennes et des entrepreneurs, le tonneau des Danaïdes de la bureaucratie. Il serait injuste de ne pas porter ces combats à votre crédit, mais il serait d’autant plus impardonnable que vous ne mettiez pas aujourd’hui ces principes au bénéfice de la nation, alors que vous avez le pouvoir en main.
Hélas, à écouter votre discours ce jour, je nourris des espoirs bien rachitiques. Dans l’attente de votre décision de rompre avec le macronisme, nos compatriotes ont tiré, à une large majorité, leurs propres conclusions de leurs désillusions. Vous ne bénéficiez d’aucun état de grâce : à peine 20 % des Français soutiennent une action qui n’a même pas commencé, car ils craignent qu’elle n’ait déjà que trop duré.
La France et nos concitoyens tiennent debout et avancent malgré vous, en dépit de vous, et même désormais contre vous. Hélas, nos compatriotes ne se détournent pas seulement de la macronie : ils se demandent si la France dispose encore d’un État capable de les protéger. Peut-on leur donner tort ?
À Mayotte, face à la tragédie de l’ouragan Chido et de la tempête Dikeledi, existe-t-il encore un État ? Au Rassemblement national, nous croyons qu’il existe, à travers les fonctionnaires, les agents, les soignants, les enseignants, les forces de l’ordre, les élus locaux. Cet État existe, à travers les deux admirables députées de Mayotte : notre sœur de combat, députée Rassemblement national, Anchya Bamana (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), et notre collègue du groupe LIOT, Estelle Youssouffa (Mêmes mouvements), deux parlementaires éminemment courageuses qui portent haut les valeurs de la France. Toutes et tous sont l’honneur de notre pays, un honneur à la hauteur de l’amour des Mahorais pour notre nation, Français par le cœur, par la volonté et par l’histoire depuis 1841.
Or vous, macronistes, qu’avez-vous fait de cet amour ? Faut-il que notre pays soit insulté, qu’on veuille l’humilier et le submerger comme le fait le régime comorien pour mériter votre respect ? Faut-il des émeutes, des violences, des crachats sur les valeurs de la République pour obtenir le respect de la part d’un pouvoir indigne de la France ? En réalité, les Mahorais ressentent le même mépris que tous les honnêtes gens sur nos territoires, cette immense douleur de l’abandon, de l’injustice et du désordre.
Face à la pire des tragédies, votre gouvernement et vous continuez de mentir sur la population à Mayotte – vous venez encore de le faire dans votre discours. Vous mentez, avec des visites Potemkine et des annonces médiatiques rassurantes pour l’Hexagone, mais qui dissimulent en réalité la détresse, la tragédie que vivent les Mahorais. Vous mentez sur tout : sur l’électricité, sur les vivres, sur l’eau, sur l’école, sur les soins, sur la sécurité, sur la submersion migratoire, et même – c’est sans doute le pire – sur la gravité du bilan humain de cette catastrophe.
Comment est-il possible que la sixième puissance mondiale ne soit toujours pas capable de dire aux Françaises et aux Français combien nous devons pleurer de morts à Mayotte ? Il est inacceptable qu’au bout d’un mois, la situation soit encore celle-là ! Nulle part ailleurs sur le territoire les Français n’accepteraient d’ignorer à quel point nous sommes endeuillés, combien nous devons pleurer de disparus.
Nous n’acceptons pas, monsieur Bayrou, ces mensonges d’État, le plan au rabais que vous avez proposé et ces promesses jamais tenues. Nous n’acceptons pas que le contrôle total de l’immigration, la suppression du droit du sol à Mayotte et la destruction définitive des bidonvilles ne soient pas le préalable à tout véritable plan de redressement pour l’île. Force est de constater que seule Marine Le Pen aura la détermination d’appliquer l’égalité républicaine à Mayotte ; la priorité nationale est le seul principe à même de restaurer un ordre juste et de bâtir un avenir pour toute la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Notre exigence de fraternité, de solidarité et de dignité envers Mayotte est une ligne rouge. Si elle n’est pas scrupuleusement respectée, le groupe Rassemblement national vous censurera. Pour le reste, les lignes rouges que notre groupe avait fixées avec Marine Le Pen et Jordan Bardella demeurent les mêmes ; elles n’ont jamais varié et ne varieront pas. Nous n’acceptons pas que se poursuivent et s’aggravent l’effondrement régalien de la France, la submersion migratoire et l’ensauvagement de la société, qui a fait bien trop de victimes. Les titres ronflant des grands ministres d’État n’y feront rien, si la politique que vous menez ne change pas de dimension.
Bien sûr, les mots de Bruno Retailleau sont les nôtres et ceux de Gérald Darmanin nous débordent parfois même sur notre droite (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR), avec les excès de zèle des nouveaux convertis ou des réminiscences de leur lointaine jeunesse. Hélas, les actes ne suivent pas, puisque vous avez les pieds et les poings liés par votre propre majorité, par un gouvernement abusif des juges et par une démocratie européenne qui ne cesse de s’immiscer dans nos affaires.
À cet égard, la pitoyable mascarade de l’expulsion ratée de l’agent de haine Doualemn est l’humiliation de trop. Elle a la même cause que la prise d’otage que constitue l’enfermement abject de Boualem Sansal et, avec lui, de ses idées lumineuses, qui devraient être le véritable lien avec le grand peuple algérien.
Mais quel respect pourriez-vous espérer des gérontes du régime d’Alger, Emmanuel Macron ayant alterné en quelques mois, en 2017, l’éloge de la colonisation et l’insulte à notre histoire en prétendant que la France avait commis des crimes contre l’humanité ?

Mme Sabrina Sebaihi

C’est pourtant vrai !

M. Jean-Philippe Tanguy

Quel respect espérer quand un ministre de l’intérieur, désormais garde des sceaux, dépose une gerbe bleu, blanc, rouge devant la stèle du FLN – Front de libération nationale –, qui a assassiné tant d’innocents ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Croyez-vous que vous serez plus respecté en copiant le programme de Marine Le Pen, à savoir la dénonciation des accords de 1968 ? Même sur un tel sujet, ceux qui hier insultaient le Rassemblement national – dans l’ordre, Laurent Wauquiez, Édouard Philippe et Gabriel Attal – se soumettent maintenant à nos diagnostics et à nos solutions.
Ainsi, la ligne rouge que Marine Le Pen avait tracée pour Michel Barnier reste inchangée : nous exigeons une véritable loi de contrôle de l’immigration, une vraie politique contre l’insécurité, une vraie diplomatie qui fasse respecter la France, trois sujets dont personne, à part les fanatiques de gauche, n’ose persister à affirmer qu’ils ne sont pas intimement liés.
Reste la mère des batailles parlementaires : le budget, dont dépend le financement de toute votre politique – ou, en l’occurrence, de votre inertie. Vous vous accrochez à tous les tabous qui, depuis cinquante ans, expliquent les déficits budgétaires ; comment pouvez-vous sérieusement penser obtenir un résultat différent ?
Le tabou de la submersion migratoire, d’abord. Votre obsession à défendre l’AME à tout prix alors qu’il existe sur ces bancs une majorité pour la remplacer par une aide médicale d’urgence confine au fanatisme immigrationniste.
Le tabou de notre contribution à l’Union Européenne, ensuite, celui – qui lui est lié – de la facture énergétique et du marché européen de l’électricité, celui du coût délirant de la bureaucratie.
S’agissant de ce dernier, vous avez annoncé la création d’un fonds de modernisation de l’État. Il existe depuis 2017 ! Lui adjoindre de l’intelligence artificielle ne le rendra pas plus efficace !
Le seul frémissement observé, depuis quelques mois, concerne le tabou de la fraude, contre lequel une autre victoire – bien mince – a été remportée avec les quelques mesures prises sous la pression du Rassemblement national. Nos lignes rouges demeurent donc.
Le Rassemblement national se félicite de l’indexation des retraites, de l’abandon du déremboursement des médicaments – annoncé aujourd’hui – et de l’octroi de moyens pour nos soignants et pour l’hôpital. C’est une grande victoire de Marine Le Pen qui, seule, a respecté sa parole envers les Français quand vous tous, macronistes et Républicains, l’aviez trahie. (Applaudissement sur les bancs du groupe RN.)

M. Antoine Léaument

Menteur ! Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Philippe Tanguy

Nous refusons encore et toujours toute hausse d’impôt globale tant que de vraies économies structurelles ne sont pas réalisées ! Restaurer la justice fiscale ne consiste pas seulement à faire contribuer davantage les plus privilégiés, mais aussi et surtout à baisser à due proportion la fiscalité des classes moyennes et populaires !
Les gilets jaunes, que vous avez évoqués, étaient en rupture de ban avec votre politique fiscale confiscatoire, notamment avec la fiscalité sur le carburant, le fioul et le gaz. Pour répondre à leurs demandes, il convient de vous aligner sur nous et de faire passer le taux de la TVA sur ces énergies de 20 à 5,5 %. S’il ne s’agit pas d’une des lignes rouges que nous avions tracées, c’est une évidence que vos propos nous permettent de rappeler. Plutôt que d’étudier les cahiers de doléances, baissez la TVA et les dépenses contraintes afin que la France du travail puisse vivre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Nous déplorons que vous ne présentiez rien, désespérément rien, à la France du travail. La Macronie avait promis que la suppression des allégements de charges mènerait à la disparition des trappes à bas salaires et à l’augmentation des salaires. Il n’en sera rien !
La Macronie avait promis de favoriser l’industrie en baissant les impôts de production et en réformant les règles ineptes du marché européen de l’électricité. Il n’en sera rien !
La Macronie avait promis aux agriculteurs qu’ils bénéficieraient enfin de prix rémunérateurs, qu’ils seraient libérés de la bureaucratie et que les interdictions de produits phytosanitaires, qui mènent à l’extinction de filières entières sur notre sol, seraient levées. Il n’en sera rien !

M. Pierre Cordier

Il n’en sera rien à cause du vote de la motion de censure !

M. Jean-Philippe Tanguy

La France du travail, les Français qui produisent des richesses sont à l’agonie, monsieur Bayrou. Le fossé entre l’économie réelle et la spéculation a rarement été aussi profond. Alors que les défaillances d’entreprises se multiplient et que nous subissons une énième vague de désindustrialisation, les multinationales affichent un niveau record de dividendes versés et de rachats d’actions frôlant les 100 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 60 % depuis 2019. Les surprofits ne sont plus exceptionnels : ils sont devenus la norme, au détriment de l’investissement, de la recherche et des salaires.
Le désordre régalien macroniste engendre immanquablement un désordre économique et social. Autrement dit, monsieur le premier ministre, pour commencer à redresser la France, il faut enfin rompre avec le macronisme. Le voulez-vous ? Le pouvez-vous ? Je crois que non !
« Ce n’est rien », disait Henri IV, ne voyant pas que le coup de Ravaillac était hélas mortel. Même le meilleur des rois ne peut maîtriser des tragédies qui dépassent sa personne. Ainsi que le disait Charles de Gaulle, dans un drame où chaque peuple joue sa vie, il faut que des hommes de cœur aient le courage de voir les choses en face, de les dire avec franchise, et surtout d’agir. Aussi disons-nous aux Français : tenez bon, on arrive ! (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR, dont quelques députés se lèvent également.)

Mme la présidente

La parole est à M. Gabriel Attal.

M. Gabriel Attal, (EPR)

Que retiendront les Français ? Que retiendront les Français de ces derniers mois, durant lesquels il a été demandé aux responsables politiques de sortir de leurs postures pour agir, travailler et avancer ? Que retiendront les Français de cette période singulière où, au lieu de s’opposer matin, midi et soir, la politique française pourrait enfin s’élever à la hauteur du moment ? Que retiendront les Français de cette période inédite où toutes nos certitudes ont été remises en question ?
L’avenir le dira, mais si j’ai aujourd’hui une certitude, c’est celle-ci : la politique, les Français nous le disent et nous le répètent, est un champ de ruines.

Mme Christine Arrighi

À qui la faute ?

M. Gabriel Attal

Je l’ai déjà dit à cette tribune, le bilan de ces derniers mois n’est pas à l’avantage du jeu politique et de ceux qui l’alimentent. Je ne reviendrai pas sur les causes de tout cela : elles mériteraient que chacun d’entre nous fasse son introspection.

M. Pierre Cordier

C’est le droit d’inventaire…

M. Gabriel Attal

Mais en politique, rien n’est jamais définitif, rien n’est jamais impossible, pour peu qu’on ait envie d’y croire et qu’on soit sincère. Ainsi ces temps incertains nous offrent-ils une occasion historique : celle de nous hisser à la hauteur du moment et d’agir dans l’intérêt du pays.
Quel est-il aujourd’hui ? Plus encore aujourd’hui qu’hier, l’intérêt du pays, c’est la stabilité. Non comme un fantasme, un concept vide ou une obsession, mais parce que la stabilité, c’est l’assurance-vie de la France. Sans elle, rien ne tient, ni notre économie, ni nos institutions, ni l’avenir que nous voulons construire pour notre pays.
La France n’a été forte que lorsque la stabilité lui a permis d’accomplir son destin, qui est grand, tellement grand.

M. Antoine Léaument

Ce n’est pas vrai !

M. Gabriel Attal

La France a été forte au sortir de la seconde guerre mondiale lorsque l’union nationale a permis de relancer et de rebâtir un pays miné, traumatisé, défiguré par la guerre. La France a été forte avec le général de Gaulle, bâtisseur en chef d’une France moderne, qui a inventé la Ve République pour nous débarrasser du chaos de l’instabilité.

M. Antoine Léaument

Ce n’est pas une réussite !

M. Gabriel Attal

La France a été forte lorsqu’elle a vécu des traumatismes. Nous commémorons cette année les dix ans de Charlie Hebdo et des attentats de 2015 : malgré ce séisme et malgré les coups de boutoir de l’islamisme, nos institutions ont tenu, notre peuple et notre pays ont tenu. Je veux redire que le combat contre l’antisémitisme, le racisme et les discriminations – qui est un combat pour les valeurs de la République et pour l’universalisme – doit continuer à nous rassembler le plus largement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
La France est forte quand elle est stable. Redonner à la France sa force, voilà l’objectif que depuis 2017, nous poursuivons inlassablement avec mon groupe, animés par la conviction que nous l’atteindrons à force de travail et par le travail. Valoriser le travail, toujours et partout. À la différence d’autres groupes de cet hémicycle, nous pensons que c’est avec plus de travail, plus d’activité, plus d’emplois que nous nous en sortirons et non par le droit à la paresse, une réduction de la quantité de travail ou la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

Mme Justine Gruet

Eh oui !

M. Gabriel Attal

La valeur travail est devenue une ligne de frontière de la politique française. Ma famille politique et moi assumons de la défendre vraiment face à l’extrême droite qui s’oppose, avec la plus absolue des constances, à tout ce qui permet de travailler plus.

Mme Justine Gruet

Les députés du Rassemblement national sont partis !

M. Gabriel Attal

La réforme de l’assurance chômage ? L’extrême droite s’y est opposée. La réforme des retraites ? L’extrême droite n’a qu’une obsession, la mettre à terre. La création de quinze heures d’activité pour les bénéficiaires du RSA ? L’extrême droite la refuse, quand bien même la moitié de ses bénéficiaires ont pu trouver un emploi grâce à cet accompagnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Les mesures de soutien à nos entreprises, de baisse de la fiscalité pour rendre nos entreprises plus compétitives ? L’extrême droite a voté contre ! Avec constance, le Rassemblement national s’est systématiquement opposé à tout ce qui permet de valoriser le travail et de sortir des centaines de milliers de Français du chômage et de la précarité – mais cela, jamais il ne le dira aux Français des classes moyennes qui triment et qui n’ont que leur travail pour s’en sortir.

Mme Prisca Thevenot

Ils n’aiment pas le travail !

M. Gabriel Attal

Je veux aussi dire à la gauche…

Mme Justine Gruet

Où est-elle ?

M. Gabriel Attal

…que beaucoup de Français ne la comprennent plus, car le « travailler plus », c’est aussi un héritage de la gauche ! La réforme des retraites, c’est aussi un héritage de la gauche !

Mme Olivia Grégoire

Eh oui !

M. Gabriel Attal, Président EPR

En 2013, cette gauche réaliste, cette gauche moderne, qui ne craignait pas le travail, a réformé les retraites avec Marisol Touraine, car elle savait qu’il n’y avait pas d’alternative au fait de travailler davantage. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Puisque nous parlons de travail et de retraites, j’ai bien entendu, monsieur le premier ministre, vos mots sur la réforme des retraites. Je veux saluer sincèrement votre position courageuse : le compromis consiste à pouvoir s’entendre malgré les différences.
Notre groupe a défendu courageusement la réforme des retraites, alors même que c’était difficile et que cette réforme était impopulaire – et même très impopulaire. Je veux rendre hommage aux députés de nos groupes,…

M. Hervé Berville

À Olivier Dussopt !

M. Gabriel Attal

…mais aussi à tous ceux qui, dans cet hémicycle, l’ont soutenue et à tous ceux qui, sans l’avoir soutenue hier – ayant préféré à l’époque contraindre le gouvernement à utiliser l’article 49.3 puis voter la motion de censure – ont aujourd’hui fait le choix de la défendre, avec une ardeur qui ne peut que nous réjouir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
C’était impopulaire, c’était difficile. Pourtant, nous l’avons fait, parce que les chiffres sont têtus. Avant d’être une question politique, les retraites posent une simple question mathématique : comment financer de plus en plus de retraites et de déficits avec une population active qui a cessé de croître ?
Certains disent que si nous ne faisons rien, nos retraites ne pourront plus être financées dans quelques années. La réalité est que nos retraites ne sont déjà plus financées aujourd’hui ! Elles sont en grande partie payées par la dette. Les pensions de nos retraités ne sont pas seulement financées par les cotisations de ceux qui travaillent, mais par une dette contractée sur chaque enfant qui naît aujourd’hui en France. Qui peut accepter cette situation au nom d’une prétendue égalité entre les citoyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

Mme Prisca Thevenot

Pas nous !

M. Gabriel Attal

La réforme de 2023, qui est entrée en vigueur, correspond à la logique que je viens d’énoncer : plus de travail et moins de déficits. Tout en défendant cette réforme, qui était vitale, je reconnais que toute réforme est par nature perfectible. Je sais qu’en politique, les certitudes sont des prisons. Dès lors, monsieur le premier ministre, nous participerons assurément à un travail sur l’amélioration de cette réforme. Nous saluons votre sens des responsabilités et du dialogue, et nous sommes nous aussi ouverts à la discussion.
Si des améliorations sont possibles, notamment pour les carrières longues ou hachées et pour la retraite des femmes, nous les soutiendrons. Mais, je le dis à ceux qui veulent purement et simplement abroger cette réforme, ou la suspendre sans alternative crédible immédiate et sans se soucier des répercussions d’un tel scénario, dans ma famille politique, nous ne sommes pas des adeptes du saut en parachute, surtout lorsqu’il n’y a pas de parachute. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Notre pays ne peut tout simplement pas se le permettre. Je sais que tout cela peut porter à confusion pour les Français qui voient défiler des mots – suspension, abrogation, annulation – dont personne ne sait vraiment à quoi ils correspondent.
Pour notre part, nous essayons d’être clairs, c’est-à-dire d’éviter de polluer le débat public. Avec les députés Ensemble pour la République, nous avons fait le choix de privilégier l’efficacité au sensationnalisme, la discussion sincère à la politique spectacle. Voilà pourquoi ces derniers jours, nous n’avons pas campé matin, midi et soir sur les plateaux de télévision pour multiplier les oukases, les lignes rouges et les menaces avant même que le premier ministre ne se soit exprimé.

Mme Olivia Grégoire

Exactement !

