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29 décembre 2022 4 29 /12 /décembre /2022 04:14

« Gamin, il nous amusait avec sa voix grave. À 20 ans, il possédait déjà un timbre extraordinaire, un débit incroyable et un vrai don pour l'imitation. (…) Dans ses spectacles, il atteint la perfection. C'est un gars sérieux qui ne se prend jamais au sérieux. » (le chef cuisinier Georges Blanc, le 14 novembre 2013).




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Le saltimbanque Laurent Gerra est né le 29 décembre 1967, il y a exactement 55 ans, quelque part dans l'Ain (à Bourg-en-Bresse). S'il est très connu, ce n'est pas pour sa personnalité mais pour les centaines de personnalités qu'il adore imiter. Il y a cinq ans, pour sa cuvée du cinquantenaire, il a fait un spectacle qui a réuni plus de 300 000 spectateurs dans plus de 180 représentations. Mais déjà auparavant, en 2014, il avait déjà rassemblé un total de près de 4 millions de spectateurs au cours de ses prestations sur scène depuis ses débuts.

Car Laurent Gerra, avant tout, et depuis la fin des années 1980, est un imitateur de grand talent dans la voix. Je ne sais pas si c'est inné ou s'il faut travailler inlassablement sa voix pour réussir à exploiter un tel talent (certainement les deux à la fois), mais il fait partie des très rares imitateurs qui ont su égayer les électeurs, les contribuables, les spectateurs, etc. de nombreuses personnalités publiques qui, évidemment, sont capables de dire n'importe quoi. Il est même régulièrement le comique préféré des Français, devant Gad Elmaleh et Nicolas Canteloup (sondage Harris Interactive publié dans "Télé Star" le 8 novembre 2010), figurant également au Top 50 des personnalités préférées des Français (dans le Top 10 en décembre 2012, largement devant certaines des victimes de ses imitations).

Au choix les stars du spectacle et les stars de la politique. Pour le spectacle, des personnalités des médias, de la chanson, des comédiens, des écrivains, etc. et une nette préférence pour Johnny Hallyday et pour Jeanne Moreau, régulièrement chambrés devant des millions de téléspectateurs français, au point que le chanteur téléphonait régulièrement à Michel Drucker (lui aussi régulièrement chambré) pour l'avertir qu'il allait faire la peau de Laurent Gerra (en fait, le chanteur et l'imitateur sont devenus de grands copains). Pour la politique, François Hollande, François Mitterrand, Jack Lang, Jacques Chirac, Alain Juppé, Édouard Balladur, François Fillon, François Bayrou, Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, Éric Ciotti, Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, etc. La liste exhaustive du répertoire de Laurent Gerra est difficile à tenir tant il est large et s'élargit au cours du temps. Évidemment, il a besoin de changer au fur et à mesure que le personnel politique ou les stars changent, sous peine d'être ringardisé voire incompris par les plus jeunes générations (ses imitations de Valéry Giscard d'Estaing et d'Henri Krasucki étaient très appréciées à ses débuts, mais qui aujourd'hui se souvient encore vraiment d'eux ?).

Laurent Gerra pourrait être comparé à un Thierry Le Luron (il en a le look), mais il y a une grande différence entre eux deux, en plus de l'existence de météorite qu'a eue (hélas) Thierry Le Luron, parti dès ses 34 ans au sommet de son fou rire. Thierry Le Luron était un politique, c'est-à-dire qu'il comprenait bien la vie politique, les différents protagonistes et aussi, il savait ses manques et sa collaboration avec Bernard Mabille, qui lui a écrit ses fameuses fausses conférences de presse, a été cruciale dans la permanence de son succès, même s'il avait connu le succès déjà bien avant cette collaboration. Autre collaboration de Thierry Le Luron, celle avec Pierre Desproges, jeune interviewer du grand Président chuintant.

La différence, c'est le niveau des blagues, et pour cela, Laurent Gerra est assez décevant malgré ses nombreuses publications comme scénariste de bandes dessinées (Lucky Luke, avec Achdé au dessin) ou comme auteur humoristique. En effet, ses plaisanteries s'élèvent rarement au-dessus de la ceinture, blagues de potache quasi-exclusivement scatologiques qui peuvent faire rire parfois mais qui, à la longue, sont assez lassantes alors qu'il y a tant de jeux de mots à faire ou autres plaisanteries sur l'actualité politique (et pas seulement politique), tant la période est imprévisible. Si Anne Roumanoff a su durer, c'est souvent parce qu'elle s'est fait aider pour ses textes (notamment par Bernard Mabille).

