(dépêche)
Indignation après l'interpellation de l'ex-PDG de Libération
Dimanche 30 novembre 2008 - 16h59
L'interpellation musclée de l'ancien directeur de Libération, Vittorio de Filippis, a provoqué dimanche un tollé dans le milieu politique et parmi les syndicats de journalistes.
Aujourd'hui directeur du développement du journal, Vittorio de Filippis a raconté les conditions difficiles dans lesquelles il a été interpellé vendredi à l'aube à son domicile en région parisienne dans le cadre d'une plainte en diffamation du fondateur du fournisseur d'accès internet Free, Xavier Niel.
Cette plainte vise le commentaire d'un internaute publié sur le site internet de Libération après la parution d'un article dans le quotidien sur les démêlés judiciaires de Xavier Niel.
Selon le récit de Vittorio de Filippis, il a été emmené par des policiers sous le regard de ses fils, restés seuls après son départ, et transféré menotté au tribunal de grande instance de Paris.
Après deux fouilles au corps, il a été placé en garde à vue pendant cinq heures, puis mis en examen par la juge qui avait délivré un "mandat d'amener" à son encontre, déclenchant l'opération de vendredi matin.
Dimanche, sur Europe 1, Vittorio de Filippis a jugé que les journalistes avaient malgré tout une "chance énorme" de pouvoir faire connaître leurs déboires et de ne pas en rester là.
"Comment sont traités les étrangers sans papiers qui ne parlent pas français", s'est-il interrogé.
"Sans se prononcer sur le fond de l'affaire", la ministre de la Culture, Christine Albanel a demandé dimanche dans un bref communiqué que "toute la lumière soit faite sur les circonstances" de cette interpellation.
L'UMP, par la voix du député Frédéric Lefebvre, a réclamé une enquête, jugeant les méthodes des policiers "surréalistes" et "disproportionnées".
LE JOURNALISME D'INVESTIGATION EN DANGER?
Martine Aubry, qui a pris les rênes du Parti socialiste cette semaine, a demandé à Nicolas Sarkozy que "la lumière soit faite dans les plus brefs délais sur cette affaire qui constitue manifestement une grave atteinte à la liberté de la presse et aux libertés individuelles".
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé la "démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse" et y voit une "manoeuvre de plus" pour "intimider" les journalistes.
"Une intimidation de plus, une intimidation de trop", s'élève également l'Union syndicale des journalistes CFDT.
"Cette interpellation vient s'ajouter à la tentative de perquisition dans les locaux du Canard Enchaîné, à la très contestée loi sur le secret des sources d'information des journalistes, ou encore aux dix procédures en diffamation récemment engagées par les dirigeants du groupe Caisse d'Epargne contre le site internet d'informations Médiapart", rappelle le syndicat.
Pour Reporters sans Frontières, "traiter un journaliste comme un criminel et recourir à des procédés tels que la fouille au corps est non seulement choquant, mais aussi indigne de la justice française".
Ancien ministre socialiste de la Culture, Jack Lang a écrit dimanche à la ministre de la Justice Rachida Dati. "La France est-elle encore un Etat de droit?", s'interroge-t-il.
"Depuis trop longtemps, notre pays se déshonore par des actes juridictionnels policiers contraires à la Constitution et aux conventions internationales", écrit le député PS. "J'ai honte pour notre pays".
Laure Bretton, édité par Jean-Loup Fiévet