M. Gabriel Attal

Être clair, c’est être responsable. Nous faisons le choix d’être responsables politiquement et économiquement.
Être responsable économiquement, c’est avoir le courage de dire qu’on ne peut pas se permettre d’abroger ou même de suspendre sans alternative cette réforme : nous n’en avons tout simplement pas les moyens. (Mme Olivia Grégoire applaudit.)
Être responsable politiquement, c’est avoir le courage de dire qu’aucune réforme n’est parfaite et accepter de discuter et de faire des compromis pour améliorer celle-ci.
La clarté consiste aussi à dire la vérité aux Français : c’est par le travail et par le rétablissement de nos comptes que nous redeviendrons le pays le plus prospère d’Europe, ce qui doit être notre objectif. Ce n’est que par le travail et par le rétablissement de nos comptes que nous amplifierons la réindustrialisation,…

M. Arnaud Le Gall

Vous avez tout vendu !

M. Gabriel Attal

…la baisse du chômage et la croissance de l’activité qui étaient enfin revenus au cœur du modèle français avant que l’instabilité et l’incertitude ne viennent menacer ces acquis. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Gabriel Attal

Dire la vérité aux Français, c’est aussi leur expliquer qu’il n’existe pas de solution alternative au fait de travailler davantage – ou plutôt si, il en existe deux : baisser le niveau des retraites ou augmenter les cotisations. Dans les deux cas, c’est du pouvoir d’achat en moins.
Par conséquent, ceux qui, à gauche ou à l’extrême droite, veulent en finir avec cette réforme doivent avoir le courage de dire aux Français que cela se traduira par des impôts plus élevés ou par des pensions de retraite plus basses.
La clarté oblige aussi à poser un constat fondamental : nous devons aller de l’avant et agir avec méthode. Cela signifie qu’il faut sauver ce qu’il y a à sauver – notre budget et notre système de protection sociale – et avancer sur quelques chantiers vitaux pour les Français.
Je le dis avec humilité, mais aussi avec sincérité : ne perdons pas de temps à discuter de l’abrogation ou de la suspension, sans solution alternative, de réformes vitales pour le pays ; car à la fin, nous laisserions de côté les urgences des Français.
Ne perdons pas de temps pour nos agriculteurs, qui, il y a tout juste un an, se rejoignaient sur les barrages et sur les autoroutes…

Mme Prisca Thevenot

Il a raison ! Il est bon !

M. Gabriel Attal

…pour manifester leur mal-être et leur impatience.

M. Paul Vannier

Surtout pour manifester contre vous !

M. Gabriel Attal

À l’époque, nous avions pris des engagements. Une grande partie d’entre eux ont été tenus – ils pouvaient l’être par décret. Les autres doivent l’être à la fois dans le budget et dans la loi agricole que nous avions fait voter à l’Assemblée nationale. La dissolution, puis la censure, ont fait perdre un temps précieux, vital pour nos agriculteurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Arnaud Le Gall

Vous accusez les autres, comme d’habitude !

M. Gabriel Attal

Nous le disons solennellement : reprenons au plus vite la loi agricole. Je sais tout le travail que vous accomplissez, madame la ministre, mais dans les corps de ferme, les agriculteurs ne peuvent plus attendre.
Ne perdons pas de temps pour nos concitoyens qui n’en peuvent plus de l’insécurité et de l’impunité. Voilà dix-huit mois, des émeutes ont traumatisé les Français tant par la violence des images que par la jeunesse des délinquants impliqués. Un mineur reste un mineur et doit être jugé comme tel. Cependant, il y a urgence à être plus ferme, plus sévère, plus dur avec ceux qui ne respectent plus rien ni personne.

Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

Comme Emmanuel Macron !

M. Gabriel Attal

J’assume de le dire : un agresseur récidiviste de 16 ou 17 ans doit, comme celui de 18 ans, être jugé et sanctionné immédiatement et non un an plus tard. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Je sais que le garde des sceaux partage ce combat et vous remercie, monsieur le premier ministre, d’avoir annoncé que vous le mèneriez.
Ne perdons pas de temps pour la simplification ni pour la réforme de l’État, qui nécessite du courage politique et des économies de structure. À cet égard, je veux rendre hommage au travail de notre collègue Guillaume Kasbarian. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

Mme Prisca Thevenot

Excellent !

M. Gabriel Attal

Alors ministre de la fonction publique, il avait lancé un ambitieux chantier pour lutter contre l’absentéisme dans la fonction publique et rétablir les jours de carence.

Mme Mathilde Panot

L’admirateur de Musk !

M. Gabriel Attal

Ce que nous avons entendu s’agissant de l’avenir de cette mesure nous inquiète, car cela ressemble à un renoncement à l’action qui avait été amorcée. C’est le courage de la réforme qui doit nous guider. Or nous estimons que cette mesure va dans le bon sens, celui des économies, de la justice et de la réforme.
Ne perdons pas non plus de temps pour conduire différents chantiers qui ont fait l’objet de discussions et qui ont mûri, parfois depuis plusieurs années. Je pense à la question de la fin de vie.

M. Olivier Falorni

Ah ! Très bien !

M. Gabriel Attal

Oui, il est urgent d’aller de l’avant. Avançons pour les Français. Nous y sommes prêts et plus que jamais déterminés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Je le dis à chacun, notamment à mes collègues socialistes – ils sont absents, mais je les excuse, car ils doivent être en réunion de groupe (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) : si vous vous engagez à ne pas voter la censure, les Français pourront reprendre espoir.

M. Jean-François Coulomme

Ce sont vos amis !

M. Thibault Bazin

Espérons qu’ils vous entendent !

M. Gabriel Attal

Espoir d’une vie politique française responsable, qui se hisse à la hauteur des événements et ne soit plus l’otage d’une extrême droite qui tente d’imposer ses diktats à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

Mme Prisca Thevenot

Excellent !

M. Gabriel Attal

C’est la conviction de mon groupe depuis le premier jour et je la partage avec sincérité et honnêteté : oui, la politique en sortirait grandie si vous choisissiez de vous détacher de la gauche la plus radicale pour œuvrer enfin au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
La France est dans une période à risque, à très haut risque. Il suffirait d’un rien – d’un presque rien – pour que le pays bascule. Ne soyons pas les artisans de ce basculement. Dans un tel contexte, trois chemins s’offrent aux députés que nous sommes.
Le premier chemin est celui du chaos, du « après moi le déluge ». C’est celui qu’empruntent les extrêmes, aux deux bouts de cet hémicycle,…

Mme Marie Mesmeur

C’est vous qui avez provoqué le déluge !

M. Gabriel Attal

…eux qui, il y a quelques semaines à peine, ont uni leurs voix pour renverser le gouvernement et plonger le pays dans l’instabilité.

M. Sébastien Delogu

Avec vos amis du PS !

M. Gabriel Attal

Ce chemin est définitivement celui de l’extrême gauche, qui n’a qu’un seul projet : saborder nos institutions pour instaurer son chaos, plonger le pays dans le malheur pour installer son projet délirant, piétiner nos valeurs les plus élémentaires, celles de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité pour y substituer le communautarisme et le séparatisme politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Sébastien Delogu

Va travailler, tu parleras après !

M. Gabriel Attal

Toujours nous vous combattrons, aussi bien dans les urnes, comme en ce moment même dans la première circonscription de l’Isère, qu’ici, à l’Assemblée nationale, et partout dans le pays.

M. Paul Vannier

Ensuite, il faut accepter le résultat des élections !

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Ça ne peut pas être à géométrie variable !

M. Gabriel Attal

Le deuxième chemin est celui du dépit, de l’abandon, du « on n’y arrivera jamais ». C’est celui des lignes rouges qu’on se jette à la figure, du refus de dialoguer sous prétexte qu’on n’est pas d’accord au départ,…

M. Paul Vannier

Du 49.3 ?

M. Gabriel Attal

…celui de l’insincérité et du chacun pour soi. De notre côté, nous n’abandonnerons jamais tant que nous n’aurons pas trouvé une solution, une voie, un chemin pour s’entendre et pour aller de l’avant.
Car entre le chaos et le dépit, il existe un troisième chemin : celui du courage. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le courage de dire la vérité aux Français. Le courage de leur dire que nous n’y arriverons pas et que notre pays ne s’en sortira pas si nous renonçons à travailler plus et à dépenser moins. (Mêmes mouvements.) Le courage de dire que nous n’avons pas tout bien fait mais aussi, quand la France avance, de le reconnaître.

Mme Alma Dufour

Le courage de la mise au vote ?

M. Gabriel Attal

Le courage de parler à ceux avec qui l’on n’est pas d’accord, celui d’être fidèle à ses valeurs et donc de continuer à les porter haut et fort.
Le courage de faire des pas vers l’autre, des compromis pour s’entendre. Celui d’être responsables et clairs.
Alors, monsieur le premier ministre, autour de la feuille de route que vous venez de présenter, nous allons emprunter, avec tous les députés de mon groupe, ce troisième chemin : celui de l’action et du courage.    Car il n’y a pas une minute à perdre. Derrière les orientations que vous avez tracées, derrière le compromis pour lequel vous vous battez, mon groupe sera toujours du côté de l’action et des solutions.
La France et les Français attendent des actes.

M. Paul Vannier

La démission de Macron !

M. Pierre-Yves Cadalen

L’abrogation de la réforme des retraites !

M. Gabriel Attal

Soyons à la hauteur des attentes des Français et des mandats qu’ils nous ont confiés.

M. Paul Vannier

Acceptez le résultat des élections !

M. Gabriel Attal

Soyons à la hauteur de la situation de la France et des défis qui se présentent à nous. Car nous devons écrire l’avenir – un avenir français. Dans cet avenir, la France montre le chemin de la transition écologique et de la protection de notre biodiversité.

Mme Sandrine Rousseau

Le réchauffement climatique, toujours pas ?

M. Gabriel Attal

Dans cet avenir, la France est à la pointe de l’intelligence artificielle, pionnière des technologies de demain.
Dans cet avenir, nos services publics se redressent, la santé innove et notre école forme des générations de jeunes prêts à faire briller le pays. Dans cet avenir, on cesse de penser le travail comme il y a trente, quarante ou cinquante ans.

Mme Clémence Guetté

Vous ne croyez rien de tout ce que vous racontez !

M. Gabriel Attal

Dans cet avenir, dessiné par l’exception culturelle française, notre pays montrera qu’il est capable, une fois de plus, de se rassembler, de s’unir et d’éblouir le monde.

Mme Sandrine Rousseau

Vous savez qu’il y a une catastrophe qui arrive ?

M. Gabriel Attal

Car j’en suis sûr, et je le sais : la France a encore ses plus belles pages à écrire.

Mme Marie Mesmeur

Elle ne veut plus de vous !

M. Gabriel Attal

Alors, ressaisissons-nous ! Donnons à notre pays la stabilité dont il a besoin. Donnons aux Français la liberté et les opportunités qu’ils attendent.
Monsieur le premier ministre, comptez sur nous. Nous serons au rendez-vous de la responsabilité. Pensons à la France avant de penser à nous. (Les députés du groupe EPR et de nombreux députés du groupe Dem se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)

Mme la présidente

La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP)

Présidente, ministres, collègues. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)

Mme Justine Gruet

Et pourquoi pas des onomatopées ?

Mme Mathilde Panot

Monsieur le premier ministre, vous attendiez désespérément votre heure. Elle est venue et vous ne respectez rien – ni le résultat des urnes, ni la souveraineté du peuple.

Mme Justine Gruet

Vous n’êtes pas majoritaires ! Est-ce que ça va finir par rentrer ?

Mme Mathilde Panot

Votre gouvernement recycle les artisans du malheur de la France pour jouer dans la morosité le requiem de la Macronie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous n’avions jamais vu un gouvernement avec un premier ministre imposé, deux anciens premiers ministres figurant à ses côtés. L’un est tristement connu pour la déchéance de nationalité et la loi travail, mais aussi pour avoir déjà trahi le résultat d’un vote. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Battu en France, il s’en était allé perdre les élections en Catalogne avant de revenir dans votre gouvernement de défaites et de défaits. L’autre est réputée pour le passage en force de l’indigne réforme des retraites – menée contre l’Assemblée nationale, contre les syndicats et contre le peuple – et la répression du plus grand mouvement social depuis Mai 68. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Jean-Luc Bourgeaux

Le disque est rayé !

Mme Mathilde Panot

À eux deux, ils ont battu, quelque quarante ans après, le record du nombre d’utilisations du 49.3.
Votre ministre de l’intérieur s’est illustré par ses déclarations racistes en qualifiant une partie de nos concitoyens de « Français de papier ». Il s’improvise en diplomate avec l’Algérie mais n’est finalement qu’un piètre agitateur. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Cordier

Écoutez ce que les Français disent sur le terrain !

Mme Mathilde Panot

Pour qui se prend Bruno Retailleau, à vouloir provoquer une tension insupportable pour des millions de Français qui vivent une relation directe d’affection et de fraternité respectueuse avec le peuple algérien ? (Mêmes mouvements.)

M. François Cormier-Bouligeon

Mais bien sûr…

M. Pierre Cordier

Il faudrait sortir un peu le dimanche !

Mme Mathilde Panot

Autour de vous figurent les acteurs d’une Ve République finissante, arc-boutée sur la défense du monarque présidentiel contre l’expression du suffrage universel et la souveraineté populaire. La leçon de l’été dernier a pourtant le mérite de la clarté : Macron doit partir après la troisième élection perdue depuis 2022. (Mêmes mouvements.)

M. Emeric Salmon

Vous avez voté pour lui !

Mme Mathilde Panot

Son fameux « projet » – comme il le hurlait en 2017 – est massivement rejeté par les Français. Démanteler la République sociale, affaiblir les services publics, comprimer davantage les salaires, gouverner par la matraque, ignorer l’urgence écologique, concentrer le pouvoir et les richesses dans une poignée de mains, humilier la France à l’international : le pays est épuisé de ce président et de sa politique.

Mme Olivia Grégoire

Et de vous !

Mme Mathilde Panot

Vous ne respectez pas le suffrage universel et vous abaissez la France. Lorsque des membres de votre gouvernement et vous-même rendez plus ou moins discrètement hommage à Jean-Marie Le Pen, vous vous asseyez sur le sens du scrutin du 7 juillet dernier. (Mêmes mouvements.)

Mme Sophia Chikirou

Bon retour à la maison, les censeurs !

Mme Mathilde Panot

Le peuple de France a battu l’extrême droite car il se rappelle de quel bois elle est faite.

M. Pierre Cordier

Hors sujet !

Mme Mathilde Panot

Nos concitoyens se rappellent que Jean-Marie Le Pen a fondé son parti avec d’anciens Waffen-SS, qu’il a qualifié à de multiples reprises la Shoah de « détail de l’histoire », qu’il a torturé en Algérie (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et qu’il était un raciste patenté et un ennemi de la République. La participation de quinze députés du Rassemblement national à deux groupes Facebook ouvertement et profondément racistes nous rappelle qu’ils n’ont pas rompu avec cette origine. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Vigier

Et vous avez voté eux une motion de censure !

M. Pierre Cordier

Un peu de décence ! Vous avez voté la motion avec eux !

Mme Mathilde Panot

Non, monsieur le premier ministre, Jean-Marie Le Pen n’est pas un « combattant » dont on peut saluer la disparition comme si l’on perdait un partenaire de jeu. C’était un adversaire résolu des principes qui fondent la République et notre devise universelle : Liberté, égalité, fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Peut-être cette devise ne sied-elle plus au président de la République, qui, selon le journal Le Monde, considère que le problème des urgences tient au nombre de « Mamadou » qui s’y trouvent…

M. François Cormier-Bouligeon

Et alors ? Qu’avez-vous contre les Mamadou ? Vous êtes raciste ?

Mme Mathilde Panot

…ou confie au rédacteur en chef de Valeurs actuelles que le terrain de l’extrême droite est celui qu’il préfère. On comprend mieux pourquoi le président de la République a été déçu des résultats de la dernière élection : contrairement au pays, c’est l’extrême droite qu’il souhaitait voir arriver au pouvoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Quant à vous, ancien centriste repenti, dernier des radicalisés de la Macronie, vous voici à animer la dernière ligne de défense d’une politique sans partisan ni avenir. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) La fête sera de courte durée.
Car le bilan de sept ans de Macronie est déjà connu : vous avez ramené la France à l’état d’un pays qui a faim. Une personne sur trois se prive régulièrement de repas pour nourrir ses enfants. Le nombre de personnes ayant besoin de solliciter l’aide alimentaire a triplé en dix ans. J’ajoute que le scorbut est de retour. On compte en effet des centaines de cas alors que nous sommes au XXIe siècle. Je rappelle que cette maladie de la misère et de la malnutrition se développe chez des enfants lorsqu’ils n’ont mangé aucun fruit et légume pendant deux mois.

Mme Marie Mesmeur

Quelle honte !

Mme Mathilde Panot

Or vous n’avez jamais daigné bloquer les prix des aliments de première nécessité. Cette maladie est le symbole de votre politique de malheur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –  Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

M. Laurent Croizier

Si vous étiez au pouvoir, tous les Français seraient touchés !

Mme Mathilde Panot

Vous incarnez le pays dans lequel se soigner est devenu presque impossible. Après un siècle de lutte pour établir la solidarité universelle, on fait mourir sur des brancards et partout, on prive de soins.
Vous incarnez le pays dans lequel l’école ne permet plus à la majorité des enfants d’étudier sans avoir le ventre vide ou être confrontés à des murs qui s’effondrent, ou tout simplement en ayant un enseignant devant eux.

M. François Cormier-Bouligeon

Arrêtez ! C’est n’importe quoi !

Mme Mathilde Panot

Décidément, vous ne respectez rien, pas même quand Mayotte connaît la pire catastrophe de son histoire. Votre premier acte, monsieur le premier ministre, aura été de voler vers Pau alors qu’une réunion d’urgence se tenait pour planifier l’aide à apporter aux Mahorais.
Vous avez mis la Nouvelle Calédonie-Kanaky à feu et à sang. Vous avez réprimé de la pire manière les mobilisations populaires contre la vie chère en Martinique. Avez-vous entendu le président de la République s’adresser aux Mahorais en leur disant qu’ils seraient « dix mille fois plus dans la merde » s’ils n’étaient pas en France ? Qui peut accepter que le chef de l’État parle ainsi ? Qu’il s’en aille une bonne fois pour toutes et qu’on ne le revoie plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’hôpital est en ruines, l’école en lambeaux, Mayotte à terre. Dans ce département, la population, composée pour moitié d’enfants, se retrouve à manquer de tout : d’eau, de nourriture, d’électricité et d’un toit sur la tête. Pendant ce temps, vous pensez encore à faire 50 milliards d’économies dans le cadre d’un budget pire que celui de M. Barnier.
Pire budget, même tarif : la censure. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Cordier

Mme Panot trouve que M. Barnier n’était pas si mal, finalement !