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Quelques exemples repris du livre de Laurent Gerra sur les lettres cachées de François Mitterrand à sa "maîtresse" (un véritable livre était paru ainsi) sorti en 2017 : « J’ai l’impression que notre fille cachée ne les aime pas beaucoup. L’année dernière, ils lui ont offert un Code civil. Pour se venger, elle fait un croche-pied à Robert Badinter qui est tombé dans le Grand Canal. Il était couvert d’algues et de vase, mais il n’a rien osé dire. On s’est gondolés, c’est le cas de le dire. ». Ou encore : « C’est que vois-tu, j’ai bien du souci avec ma fille aînée, la Ségolène. Je t’ai déjà dit qu’elle fréquente un grand nigaud à lunettes, encore un de ces incapables qu’elle a rencontré à l’ENA, un certain Francis Gouda, ou François Mimolette, ou peut-être Pays-Bas, je ne sais plus. Je t’en ai déjà parlé, je crois. Il a un sourire niais, la cravate toujours de travers, le derrière en arrière et il croit me plaire en racontant tout le temps des blagues idiotes. Quel lourdaud celui-là. Élisabeth Tessier, la voyante qui lit dans mes boules, m’a prédit qu’un jour il serait Président. Elle avait dû encore boire. ». Ou encore, rapportée en juillet 2014 par le "Canard enchaîné" dans un article sur l'imitateur ("Le comique tripier"), parlant du président du MoDem, François Bayrou : « Un jour à droite, un jour à gauche. C'est pour ça que les chiottes sont toujours dégueulasses. Il n'arrive jamais à viser le centre ! ». Comme on le voit, c'est très relevé...

Reconnaissant avoir eu la chance, dans ses rencontres précoces, de croiser des personnes qui l'ont tout de suite apprécié et qui lui ont mis le pied à l'étrier, Laurent Gerra a pu commencer à la télévision en décembre 1991 chez Pascal Sevran ("La chance aux chansons"), et il a acquis une forte notoriété avec son duo avec Virginie Lemoine dans l'émission de Michel Drucker, "Studio Gabriel" entre 1994 et 1997. Ce duo avait expérimenté les premières audiences à la télévision avec Jacques Martin ("Ainsi font font font") entre 1992 et 1994, tout en officiant aussi à la radio, l'émission dominicale "Rien à cirer" sur France Inter, animée par Laurent Ruquier (rencontré chez Martin), entre 1992 et 1996. Les chroniques sur RTL et une petite dizaine de spectacles (dont certains à l'Olympia) ont accaparé son emploi du temps depuis une trentaine d'années. Son spectacle au Casino de Paris avec Virginie Lemoine leur a valu le Molière du meilleur spectacle à sketchs en 1997.

Le politiquement correct se niche même dans le manque d'humour des plus nobles institutions, comme le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui a pointé dans son rapport sur le sexisme publié le 19 janvier 2019, une critique d'un texte de Laurent Gerra, comme celui d'autres humoristes, faisant « reposer leur humour sur la sexualisation des femmes imitées ».

C'est un véritable débat qui, me semble-t-il, est très inquiétant d'initier car l'humour a justement pour rôle de caricaturer la réalité, c'est-à-dire de souligner avec insistance les reproches qu'on peut faire à la société, et parmi ceux-ci, ceux de sexisme, machisme, etc. Donc, évidemment qu'un humoriste, s'il est pris au premier degré, va devenir raciste, sexiste, pervers, sadique, et tout ce qu'on veut, puisque justement, le rôle de l'humoriste, c'est ce décalage entre la bienséance et la transgression (je recommande à cet égard d'écouter attentivement l'excellente Laura Laune qui est parfaite dans la transgression, et il serait difficile de la taxer de sexiste). Quand on écoute Coluche ou Pierre Desproges, évidemment qu'il faut les prendre au second degré (voire plus) pour ne pas être choqué de leurs tirades particulièrement caustiques. À côté de ces trois derniers cités, Laurent Gerra fait même figure d'enfant de chœur avec son humour potache. Les fous du roi n'ont jamais fait la révolution.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Patrick Bouchitey.
Laurent Gerra.
Jacques Tati.
Charlie Chaplin.
Jean Roucas.
Jean Bertho.
Thierry Le Luron.
Jean Amadou.
Frédéric Fromet.
Daniel Prévost.
Coluche.
Sim.
Élie Kakou.
Pierre Desproges.
Pierre Dac.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221229-laurent-gerra.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/laurent-gerra-l-homme-qui-imite-245616

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/12/39743903.html










 

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27 décembre 2022 2 27 /12 /décembre /2022 04:48

« Comme je suis très investi sur le présent, à force d'en avoir fait un métier, sans doute encouragé par mon histoire personnelle, ma mémoire a toujours beaucoup de mal à utiliser le passé composé. Elle a flanché à de nombreuses reprises, il y a déjà très longtemps. » (Serge July, 2015).




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Et l'auteur de ces lignes poursuit, dans cette introduction de son "Dictionnaire amoureux du journalisme", chez Plon, par cette confidence : « Cette indisposition à raconter ma vie me rend inapte à écrire des mémoires sauf à les inventer à 90% : cette proportion invalide toute ambition de ce type. Il faut au moins atteindre le seuil des 50% pour se rendre intéressant, et à ce niveau, il devient possible de faire la courte échelle à son imagination pour combler ses propres défaillances. Mon cas, à cet égard, est assez désespéré. ».

C'est peu banal une telle reconnaissance d'imperfection dans le journalisme souvent représenté par des fortes têtes imbues d'elles-mêmes. Serge July, qui fête son 80e anniversaire ce mardi 27 décembre 2022, a pourtant cette discrète mais très décelable caractéristique de l'autosatisfaction dans les rares occasions où il est encore invité sur les plateaux de télévision malgré son grand âge (c'est bien connu, il n'y a jamais d'âge de la retraite pour les éditorialistes). Ces dernières années, je n'ai jamais entendu beaucoup de valeur ajoutée dans ses analyses récentes. Ainsi écrit, cela peut avoir l'air d'être méchant, c'est plutôt par étonnement que je le constate. Mais je veux bien croire qu'il n'en a pas été comme cela pendant sa très longue carrière qui est parallèle à toute la Cinquième République.

On a reproché à Patrice Duhamel d'avoir été un peu trop giscardien sur les bords et s'il n'est pas difficile de dire qu'il ne semble pas avoir beaucoup changé (même si le giscardisme, de nos jours, qu'est-ce que c'est ?). Pour Serge July, tout feu tout flamme, jeune journaliste de l'extrême gauche la plus militante, mais on ne peut même pas l'associer aux soixante-huitards car il est un peu trop âgé pour cela, on lui a beaucoup reproché de s'être assagi, de s'être confortablement installé dans son fauteuil de patron de presse, un cigare dans la bouche, oubliant ses quelques rêves marxistes voire maoïstes de préadolescents en mal de révolution culturelle. Il fait même figure de caricature, je pourrais écrire caricature du traître mais je ne suis pas gauchiste, donc je ne le sens pas traître, je le sens juste assagi.

Serge July a commencé à militer pour l'indépendance de l'Algérie, contre le retour au pouvoir de De Gaulle (il était lycéen), puis, dans les organisations syndicales étudiantes, il a milité à l'extrême gauche, chez les maoïstes, à la Gauche prolétarienne, etc. Il est d'ailleurs très étonnant qu'il n'ait pas eu une bifurcation politique, comme Henri Weber, ou même Alain Krivine, car il semblait du même bois. Peut-être trop "culturel" pour se restreindre à la seule politique politicienne ? Il a préféré au contraire prendre l'aventure très périlleuse de créer un quotidien, de le créer et de le diriger pendant plus d'une trentaine d'années.

Et ce quotidien, bien entendu, car son nom est intimement lié à ce quotidien, c'est "Libération" qu'il a cofondé le 3 février 1973 sous le haut patronage moral et intellectuel de Jean-Paul Sartre et Maurice Clavel. Le premier numéro régulier est sorti le 22 mai 1973 après deux numéros spéciaux le 5 février 1973 et le 18 avril 1973, et Serge July en fut le directeur du 24 mai 1974 au 30 juin 2006, avec des différents titres comme, à la fin, président du directoire et directeur général de la société qui gérait le quotidien.

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Parmi les revirements de Serge July qui lui ont été très reprochés, l'introduction de la publicité dans le journal le 16 février 1982. Il faut dire que le journal a toujours eu du mal à atteindre un équilibre financier durable (comme la plupart des journaux), et la capacité d'avoir une nouvelle source d'argent de la part de certains annonceurs venait mettre "du beurre dans les épinards", malgré l'emballage qui a été mis en vitrine de la manière d'un communiqué de la Pravda : « Non, "Libération" ne change pas ; c’est la publicité qui a changé. Elle est un art. On ne sait plus très bien où commence la culture et où finit la publicité. Sans elle, "Libération" eût été incomplet. » (cité par Wikipédia).

Si sa première relance en 1981 (le journal avait cessé de paraître pour des raisons financières entre février et mai 1981) a surfé sur la victoire de la gauche en 1981 (Serge July plus tard allait publier plusieurs livres à la gloire de François Mitterrand), "Libé" a été avant tout créé comme un journal libertaire et progressiste, aujourd'hui un journal "bobo", qui n'hésitait pas à susciter des polémiques, comme l'apologie de la pédophilie en publiant cette tribune de Jacques Dugué le 21 janvier 1979, alors que ce dernier était en détention provisoire et allait être condamné le 30 novembre 1981 à six ans de prison ferme pour abus sexuel sur mineur et implication dans un réseau de proxénétisme pédophile.