Mme Mathilde Panot

Vous ne respectez rien au point d’ignorer parfois jusqu’au sens des mots que vous employez. Vous dites avoir été responsable de la planification. Alors que le XXIe siècle impose ses cyclones et ses déserts, ses sécheresses et ses inondations, où est votre plan ?
La crise écologique est au c?ur des bouleversements majeurs qui nous frappent. Quand comprendrez-vous que l’humanité avance vers la destruction du seul écosystème compatible avec la vie humaine ? La preuve par Mayotte en France, la preuve par Los Angeles ailleurs.
Cette année 2024 fut la plus chaude et la plus pluvieuse de l’histoire de France. Pourtant, votre programme reste celui de l’impuissance organisée face à cette tragédie contemporaine et vos paroles sont autant de renoncements. Le dérèglement climatique a plus que commencé : il est omniprésent. Ce sont les structures de production et de consommation qu’il faut changer, des investissements d’avenir qu’il faut consentir ; et il faut financer tout cela par le partage des richesses.
Enfin, il nous faut gouverner en nous fondant sur les besoins sociaux et écologiques. Tous ceux qui préfèrent protéger les puissances de l’argent plutôt que de préparer la société tout entière à s’en préserver portent une lourde responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous ne respectez pas ce qu’est la France devant l’histoire. Où est-elle alors que le génocide se poursuit à Gaza ? Ce n’est pas la Palestine seule qui est en cause, mais l’humanité tout entière et les principes du droit international que la France se doit, parmi toutes les nations, de défendre avec le sens de l’histoire et de sa responsabilité morale et politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.) Il faut que le génocide cesse ! Il faut arrêter les ventes d’armes à Israël, suspendre l’accord d’association Union européenne-Israël, sanctionner Netanyahou et appliquer le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Il faut reconnaître tout de suite l’État de Palestine !
Non, vous ne respectez rien : ni les élections, ni le peuple, ni la grandeur de la France sur la scène internationale. Obsédé par votre propre destin, vous ne servez en réalité que le dessein obstiné d’Emmanuel Macron, qui s’accroche à un pouvoir que le peuple français lui a pourtant ôté lors des dernières élections. Monsieur le premier ministre, vous ne vous honorez pas à servir ce projet néfaste.
Plus tôt vous serez parti, mieux ce sera, car plus tôt vous serez parti, plus tôt le président s’en ira et plus tôt nous pourrons partager les richesses au service du peuple et de la République sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont de nombreux députés se lèvent.) Une fois Emmanuel Macron parti, alors, la VIe République sera plus que jamais à l’ordre du jour !
Bien entendu, vous ne demandez pas la confiance à l’Assemblée nationale, car vous ne l’avez pas davantage que celle du peuple.

Mme Sophia Chikirou

Vous n’avez même pas celle de Macron !

Mme Mathilde Panot

Nous vous censurerons et nous en finirons avec la réforme qui a repoussé l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Nous sommes majoritaires dans le pays et au Parlement. Une réforme passée en force, qui frappe dans leur chair des millions de gens, ne s’amende pas, ne se suspend pas, ne se gèle pas : elle s’abroge ! (Mêmes mouvements.)
S’agissant du programme qu’il vous reste, nous ne sommes pas dupes : ce sera un budget austéritaire puis une énième loi sur l’immigration. Gare à celles et ceux qui vous assisteront dans cette tâche en acceptant des miettes !
En défenseurs déterminés de l’unité du peuple et de l’égalité humaine, nous reprenons les mots du grand Victor Hugo.

M. Pierre Cordier

Hugo n’a jamais été de gauche !

Mme Mathilde Panot

« Au fond des cieux un point scintille.
Regardez, il grandit, il brille,
Il approche, énorme et vermeil.
Ô République universelle,
Tu n’es encor que l’étincelle,
Demain tu seras le soleil ! » (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)

Mme la présidente

La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud (SOC)

Je m’exprime devant vous avec la solennité qu’exige la gravité du moment, animé de la seule préoccupation d’être utile aux Françaises et aux Français.
En vous nommant, monsieur le premier ministre, et en refusant obstinément à la gauche, qui le revendiquait légitimement, l’exercice du pouvoir, le président de la République a pris le risque d’aggraver la crise politique et institutionnelle qu’il a lui-même ouverte par la dissolution.

Plusieurs députés du groupe DR

Vous pouvez retirer « légitimement » !

M. Boris Vallaud

Le mal ne réside pas en ce que le pouvoir lui échappe mais en ce qu’il refuse de l’accepter.
Ce gouvernement n’est assurément pas le nôtre, non plus que votre politique, et votre budget n’est pas celui que nous aurions défendu à gauche.

Mme Marie-Christine Dalloz

Après vos cinq ans au pouvoir, on l’a vu !

M. Boris Vallaud

Les socialistes ne tairont jamais leurs désaccords. Quelque chose opposera toujours nos visions respectives du monde, nos conceptions de l’homme, de la justice, de la liberté, de la question sociale mais aussi du mérite, de l’ordre et de l’autorité.
Pour nous, les choses sont claires. Nous devons cette clarté à nos électeurs, car nous n’avons pas été élus sur le fondement des mêmes projets, des mêmes convictions. Nous demeurons dans l’opposition et ne sommes pas à la recherche d’une coalition nouvelle, ni de nouvelles alliances. Nous ne voulons aucun portefeuille ministériel et refusons les combines autant que les combinaisons. Nous ne vous rejoignons pas.

M. Pierre Cordier

Ce sont des mots nouveaux pour les socialistes !

M. Boris Vallaud

Nous avons notre destin, qui est de toujours marcher vers l’avènement de la raison et de la justice, et nombreux sont aujourd’hui les Français qui l’espèrent. Demain, ils seront plus nombreux encore.
Je le dis avec gravité, comme vous l’avez dit vous-même : l’époque gronde.

M. Hervé Berville

Allez !

M. Boris Vallaud

L’égoïsme des nations, la remise en cause du droit international et, in fine, la guerre menacent le monde. On peine à imaginer toutes les conséquences du dérèglement climatique, mais on observe déjà leur grande violence. L’humanité est percluse d’inégalités et rongée par la désespérance. Partout, des ennemis de la démocratie sont prêts à toutes les promesses pour faire advenir tous les mensonges.

M. Hervé Berville

Et ?

M. Boris Vallaud

Nous vivons dans un monde au bord du basculement, dans ce « clair-obscur d’où surgissent les monstres ». Ici comme partout, l’extrême droite menace désormais d’abattre tout ce que l’homme, la France, la République ont fait de grand dans leur histoire, le plus souvent sans elle, même contre elle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. Pierre Cordier

Tu as voté la censure avec eux !

M. Boris Vallaud

Au moment de renverser le gouvernement de Michel Barnier, nous nous sommes adressés à nos collègues du socle commun comme je m’adresse à vous désormais, leur posant une question aussi simple que déterminante : que préférez-vous ? La laisse et le bâton des maîtres-chanteurs du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations exigeantes avec la gauche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Notre conviction est inébranlable : on ne s’allie pas avec l’extrême droite, de même qu’on ne saurait accepter qu’elle inspire la loi ou, pire encore, dicte sa loi. Tout plutôt que la corruption de nos principes communs !
Monsieur le premier ministre, mes chers collègues du socle commun, n’imaginez pas qu’il nous soit facile ou naturel de négocier avec celles et ceux dont nous combattons les orientations depuis sept ans et demi. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)

M. Hervé Berville

Calimero !

M. Boris Vallaud

Nous continuerons de les combattre au cours des mois et des années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Je sais la méfiance qu’inspire d’instinct le compromis mais, instruit de l’histoire, je sais aussi qu’il ne constitue pas la part maudite de la politique, dès lors que chacun reste à sa place, nous dans l’opposition, vous dans le soutien au gouvernement.
À celles et ceux qui s’interrogent voire dénoncent, parfois avec beaucoup de véhémence et de virulence, le principe même de la négociation, j’adresse ces mots du grand Jaurès, volant au secours du gouvernement Waldeck-Rousseau : « Il nous plaît [que notre parti] ne soit pas composé de ces éternels impuissants qui critiquent, chicanent, disputent et jamais n’agissent et combattent toujours trop tard. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Pour nous, les choses sont claires. Personne dans cette assemblée ne dispose d’une majorité absolue. Mais voilà : le monde grince, la menace de l’extrême droite est lourde et, face aux urgences économiques, sociales, environnementales et démocratiques, il est de notre devoir d’être utiles partout et tout le temps aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Nous devons être utiles à cette majorité introuvable ici, mais qui existe bien dans notre pays : la majorité des vies difficiles, de celles et ceux qui se désespèrent de leurs conditions de travail, de leur salaire, de leurs factures, de leur santé, de leur sécurité, de leur retraite, de leurs enfants, de leurs libertés individuelles comme de l’avenir de la planète. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Monsieur le premier ministre, tout ce que vous ne consentirez pas aujourd’hui et demain à la gauche pour bâtir la stabilité dans la justice qu’elle appelle de ses vœux, dans le cadre des négociations que nous avons acceptées, vous finirez par le consentir à l’extrême droite sur d’autres terrains, au prix de la mise en cause de valeurs qui nous sont communes.

Mme Nadège Abomangoli

Ils le font déjà !

M. Boris Vallaud

Je voudrais dire à la représentation nationale et, par son intermédiaire, aux Français, l’esprit qui nous a animés dans les discussions engagées avec le gouvernement. Nous n’avons eu qu’un objectif : servir le pays, être utile aux Français dans leur vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Quelques principes simples nous ont guidés : épargner les efforts demandés à celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, les retraités, les classes moyennes, les malades, les fonctionnaires ; demander à celles et ceux qui peuvent les consentir, aux multinationales, aux grandes entreprises, les efforts que la situation exige.
Voilà pourquoi, dès la présentation du budget de Michel Barnier, nous avons réclamé des mesures de justice comme la réindexation des pensions – elle est acquise grâce à la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Nous avons aussi refusé l’augmentation du prix de l’électricité et du ticket modérateur, le déremboursement de médicaments et l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique.
Voilà pourquoi nous avons demandé des mesures de justice fiscale au nom de la solidarité nationale et parce qu’il faut bien financer les cadeaux fiscaux qui ne l’ont jamais été depuis 2017 : à chacun selon ses moyens de satisfaire chacun selon ses besoins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Avec la même force, nous avons pris la défense de nos services publics, au premier chef l’hôpital, mais aussi l’éducation nationale. Nous demandons davantage de moyens pour le premier et refusons les suppressions de postes qui menacent la seconde.
Nous avons besoin d’un budget qui ne soit pas récessif et vienne en particulier au secours du secteur du logement, qui s’effondre au moment même où le nombre de ceux qui veulent se loger et en sont incapables ne cesse d’augmenter.
Voilà encore pourquoi nous avons demandé la suspension et la remise en chantier, la renégociation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

Mme Clémence Guetté

Vous ne l’avez pas eue !

M. Boris Vallaud

Nous avons la possibilité de réparer une injustice sociale infligée aux classes populaires, aux carrières longues, hachées, pénibles, à de nombreuses femmes. C’est également l’occasion d’une réparation démocratique, puisque la loi prévoyant cette réforme a été adoptée dans la brutalité politique et institutionnelle, sans débat ni dialogue social et contre l’avis des Français.
Vous avez annoncé que tout était négociable, même l’âge légal de départ en retraite fixé à 64 ans. Nous demandons que cet âge change et approuvons la perspective du vote d’une loi à ce sujet avant l’été. Nous faisons confiance au dialogue social. Personne ne se déshonore à revenir devant les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Je veux dire aussi que notre objectif demeure l’abrogation de la réforme des retraites et que nous ne saurions nous satisfaire, faute d’accord, d’un retour à la loi antérieure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Stella Dupont applaudit également.) Il y aura des négociations et des propositions.

M. Jérôme Legavre

Ce ne sont pas des négociations !

M. Boris Vallaud

Il n’y aura peut-être pas de consensus, mais nous demandons que cette réforme soit de nouveau examinée par la représentation nationale, afin qu’avance une cause juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Nous en sortirions tous grandis.
Justice, solidarité, soutien à l’activité économique, relance du débat démocratique dans un parfait esprit de responsabilité : il n’y a rien dans nos demandes de déraisonnable ou d’excessif. Pourtant, monsieur le premier ministre, vous n’en avez pas dit un mot.

Mme Mathilde Feld

C’est ça le pire !

M. Boris Vallaud

Je voudrais vous interroger et j’ai besoin que vos réponses soient claires. Plusieurs de vos ministres, lors des discussions que les écologistes, les communistes et nous-mêmes avons eues avec eux, ont fait des pas en avant dans le sens de l’intérêt des Français.
Où en est le projet d’instaurer une contribution pérenne sur les hauts patrimoines qui ferait reposer les efforts nécessaires sur ceux qui peuvent les supporter et sont aujourd’hui les passagers clandestins de la solidarité nationale ?
Où en est l’augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières, et plus généralement du niveau de la fiscalité nouvelle par rapport à 2024 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Où en est l’augmentation des dépenses d’assurance maladie, en particulier en faveur de l’hôpital public, et qu’implique-t-elle en termes de maintien ou de création de postes et de lits ? (Mêmes mouvements.)
Où en est la suppression du jour de carence que vous avez évoquée ?
Où en est l’annulation de la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans l’éducation nationale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
Où en est l’augmentation considérable du budget consacré aux outre-mer que vous avez annoncée ? Nous savons l’état dans lequel se trouvent ces territoires, qui souffrent de la vie chère.
Où en sont les moyens consacrés à la transition écologique, en particulier le fonds Vert, le fonds Eau, le fonds Chaleur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

M. Pierre Cordier

Avec quelles recettes ?

M. Boris Vallaud

Qu’en est-il de l’augmentation du taux des droits de mutation à titre onéreux, du bonus automobile, du prêt à taux zéro pour la construction, de cette prime pour les bailleurs bâtisseurs, de l’absence de hausse de la fiscalité sur l’électricité, de l’évolution de la fiscalité sur les rachats d’actions ?

M. Hervé Berville

Ce n’est pas Noël !

M. Boris Vallaud

Monsieur le premier ministre, à vous écouter, je dois vous dire que le compte n’y est pas. Où sont vos engagements, vos compromis, les avancées que les Françaises et les Français attendent et grâce auxquelles ils pourront dire de nous que nous avons été utiles à quelque chose, que nous avons servi l’intérêt général et le pays ?
L’avenir politique et institutionnel de la France est entre vos mains, mesdames et messieurs du bloc central. Monsieur le premier ministre, mesdames et messieurs du gouvernement, nous avons pris nos responsabilités. À vous de prendre les vôtres. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

Mme la présidente

La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez (DR)

Nous avons écouté la troisième déclaration de politique générale en un an, et la France a connu quatre premiers ministres, ce qui n’était pas arrivé depuis un siècle. Et pour quel résultat ? Que de temps perdu…

Mme Justine Gruet

Très juste !

M. Laurent Wauquiez

…et que d’incertitudes pour les Français, pour nos entreprises, pour les agriculteurs, pour les artisans, pour les commerçants et pour nos communes ; que de projets reportés ! Cette situation n’est pas le fruit du hasard : elle est le fruit d’irresponsables, le résultat d’artisans du chaos, depuis la France insoumise…

M. Jean-François Coulomme

Jusqu’à Emmanuel Macron !

M. Laurent Wauquiez

…jusqu’au Rassemblement national, qui ont choisi de sacrifier la stabilité gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Leur responsabilité est d’autant plus lourde que notre pays est au bord de la ruine :…

M. Jean-François Coulomme

À cause de vous !

M. Laurent Wauquiez

…l’État s’endette à des taux supérieurs à ceux du Portugal…

M. Jean-François Coulomme

À cause de vous !

M. Laurent Wauquiez

…et nous sommes perçus comme moins sérieux que la Grèce. Chaque point de taux d’intérêt en plus, c’est moins d’argent pour nos services publics et plus de charges pour payer nos créanciers ; jamais autant de PME n’ont fait faillite depuis trente ans ; notre pays est au bord d’un gouffre financier où il risque de perdre tout à la fois sa crédibilité et sa souveraineté. Je tiens à rendre hommage ici à Michel Barnier (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), qui est le premier à avoir eu le courage de tenir un tel discours de vérité. Mesure t-on bien ce que représente le décrochage de notre pays, un décrochage industriel, éducatif, sécuritaire et même maintenant démographique ? Et pourtant toute une part de la classe politique préfère faire le pitre, détourne le regard (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe DR), et plutôt que de travailler à la reconstruction, continue de jouer l’instabilité.

Mme Alma Dufour

C’est vrai que 1 000 euros le repas, c’est un peu cher !

M. Laurent Wauquiez

Quand je vois la façon dont vous vous comportez avec tellement de légèreté,…

Mme Anne-Laure Blin

C’est une honte !

M. Laurent Wauquiez

…ce n’est pas sans me rappeler certains moments de notre histoire, notamment le Ve siècle et la chute de l’empire romain, Rome étant tombée dans la décadence.

M. Hadrien Clouet

Vous n’êtes pas César !

M. Laurent Wauquiez

Par contre, vous et les vôtres jouez assez bien le rôle de Brutus (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC),…

M. Arthur Delaporte

Un grand républicain !

M. Laurent Wauquiez

…le rôle de ceux qui sont incapables de respecter la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), de protéger la République, et qui s’amusent sur les bancs et font les pitres pendant que les Français s’inquiètent d’un tel comportement. (Mêmes mouvements.) Et puis il y a ceux qui voient la médiocrité de la France insoumise dans cet hémicycle, et toutes les trahisons auxquelles vous êtes prêts en votant avec le Rassemblement national pour faire tomber les gouvernements. (Mêmes mouvements.) Telle est l’image que vous montrez, celle de la médiocrité d’une époque que vous avez choisi de soutenir. Voilà ce qu’est votre vérité ! (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elle est à l’image de ces factions dont vous êtes bien le reflet, qui sur le mont Palatin préféraient faire tomber les empereurs. Vous avez définitivement choisi d’être du côté de ceux qui ne défendent pas la République, mais préfèrent la fragiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

M. Alexis Corbière

Vous n’êtes pas crédible !

M. Laurent Wauquiez

Les périodes d’instabilité politique, celles que vous alimentez, sont toujours, ne l’oublions jamais, les prémisses de grands chaos pour notre pays.
Face à cette situation inédite, nous avons tous un choix à faire : le pari de l’instabilité ou l’esprit de responsabilité, c’est-à-dire le poison de l’incertitude ou le remède de la stabilité, les petits intérêts des partis…

M. Hadrien Clouet

Ou les intérêts des petits partis !

M. Laurent Wauquiez

…ou l’intérêt du pays. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

Mme Sophie Taillé-Polian

Vous vous y connaissez !

M. Michel Herbillon

Vous feriez mieux d’écouter !

M. Laurent Wauquiez

Les Français, que vous n’écoutez pas, aspirent à la stabilité, ils nous la demandent pour le pays. Et c’est pourquoi nous, parlementaires de la Droite républicaine, avons fait le choix de la responsabilité. Elle prendra, monsieur le premier ministre, la forme d’un soutien exigeant à votre gouvernement. « Soutien » signifie que nous ne voterons pas de motion de censure – contrairement à ceux qui n’ont de cesse d’agiter cette menace –,…

M. Arthur Delaporte

Encore heureux ! Vous êtes au gouvernement !

M. Laurent Wauquiez

…mais « exigeant » signifie, vous l’avez compris, que nous jugerons, texte par texte, si les orientations prises sont conformes à l’intérêt du pays. Nous prenons nos responsabilités. Nous attendons donc que vous preniez les vôtres. Et votre première responsabilité est d’éviter à notre pays de s’enfoncer dans la crise financière.

M. Hadrien Clouet

Et dans les notes de frais !

M. Laurent Wauquiez

Je n’oublie pas que vous avez été le premier à vous emparer du sujet de la dette ; et c’est désormais l’heure des actes.

M. Paul Vannier

À table !

Mme Alma Dufour

C’est servi !

M. Laurent Wauquiez

Nous avons déjà les impôts et les charges sociales les plus élevés du monde. La France n’a pas un problème de recettes insuffisantes, mais un problème de dépenses excessives.

Mme Sophie Taillé-Polian

C’est faux !