Cet homme écrivait en effet : « Qu'on arrête de persécuter ceux qui aiment les enfants, même s'ils les aiment aussi avec leur corps. À force de toujours les humilier, de les pousser dans leurs derniers retranchements, de toujours les obliger à renoncer, on finit par les enfermer dans un ghetto sexuel, qu'ils ne veulent plus. Et pour les enfants c'est pareil. (…) Et si vous pensez que mon comportement les a influencés, sachez qu'ils auront bien d'autres influences dans la vie, et que c'est seulement avec cette somme d'influences, qu'ils se feront homme et feront leurs propres choix. Les aimer, c'est au moins leur laisser cette liberté. Moi, je les ai aimés, et c'est pour cela que j'ai eu des relations sexuelles avec eux. Ce n'était pas de l'homosexualité. Ce n'était pas de l'hétérosexualité. Tout cela, après tout, ce ne sont que des mots. Ce n'était que de l'amour. L'amour d'un homme pour des jeunes. (…) Mais pourquoi un homme n'aurait-il pas le droit d'aimer un enfant si c'est aussi le désir et le bien de l'enfant. Quelle est la loi naturelle qui l'interdit ? (…) L'enfant a besoin et aura toujours besoin de compréhension et d'affection, et s'il le désire, la relation sexuelle est une partie de la concrétisation de cette affection, soudée dans le plaisir et la complicité. Il ira toujours vers la personne qui lui apporte cet épanouissement et cet affranchissement. ». La relecture de ce texte près de quarante-quatre années plus tard donne la mesure de la polémique, j'oserais écrire de la provocation (à l'époque déjà, ce type de tribune était bien sûr très contestée). Il faut se rappeler aussi que "Libération" subissait une rude concurrence avec "Le Matin de Paris" créé le 1
er mars 1977 par Claude Perdriel (96 ans aujourd'hui), le propriétaire du "Nouvel Observateur" (jusqu'à son dépôt de bilan le 6 mai 1987), et la gauche des années 1970 s'est rapidement déplacée sur le terrain sociétal au lieu du terrain social. Le journal de Serge July a toutefois condamné les positions pro-pédophilie à la fin des années 1970.

"Libération" première version (entre 1973 et 1981) a suscité d'autres polémiques, comme sur le négationnisme, mais sa renaissance en 1981 en a fait un journal moins d'extrême gauche et plus de gauche progressiste (soutenant François Mitterrand). Après des ventes systématiquement en baisse pendant des années, "Libération" a réussi à tripler son audience le 22 avril 2002 en publiant une une avec seulement "Non" pour signifier le refus de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.

Serge July a dû quitter le journal en 2006 à la demande de l'actionnaire principal, Édouard de Rothschild, pour une recapitalisation du journal. Laurent Joffrin lui a succédé, à l'époque directeur du "Nouvel Observateur" (après la parenthèse Nicolas Demorand, entre le 1er mars 2011 et le 2 juillet 2014, Laurent Joffrin allait faire son retour jusqu'au 16 juillet 2020, date du début de son engagement politique en faveur d'un mouvement social-démocrate qui n'a pas trouvé son public).

Parallèlement à son métier principal qui a été de diriger "Libération", Serge July a régulièrement fait des éditoriaux dans l'audiovisuel, en particulier sur Europe 1, sur RTL, sur LCI, etc. Il a été également l'un des deux protagonistes des débats hebdomadaires avec Philippe Alexandre pour commenter l'actualité de la semaine, d'abord sur TF1 sous la houlette de Michèle Cotta, puis sur France 3 (le dimanche soir) animé par Christine Ockrent, affrontements popularisés par les Guignols de l'Infos, ce qui a valu au journaliste une marionnette (ce qui était assez rare chez les journalistes).

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Si, lorsque je l'entends à la télévision, je suis donc un peu agacé par son cabotinage assez vain, je ne le suis pas du tout pour son parti-pris. Au contraire, je n'ai pas ses idées (pas du tout, je pense même) mais j'aime ceux qui ont des convictions et qui sont capables de les défendre, même s'ils sont minoritaires. Le tout est d'en être averti : soit un éditorialiste tente l'impartialité, la neutralité et dans ce cas, il faut qu'il s'exprime de façon suffisamment neutre pour que le public ne puisse pas imaginer la nature de ses votes ; soit le parti-pris est total, et ce point de vue est également intéressant, sachant d'où cela part.

C'est ce que tentait d'exprimer Serge July dans cette même introduction de son Dictionnaire amoureux : « Quand on fait des choix, on s'engage. Je ne me suis pas dérobé. Mon parti-pris est celui d'un journaliste, qui connaît les faces noires et grises de cette profession, mais qui n'oublie ni son utilité ni les réussites collectives et individuelles. Ma devise, je l'ai empruntée à Bernard Voyenne, qui enseignait cette vérité essentielle : "Aucun journal n'est objectif, la presse l'est". C'est une discipline assez particulière. À cet égard, mon expérience m'a servi de guide. Et j'ai beaucoup pratiqué. J'ai fait bien sûr des erreurs, je n'ai pas cherché à les dissimuler : elles ont aussi leur place. J'ai cherché enfin à ne pas être toujours de mon avis. ».

Cette dernière phrase permet de mieux cerner Serge July, personnalité certainement plus complexe que la caricature qu'on pourrait en avoir par distraction. Avec cette dose d'autodérision qui lui permet de commencer son dictionnaire par le florilège de tous ceux qui ont fustigé les journalistes, à commencer par Voltaire lui-même qui a lâché sans aucune empathie : « La presse, il faut l'avouer, est devenue l'un des fléaux de la société et un brigandage intolérable. ». Certains, aujourd'hui, seraient d'avis de reprendre à leur compte cette rancœur acide du grand philosophe des Lumières. Et Serge July, en la mettant en vitrine parmi d'autres, est évidemment encore prêt à en découdre. Tout octogénaire qu'il soit devenu.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Catherine Nay.
Serge July.
La BBC fête son centenaire.
Philippe Alexandre.
Alain Duhamel.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221227-serge-july.html

https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/serge-july-libere-245612

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25 décembre 2022 7 25 /12 /décembre /2022 04:35

Joyeux Noël 2022 !




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Mon titre provient de l'Évangile selon saint Jean pour expliquer que Marie et Joseph n'avaient nul endroit pour faire naître Jésus-Christ, d'où une étable, aux côtés d'un âne et d'un bœuf. Saint Luc a fait dire à Jésus plus tard : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. ». Ces deux phrases ont été citées par le pape François lors de son audience générale peu avant Noël de l'an dernier, le 22 décembre 2021 à la Salle Paul-VI et il insistait sur l'un des messages de l'Église et en particulier un message de Noël : « Le message des évangiles est clair : la naissance de Jésus est un événement universel qui concerne tous les hommes. ». Il faut bien sûr comprendre : qui concerne tous les hommes et les femmes !

Pour mieux comprendre le message du pape, il faut remonter cinq années en arrière, dans sa déclaration urbi et orbi du 25 décembre 2017, au balcon central de la Basilique Saint-Pierre de Rome. Le pape François avait voulu alors parler des migrants. Des réfugiés.

Pour lui, fêter la naissance du Christ est évidemment essentielle : « Cet événement se renouvelle aujourd’hui dans l’Église, en pèlerinage dans le temps : la foi du peuple chrétien revit dans la liturgie de Noël le mystère de Dieu qui vient, qui prend notre chair mortelle, qui se fait petit et pauvre pour nous sauver. Et cela nous nous remplit d’émotion, parce que la tendresse de notre Père est très grande. ».

Il a dit en particulier, de manière très forte : « Aujourd’hui, alors que soufflent sur le monde des vents de guerre et qu’un modèle de développement déjà dépassé continue à engendrer de la dégradation humaine, sociale et environnementale, Noël nous renvoie au signe de l’Enfant, et nous appelle à le reconnaître sur les visages des enfants, spécialement de ceux pour qui, comme pour Jésus, "il n’y a plus de place dans la salle commune". ».

Pour parler plus clairement, le pape François a cité les réfugiés de tout lieu : « Nous voyons Jésus dans les nombreux enfants contraints de quitter leurs propres pays, de voyager seuls dans des conditions inhumaines, proies faciles des trafiquants d’êtres humains. Dans leurs yeux, voyons le drame de tant de migrants forcés qui mettent en danger même leur vie pour affronter des voyages exténuants qui tant de fois finissent en tragédie. Je revois Jésus dans les enfants que j’ai rencontré durant mon dernier voyage au Myanmar et au Bangladesh, et je souhaite que la communauté internationale ne cesse pas d’agir pour que la dignité des minorités présentes dans la région soit adéquatement protégée. Jésus connaît bien la souffrance de ne pas être accueilli et la fatigue de ne pas avoir un lieu où pouvoir reposer la tête. Que notre cœur ne soit pas fermé comme le furent les maisons de Bethléem. ».

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On pouvait imaginer, en évoquant les voyages à Noël que l'idée était de permettre au Père Noël de prendre ses quartiers d'été, sur une plage de sable fin, près de la mer bleue et à l'ombre des cocotiers dans une île paradisiaque lointaine. Non, le pape est très conscient des réalités du monde pour rêver. Il rappelle que la plupart des voyages sont contraints et pénibles, et même périlleux, que beaucoup y laissent leur vie et ceux qui arrivent n'ont aucune terre où s'installer, aucune maison où s'abriter. Heureusement qu'une autorité morale telle que le pape, plus universelle que pour les seuls catholiques, puissent rappeler cette vérité pourtant élémentaire. Avec les bouleversements climatiques qui se profilent, nul n'est à l'abri de l'exil.

Mais Noël, c'est aussi un retour en enfance, les nombreux téléfilms américains qui, depuis une dizaine d'années, envahissent nos écrans de télévision montrent une chose également évidente : on croit préparer Noël pour ses enfants et en fait, on le prépare pour les enfants qu'on était soi-même, comme un voyage dans le temps. Un voyage vers son enfance, à l'époque où on évoluait sans pollution du monde ambiant.

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Née un jour de Noël, la chanteuse Claudie Fritsch-Mentrop, plus connue sous son nom de scène Desireless, fête son 70e anniversaire ce dimanche 25 décembre 2022. Elle continue toujours à chanter avec son air faussement androgyne, malgré les rides et le temps qui passe et en abandonnant son étonnante chevelure en brosse. Elle avait chanté un tube mondialement très connu dans les années 1980.