M. Laurent Wauquiez

Et si l’on veut baisser les impôts, il faut baisser la dépense. Nous payons aujourd’hui le « quoi qu’il en coûte » pour les autres, et à la Droite républicaine, notre position est constante : des baisses de dépenses et pas de nouvelles hausses d’impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Au cours du débat budgétaire, nous ne ferons donc aucune proposition de dépense nouvelle ni de fiscalité nouvelle, aucune proposition de nouveau chèque gouvernemental, mais uniquement des propositions d’économies.
Au cours des derniers jours, nous vous avons alerté sur le risque d’une fuite en avant dans l’irresponsabilité budgétaire. Le débat politique compte suffisamment de pitres, d’illusionnistes qui promettent de travailler moins et de dépenser plus, quitte à fracasser notre pays sur le mur du réel. Démosthène parlait d’ailleurs du danger des paroles qui plaisent plutôt que des paroles qui sauvent.
Ainsi, s’agissant des retraites, faire une réforme qui aboutirait à plus de dépenses, sans aucune piste de financement, serait irresponsable. Ceux qui prétendent que c’est possible mentent : une telle réforme conduirait soit à aller chercher l’argent chez les retraités, et donc à les paupériser, soit à augmenter les charges pesant sur ceux qui travaillent, soit très probablement aux deux à la fois. La réforme des retraites, nous l’avons toujours dit, peut être améliorée, mais cela ne doit en aucun cas se traduire par des dépenses supplémentaires qui seraient payées par les retraités ou par ceux qui travaillent.
Si on veut baisser la dépense, il y a des marges d’économies partout. Non pas sur les services publics, dont notre pays a besoin, mais sur la bureaucratie administrative.

M. Michel Herbillon

Absolument !

Un député du groupe DR

Elle est énorme !

M. Laurent Wauquiez

La Droite Républicaine, avec Véronique Louwagie, mène ce combat contre le millier de comités, d’opérateurs et d’agences : leur budget a doublé en dix ans.

M. Fabrice Brun

Il est temps de faire le ménage !

M. Laurent Wauquiez

L’ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires –, l’Ademe – Agence de la transition écologique –, France Stratégie… Autant d’organismes à l’utilité douteuse et au coût bien réel.

M. Hadrien Clouet

Combien de dîners ?

M. Laurent Wauquiez

Il faut baisser leur budget et les fusionner, donc en supprimer une large partie : non seulement ces organismes coûtent cher, mais ils sont à l’origine de normes qui épuisent notre pays et ils aboutissent à déposséder le politique de la décision, ce qui va à l’encontre d’une exigence fondamentale dans le fonctionnement d’une démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Ces économies sont nécessaires pour investir dans notre santé, cher Yannick Neuder, indispensables pour relancer l’investissement dans nos transports, et nous serons à cet effet aux côtés de Philippe Tabarot,…

M. Benjamin Lucas-Lundy

Serez-vous à ses côtés jusque dans les prétoires ?

M. Laurent Wauquiez

…fondamentales pour protéger notre patrimoine et faire rayonner la culture française, chère Rachida Dati. Il faut mener à bien ces économies si on veut pouvoir soutenir nos agriculteurs et accompagner nos entreprises, chère Sophie Primas, chère Annie Genevard, chère Véronique Louwagie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Par ailleurs, je voudrais revenir sur un sujet que vous n’avez pas mentionné. Vous connaissez notre volonté de créer une aide sociale unique – car nous sommes convaincus qu’il faut conserver le social pour ceux qui en ont vraiment besoin, revenir sur l’assistanat et revaloriser le travail. Nous souhaitons que soient fusionnées les quelque trente aides existantes pour créer une aide sociale unique plafonnée à 70 % du Smic, ce qui ferait gagner en clarté et surtout en justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Enfin, et c’est une évidence, notre système social ne peut demeurer ouvert au monde entier. On parle souvent de l’AME, mais on oublie le titre de séjour qui permet de venir en France pour bénéficier de soins gratuits. Nous demandons seulement que l’accès à la solidarité nationale soit conditionné à un minimum de trois ans de résidence régulière comme dans la très grande majorité des pays européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Je suis convaincu que cette proposition n’est pas conflictuelle, mais consensuelle, car elle peut être soutenue par une très grande majorité de Français. Et s’il n’y a pas de majorité ici pour la voter, il faudra aller au référendum (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe DR) et nous vous demandons déjà, monsieur le premier ministre, d’en faire la proposition au président de la République. C’est l’esprit de la Ve République. Le président lui-même a exprimé, lors de ses vœux aux Français, le souhait qu’il y ait plus de consultations et de référendums. C’est en effet aux Français de trancher cette question, et nous serons vigilants pour que cela puisse avancer dans les mois qui viennent.
Autre axe essentiel et que vous avez mentionné : la suppression des normes. ZAN – zéro artificialisation nette –, DPE – diagnostic de performance énergétique –, ZFE – zone à faibles émissions –… autant de sigles qui pavent l’enfer bureaucratique français. Cela ne coûterait rien à l’État de les supprimer et apporterait de l’oxygène au pays. Laissons vivre les Français ; laissons vivre les artisans, les agriculteurs, les entreprises, les commerçants et les professions libérales, aujourd’hui épuisés par toutes ces règles. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Au-delà de l’urgence économique et budgétaire, il y a deux chantiers de fond dont votre gouvernement doit se saisir.
Tout d’abord, il s’agit de rétablir l’ordre. Nous voyons encore, avec les derniers chiffres, l’explosion de la délinquance partout en France.  Bruno Retailleau y fait face avec beaucoup de courage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe DR.) Il a tout notre soutien. Pour mettre fin au laxisme, il faut un principe simple, que nous avons toujours défendu : à chaque infraction, une sanction. Ne nous payons plus de mots : contrairement à ce que certains disent, il n’y a pas en France une surpopulation carcérale, mais une sous-capacité carcérale. Dès lors, comment comprendre qu’alors que nous avons adopté une loi de simplification pour les Jeux olympiques, nous ne soyons pas capables d’adopter une loi d’exception pour la construction de prisons afin d’assurer la sécurité de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
S’agissant, cher François-Noël Buffet, du département de Mayotte, si durement dévasté, il ne pourra être reconstruit sans mettre fin à la submersion migratoire. Ce n’est pas un sujet de débat, puisque nos compatriotes mahorais le demandent. Nous proposerons donc dès le mois prochain, dans le cadre de la niche parlementaire de la Droite Républicaine et en lien avec le ministre de l’intérieur, d’y supprimer le droit du sol pour les immigrés illégaux. Il faut que cette question puisse enfin être tranchée. (Mêmes mouvements.)
Enfin, et vous savez à quel point ce sujet est important pour nous, il faut revaloriser le travail. La plus grande injustice dans notre pays, c’est la situation des travailleurs pauvres ; c’est de travailler et de ne pas pouvoir en vivre dignement, c’est que règne aujourd’hui le « travailler plus pour payer plus », car travailler signifie trop souvent payer plus d’impôts et bénéficier de moins d’aides. Curieuse reconnaissance pour ceux qui ont le sens de l’effort et du mérite ! Notre groupe proposera donc que les heures supplémentaires soient exclues du revenu fiscal de référence. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.) Celui qui travaille doit pouvoir vivre du fruit de ses efforts. Celui qui a travaillé toute sa vie doit être reconnu. Et je le dis clairement, celui qui abuse de la solidarité nationale doit être sanctionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Les quinze heures d’activité en contrepartie du RSA, que la France Insoumise et le Rassemblement national ont rejetées de concert, comme ils le font bien souvent en votant ensemble (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), donnent aujourd’hui des résultats et montrent ce que doit être la refondation nécessaire de notre système social.

M. Benjamin Lucas-Lundy

Avec vos repas, combien d’allocataires du RSA pourraient vivre ?

M. Laurent Wauquiez

Le vrai social, c’est le travail. Pas d’aides sans devoirs : voilà la justice d’un système social refondé. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Face à ces enjeux, qui peut croire sérieusement que l’instauration de la proportionnelle soit une priorité ?

Plusieurs députés du groupe DR

En effet !

M. Laurent Wauquiez

En 1958, le général de Gaulle a mis fin à l’instabilité de la IVe République. Notre responsabilité à tous est de protéger notre pays de l’image pitoyable qu’offre aujourd’hui trop souvent cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) La proportionnelle serait la garantie que le désordre politique exceptionnel que nous connaissons aujourd’hui deviendra la règle. (M. Jean-Pierre Vigier applaudit.) Elle ancrerait au cœur de nos institutions l’instabilité politique et la primauté des intérêts partisans sur l’intérêt général. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe DR.) Nous nous y opposerons, la Droite républicaine assumera ses responsabilités. (Mêmes mouvements.)
Vous aurez compris, monsieur le premier ministre, que vous aurez notre soutien, mais un soutien exigeant et accordé texte par texte. Telle sera la feuille de route de la Droite républicaine, que nous veillerons, dans les semaines qui viennent, à traduire en actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, dont les membres se lèvent.)

Mme la présidente

La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)

Le 7 janvier, un mégafeu démarrait à Los Angeles. Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait Mayotte avec une ampleur sans précédent. Le 17 octobre, de fortes pluies s’abattaient sur Givors et le sud du département du Rhône. Au mois de mai dernier, l’Inde connaissait la vague de chaleur la plus longue de son histoire.
Il n’y a plus d’orage mais des tempêtes, plus d’épisodes pluvieux mais des inondations. Les incendies succèdent aux vagues de chaleur ; les sinistres, aux catastrophes. Ici comme ailleurs, les récoltes sont détruites, les arbres sèchent sur pied, les coulées de boue emportent les maisons et les souvenirs, les routes sont défoncées, les terres, saccagées et les vies, abîmées. Et nous pleurons les morts, toujours plus nombreux, bien trop nombreux. J’ai en cet instant une pensée particulière pour les Mahorais et les Mahoraises, qui ont été frappés de plein fouet par le cyclone et par l’abandon de l’État.
Dans l’ère de l’anthropocène, ce n’est pas la nature qui se déchaîne mais l’action humaine qui réchauffe le climat, broie les plus faibles et tue nos semblables. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Les responsables sont les grandes compagnies pétrolières qui forent inlassablement nos sols pour enrichir leurs actionnaires, les agro-industriels qui détruisent nos forêts, entassent les animaux et font disparaître les paysans, ou Bernard Arnault qui, à deux heures quinze du matin le 1er janvier, avait déjà consommé le budget carbone annuel moyen d’un Français.

Mme Dominique Voynet

Hou !

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)

Et puis il y a vous, membres et soutiens des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. Vous qui avez laissé s’installer le port méthanier du Havre, vous qui défendez l’A69, vous qui avez assoupli la mise en œuvre du zéro artificialisation nette des sols, vous qui vous saisissez de chaque texte pour amoindrir encore un peu plus le droit de l’environnement et qui, maintenant que la criminalisation des militants écologistes ne vous suffit plus, attaquez l’Ademe !
Disons-le : vous ne faites rien pour l’écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Emmanuel Tjibaou applaudit également.) La transition écologique est toujours la première sacrifiée sur l’autel de l’austérité. Dans le projet de budget pour 2025, que vous allez reprendre, les moyens de la mission Écologie diminuent de 10 %, dont une baisse du fonds Vert d’au moins 1,5 milliard d’euros.
Les aides écologiques subissent au moins 1,9 milliard de baisses. Ces aides sont celles qui, très concrètement, permettent à tous les ménages, y compris les plus modestes, d’habiter des logements confortables et non des passoires thermiques ou des bouilloires. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Ces aides permettent aussi aux Français, y compris les plus modestes, d’acheter des voitures moins polluantes.
Sur les 7 milliards d’euros qui manquent au budget Barnier pour être dans la bonne trajectoire, pour espérer tenir les engagements climatiques de la France, vous nous dites pouvoir trouver environ 200 millions.

Mme Marie-Charlotte Garin

Des cacahuètes !

Mme Cyrielle Chatelain

C’est bien charitable, mais nous ne nous contenterons pas de miettes. Nous demandons simplement les moyens de faire face au plus grand défi que connaissent nos concitoyens. Alors que la France est à la croisée des chemins de son ambition écologique, nous faisons fausse route ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Car une politique écologiste, c’est une politique qui protège tous les citoyens, en particulier les plus précaires, du réchauffement climatique ; c’est une politique de réindustrialisation forte, qui sécurise les emplois et la production, avec des normes sociales et environnementales ambitieuses ; c’est une politique qui permet aux agriculteurs de vivre de leur travail et qui réduit les profits records de l’agro-industrie. Vous ne voulez rien de tout cela. Pourtant, pour nos concitoyens, le chaos causé par le réchauffement climatique, ça commence à bien faire.
Pour vous, l’écologie n’est qu’un slogan de campagne, une promesse toujours trahie. Pourtant, monsieur le premier ministre, je vous invite à la prudence. En effet, dans une société française usée par les fausses promesses, fatiguée des mots creux, exaspérée par la politique spectacle, se contenter de déclarations sans lendemain et d’effets de communication ne suffira pas. Bien au contraire, cela aggravera la défiance des Français envers leurs dirigeants et accroîtra le sentiment de honte que ces derniers leur inspirent. La confiance envers un mandat qui débute se construit ou se délite selon l’efficacité des engagements pris. Or, pour le moment, nous ne voyons que des écrans de fumée.
Pour dire les choses clairement, la méthode que vous proposez pour le budget est simple et lisible : vous reprenez presque intégralement le projet de M. Barnier. Vous proposez donc la saignée des services publics et l’appauvrissement des collectivités locales. Les discussions sur le budget reprendront cette semaine au Sénat avant d’avoir lieu en commission mixte paritaire (CMP), où je ne doute pas que vous vous serez organisé pour disposer d’une majorité. Ensuite, l’Assemblée devra de nouveau se prononcer sur un budget dont elle n’aura pas débattu, un budget dans lequel nous n’aurons pas pu intégrer de nouvelles recettes, un budget comportant 50 milliards d’euros d’économies. C’est donc toujours un budget ultra-austéritaire qui sera soumis au vote. (Mêmes mouvements.)
Cette austérité ne pourra que fragiliser notre économie. Car abuser des coupes budgétaires revient à gripper l’activité et à détruire l’emploi. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le projet de Michel Barnier risquait d’aboutir à la suppression de plus de 50 000 emplois. Reprendre une telle copie est une erreur.
Mais votre copie sera-t-elle exactement la même que celle de Michel Barnier ? Probablement pas tout à fait. Tout d’abord parce que l’Assemblée et le Sénat ont fait leur travail. En fin d’année dernière, nous avons empêché l’augmentation de la taxe sur l’électricité et le déremboursement des médicaments, nous avons réduit le nombre de suppressions de poste, nous avons quelque peu diminué les coupes prévues dans les dotations des départements. J’espère que vous reprendrez ces avancées que les parlementaires ont obtenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)

M. Marc Fesneau

Pas obtenues, votées !

Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)

Ensuite, la censure a permis d’autres avancées. Certes, elle a été une déflagration, mais une déflagration indispensable pour, enfin, après trois ans de pouvoir exercé sans discuter, vous rappeler que, dans une démocratie, l’expression de la volonté populaire est un garde-fou nécessaire contre le sectarisme des gouvernements.
Alors, nous nous sommes assis pour discuter avec vous. Et nous avons défendu bec et ongles l’augmentation du budget de l’hôpital et des Ehpad, l’instauration de nouvelles recettes et le rétablissement des moyens de l’école ou de la politique du logement. Malheureusement, vous nous proposez finalement que les choses restent globalement telles qu’elles sont et que, lentement, les conditions de vie des Français se dégradent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Je vous pose la question : trouvez-vous que l’école va bien ? que l’hôpital fonctionne ? qu’on vit correctement de son salaire ? Si vous pensez répondre positivement à ces questions, je vous invite à aller rencontrer les salariés de la plateforme chimique de Pont-de-Claix, dont les emplois sont menacés, les infirmières de Vizille ou les agriculteurs de Saint-Jean-de-Vaux pour qu’ils vous racontent les efforts qu’ils font déjà. (Mêmes mouvements.)
L’un des efforts les plus importants que vous avez imposés aux Français est d’avoir à travailler deux années de plus. Deux années volées, brutalement, par un 49.3 et par la répression des manifestations. La réforme des retraites est donc devenue en tout premier lieu une question démocratique, celle du respect de la démocratie sociale, celle du respect de la démocratie parlementaire et, enfin, celle du respect du peuple souverain qui, le 7 juillet, a clairement dit qu’il voulait un changement de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
J’ai écouté votre discours avec attention et je suis en désaccord avec vous quand vous dites que le gouvernement considérera les Français comme des partenaires des décisions à prendre. Les Français ne sont pas vos partenaires mais vos patrons, dont les élus sont les serviteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Mathilde Feld et M. Marcellin Nadeau applaudissent également.) Vous ne dirigez pas les Français. Vous dirigez la France en leur nom, et votre seul devoir est d’appliquer leurs choix. Votre vision bien restrictive de la démocratie et de la place du peuple explique pourquoi vous vous obstinez à considérer la retraite à 64 ans comme la norme légitime qui doit prévaloir.
Vous nous proposez une mission flash de la Cour des comptes puis une conférence sociale. Nous vous invitons à enfin écouter les syndicats, que nous soutiendrons. Reconnaissez toutefois que le mécanisme que vous avez imaginé ne leur est pas favorable, puisque vous avez d’ores et déjà annoncé que, s’il n’y avait pas d’accord, la retraite à 64 ans continuerait à s’appliquer. Cela risque de nous entraîner dans un voyage dont on connaît déjà la destination : le retour à la réforme Borne. La seule manière de mettre patronat et syndicats sur un pied d’égalité dans ces négociations est de vous engager à ce qu’une loi soit présentée au Parlement quels que soient les résultats de la discussion. Soyons très clairs : rien ne rendra légitime la réforme repoussant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, et nous continuerons à la combattre.
Sur le budget comme sur les retraites, vous prenez le même chemin que Michel Barnier.

M. Pierre Cordier

Il est très bien, le chemin de Michel Barnier !

Mme Cyrielle Chatelain

C’est le cas également pour la complaisance envers le RN. Ces dernières semaines, votre gouvernement a émis plusieurs signes d’indignité qui nous inquiètent. Quand, à Mayotte, les secours cherchaient encore les survivants, vous flattiez déjà les xénophobes aux relents les plus vils, tournant le dos à la détresse des professeurs et des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Alors que la situation se tend avec l’Algérie, vous laissez vos ministres jeter de l’huile sur le feu au lieu de chercher le dialogue et l’apaisement. Enfin, votre ministre de l’intérieur veut dévoyer la laïcité pour en faire un outil de discrimination envers les musulmans. (Mêmes mouvements.)

M. Benjamin Lucas-Lundy

Quelle honte !

Mme Cyrielle Chatelain

Je vous le dis : les Français sont attachés à la liberté de croire ou de ne pas croire et à l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur religion. Ils ne vous laisseront pas faire ! (Mêmes mouvements.) Ne comprendrez-vous donc jamais que reprendre les termes de l’extrême droite la fait progresser ? que reprendre sa logique d’exclusion revient à abîmer la cohésion sociale et à fracturer les Français ?
Nous ne pouvons rien accepter de tout cela. Tant que vous vous obstinerez à ne rien changer, nous n’aurons d’autre choix que de continuer à vous censurer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, dont les membres se lèvent. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

Mme la présidente

La parole est à M. Marc Fesneau.

M. Marc Fesneau (Dem)

Il y a parfois une forme d’injustice quand on veut servir l’intérêt général, celui du pays, et quand les crises, ou les circonstances, viennent contrarier vos intentions sincères. C’est pourquoi je veux commencer mon propos en rendant hommage à Michel Barnier et à son gouvernement pour l’action conduite avant la censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Pourtant, et comme c’est toujours le cas, je n’ai nulle intention aujourd’hui de nourrir de vaines querelles ou polémiques avec ceux qui, par la censure, ont un peu plus plongé notre pays dans la crainte, le doute et l’inconnu alors qu’il n’en avait vraiment pas besoin.
Je veux parler de ceux qui nous regardent ou non, de ceux qui se désespèrent – ils sont nombreux – ou non, de ceux qui sont d’accord avec nous ou non, de ceux qui attendent – je ne dirais pas « espèrent », tant ils doutent – un chemin vers un cap collectif et vers – j’ose le mot – une espérance.
Je veux donc simplement essayer de parler des Français et des Françaises, et du chemin que nous devons leur proposer pour rassurer et convaincre. Les lignes rouges, vraies ou fausses, les chantages réciproques, les concessions que l’on entend arracher comme un trophée, les postures, rien de cela ne les intéresse. Cela les mène avant tout à considérer qu’ils ne seraient en fait qu’en arrière-plan d’un théâtre où se joue un dialogue de sourds. Cela les éloigne chaque jour un peu plus de la politique, et c’est un drame.
Ainsi voudrais-je vous dire avec humilité, monsieur le premier ministre, ce que nous percevons des attentes des Français, qu’elles concernent les urgences du quotidien, leur avenir ou celui de nos enfants.