En effet, la chanson "Voyage, voyage", écrite et composée par Jean-Michel Rivat et Dominique Dubois initialement prévue pour Michel Delpech qui l'a refusée, a été proposée à Claudie dont Jean-Michel Rivat a trouvé le pseudonyme, Desireless pour évoquer une observation du monde avec détachement, sans désir. "Voyage, voyage" est sorti en 1986 et a été un disque d'or (plus de 500 000 exemplaires vendus). Conçu comme un rite initiatique, un voyage intérieur, ce voyage est aussi, pour "nous", adultes déjà bien "mûrs", comme un véritable voyage dans les temps anciens où nous étions jeunes et beaux ! Comme une liturgie nostalgique.

Alors, sans oublier que l'humanité est d'abord une solidarité, joyeux Noël et joyeux voyage ! Dans une émotion autant universelle, introspective que solidaire.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (24 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Desireless.
Joyeux Noël !
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Dis seulement une parole et je serai guéri.
Noël à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.






https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221225-desireless.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/17/39749558.html





 

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22 décembre 2022 4 22 /12 /décembre /2022 04:07

« Mes parents ont eux aussi toujours voté à gauche. C'est une tradition. Je ne voterai jamais à droite. » (Carla Bruni, entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2007 dans "The Sunday Herald", en justifiant qu'elle voterait Ségolène Royal si elle était électrice française).




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La chanteuse Carla Bruni a 55 ans ce vendredi 23 décembre 2022. Issue d'une riche famille industrielle de Turin qui a fait fortune dans les pneumatiques, Carla Bruni vit en France depuis l'âge de 7 ans en raison de la peur des enlèvements par les Brigades rouges de membres de la famille d'industriels. Son mariage le 2 février 2008 avec le Président de la République en exercice, Nicolas Sarkozy, a étonné et a suscité bien des sarcasmes. Quinze ans sont passés et ils sont toujours mariés, alors qu'elle était réputée pour ses nombreuses relations dans le monde de la culture et des médias.

Très étonnante que cette union de deux personnalités très fortes et très différentes, mais qui sont fascinés l'un par l'autre. Carla Bruni est plutôt d'un milieu de gauche, des milieux de la culture, sa mère, pianiste et actrice, a beaucoup aidé la trajectoire politique de François Mitterrand. Sa grande sœur (demi-sœur) Valeria Bruni Tadeschi est une actrice et réalisatrice très réputée. Elle a appris avant la mort de son père, l'industriel mais aussi le compositeur d'opéra dont elle était fière, que celui-ci n'était pas son père biologique, son père biologique était un amant de passage qu'elle a rencontré, mais cela n'a changé en rien, le père, qui avait plus de cinquante d'ans de différence, l'a toujours considérée comme sa fille.

Dans ce couple de l'ancienne première dame, à l'évidence, la partie la plus aisée n'est certainement pas le mari. Mannequin à l'âge de 20 ans, photographiée par les plus grands photographes, parfois dénudée (photographiées entre autres par Helmut Newton), à l'occasion actrice dans de rares films, puis se redéployant dans la chanson française, d'abord par l'écriture de textes pour Julien Clerc en 1999, puis, à partir de 2002, par leur composition et leur interprétation elles-mêmes (Vanessa Paradis, qui avait reçu d'elle des textes lui a conseillé de les interpréter elle-même car ils étaient très personnels). Bonne pioche : après la sortie de son premier album "Quelqu'un m'a dit", qui a été vendu à plus de 2 millions d'exemplaires, Carla Bruni a reçu la Victoire de la musique de l'interprète féminine de l'année en 2004.

Par la suite, elle a sorti six autres albums, dont un concert à l'Olympia. Elle a toujours été très discrète (elle n'est pas retournée sur scène pendant le quinquennat de son mari). Elle a été aussi très discrète comme première dame de France, refusant de se mêler de la vie politique même si elle a apporté une précieuse aide à son mari à plusieurs moments. Si elle avait participé au grand meeting électoral de Ségolène Royal le 1er mai 2007 pour la soutenir et milité très activement (au Zénith) contre la proposition inquiétante de Thierry Mariani (à l'époque député UMP et maintenant élu RN !) sur l'utilisation de tests ADN pour le regroupement familial, elle a par la suite été plus distante de la gauche et a soutenu par amour son époux, notamment lors de l'élection présidentielle de 2012.

Leur rencontre était presque arrangée. Après son divorce annoncé le 18 octobre 2007 (sans précédent à l'Élysée), Nicolas Sarkozy a rencontré Carla Bruni au cours d'un dîner initié le 13 novembre 2007 par Jacques Séguéla où se trouvaient aussi Luc Ferry et son épouse. Cela aurait été tout de suite le coup de foudre, et chacun ayant un enfant, l'idylle fut dévoilée au grand public le 15 décembre 2007 lors d'une visite du Parc Eurodisney puis le 5 janvier 2008 lors d'un voyage touristique en Jordanie, aux ruines de la cité de Pétra. Lors de sa première conférence de presse pour adresser ses vœux, le 8 janvier 2008, Nicolas Sarkozy a abordé le sujet de sa vie affective (c'était sans précédent) : « Avec Carla, nous avons décidé de ne pas mentir. Nous ne voulons rien instrumentaliser, mais nous ne voulions pas nous cacher. Je ne voulais pas qu'on prenne une photo de moi au petit matin. Glauque. Et puis vous l'avez compris, c'est du sérieux. Mais ce n'est pas le JDD qui fixera la date. ». Son successeur François Hollande, quant à lui, n'a pas été pris en photo au petit matin, mais la nuit sur un ridicule scooter pour aller rejoindre sa nouvelle compagne, tandis qu'il n'avait pas encore "congédié" la précédente.