M. Fabrice Brun

Le pouvoir d’achat, la sécurité, l’agriculture !

M. Marc Fesneau

Je voudrais vous dire ce que nous percevons du sens qu’ils donnent à leur vote de juillet dernier, ce qu’ils attendent de ces élections législatives sans vainqueur, de votre gouvernement et de notre assemblée sans majorité.
La France a aujourd’hui le visage d’une jeune enseignante qui a choisi la plus admirable des missions, celle d’être le passeur qui conduit chacun des enfants de la République sur les rives du savoir et éveille sa conscience citoyenne. Mais aussi le visage d’une jeune enseignante qui s’interroge profondément sur ce que l’école devient et sur ce qu’elle peut faire quand on lui demande de répondre à toutes les fragilités de la société, le tout malgré une absence de reconnaissance et, parfois, une forme de démagogie blessante, dont elle souffre terriblement.
La France a le visage d’un agriculteur, fier de son métier et de sa vocation – l’une des plus essentielles, celle de nous nourrir –, dont il n’arrive pourtant pas à vivre, qui a le sentiment d’être comme mis au ban de la société tout entière et livré aux concurrences les plus déloyales, et qui se sent de plus en plus impuissant face aux bouleversements climatiques dont il est la première victime.
Elle a le visage du chef d’entreprise, artisan ou commerçant, qui ne peut exercer son métier avec sérénité à cause d’un climat d’incertitude permanente, d’instabilité organisée et de « surnormation » galopante.
Elle a le visage de ces jeunes qui s’inquiètent de la planète que nous leur laisserons ou qui se disent qu’ils ne bénéficieront pas d’un modèle de solidarité que nous leur demandons pourtant de financer. Ils se sentent parfois trahis ou abandonnés car ils ont le sentiment que les générations futures sont sacrifiées sur l’autel du court terme, des petits calculs et des grands renoncements.
La France a également le visage de milliers de salariés qui ne parviennent pas à vivre correctement de leur travail ou qui n’y voient plus aucun sens. Le visage de ces Français qui ne trouvent pas assez par leur travail les voies de leur épanouissement ou de l’ascension sociale ni – et c’est peut-être pire encore pour l’esprit public – les moyens de permettre à leurs enfants d’agrandir le champ des possibles.
Elle a le visage de ces patients qui doivent attendre des mois avant de trouver un médecin, avec parfois l’angoisse de la maladie qui progresse, et qui finissent par renoncer aux soins.
Elle a le visage de ces soignants dévoués, au service de leurs patients et de nos aînés, qui font face comme ils le peuvent à la dégradation de notre système de soins et à celle de l’hôpital public, malgré – et cela devrait nous pousser à nous interroger – les moyens colossaux qui y ont été consacrés ces dernières années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Elle a le visage de tous ceux qui s’inquiètent, en matière de sécurité et de justice, de ce qu’ils perçoivent comme un affaissement de l’autorité de l’État et de sa capacité à les protéger ; de ceux qui pensent que la justice n’est pas la même pour tous ou qu’elle est trop lente.
Elle a enfin le visage de celles et ceux qui voient, inquiets, leurs repères ou leurs identités bouleversés par ce qu’ils perçoivent comme de nouvelles menaces, qu’elles soient mondiales et globales ou qu’elles émergent en remettant en cause leur vie quotidienne ou leur mode de vie.
Ce n’est donc pas uniquement à cette assemblée qu’il faudra s’adresser, monsieur le premier ministre ; c’est à la France – à cette France.
De quoi les Français ont-ils besoin ? Ils attendent, me semble-t-il, un pacte de bon sens visant à mettre le pays en ordre de marche, en vue de répondre aux urgences et de redonner du sens. Ils attendent un budget, qui permette d’abord de tenir les engagements pris par les gouvernements précédents – je pense en particulier à ce qui avait été promis en matière d’inclusion et a ce qui avait été dit aux collectivités locales et aux agriculteurs. Ils attendent que nous avancions sur les sujets qui peuvent faire consensus, notamment le projet de loi relatif à la fin de vie. Ils attendent aussi un cap. Pour tout cela, nous avons besoin de stabilité, de lucidité et de confiance.
Nous avons besoin de stabilité, et d’abord de stabilité institutionnelle et politique. Je ne crois pas que les Français soient fascinés par le chaos. Le désordre organisé méthodiquement à l’Assemblée nationale comme à l’extérieur les désespère et les exaspère.

M. François Cormier-Bouligeon

Eh oui !

M. Marc Fesneau

La censure du gouvernement précédent a marqué les esprits. Elle nous a fragilisés (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et EPR. – Mme Justine Gruet applaudit également),…

M. Philippe Vigier

Absolument !

M. Marc Fesneau

…non seulement parce qu’elle a privé la France d’un budget, mais aussi parce qu’elle a démontré notre incapacité à dialoguer et à nous entendre lorsque nous nous trouvons dans une situation critique. Elle nous a fragilisés en Europe et face à des puissances étrangères qui ont des intérêts contraires aux nôtres, en démontrant notre incapacité à faire face à l’avenir.
Nous avons aussi impérativement besoin de stabilité économique et sociale, afin que les acteurs puissent créer de l’activité, donc de la croissance. Nous avons la conviction qu’il faut soutenir massivement des secteurs essentiels.
Je pense au logement et à la construction, par la mobilisation des logements vacants, par le développement de nouvelles formes d’accès à la propriété, par la libération de la construction de logements, par la facilitation du recours aux prêts ; c’est d’abord une question de justice sociale.
Je pense à l’agriculture, pour l’aider à affronter les bouleversements géopolitiques et climatiques actuels, la montée en puissance des impérialismes qui, de part et d’autre de l’Europe, font de l’alimentation une arme. L’agriculture est l’un des piliers de notre souveraineté ; d’elle dépend notre capacité à décider de notre destin, à l’instar de l’énergie. Il y a une urgence vitale au renouvellement des générations et au soutien de toutes les démarches de transition, les deux exigences étant étroitement liées.
Je pense à l’emploi et au travail, qui sont, depuis 2017, des priorités. La production et l’activité économiques sont la clé de voûte du fonctionnement de l’État, de sa capacité à protéger, à agir sur la sécurité, sur la justice, sur l’accès au service public, sur l’accès aux soins ou à l’école. La prospérité est le gage de la perpétuation de notre modèle social.
La stabilité, ce n’est pas pour autant l’immobilisme ou le conservatisme ; ce n’est pas non plus l’addition de lignes rouges qui confine à l’inertie ; c’est la volonté d’avancer en tenant compte des priorités des Françaises et des Français.
Pour cela, nous devons doter d’un budget reposant sur trois piliers. Le premier est l’attractivité économique et la compétitivité. Notre groupe considère qu’il ne faut pas que les décisions à venir remettent en cause ce qui a été réalisé depuis 2017 afin de conforter le dynamisme des entreprises, tout simplement parce que cela a fonctionné.
Le deuxième pilier est la justice sociale et fiscale, que le groupe Les Démocrates a toujours défendue. Elle permet en effet de rendre les efforts acceptables et de lutter contre les situations de rente ou de suroptimisation. Il est juste que le travail, l’ingéniosité et la prise de risques paient plus que la rente ou la spéculation. Que l’on verse 100 milliards de dividendes doit nous conduire à nous interroger.
Troisième pilier, la responsabilité : nous devons réaliser des économies budgétaires importantes et crédibles, dans une logique – vous l’avez dit, monsieur le premier ministre – de profonde réforme de l’État. Et pour que cette réforme soit profonde, il faut qu’elle soit pluriannuelle. Or reconnaissons-le : ces dernières années, nous n’avons pas souvent entendu présenter à cette tribune autre chose que des dépenses supplémentaires.
Pour garantir cette stabilité, il nous faudra faire preuve de lucidité.
Lucidité concernant la gravité des enjeux, qui devrait nous conduire tout naturellement à nous éloigner des considérations partisanes, tant la situation budgétaire est périlleuse, tant les ingérences étrangères et l’émergence d’un nouvel impérialisme doivent nous interpeller, tant notre modèle d’intégration et notre pacte républicain semblent se déliter sous nos yeux.
Lucidité aussi quant au fait que nous ne parviendrons pas à relever ces défis si nous n’admettons pas que la politique n’a pas seulement à répondre à des considérations immédiates, mais qu’elle doit aussi obéir à des logiques de long terme, et que la réussite d’une politique publique ne dépend pas seulement des moyens qui lui sont consacrés.
Pour cela, il nous faut développer une culture de la concertation, afin de définir des trajectoires collectives partagées ; une culture de l’évaluation ainsi que de la contractualisation et de la discussion à l’échelon pertinent, selon un principe de subsidiarité. Les collectivités doivent y être encouragées, dans une logique de responsabilité réciproque, de même que les partenaires sociaux et le réseau associatif.
S’agissant de lucidité, je voudrais évoquer l’avenir de notre système de retraites. Nous croyons qu’il n’est ni possible ni souhaitable de réinterroger la question des retraites en mettant sous le tapis celle de son financement et celle de la justice pour les plus fragiles ou fragilisés. L’un ne va pas sans l’autre – c’est ce qu’avaient compris nos pairs au sortir de la guerre. Nous devons rouvrir le débat et remettre le sujet en chantier, sans totem ni tabou, mais sans non plus passer par pertes et profits les réalités démographiques qui s’imposent à nous ; à défaut, nous nous rendrions coupables d’une faute morale à l’égard de notre jeunesse.
Enfin, la France a besoin de confiance. Pour cela, nous devons tracer les perspectives sur lesquelles il peut y avoir un accord entre les femmes et les hommes de bonne volonté, dans cet hémicycle et au-dehors.
Je ne reviendrai pas sur ce qu’il faudra faire en matière d’institutions pour construire la confiance et favoriser une pratique démocratique nouvelle ; je m’en tiendrai aux questions de fond.
Je pense à notre école, qui est une priorité nationale.
Je pense à la santé, pour laquelle nous avons besoin d’une visibilité pluriannuelle. Je salue, monsieur le premier ministre, l’annonce de l’institution d’une loi de programmation pluriannuelle, conformément à ce que demandait le groupe Les Démocrates. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Je pense à l’accès aux services publics dans nos territoires, en particulier ultramarins – vous me permettrez d’avoir en cet instant une pensée pour nos compatriotes Mahorais – ou ruraux.

M. Fabrice Brun

Il est vrai qu’il faut agir pour la ruralité !

M. Marc Fesneau

Ils ont besoin de modèles mieux adaptés à leurs singularités et aux évolutions démographiques et sociales, et qui épousent leurs réalités propres, en laissant une place plus importante à l’expérimentation.
Je pense enfin à l’écologie. Je suis persuadé qu’il existe un chemin pour répondre à l’urgence climatique tout en s’assurant de l’adhésion la plus large possible et de la soutenabilité des trajectoires que nous définissons, afin que l’écologie ne pèse pas, en premier lieu, sur les plus modestes et ne soit pas vécue comme une punition.
Ces priorités, nous devons y répondre avant tout pour notre jeunesse. Son indifférence, si ce n’est sa défiance, nous oblige et devrait collectivement nous inviter à nous ressaisir.
Pour que ce triptyque « stabilité, lucidité, confiance » ne repose pas que sur du sable, nous avons besoin d’un ciment, celui de la coopération. Notre groupe en sera, comme toujours, le fer de lance.
La coopération, c’est accepter que personne, ici, n’est majoritaire et que nul ne peut, seul, imposer ses vues.
La coopération, c’est accepter d’assumer les mesures difficiles ou impopulaires prises dans l’intérêt du pays, et pas seulement revendiquer les victoires faciles ou populaires. S’il ne s’agit que de plaire, que de voguer dans le sens du courant, nul besoin de coopération : c’est la facilité du populisme !
La coopération, c’est accepter que l’opposition soit respectée, y compris dans sa différence et pas seulement quand elle est d’accord avec nous.
La coopération, c’est, pour ceux qui ont fait le choix – que je respecte – de ne pas participer à un gouvernement pour ne pas être comptable de son action,…

Mme Justine Gruet

Quel sens des responsabilités !

M. Marc Fesneau

…de se demander, à chaque instant, pour chaque vote, de bonne foi, ce qu’ils feraient s’ils étaient demain aux responsabilités.
La coopération, c’est accepter qu’au sein du gouvernement puissent s’exprimer des nuances, voire des divergences, mais sous réserve que l’on respecte les arbitrages et que l’on se concentre sur les sujets qui nous rassemblent – et ils sont nombreux. Que chacun se rassure : le temps de l’expression des différences viendra – ce sera en 2027 ! Je propose que, d’ici-là, nous soyons utiles au pays et ne perdions pas de temps.
Ce n’est que par la coopération que nous sortirons la France de l’ornière, puis que nous lui donnerons de nouveau de l’espoir. La coopération est la conviction profonde que personne ne peut y arriver à moins que tout le monde n’y arrive – par la stabilité, la lucidité et la confiance, par une éthique du dialogue.
Les Français nous jugeront aux actes.

Mme Julie Laernoes

Ils l’ont déjà fait !

M. Marc Fesneau

Nous ne pourrons agir à leur service qu’en construisant des compromis par la coopération. Nous serons pour notre part au rendez-vous de cette coopération, dont l’unique objet est l’intérêt du pays, donc celui des Français. C’est pour nous la seule chose qui vaille. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR.)

Mme la présidente

La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios (HOR)

Le 5 décembre, les députés issus notamment du Rassemblement national et des groupes qui composent le Nouveau Front populaire ont fait le choix de s’allier pour censurer le gouvernement, ouvrant la voie à une instabilité inédite dans l’histoire de la Ve République.
Personne n’a gagné les élections.

Mme Marie-Charlotte Garin et Mme Sandra Regol

Mais certains les ont perdues !

M. Sylvain Berrios

Il n’y a pas de majorité établie, c’est un fait. Nous pouvons continuer à nous regarder en chiens de faïence et feindre d’ignorer les conséquences désastreuses du choix de l’instabilité.

Mme Marie-Charlotte Garin

On peut aussi appeler le NFP à former un gouvernement !

M. Sylvain Berrios

Les députés du groupe Horizons & indépendants ont fait un autre choix, celui de la responsabilité, en veillant aux intérêts du pays avant de veiller à ceux des coteries.
« L’unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. » Par ces mots, lors du discours fondateur de Bayeux, en 1946, le général de Gaulle montrait le chemin existentiel qu’il nous faut suivre.
La direction du pays est une chose sacrée car, aussi étonnant que cela puisse paraître, les jeux d’alliances au Parlement français n’intéressent pas la Russie, qui poursuit sa guerre contre l’Ukraine ; ils n’intéressent pas Donald Trump, qui manifeste des velléités de reléguer l’Europe au rang de supplétif ; ils n’intéressent pas non plus la Chine, qui intensifie ses pressions commerciales ; ils intéressent probablement encore moins les acteurs régionaux du Levant, qui traverse des bouleversements profonds. En revanche, ils intéressent la présidente de la Commission européenne : les députés censeurs lui offrent une occasion inespérée d’accélérer l’accord avec le Mercosur.
En ce début d’année, les députés du groupe Horizons & indépendants forment le vœu que nous trouvions le courage collectif de sortir des querelles pour enfin parler aux Français des moyens à mobiliser pour résoudre leurs problèmes.

Mme Sandra Regol

Commencez par respecter leur vote !

M. Sylvain Berrios

En effet, si beaucoup de nos concitoyens ne savent pas ce qu’est une commission mixte paritaire, ils savent tous en revanche que les plans sociaux se multiplient. Ils sont nombreux à vouloir que l’accès à la santé ne soit plus un chemin de croix, à attendre que leur travail leur permette de bénéficier d’un pouvoir d’achat à la hauteur de leurs efforts, à se demander si la crise du logement aura une fin, à être inquiets de l’insécurité du quotidien, anxieux de la gangrène du narcotrafic et préoccupés par une immigration subie.
Pour pouvoir agir, nous avons besoin d’un budget. Saluons à cette occasion le travail de votre prédécesseur, Michel Barnier, car il a établi des constats clairvoyants, dont la censure du 5 décembre ne nous exonérera pas. La France ne peut plus se payer le luxe de creuser davantage son déficit. L’accroissement indéfini de la dette est un poison.
À cet égard, le débat sur les retraites est éclairant : seule une réforme systémique, à l’instar de celle proposée en 2019, reposant sur un mécanisme de points, pourrait nous permettre de sortir de l’ornière.
Imaginer, en revanche, qu’un système de retraite par répartition resterait viable en revenant à la retraite à 62 ou 60 ans relève de l’aveuglement. La conférence sociale que vous proposez de réunir est une bonne chose : oui, il faut discuter, avec tout le monde – avec chacun des groupes et chacun des parlementaires notamment. Nous devons toutefois regarder la réalité en face : perdre du temps, revenir en arrière ne ferait qu’accélérer la crise financière et budgétaire.
De même, alors que notre pays connaît des taux d’imposition parmi les plus élevés au monde, nous ne pourrons pas accepter la création d’impôts nouveaux. Pour assainir nos comptes publics et retrouver des marges de manœuvre, nous devons donc travailler à une baisse significative de la dépense publique et agir sur la structure même de l’État. Je salue, à cet égard, la présence à vos côtés, monsieur le premier ministre, de Laurent Marcangeli qui saura, j’en suis sûr, relever le défi de la simplification et de l’efficacité de l’action publique, au cœur des choix budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

M. Benjamin Lucas-Lundy

Pas de placement de produit !

M. Sylvain Berrios

Chaque euro investi doit répondre à cet impératif d’efficacité. Nous avons bien entendu l’annonce, et nous nous félicitons du travail qui sera engagé en vue de la réforme de l’État, de ses structures centrales ; pour autant, nous ne pouvons oublier les collectivités locales.
Prenons un exemple : en Île-de-France, en moins de dix ans, nous avons réussi l’exploit d’ajouter deux nouvelles strates politico-administratives aux trois strates existantes, dans un enchevêtrement de compétences inextricable !
Les collectivités locales ne sont néanmoins pas à l’origine du désastre budgétaire. Vous l’avez rappelé : elles réalisent près de 70 % des investissements publics et leurs comptes – vous le savez, monsieur le maire de Pau – sont à l’équilibre. Elles constituent aussi les principaux, et souvent les seuls, guichets accessibles de la République.
Les élus locaux sont disposés à participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques, mais non au prix de tous les sacrifices. Pour cela, nous devons rebâtir avec les collectivités une relation contractuelle de confiance, reposant sur la simplification des normes qui leur sont imposées, sur un nouvel acte de décentralisation et de déconcentration ainsi que sur le respect de leur autonomie financière. Du reste, l’effort budgétaire demandé aux collectivités ne peut pas être supérieur à celui l’État.
Votre gouvernement, monsieur le premier ministre, devra prioritairement répondre aux préoccupations urgentes et immédiates des Français. L’urgence, c’est, bien sûr, le projet de loi pour Mayotte, en cours d’examen dans notre assemblée ; mais le budget devra aussi apporter des solutions politiques et économiques à la Nouvelle-Calédonie.
Quant aux préoccupations immédiates, il y a d’abord le coût de l’énergie, source d’inquiétudes pour nos entreprises, parfois contraintes à des choix stratégiques cornéliens. Il y a aussi le logement : l’élargissement du prêt à taux zéro, que défend le groupe Horizons & Indépendants, est attendu par des milliers d’acquéreurs. La mesure pour faciliter les donations et successions en vue d’un premier achat que nous proposons donnerait, quant à elle, une bouffée d’oxygène à un secteur qui en a cruellement besoin. Nous devons aussi sortir notre pays du fétichisme du quota en matière de logements aidés, afin de mieux accompagner les élus et de desserrer le carcan administratif qui pèse sur le secteur de la construction. N’oublions pas l’agriculture : ces femmes et ces hommes qui travaillent sans compter leurs heures pour nous nourrir, tous, et ne demandent qu’une chose à l’État, le respect de la parole donnée.
Parmi nos priorités, certains chantiers nécessitent une vision et des engagements de long terme. Je pense en particulier aux lois de programmation des ministères de l’intérieur et de la justice. Les Français attendent des actes forts, en particulier dans la lutte contre le narcotrafic et la délinquance du quotidien. (M. Bertrand Bouyx applaudit.) Nous souhaitons que votre gouvernement réussisse à relever ce défi avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau.
L’immigration ne doit plus être un sujet tabou. Notre relation avec l’Algérie doit être remise à plat, comme le proposait Edouard Philippe dès juin 2023. Nous n’avons aucune raison de supporter menaces et chantages touchant une matière aussi profondément humaine que l’immigration. Tant que cette relation ne sera pas refondée, il nous faut suspendre les accords de 1968. De la même manière, les accords du Touquet de 2003 doivent être réinterrogés.
En matière environnementale, notre action ne peut viser le seul objectif, nécessaire mais insuffisant, de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La sauvegarde et le développement de la biodiversité – constitutive de nos paysages – doivent faire l’objet d’un ambitieux projet de protection de nos terres, de nos rivières, de nos fleuves. J’ai pris bonne note de votre souhait d’élaborer une loi sur l’eau, démarche dans laquelle nous vous accompagnerons. C’est ainsi qu’une politique environnementale peut tisser un lien charnel avec le pays et ses paysages.
Il nous faut aussi poursuivre l’effort engagé en matière de solidarité, d’insertion et de handicap. Permettez-moi de saluer le travail réalisé par Paul Christophe, Marie-Agnès Poussier-Winsback et par Charlotte Parmentier-Lecocq, qui continuera à œuvrer au gouvernement.
D’autres défis nous attendent dans le domaine de l’école, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Au moment où le pouvoir de l’intelligence humaine est en passe de dessiner notre avenir face aux révolutions numériques et à la montée de l’intelligence artificielle, la loi de programmation pour la recherche doit être menée à son terme.
Dans les prochains mois, notre pays aura à affronter le monde tel qu’il a l’inconvénient d’être. La souveraineté de la France dans le monde doit être réaffirmée : notre diplomatie a été mise à rude épreuve, de même que nos armées. Alors que l’arc des crises internationales se développe, la mise en œuvre de la loi de programmation militaire est indispensable ; nous serons aux côtés de Sébastien Lecornu pour remplir cette mission.
Pour conclure, monsieur le premier ministre, permettez-moi de rappeler notre attachement aux institutions de la Ve République.

M. Jean-Yves Bony

Très bien !

M. Sylvain Berrios

Nous ne pensons pas opportun de rompre le lien charnel unissant les élus aux Français au profit des partis : le passage à la proportionnelle n’apporterait pas de réponse à la crise actuelle du régime, née du chaos et œuvre de ceux qui veulent le chaos.
Monsieur le premier ministre, le groupe Horizons & indépendants aura à cœur de vous apporter un soutien exigeant et vigilant, tel que le souhaitent l’ensemble des Français. (Les députés du groupe HOR se lèvent et applaudissent.)

 

Mme la présidente

La parole est à M. Stéphane Lenormand.

M. Stéphane Lenormand (LIOT)

Il y a quelques mois nous écoutions, dans ce même hémicycle, le discours de politique générale de votre prédécesseur, monsieur le premier ministre. Nous avions tous fait le même constat, une France plus divisée que jamais, alors que les crises se multiplient : des comptes publics qui dévissent ; une dette qui devient impossible à maîtriser ; une économie qui s’enlise ; des PME qui se demandent si elles passeront l’année ; des hôpitaux qui ne se relèvent pas, et l’éducation nationale qui peine à offrir des solutions tant aux enseignants qu’aux élèves. Et la France n’a toujours pas de budget pour 2025, ce qui n’offre de perspectives positives ni sur le plan extérieur ni sur le plan intérieur.
Les Français sont inquiets et s’interrogent. Leur confiance en leurs élus continue de s’étioler. La France des territoires regarde un microcosme parisien faire des promesses sans lendemain et, parfois, prendre des décisions coupées des réalités et du quotidien des Français, qu’elles concernent l’accès aux soins et la situation des hôpitaux, la vie chère et le pouvoir d’achat, l’éducation nationale ou les petites et moyennes entreprises.
Méfions-nous d’une colère sourde qui, née de la perte de confiance dans nos institutions et de la résignation de nos compatriotes, pourrait aboutir dans la rue. Nos territoires ultramarins ont déjà été le théâtre d’événements révélateurs de cette situation.
Le message des Français aux élus nationaux depuis la dissolution voulue par le président de la République était pourtant clair : abandonner les oripeaux dogmatiques pour travailler dans l’intérêt général, écouter les citoyens et les territoires.
À l’annonce de la composition du gouvernement, la perplexité s’est emparée de beaucoup d’entre nous : quasiment les mêmes ministres, de nombreux retours et les mêmes cabinets ministériels. Pensons-nous réellement obtenir un résultat différent en utilisant toujours les mêmes recettes ? Élections perdues, dissolution ratée : les Français ont rejeté, en partie, les politiques menées ces dernières années.

Mme Marie Pochon

Pourquoi en partie ?

M. Stéphane Lenormand

C’est un fait ; il faut en tirer des conclusions.
Monsieur le premier ministre, une véritable rupture est nécessaire, tant sur le fond que sur la forme : davantage d’écoute, de dialogue et de respect du Parlement. Il est nécessaire de dégager des objectifs partagés et d’abandonner un centralisme déconnecté. L’humilité – vous en avez parlé –, la responsabilité et la transparence doivent guider vos pas, monsieur le premier ministre, et ceux de votre gouvernement.
Au groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, composé de députés venant de la gauche, du centre et de la droite, c’est la méthode qui nous caractérise et qui nous permet, par le dialogue, de dégager des consensus. Nos différences sont notre richesse, notre ancrage territorial est notre atout, le dialogue notre force.
Fidèle à ce qui est sa ligne depuis le début, le groupe LIOT continuera à se positionner comme un groupe indépendant, d’opposition mais constructif, au service de l’intérêt général.

M. Pierre Cordier

Nous aussi !

M. Stéphane Lenormand

Nous nous prononcerons sur les textes de loi en ne pensant qu’à l’intérêt de nos concitoyens ; le souci de répondre à leurs urgences constituera notre seule boussole.
La première des urgences est d’engager des réformes permettant d’améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Une conférence sociale nationale sur le partage de la valeur est indispensable. Il convient de réfléchir aux pistes permettant aux entreprises françaises de toutes tailles de générer plus de résultat afin de permettre ce partage. Nous sommes convaincus que le travail doit être plus rémunérateur. Or comment accroître le pouvoir d’achat des Français quand notre système fiscal crée des trappes à bas salaires ? Un chef d’entreprise qui veut augmenter son salarié de 100 euros net doit en débourser 480. C’est à de tels problèmes qu’il faut apporter des réponses.
Par ailleurs, n’oublions pas nos agriculteurs, qui attendent d’urgence des mesures concrètes et conformes aux engagements pris il y a un an. Qu’il s’agisse des revenus, de la loi Egalim, du prix des produits agricoles, de la taxation du gazole, des aides européennes, de la politique agricole commune (PAC), du pacte vert pour l’Europe, du plan Écophyto, ou encore des accords de libre-échange – vous les avez évoqués –, il nous faudra répondre à leurs attentes.
Quant au domaine du logement, premier poste de dépense des ménages, il est symptomatique des problèmes français : surréglementation, manque de visibilité, éparpillement des moyens, spéculation galopante et, finalement, absence de résultat probant.
Lorsque l’on parle de pouvoir d’achat, nous ne pouvons passer sous silence le sort de nos concitoyens d’outre-mer, singulièrement oubliés ces dernières années. Sur la continuité territoriale des biens et des personnes, ils attendent des réponses précises.
Le terrible drame qui a frappé Mayotte nous oblige à reconstruire durablement ce territoire français pour permettre aux Mahoraises et Mahorais de regarder l’avenir avec confiance : il est impératif d’adopter une loi pour Mayotte, qui réponde aux problèmes spécifiques rencontrés par nos concitoyens mahorais, avec une programmation budgétaire fixant un calendrier de développement. Des adaptations sont également attendues pour y lutter contre l’immigration clandestine.
Un autre territoire insulaire – sans parler de la Nouvelle-Calédonie que vous avez évoquée –, la Corse, attend, depuis le début de la nouvelle législature, que reprenne le processus dit de Beauvau, dont le groupe LIOT estime fondamental qu’il débouche rapidement sur un statut d’autonomie, attente majeure exprimée par le peuple corse depuis de nombreuses années.
Les Françaises et les Français mettent encore, en ce début d’année 2025, la santé au premier rang de leurs priorités, en particulier dans nos territoires ultramarins et nos territoires ruraux. Nombre d’entre eux rencontrent des difficultés pour obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin spécialisé, voire une simple consultation chez un médecin généraliste ; des services hospitaliers ferment ; les personnels soignants sont toujours en souffrance. La suppression des agences régionales de santé (ARS) permettrait de réaliser des économies tout en laissant les personnels soignants se concentrer sur les patients plutôt que les statistiques. Vous avez eu le mot juste, monsieur le premier ministre : nous avons besoin de débureaucratiser la santé !
Rappelons l’importance de mieux prendre en compte le vieillissement de notre population et ses conséquences au travers d’un plan « grand âge », maintes fois repoussé et pourtant si nécessaire à notre pays.
S’agissant toujours des questions sociales, le groupe LIOT s’était opposé à l’adoption de la réforme des retraites, notamment à cause de la mesure d’âge. Nous espérons que la conférence de financement, que vous venez d’annoncer et que nous considérons comme un premier pas, permettra d’aboutir à la suspension de cette mesure, que nous avons toujours considérée comme injuste.
La lutte contre la délinquance, contre le trafic de stupéfiants en particulier, constitue également une priorité pour nos compatriotes. Il est devenu clair aux yeux de tous qu’il faut plus de moyens et personnels actifs et visibles sur le terrain, mais aussi une exécution effective des peines et une lutte efficace contre la récidive. À propos de lutte contre le trafic de stupéfiants, j’appelle l’attention du premier ministre sur la situation des Antilles : véritable porte d’entrée de la drogue, il faudra y consacrer les moyens nécessaires à endiguer ce fléau.
La question du contrôle et de la limitation effective des flux migratoires est aussi une source d’interrogations et d’inquiétudes fortes pour nos concitoyens. Des mesures concrètes doivent être déployées avec pragmatisme, réalisme, rigueur mais aussi humanité.
Comme son nom l’indique, le groupe LIOT est attaché aux libertés fondamentales. Nous ne pouvons pas accepter de mettre entre parenthèses les fondamentaux de notre démocratie et, en premier lieu, l’État de droit, qui ne peut souffrir aucune remise en cause.
Toujours en matière de fondamentaux, l’enjeu majeur du redressement des comptes publics, particulièrement dégradés, doit être abordé dans un esprit de justice fiscale et sociale, en particulier par le rééquilibrage des charges entre les revenus du travail et ceux du capital. Le financement de notre modèle social repose quasi uniquement sur le travail des Français. Si une telle vision était pertinente à la sortie de la seconde guerre mondiale, un nouveau modèle est à inventer pour pérenniser notre système social.
Permettez-moi de rappeler encore une fois que les collectivités, qui supportent 70 % de l’investissement public et sont soumises à la règle d’or, ne sont pas responsables du déficit de l’État. Il faut arrêter d’en faire les coupables, faute du courage nécessaire pour engager l’État dans de réelles économies de fonctionnement. Suppression d’agences et d’opérateurs de l’État, réel audit des 200 milliards d’aides publiques aux entreprises, taxe sur les rachats d’actions et les plus hauts revenus : nous avons défendu des propositions responsables pour réaliser des économies et dégager des recettes supplémentaires justes, ne reposant pas sur les plus modestes, dans le cadre d’un effort partagé et sans détruire l’appareil de production ou nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
Les membres de mon groupe sont convaincus que la centralisation exacerbée de notre pays est un facteur de tensions sociales et de dégradation démocratique, et qu’elle pèse lourdement sur nos déficits budgétaires et sur la situation de nos services publics. Nous regrettons que vous n’ayez pas annoncé un nouveau mouvement de décentralisation politique, qui attribue un pouvoir réglementaire aux élus locaux dans leurs domaines de compétence et qui fasse advenir une véritable autonomie fiscale en renforçant la démocratie locale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
En conclusion, notre priorité, au cours de cette législature, est d’être dans l’opposition tout en demeurant force de proposition, dans le dialogue et le respect de tous, pour donner une chance à notre pays et à nos concitoyens d’aborder l’avenir de manière plus sereine.
Monsieur le premier ministre, vous vous trouvez sur un chemin de crête étroit ; le groupe LIOT, lui, favorisera toujours, de manière responsable, la stabilité dont notre pays a besoin. Vous aurez l’obligation de développer une réelle méthode de travail, en concertation avec l’ensemble des forces politiques. Les Français nous regardent : l’immobilisme est un danger ; l’action, une nécessité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.)

Mme la présidente

La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

Mme Émeline K/Bidi (GDR)

C’est en ma qualité de coprésidente du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que je m’exprime devant vous. Vous connaissez la particularité de notre groupe, composé pour moitié d’ultramarins, et c’est justement sur l’outre-mer que je concentrerai mon propos.
Vous avez indiqué tout à l’heure vouloir faire de l’outre-mer une des principales préoccupations de la nation. Je souhaite donc partager avec vous une interrogation qui tiraille les 2,6 millions d’habitants de ces territoires et, je l’espère, au vu des images qui nous sont parvenues de Mayotte, quelques-uns de nos concitoyens de l’Hexagone : qu’est-ce que la France d’outre-mer ? C’est la France des océans, celle sur laquelle le soleil ne se couche jamais, celle de ce que l’on appelait autrefois les « colonies ». Quelle place et quelles politiques – au pluriel ! – doivent être réservées à ces territoires si différents et néanmoins unis, unis par la pauvreté, le sous-développement et la cherté de la vie ? Ce sont autant de problèmes que l’éloignement du territoire hexagonal ne peut suffire à expliquer.
Si la France est la septième puissance mondiale et le pays des droits de l’homme, alors qu’est-ce que la France d’outre-mer ? À La Réunion, 36 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, mais les loyers y sont parmi les plus chers de France ; 50 000 personnes y sont dans l’attente d’un logement social et 19 % de la population est au chômage.
En Martinique, les prix de l’alimentation sont 38 % plus élevés qu’en Hexagone : la vie chère, c’est ce problème qui touche l’ensemble des outre-mer et qui condamne des milliers de gens à la pauvreté. En Guyane, 52 % des jeunes ont des difficultés de lecture ; il y manque des routes, il n’y a toujours pas de centre hospitalier universitaire (CHU) et l’espérance de vie y est moindre qu’en Hexagone, alors que la réforme des retraites s’y applique de façon indifférenciée. En Nouvelle-Calédonie, l’économie a été détruite, suite à la décision inconsciente, prise par un homme, de faire passer la loi sur le dégel du corps électoral. Il faut désormais tout reconstruire et reprendre sans attendre les discussions sur l’avenir institutionnel de l’archipel.
Quant à Mayotte, elle a été meurtrie et endeuillée par le cyclone Chido, qui a révélé au monde entier l’ampleur du sous-développement de ce département français. Avant le passage de la tempête, 77 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, 37 % des Mahorais étaient au chômage, 30 % d’entre eux n’étaient pas raccordés à l’eau, et un quart des logements étaient en tôle. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’horreur a laissé place à la colère pour les uns, tandis que, pour d’autres, la honte semble s’être rapidement muée en opportunisme. Mayotte, c’est ce département français où l’on ne compte pas les morts, mais où le préfet a limité la vente de tôle aux particuliers munis de pièces d’identité. Si l’immigration est assurément un fléau à Mayotte, le manque d’investissements de l’État en est un autre.
Qu’est-ce que la France d’outre-mer ? Des sous-territoires de la République ? Des îlots de pauvreté maintenus sous giron français pour des raisons économiques ? Je vous vois relever la tête, monsieur le premier ministre : peut-être mes propos vous choquent-ils ? Je l’espère ; tant mieux ! Si vous êtes au moins aussi choqué par les conditions de vie de mes concitoyens d’outre-mer que par mes propos, alors peut-être changerez-vous de politique. J’emploie des morts forts car je souhaite que les choses changent !
En outre-mer, les besoins sont immenses et la crise est partout. Ce sont des crises aux origines et aux conséquences diverses, en fonction des territoires, qui nécessitent des mesures fortes ; des crises qui, pour être résolues, exigent, au plus haut sommet de l’État, considération, respect, dialogue et écoute. Stop au parisianisme hors-sol qui sévit dans nos territoires ! Stop au commerce exclusif avec l’Hexagone, qui nuit à notre développement économique. Nous ne sommes pas des enfants ignorants ! Nous avons de nos territoires une connaissance certaine, et nous avons pour eux des propositions concrètes, que les différents gouvernements Macron ont successivement balayées d’un revers de main.
Serez-vous l’un de ceux-là ? Changerez-vous de méthode et de politique ? Romprez-vous avec la ligne du président de la République ? Aurez-vous le courage de dénoncer ses propos méprisants lorsqu’il s’adresse aux ultramarins, comme dernièrement à Mayotte ? Monsieur le premier ministre, je n’ai qu’une question : qu’est-ce que c’est, pour vous, la France d’outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS et sur quelques bancs des groupes LIOT et SOC.)

Mme la présidente

La parole est à M. Sacha Houlié.