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Le mariage fut conclu le 2 février 2008 très discrètement dans les salons de l'Élysée par le maire du 8e arrondissement (où se trouve le Palais de l'Élysée). Les liens du mariage étaient nécessaires par exemple lors d'une visite d'État en Grande-Bretagne, où ils étaient reçus par la reine Élisabeth II, également lors d'un voyage officiel en Inde. Après ce mariage, le bonheur était de courte durée : la situation internationale s'est aggravée, et Nicolas Sarkozy allait gérer la crise financière de 2008, les printemps arabes et les événements en Syrie et en Libye, etc. Événement sans précédent, le Président de la République en exercice est devenue une nouvelle fois père, avec Carla Bruni, le 19 octobre 2011 et cette information a fait tellement fureur que la candidate d'extrême droite Marine Le Pen a critiqué jusqu'au choix du prénom, anticipant les délires intellectuello-xénophobes du polémiste Éric Zemmour.

Épaulée par Pierre Charon, qui connaît bien la maison élyséenne et futur sénateur, Carla Bruni-Sarkozy a créé une fondation le 23 avril 2009 contre l'illettrisme et les inégalités sociales pour l'accès à la culture. Elle a mis beaucoup de liant dans les relations autour de Nicolas Sarkozy jusqu'à être considérée comme « incontournable ».

Choquée par la haine déversée sur la personne de son mari, Carla Bruni a soutenu très activement Nicolas Sarkozy pour sa réélection en 2012. Dans un entretien accordé à Bruno Duquesne et enregistré le 17 octobre 2011 pour son émission "Complément d'enquête" diffusée trois jours plus tard sur France 2, Carla Bruni a déclaré : « En tant qu'être humain, parfois, je suis un peu effrayée par la cruauté et l'acharnement médiatiques. Mais, en tant que citoyenne, oui, je suis pour qu'il soit candidat pour mon pays. (…) Nous en parlons quelquefois ensemble. La décision lui appartient. Vous savez, moi, je l'observe de très très près. Alors on peut dire que je ne suis pas objective (...), mais j'observe la quantité de travail qu'il accomplit et, effectivement, pour mon pays, je souhaite qu'il soit candidat. (…) Il a vieilli, il a mûri, il est plus calme. ». Il n'est toutefois pas parvenu à se faire réélire.

C'est ce qu'écrivent Patrice Duhamel et Jacques Santamaria, auteurs d'un livre sur le Palais de l'Élysée (chez Plon) qui évoquent ainsi une certaine soif de revanche : « Carla a, elle aussi, une revanche à prendre. En quittant le Palais, elle en veut aux médias, à tous ces journalistes qu'elle déteste pour s'être montrés injustes envers Nicolas Sarkozy. En réalité, et malgré nombre de mauvais souvenirs, ses proches le confirment, elle n'a longtemps qu'une idée en tête : revenir à l'Élysée. Et tout faire pour aider son mari à y parvenir. Très présente pendant la campagne des primaires en 2016, elle ne pourra éviter l'échec de Nicolas. Pour elle aussi, la page est définitivement tournée. ».


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Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2022)
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Pour aller plus loin :
Nicolas Sarkozy.
Jane Birkin.
Patrick Bouchitey.

Carla Bruni.
Vanessa Paradis.
Laurent Gerra.
Desireless.
Robert Clary.
Olivia Newton-John.
Michel Berger.
France Gall.
Marilyn Monroe.
Guy Marchand.
Vangelis.
Renaud.
Michel Sardou.
Michel Jonasz.
Patricia Kaas.
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21 décembre 2022 3 21 /12 /décembre /2022 04:35

« Je fais des disques tous les cinq six ans, et c'est vrai, en fait, il faudrait enregistrer des disques après les tournées, parce que le muscle de votre voix est à son maximum, la voix est ouverte, et puis elle est puissante et tout... et en général, quand on a fini de tourner, on va se reposer, on fait autre chose, donc on n'enregistre pas des disques. » (Vanessa Paradis, le 27 novembre 2018 sur France Inter).




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La chanteuse et actrice Vanessa Paradis fête son 50e anniversaire ce jeudi 22 décembre 2022. C'est toujours étonnant l'effet du temps lorsqu'un artiste réussit à durer aussi longtemps dans sa carrière. Pour Vanessa Paradis, c'était en plus particulier puisqu'elle a commencé sur scène adolescente, à 14 ans, dans une première chanson interprétée qui fut un immense succès international. En fait, cela fait déjà longtemps que Vanessa Paradis est ce qu'on appelle une femme mûre, dans le sens positif du terme, à savoir, une femme qui a bien maîtrisé sa carrière d'artiste, tant au cinéma que dans la chanson, et même depuis quelques années, au théâtre.