M. Sacha Houlié (NI)

C’est dans un style assez littéraire que vous êtes venu nous présenter, monsieur le premier ministre, votre « promesse française », votre déclaration de politique générale. Cette signature vous offre le confort du flou, un abri précieux face à l’instabilité qui règne ici depuis la dissolution.
Nous ne disposions jusqu’alors – depuis près d’un mois – que de votre casting ; à l’heure où nous sillonnons la France, de communes en communes et de vœux en vœux, l’honnêteté m’oblige à vous dire qu’il n’avait pas parfaitement convaincu. Ces derniers jours, vous avez pris une première décision notable par rapport à votre prédécesseur : vous n’avez pas placé votre destin dans les mains du Rassemblement national. Vous avez fait mine, avec M. le ministre de l’économie – que je salue tout particulièrement –, de privilégier le front républicain. En somme, vous semblez tirer les conséquences du second tour des élections législatives de juillet dernier, et je souhaite que cette main tendue à la gauche soit durable.
Vous avez d’abord proposé de remettre sur le métier la réforme des retraites. Vous tentez aujourd’hui, tardivement, d’en corriger le premier écueil, relatif aux besoins de financement – la réforme n’avait pas convaincu sur ce point. Vous proposez de saisir les partenaires sociaux pour trouver une autre solution. L’une des plus connues et la meilleure, c’est celle que nous aurions déjà dû choisir il y a cinq ans : c’est la retraite par points.
Au-delà de cette annonce, vous avez égrené des orientations davantage que des mesures ou un calendrier parlementaire. Parmi celles-ci, j’ai noté que vous placiez l’éducation au-dessus de tout. J’ai aussi apprécié la façon dont vous repreniez à votre compte la lutte contre ce mal qu’est l’assignation à résidence, principale cause du désespoir et du sentiment de relégation. J’ai relevé la juste autocritique que vous avez formulée – parfois maladroitement, en faisant référence au jardinage – à propos du tri social que constitue l’orientation précoce des élèves.
Je n’ai en revanche pas compris si vous comptiez renoncer à la suppression de 4 000 postes d’enseignant, soit 100 classes de moins pour un département comme le mien. Je ne sais pas si vous comptez retravailler sur le déficit d’attractivité de la profession d’enseignant et notamment sur la question des revenus. J’ignore ce que vous comptez faire en matière de mixité scolaire et à propos du choc des savoirs, qui est un fiasco – il faut l’avouer.
Vous avez fait du budget l’urgence ; son adoption est en effet une urgence pour tous. J’ai été attentif à votre plaidoyer contre les hausses d’impôts ou de cotisations sociales : ces déclarations me semblent en décalage avec la demande profonde de justice fiscale qui gronde dans notre pays. Que ferez-vous des légitimes efforts demandés, dans les précédentes copies du texte, aux plus fortunés et aux plus grandes entreprises ? Quelles sont vos intentions au sujet de la bonne idée, pourtant venue de vos rangs, consistant à introduire une fiscalité plus juste sur le patrimoine, par exemple en relevant le taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ?
Nous avons obtenu à peine plus de réponses en matière de santé. Je prends néanmoins acte, avec bienveillance, de la hausse notable annoncée de l’Ondam, du refus de dérembourser certains médicaments ou de la consécration de la santé mentale comme grande cause nationale. Naturellement, nous devons en savoir plus sur vos intentions.
Nous avons aussi pu mesurer votre ambition écologique, qui s’avère supérieure à celle présentée devant nous il y a quatre mois – vous me direz que ce n’était pas difficile. Cela n’occulte pas les questions que vous avez posées, sans forcément y répondre, sur le financement de nos infrastructures de transports ou en matière de rénovation urbaine et de construction de logements. En faisant votre déclaration d’amour aux territoires et à la différenciation, vous vous êtes gardé de nous exposer votre ambition sur ces sujets. Tout juste nous avez-vous fait part, et c’est une bonne chose, de votre intérêt pour les territoires ultramarins. Au fond, c’est en matière régalienne que vous avez cédé à la facilité.
Je note cependant votre attachement à l’autorité de l’État et à l’État de droit, ce qui n’était pas si clair pour la précédente équipe ; il reste toutefois à prouver, si l’on considère la confiance que vous maintenez à M. le ministre de l’intérieur. Un tel attachement impliquerait d’ailleurs un engagement ferme à respecter les lois d’orientation et de programmation des ministères de l’intérieur et de la justice, ainsi que la loi de programmation militaire. Garantissez-vous l’emploi de magistrats, de greffiers, de policiers ou de gendarmes à la hauteur promise ? Dans le précédent budget, nous avions constaté que les schémas d’emplois, pour ces catégories, étaient nuls.
Vous avez donné quitus au groupe de l’ex-majorité quant à sa proposition de loi sur la justice des mineurs ; ignorez-vous que celle-ci a été largement réécrite par la commission des lois de notre assemblée, pour sauvegarder les principes fondateurs de l’ordonnance de 1945 et du code de la justice pénale des mineurs ?
Vous vous êtes inquiété de la manière dont nos concitoyens se représentent l’immigration, en faisant référence à son importance dans certains territoires. J’aurais préféré que vous évoquiez la baisse de 38 %, en 2024, du nombre d’entrées irrégulières sur le territoire européen, qui a été annoncée par l’agence Frontex ; le chiffre est au plus bas depuis 2021, c’est-à-dire depuis la crise du covid.
Pourquoi flatter la droite, qui ne nous a jamais aidés et qui laisse planer la perspective d’une nouvelle loi « immigration » dont personne n’a véritablement besoin ? Devons-nous par ailleurs comprendre, quand vous dites soutenir l’intégration, que vous souhaitez finalement régulariser les travailleurs dans les métiers en tension, comme nous le proposions dans la version initiale de la loi « immigration » ?
Quant à Mayotte, il y a mille choses à faire avant d’aborder le droit du sol et je vous invite à relire un auteur parfois brillant, bien qu’inconstant, qui écrivait il y a un an dans Le Monde : « Croire que le droit du sol est responsable de la situation […] que connaît Mayotte est une erreur d’analyse. »
Monsieur le premier ministre, votre déclaration de politique générale n’était finalement pas totalement lisible. C’est peut-être une stratégie pour durer, mais il vous faudra sortir de l’ambiguïté ; c’est à l’aune de vos actes que nous pourrons vous juger. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LIOT. – Mme Stella Dupont applaudit également.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)

Mme la présidente

La séance est reprise.
La parole est à M. le premier ministre.

M. François Bayrou, premier ministre

Je vais essayer de répondre succinctement à chacun d’entre vous.
Monsieur Peu, vous avez regretté et même condamné ce que vous avez appelé le refus de convoquer une conférence sociale sur les retraites. En vérité, c’est bien ce que nous faisons : nous convoquons à partir de vendredi une conférence sociale au mandat très large. Nous demandons aux partenaires sociaux de produire leurs analyses et les propositions, dont certaines ont déjà été exposées ou identifiées. Chacun s’accorde à reconnaître qu’il existe en la matière des marges de progrès qui n’ont pas été exploitées. Pourtant, Dieu sait que le gouvernement d’Élisabeth Borne avait fait tous ses efforts !

M. Jean-Paul Lecoq

Dieu le sait peut-être, mais pas nous !

M. François Bayrou, premier ministre

Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, dit le proverbe. Je confirme en tout cas que nous donnons aux partenaires sociaux un mandat de négociation très étendu, sans aucun interdit. Vous pouvez y voir le signe d’ouverture que vous appeliez de vos vœux et que vous regrettiez de ne pas avoir entendu.
M. Ciotti a évoqué, me concernant, une dérive à gauche.

M. Thibault Bazin

C’est vrai qu’il s’y connaît en dérives !

M. François Bayrou, premier ministre

Lors de ce débat, je n’ai pas eu le sentiment que ce diagnostic était partagé. Je souhaite cependant donner droit à l’appel à la sécurité et à la défense de l’ordre qu’a prononcé M. Ciotti. Je pense que, dans la crise où nous sommes, il sera impossible de conduire le pays si tous les citoyens n’ont pas la certitude que l’ordre est défendu sans faiblesse. Nous devons garantir à tous, en particulier aux plus faibles, qui sont les plus fragilisés par tous les désordres, la présence de l’État et la défense de ses principes.
Le gouvernement estime qu’il n’y a aucune contradiction entre la garantie des droits fondamentaux et la défense de l’ordre. On a l’habitude d’opposer les deux ; à notre sens, c’est se tromper. La garantie de l’ordre constitue la politique sociale la plus indispensable.

Mme Danielle Brulebois

Exactement !

M. François Bayrou, premier ministre

Quand, au sein d’une société, le désordre, les atteintes à la propriété, aux biens et aux personnes se multiplient, alors ce sont les plus fragiles qui trinquent (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem) et qui, dès lors, dérivent. C’est peut-être le seul point sur lequel je suis d’accord avec M. Ciotti. D’ailleurs, je ne m’attendais pas à ce que nous ayons de nombreux points de rencontre ; comme il l’a souligné, il y a eu une période dans son engagement politique où nous pouvions avoir des opinions en commun, mais il me semble qu’il a depuis changé d’engagement.
Monsieur Tanguy, je ne polémiquerai pas sur Mayotte, car nos concitoyens mahorais ont droit à autre chose. Ils veulent que leurs préoccupations les plus urgentes et brûlantes soient prises en considération. Les deux préoccupations majeures sont la reconstruction, ou plus exactement la sauvegarde de ce qui existe encore et la mise à l’abri des personnes, des familles et des biens. Nous avons présenté le plan Mayotte debout, qui a été accueilli par les élus mahorais et la partie de la population qui participe à ces débats comme étant positif.
Ils attendent, c’est vrai, qu’on traite de la question de l’immigration clandestine et des bidonvilles. Ces deux points feront l’objet de textes et de décisions. Premièrement, un texte sera soumis pour qu’une personne ne puisse plus avoir accès à la nationalité française par la naissance si les deux parents ne sont pas français et présents à Mayotte depuis plus d’un an. Il faut entendre cette attente ardente de la population. Comme je l’ai dit à la tribune, si la même proportion de la population vivait dans l’illégalité et dans des bidonvilles à Paris intra-muros, 500 000 personnes seraient dans une telle situation.

M. Thibault Bazin

Ce serait énorme !

M. François Bayrou, premier ministre

Qui le supporterait ? Qui, parmi ceux qui se flattent de savoir comment faire et soutiennent que la question de l’immigration illégale à Mayotte n’est pas un problème, le supporterait ? Sur tous les bancs de cette assemblée et à la tribune, on entendrait alors les mêmes revendications qu’à Mayotte.

M. Davy Rimane

Vous l’avez déjà dit !

M. François Bayrou, premier ministre

Deuxièmement, nous devons parler non seulement de reconstruction mais aussi de construction. Comme cela a été dit à plusieurs reprises à la tribune, la situation de Mayotte auparavant n’était ni idyllique ni simplement recommandable. Mme K/Bidi a employé le mot « sous-développement », qui décrit exactement cette situation, laquelle vient de loin, de l’histoire. L’appartenance à la République française et le choix de cette appartenance sont récents : ils remontent à peine à quelques dizaines d’années.

M. Davy Rimane

Non ! C’était au XIXe siècle !

M. François Bayrou, premier ministre

J’ai participé, aux côtés des élus de Mayotte, aux combats pour Mayotte française. Ce sont des personnalités éminentes qui étaient de surcroît mes amis.
Il ne s’agit pas seulement sauver ce qui peut l’être à Mayotte, mais tracer un avenir sur de nombreux sujets, par exemple en matière d’urbanisme. Nous venons de connaître une catastrophe écologique sans précédent : des millions d’arbres ont été abattus à Mayotte, presque la totalité des arbres adultes. Un grand plan de reforestation est nécessaire, en choisissant des essences susceptibles de résister à des catastrophes de cet ordre. Comment utiliser les millions de mètres cubes de bois des arbres abattus par la tempête ? Ils pourraient être transformés en pellets, c’est-à-dire en granulés de bois, pour alimenter par exemple une usine de production d’électricité à partir de la biomasse. Toutes ces questions participent non pas de la reconstruction et de la sauvegarde de ce qui existait, mais de l’avenir, de l’idée que les Mahorais s’en feront, les Mahorais décisionnaires et travailleurs. C’est avec eux, dont beaucoup ne sont pas encore formés mais doivent l’être, que la reconstruction pourra avoir lieu. Vous voyez qu’il s’agit d’un énorme effort.
Je dois ajouter que du point de vue de l’équilibre économique, la décision de faire de Mayotte une zone franche globale est très importante.

M. Jean-Paul Lecoq

Pour permettre à Total de s’y installer !

M. François Bayrou, Premier ministre

Je pense qu’elle intéressera une grande partie de l’outre-mer : c’est une décision pour Mayotte mais, à mon sens, nous devons poser cette question pour beaucoup de ces territoires, auxquels nous sommes attachés.
Monsieur Attal… (M. le premier ministre le cherche du regard.) Je ne suis pas encore familier de la position des uns et des autres. Vous êtes au centre, monsieur Attal ; cela ne m’étonne pas.

Plusieurs députés du groupe GDR

Non, il est à droite !

M. Thibault Bazin

Le Modem est à gauche ! (Sourires.)

M. François Bayrou, premier ministre

Il est un peu plus centré ! (Sourires.)

M. Thibault Bazin

Il a dérivé !

M. François Bayrou, premier ministre

Non seulement l’appel à la responsabilité que vous avez lancé ne m’étonne pas de votre part, mais j’y souscris. Vous avez plaidé pour la stabilité,…

M. Nicolas Sansu

L’ordre établi, pas la stabilité !

M. François Bayrou, premier ministre

…pour l’ouverture et la cohérence sur les retraites. Vous avez plaidé pour la valeur travail, la sécurité, avec la lutte contre la délinquance des mineurs, sur laquelle vous avez déposé une proposition de loi dont j’ai indiqué que le gouvernement souhaitait qu’elle soit examinée et adoptée. Vous avez parlé de l’école, à laquelle votre expérience au ministère de l’éducation nationale a montré à quel point vous étiez attaché. Vous avez appelé au courage de la vérité ; j’y souscris, et nous avons essayé tous ensemble à la tribune d’établir la dimension réelle des défis qui se présentent à nous. Comme vous l’avez dit vous-même, j’ai la certitude qu’il n’y a pas une minute à perdre. En tout cas, je vous remercie pour le soutien clair et ferme que vous avez exprimé, et je vous donne la garantie que nous travaillerons ensemble,…

M. Emmanuel Maurel

Personne n’en doutait !

M. François Bayrou, Premier ministre

…avec votre expérience de premier ministre, sur ces sujets.
Madame Panot, je veux d’abord rendre hommage à votre sens de la nuance. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Je vous remercie pour la modération de vos propos – nous en avons besoin par les temps qui courent. Je répondrai sur quelques points.

Mme Mathilde Panot

Sur le fond !

M. François Bayrou, premier ministre

Vous avez assez bien illustré ce que je dénonçais dans mon discours, la stratégie de conflictualisation sur tous les sujets. J’ai dit que je connaissais Jean-Luc Mélenchon depuis longtemps.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Vous répondez à la présidente de groupe, pas à Jean-Luc Mélenchon !

M. François Bayrou, premier ministre

J’ai cru comprendre que la présidente Panot n’avait pas d’hostilité à l’égard de Jean-Luc Mélenchon. Je ne réponds pas à une personne mais à une stratégie. Se saisir de tous les sujets du pays pour en faire des sujets de conflit peut servir une volonté politique ou électorale, mais nous croyons que cela ne sert pas le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il y a suffisamment de puissances dans le monde qui espèrent que la France s’affaiblisse et s’efface pour que nous ne leur servions pas nos divisions comme un atout pour cette prise de contrôle. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

M. Nicolas Sansu

Allez-y ! Parlez du parti de l’étranger, tant que vous y êtes !

Mme Mathilde Panot

Ça s’appelle la démocratie !

M. François Bayrou, premier ministre

Je l’ai dit, la démocratie pour moi, c’est la conscience et la responsabilité du citoyen.

Mme Mathilde Panot

Et la souveraineté populaire ! Le respect du résultat des urnes !

M. François Bayrou, premier ministre

Vous avez ici un assez bon exemple des équilibres, or je ne crois pas que la stratégie que vous avez défendue à la tribune soit majoritaire dans cette assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

Un député du groupe LFI-NFP

Et la vôtre ?

M. Éric Coquerel

Vous avez été battus par les électeurs !

M. François Bayrou, premier ministre

Je défendrai donc l’idée que, aussi différents que nous soyons, nous sommes responsables et coresponsables, vous y compris, de l’avenir du pays. Si vous n’en jugez pas ainsi, je pense en effet qu’il y a entre nous une différence assez profonde et fondamentale. Notre vision nous pousse à tâcher de faire se rejoindre les forces du pays avec des sensibilités différentes. Je respecte donc les sensibilités représentées sur tous les bancs de cet hémicycle. À titre d’observateur, de citoyen, de militant, je n’ai pas approuvé qu’une partie des élus de cette assemblée soit ostracisée et qu’on refuse de leur donner des places dans les instances de l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Benjamin Lucas-Lundy

C’est une remise en cause du barrage républicain !

M. Paul Vannier

Ici, ce sont les députés qui décident !

M. François Bayrou, premier ministre

Je ne suis pas parlementaire ; cependant je l’ai été, et je me suis toujours battu pour que tous les élus soient considérés à égalité de dignité,…

M. Arthur Delaporte

Dites-le à vos ministres !

M. François Bayrou, premier ministre

…pour qu’on ne refuse pas de serrer la main des uns ou de promouvoir les autres aux responsabilités. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

M. Inaki Echaniz

Certains députés RN n’ont pas serré la main d’autres députés non plus !

M. François Bayrou, premier ministre

Monsieur Vallaud, vous avez eu raison d’évoquer la solennité du moment. Je crois, comme vous, que c’est un moment important de notre histoire politique. Nous sommes en accord sur un point : il est légitime que vous vous revendiquiez de l’opposition et que vous affirmiez clairement que vous ne rejoignez pas la majorité. Selon moi, il n’y a là aucun problème.

M. Inaki Echaniz

Il n’y a pas de majorité !

M. François Bayrou, premier ministre

D’autres formations politiques soutiennent le gouvernement ; c’est plus clair ainsi. J’ai moi-même distingué trois cercles illustrant la composition de cette assemblée : ceux qui participent, ceux qui dialoguent et ceux qui s’opposent radicalement.
Vous avez raison d’évoquer les menaces qui pèsent sur notre démocratie ; c’est tout à fait vrai. J’essaierai de répondre aux questions précises que vous avez posées. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC.) Vous avez soutenu qu’il n’y avait aucune prise de position claire sur la fiscalité des hauts revenus et des hauts patrimoines, ce qui est faux.
Une taxe sur les hauts revenus a été votée au Sénat, mais cette taxe ne pas être mise en application sur les revenus perçus en 2025 car elle ne peut être rétroactive. Ce point est certain.

M. Éric Coquerel

Non, c’est faux !

M. Nicolas Sansu

Il faut un projet de loi de finances rectificatif !

M. François Bayrou, premier ministre

Nous sommes en train de travailler sur une taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines, ce qui est une manière de prendre en compte la dimension de ces patrimoines et de vérifier qu’ils n’échappent pas à l’impôt.

M. Nicolas Sansu

Il y a déjà eu des travaux sur ce sujet !

M. François Bayrou, premier ministre

Oui. Nous proposons que le débat budgétaire que vous allez conduire permette de l’évoquer.

M. Nicolas Sansu

Passons aux actes !

M. Éric Coquerel

Ce ne sera pas possible !

M. François Bayrou, premier ministre

Il semble d’après notre analyse juridique que ce sera possible sur ce point. Nous en discuterons, monsieur Coquerel. Pour le budget 2025, une évolution vers ce type de contribution sera envisagée.

M. Nicolas Sansu

En seconde lecture ?

M. François Bayrou, premier ministre

Puis-je rappeler que c’est le Parlement qui vote le budget ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.) Cela relève des cours d’éducation civique, et cela ne me paraît pas une difficulté.

M. Benjamin Lucas-Lundy

Parlez-en à Mme Borne !

M. François Bayrou, premier ministre

Deuxièmement, pour répondre à votre question précise sur l’Ondam, nous avons fait le choix d’une évolution de 3,3 %, sensiblement au-dessus de la proposition faite par le gouvernement précédent, qui s’élevait à 2,9 %.

M. Jérôme Guedj

Non, à 2,8 % !

M. François Bayrou, premier ministre

Je vous remercie, monsieur Guedj. Il s’agit d’une évolution considérable : des milliards supplémentaires sont accordés aux hôpitaux et aux Ehpad.
Troisièmement, s’agissant des jours de carence, la question s’est posée de renoncer aux trois jours ou de modifier le pourcentage de remboursement – 90 % au lieu de 100 %. Nous essayons de trouver un équilibre sur ce point, qui sera évidemment intégré au débat budgétaire. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

M. Nicolas Sansu

Quel débat ?

M. François Bayrou, Premier ministre

Ce sera avant la commission mixte paritaire.
Autre point, nous avons décidé de transformer 2 000 postes de l’éducation nationale en postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

M. Arthur Delaporte

C’est déjà le cas !

M. Erwan Balanant

Vous pouvez écouter un peu ? Pour une fois qu’un premier ministre répond précisément aux questions !

M. François Bayrou, premier ministre

Cela veut dire qu’il n’y a plus que 2 000 postes mis en question.

M. Paul Vannier

Les AESH et les enseignants, ça n’a rien à voir !

M. François Bayrou, premier ministre

Si, pour une raison très simple : nous n’arrivons pas à recruter le personnel suffisant pour les postes que nous créons. (Murmures.)

M. Sylvain Berrios

On n’est pas dans une conversation privée !

Mme la présidente

Chers collègues, veuillez laisser le premier ministre s’exprimer en réponse à toutes vos interventions.

M. François Bayrou, premier ministre

On ne peut pas imaginer durablement que le nombre d’élèves baisse sans adapter modérément…

M. Jérôme Legavre

Donc, vous supprimez des postes !

M. François Bayrou, Premier ministre

…et organiser différemment le système. Le nombre d’enseignants devant les classes sera préservé. Le nombre de postes offerts en concours ne baissera donc pas. Je tiens à la vérité : nous savons tous que ces offres, si elles sont affichées, ne sont pas toutes pourvues. Le manque d’attractivité du métier d’enseignant est devenu le problème majeur – je parle en tant qu’ancien enseignant et ancien ministre de l’éducation nationale. L’effondrement injuste et choquant de l’image des enseignants dissuade les jeunes étudiants d’embrasser le métier.

M. Rodrigo Arenas

Les salaires sont trop bas !

M. Jean-Paul Lecoq

Pourquoi y a-t-il de plus en plus d’écoles privées ?

M. François Bayrou, premier ministre

Si M. Vallaud souhaite participer à la définition d’une politique d’attractivité du métier d’enseignant, je suis d’accord pour y travailler.

M. Jean-Paul Lecoq

Augmentez les salaires !

M. François Bayrou, premier ministre

Tout à l’heure, j’ai reconnu que les questions de salaire, d’organisation du travail et de formation étaient cruciales. Le bilan de la situation des cohortes qui s’inscrivent en première année d’université est désastreux et profondément choquant pour notre éducation nationale : au bout de quatorze ou quinze années d’enseignement, certains ont toujours de grandes difficultés d’écriture ou ne sont pas capables d’écrire un texte sans fautes d’orthographe.

M. Pierre Cordier

Et on n’a jamais mis autant d’argent dans l’éducation !

M. Paul Vannier

C’est à cause de votre politique !

Mme Mathilde Panot

Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

M. François Bayrou, premier ministre

Non, madame. L’éducation nationale est en crise depuis au moins vingt-cinq ans. Il s’agit d’un véritable effondrement. Monsieur Vallaud, si vous êtes intéressé par un travail sur l’attractivité du métier d’enseignant, je vous donne mon accord pour y participer ensemble.
Je le répète, au total, il n’y aura pas de baisse des postes ouverts en concours. Ici, nous évoquons un faible nombre de postes par rapport à l’ensemble des postes – plus de 1 million. Nous nous battons donc contre des fantasmes.

M. Inaki Echaniz

La fermeture des classes, c’est un fantasme ?

M. Jean-Luc Bourgeaux

On peut s’en aller ?

M. François Bayrou, premier ministre

Qui souhaite s’en aller ?

M. Thibault Bazin

Il plaisantait ! Vous avez trop de considération pour les socialistes, nous sommes jaloux ! (Sourires.)

M. François Bayrou, premier ministre

Je vous confirme qu’il n’y aura pas de baisse des postes devant les élèves de l’éducation nationale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.) Cependant, n’oubliez pas que nous n’arrivons pas à recruter. Le nombre de postes que nous affichons est théorique, car il n’est pas atteint par le nombre de candidats aux concours.

M. Idir Boumertit

Alors, revalorisez les salaires !

M. François Bayrou, premier ministre

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, le texte adopté au Sénat prévoit une augmentation de 0,4 point, alors que les socialistes demandaient 0,5 point. Nous ne sommes pas si loin, à supposer qu’on souhaite trouver des points de rencontre.
Malgré les contraintes, le budget du fonds Chaleur est stabilisé à 820 millions. Là encore, nous pouvons trouver des points de rencontre dont les acteurs se félicitent. Le ministre des relations avec le Parlement me rappelle que le fonds Vert et le fonds Eau sont, eux, en augmentation. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.)
Il s’agit d’une augmentation de 150 millions pour le fonds Vert. La ministre de la transition écologique rappelle qu’il y aura plus de crédits de paiement en 2025 qu’en 2024.
Quant à votre demande sur le prêt à taux zéro, elle a déjà été validée, de même que la taxe sur le rachat d’actions. Cela fait huit points de rencontre sur les dix évoqués.

M. Pierre Cordier

Ce n’est pas mal, monsieur Vallaud !

Un député du groupe RN

Ça sent les fiançailles !

M. François Bayrou, premier ministre

Comme je l’ai dit à M. Peu, je vous confirme que la négociation et le travail en commun qui vont s’ouvrir sur les retraites ne sont pas tabous. Un certain nombre de partenaires sociaux et de responsables syndicaux me recommandent de ne pas m’obstiner sur une loi, car on peut faire beaucoup de choses par décret. Je traduis exactement leurs mots mais, s’il y a un accord pour une nouvelle loi, celle-ci sera évidemment examinée devant notre assemblée et au Sénat. Cela se fera rapidement, puisque je vais fixer le délai à trois mois, à la demande de plusieurs sensibilités dont vous êtes…

M. Jérôme Guedj

Avant l’été ?

M. François Bayrou, premier ministre

Oui, avant avril. En cas d’accord, une loi pourra être examinée avant l’été.

M. Laurent Jacobelli

C’est la liste de mariage ? La dot ? (Sourires.)

M. Thibault Bazin

Voici les témoins ! (Il montre les bancs du groupe RN.)

M. François Bayrou, premier ministre

Monsieur Vallaud, vous avez dit que vous étiez un homme libre et que vous l’aviez toujours été. Je vous en donne acte.

Mme Mathilde Panot

Arrêtez, monsieur le premier ministre ! Plus vous parlez, plus les socialistes risquent de voter la censure !
 

Mme la présidente

Je souhaite que M. le premier ministre puisse répondre à chacun des intervenants. Ceci est une discussion générale : nous ne sommes ni aux questions au gouvernement ni dans un débat ou une négociation. Veuillez écouter M. le premier ministre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

M. François Bayrou, premier ministre

C’est de bonne méthode, madame la présidente. S’agissant de la question légitime posée sur le budget des outre-mer, celui-ci sera maintenu, hors Mayotte et la Nouvelle-Calédonie. Les dépenses, probablement considérables, à mobiliser pour Mayotte et peut-être pour la Nouvelle-Calédonie se feront en sus du budget sanctuarisé des outre-mer, ce qui est positif.
Monsieur Wauquiez, vous avez évoqué le décrochage de notre pays. Pour vous comme pour nous, cette question est obsédante. Je vous donne raison d’appeler à prendre de la hauteur pour évoquer la stabilité et la responsabilité. En effet, cette exigence doit nous conduire à penser à la refondation de l’État, sur laquelle vous avez beaucoup insisté– je partage votre sentiment.
Vous avez appelé à réduire les dépenses inutiles. Nous nous y sommes engagés. Ce budget va probablement va plus loin dans ce sens que tous les budgets présentés précédemment. Il prendra la forme d’un chantier pour limiter les achats et s’attaquer à toutes les questions de réorganisation. J’ai annoncé la création d’un fonds, notamment alimenté par le patrimoine immobilier considérable – supérieur à 2 000 milliards – de nos administrations publiques. Ce patrimoine doit être activé au bénéfice de la réforme de l’État, à laquelle vous êtes attaché.
Vous avez soulevé la question de l’aide sociale unique. Je l’ai beaucoup défendue, mais votre proposition me pose un problème : sa limitation à 70 % du smic. Si une jeune femme perçoit l’aide sociale à l’hébergement, l’allocation pour adulte handicapé – cette dernière d’environ 1 015 euros par mois – et les allocations familiales – elle a deux enfants –, il est impossible de lui verser en tout et pour tout 70 % du smic, soit environ 960 euros, pour la bonne raison que son revenu serait largement diminué.

M. Thibault Bazin

On a exclu le handicap du périmètre de cette aide !

M. François Bayrou, premier ministre

Alors ce n’est plus une allocation unique ! Si je suis d’accord avec vous sur le principe, c’est parce que cette allocation permettrait d’y voir clair dans l’aide apportée, d’en finir avec un certain nombre de désordres et de labyrinthes ; mais, encore une fois, 70 % du smic serait profondément injuste pour des situations sociales auxquelles je ne peux accepter que l’on porte atteinte.

M. Xavier Breton

Il faut regarder !

M. François Bayrou, premier ministre

Concernant la proportionnelle, nous avons provisoirement une divergence.

M. Thibault Bazin

Profonde !

M. François Bayrou, premier ministre

Je vous propose que nous en prenions acte, et qu’ensuite nous approfondissions : l’expression des divergences permet quelquefois de progresser. Je ne suis pas sûr de vous convaincre, mais nous pouvons dialoguer à ce sujet.
Madame Chatelain, j’ai beaucoup évoqué la décarbonation de notre énergie, de notre industrie ; j’y ajoute celle des moyens de transport, ayant moi-même été le promoteur de la première ligne au monde de transport en commun à haut niveau de service, qui fonctionne – un certain nombre d’élus, ici, peuvent le confirmer, j’invite les autres à venir s’en assurer – pour le plus grand bonheur des Palois, ainsi qu’en témoigne l’augmentation de la fréquentation. C’est la même chose pour la bicyclette : on peut tout à fait progresser sur ce point.
Le Parlement a fait bouger les lignes des budgets ; vous dites que celui du fonds Vert ne suffit pas, mais nous pouvons en discuter. Celui de l’Ademe, dont je salue le président-directeur général, s’élève à 3,4 milliards : c’est conséquent. Nous aurons ainsi, je l’espère, des débats fructueux, mais non sur des déclarations de principe : s’agissant de développement durable, c’est au rendez-vous du concret que nous devons nous trouver.
Monsieur Fesneau,…

M. Stéphane Peu

Là, ce sera long !

M. François Bayrou, premier ministre

…j’aurais du mal à faire état entre nous de divergences, d’oppositions ou de confrontations, étant donné l’estime – peut-être pourrait-on parler d’affection – que j’ai pour le groupe que vous présidez, ainsi que pour vous-même. Vous avez eu raison d’illustrer dans votre propos les questions quotidiennement associées à la vie de nos compatriotes, et j’ai aimé votre idée des visages de la France.
Élargir pour les enfants le champ des possibles, en dépit des assignations, des impasses déterminées par l’origine, constitue le problème principal d’une société, voire d’une civilisation. S’il existe un point sur lequel nous constatons, sinon un échec absolu, du moins une interrogation, c’est le suivant : lorsque vous ne naissez pas dans le bon milieu, que vous n’avez pas les codes, que votre famille ne vous offre pas de chances d’obtenir, par exemple, un stage en entreprise – en la matière, même les élèves de troisième ne sont pas égaux : il y a ceux dont un proche connaît quelqu’un de bien placé, et les autres –, le champ des possibles se réduit. Cette interrogation centrale, je le répète, fixe votre cap : j’y souscris. Vous voulez faire de la lucidité, vertu à laquelle, comme vous, je suis attaché, le moteur principal de notre action.
Monsieur Berrios, en prenant pour thème le choix de la responsabilité, vous avez fait de votre propos un appel à tous les bancs de cette assemblée. J’ai été très heureux que vous citiez le discours de Bayeux, dont je me suis fait une spécialité – on pourrait y ajouter celui d’Épinal…

M. Laurent Wauquiez

Ce n’était pas la proportionnelle !

M. François Bayrou, premier ministre

Vous vous trompez, monsieur Wauquiez ; je vous croyais pourtant historien ! Permettez-moi de vous rappeler qu’en 1946, lorsque le général de Gaulle prononce ces deux discours, la France est soumise à la proportionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

M. Erwan Balanant

Exactement !

M. François Bayrou, premier ministre

Elle l’est encore, en 1958, lorsqu’il fonde la Ve République.

M. Laurent Wauquiez

Il lutte contre !

M. François Bayrou, premier ministre

Pas du tout ! Il existe – je vous les passerai, si cela vous intéresse – de nombreux textes datés de 1946, 1947, 1948, où de Gaulle défend la proportionnelle. Rappelez-vous que le parti qu’il avait créé, le Rassemblement du peuple français avait été exclu de la représentation nationale par une alliance des contraires, grâce au système des apparentements… Je vois que la mémoire vous est revenue sur ce point ! En 1958, donc,…

M. Laurent Wauquiez

Il s’en débarrasse !

M. François Bayrou, premier ministre

…la proportionnelle reste en vigueur ; c’est en 1962, en raison de la censure du gouvernement Pompidou – cela devrait vous inspirer, monsieur Wauquiez –, qu’est changé le mode de scrutin aux législatives. Ce qui a été modifié dans un sens peut être modifié dans l’autre ; la preuve en est le refus du général de Gaulle de constitutionnaliser ce mode de scrutin, qu’il décida de fixer par une simple loi, afin que des adaptations demeurent possibles.
Pour en revenir à vous, monsieur Berrios, vos propos au sujet de la dette sont aussi les nôtres, et je vous remercie de ce que vous avez dit touchant la nécessité d’agir sur la structure même de l’action publique. Je ne peux qu’apporter mon soutien à votre affirmation du caractère crucial, central, de l’action des collectivités locales, en matière aussi bien d’investissement que de modération du fonctionnement, puisqu’elles ne peuvent investir que si leur budget de fonctionnement est excédentaire – c’est ce garde-fou que vous avez appelé une règle d’or implicite. Quant à l’outre-mer, je suis, là encore, d’accord avec vous. Merci de ce que vous avez appelé votre vigilance, et de votre exigence ; elles nous seront utiles.
Monsieur Lenormand, non seulement je partage votre appel à l’humilité, mais avouez que, dans la situation où je me trouve, celle-ci s’impose. Ceux qui croiraient que l’on peut assumer ces fonctions avec le sentiment de dominer les événements, les sensibilités, les groupes, seraient légèrement présomptueux !
Vous avez également raison de défendre la richesse de la diversité. Je suis en désaccord sur ce point avec Laurent Wauquiez : la diversité est une chance, à condition que l’on apprenne à vivre avec. Le problème de ce moment démocratique, de nos assemblées, tient à ce que nous ne savons pas le faire. On échange des invectives, des injures, du moins des méta-injures ; personne n’imagine que de la diversité, du pluralisme, nous puissions faire une richesse. C’est à cela que nous appelons ; au sein du gouvernement, cette diversité est entière et assez forte. Nous avancerons dans ce sens.
Quant aux urgences, vous avez cité à juste titre l’agriculture – nous sommes nombreux à être attachés à ce secteur, mais vous conviendrez que mon histoire personnelle m’y lie particulièrement –, le pouvoir d’achat et le logement. Je répète ici ce que j’ai déclaré à la tribune : la vraie question du logement est celle de la destruction, tout au moins de l’affaiblissement du lien social entre ceux qui arrivent à en trouver un et ceux qui n’y parviennent pas. Il constitue l’une des deux politiques sociales prioritaires. Nous devons faire en sorte que l’investissement dans le logement, privé ou public, devienne plus attractif.

M. Inaki Echaniz

Et concrètement ?

M. François Bayrou, premier ministre

Ne nous barrons pas, par des normes excessives, la route de la reconstruction du pays grâce aux centaines de milliers de logements nécessaires chaque année, ne serait-ce, je l’ai dit tout à l’heure, que pour les étudiants.
Au sujet de l’outre-mer, j’ai répondu. Tout ce que vous avez évoqué, comme les membres de votre groupe, nous importe beaucoup. Vous avez abordé le sujet de la Corse : j’ai indiqué dans mon discours que l’évolution, ou la résolution, de la question institutionnelle en Corse constitue une étape indispensable, dont je me suis souvent entretenu avec les élus de l’île.
J’ai trouvé votre intervention, madame K/Bidi, émouvante et profonde. Vous avez raison de poser la question de ce qu’est l’outre-mer pour la République et la République en outre-mer. Je ne suis pas sûr que la réponse soit écrite à l’avance ; nous devrons la découvrir ensemble. C’est précisément la raison pour laquelle, j’y insiste, Manuel Valls a été choisi et nommé ministre d’État, ministre des outre-mer, placé aux tout premiers rangs dans l’ordre protocolaire du gouvernement. Ce choix profond n’avait jamais été fait dans l’histoire.
S’agissant de Mayotte, vous avez parlé de sous-développement, question qui devra bien sûr être traitée. Néanmoins, tous les territoires ultramarins méritent que l’on trouve une réponse pour garantir leur équilibre économique à l’avenir. Est-ce que nous y sommes ? Pas du tout. Pouvons-nous progresser ? Je pense que oui, grâce à un travail partagé et approfondi, notamment sur les priorités que vous avez mentionnées et qui méritent d’être rappelées.
Vous avez souligné que vous n’étiez pas des « enfants ignorants ». Je vous assure que l’admirateur de la littérature créole et de sa descendance dans la littérature française que je suis ne l’a jamais pensé une seule fois. J’étais présent aux obsèques d’Aimé Césaire, que j’avais souvent rencontré par le passé et qui a d’ailleurs écrit des propos sympathiques sur notre relation. J’avais pour lui une immense admiration. Notre chance, c’est que cette culture que vous défendez a irrigué la création française. Nous ne le disons pas suffisamment : elle est probablement une source bien plus féconde que d’autres régions qui semblent, pourtant, culturellement plus homogènes avec ce que nous sommes.
Je ferai en sorte que le gouvernement soit à la hauteur des enjeux et je suis prêt à en discuter avec vous, pour définir un programme de réflexion et de travail. Manuel Valls se tient également à votre disposition.
Quant à M. Houlié (« Il est assis en haut ! » sur quelques bancs du groupe Dem),…

M. Erwan Balanant

Il est puni !

M. François Bayrou, premier ministre

Vous avez souligné, monsieur Houlié, défenseur de l’État de droit, que mon destin n’était entre les mains de personne – et vous avez raison. Les mains que vous évoquez sont fermes, mais elles sont ouvertes. Je pense comme vous depuis longtemps, nous en avons souvent parlé ensemble, que les frontières dans lesquelles nous sommes enfermés sont des murs qui nous empêchent de travailler les uns avec les autres.
Vous défendez les valeurs qui sont les vôtres et ce n’est pas facile tous les jours. Cependant, ce n’est pas parce que l’on traverse, dans la vie politique, des moments difficiles ou que l’on siège parmi les non-inscrits qu’on n’est pas au cœur de l’actualité ou de la vie politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) J’ai moi-même siégé parmi les non-inscrits, tout comme François Mitterrand ou Aimé Césaire pendant longtemps. Il faut le prendre comme une préparation (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem), une propédeutique, un travail à conduire aussi bien sur soi-même que sur le reste de l’opinion.
Vous avez notamment évoqué, en matière d’éducation, la réforme de la formation initiale des enseignants : je voudrais y ajouter celle de la formation continue. J’ai tenté d’illustrer à la tribune cette réalité incroyable, qui constitue une véritable perte de chances : certains enseignants ont développé des stratégies pédagogiques inédites et obtenu des réussites exceptionnelles ; malheureusement, personne ne les repère ni ne sait qui ils sont et, surtout, personne ne s’inspire de leur travail pour le partager avec les autres. C’est pourquoi la formation continue est, à mes yeux, aussi importante que la formation initiale des enseignants.
Je vous remercie d’avoir participé à ce débat et je remercie madame la présidente de l’avoir présidé avec constance, rigueur et compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

Mme la présidente

Merci, monsieur le premier ministre. Le débat est clos.




Source : Assemblée Nationale.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-srb-20250114-discours-bayrou.html
 




 

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