Passionné par l'histoire de la musique, André Manoukian a raconté comment Vanessa Paradis a commencé, de manière très étonnante. Fascinée par Sophie Marceau comme toutes les filles de son âge à cause du film "La Boum", Vanessa Paradis a réussi à assister à l'enregistrement d'un disque de la jeune actrice (qui n'a pas été un grand succès), grâce au réseau de son oncle acteur et producteur.

Dans le studio, elle a rencontré des producteurs, et elle se disait qu'elle aimerait être au micro à la place de Sophie Marceau. L'un l'a écoutée, et séduit, a proposé une chanson spécialement pour elle, mais pas une chanson nunuche pour ado, au contraire, un chanson sur la vie nocturne, plutôt pour "adultes" : "Joe le taxi" écrite par Étienne Roda-Gil et composé par Franck Langolff. Plusieurs maisons d'édition ont refusé la maquette, considérant la chanson trop "audacieuse" et faire travailler des mineurs reste compliqué, il faut beaucoup d'autorisations pour aller faire le service après-vente sur les plateaux de télévision etc. Finalement, une maison d'édition a accepté de prendre le risque, et ce fut le jackpot pour la chanson sortie le 27 avril 1987. Mais ce n'était pas du tout évident au départ. Sa chanson, qui a été vendue en 4,5 millions d'exemplaires, a eu un succès international aussi important que "Je t'aime... moi non plus" de Serge Gainsbourg et Jane Birkin en 1969.

Quelques années plus tard, Vanessa Paradis a démarré également une carrière de star du cinéma en tournant dans "Noce blanche" de Jean-Claude Brisseau (sorti le 8 novembre 1989), où elle joue un duo avec le très talentueux Bruno Cremer, l'élève amoureuse de son prof. À l'origine, Charlotte Valandray aurait dû prendre le rôle, mais le producteur avait refusé en raison de sa maladie selon l'actrice (mais le réalisateur a déclaré que Vanessa Paradis était plus faite pour ce rôle) et Alain Delon avait été pressenti pour le rôle de l'enseignant.

Là aussi, pour une première fois, ce fut un grand succès qui lui a valu le César du meilleur espoir féminin en 1990, alors que la même année, elle a reçu aussi la Victoire de la musique de l'artiste interprète féminine de l'année. Elle a cumulé les Victoires de la musique, en tout sept (1990, 1991, 2008, 2009, 2012, 2014), plus sept autres nominations aux Victoires, une nomination aux Césars de la meilleure actrice en 2000 et une nomination pour le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé en 2022 pour sa première pièce de théâtre "Maman", pièce de Samuel Benchetrit, son mari depuis 2018, jouée de septembre 2021 à janvier 2022 au Théâtre Édouard-VII à Paris. Sa consécration comme comédienne fut peut-être d'avoir été désignée présidente de la 43e cérémonie des Césars en 2018.

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Sa carrière cinématographique s'est épanouie comme sa carrière de chanteuse. Elle a tourné dans plusieurs dizaines de films, en particulier "Élisa" de Jean Becker (sorti le 1er février 1995) avec Gérard Depardieu, Clotilde Courau, Michel Bouquet, Philippe Léotard, José Garcia, Firmine Richard et Melvil Poupaud, "La Fille du pont" de Patrice Leconte (sorti le 31 mars 1999) avec Daniel Auteuil, "L'Arnacœur" de Pascal Chaumeil (sorti le 17 mars 2010) avec Romain Duris, Julie Ferrier et François Damien, "Sous les jupes des filles" d'Audrey Dana (sorti le 4 juin 2014) avec Isabelle Adjani, Julie Ferrier, Audrey Fleurot, Alice Belaïdi, Laetitia Casta, Géraldine Nacache, Sylvie Testud, etc., "Maryline" de Guillaume Gallienne (sorti le 17 novembre 2017) avec Adeline d'Hermy, Éric Ruf et Xavier Beauvois. Ses derniers films furent "Les Deux Alfred" de Bruno Podalydès (sorti le 16 juin 2021) avec Bruno et Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Michel Vuillermoz, etc., et "Cette musique ne joue pour personne" de Samuel Benchetrit (sorti le 29 septembre 2021) avec Ramzy Bédia, François Damien, JoeyStarr, Valeria Bruni Tadeschi etc. Parallèlement, elle a aussi suivi une carrière de mannequin pour la marque Chanel à partir de 1991.

Dans sa carrière de chanteuse, Vanessa Paradis a fait de très nombreuses collaborations avec d'autres artistes, comme en 1990 avec Serge Gainsbourg, et même parfois à l'improviste comme avec Jeanne Moreau lors de la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes le 17 mai 1995. Alain Souchon et Renaud lui ont écrit des chansons. Michel Berger avait prévu de lui écrire des chansons mais il n'en a pas eu le temps. Carla Bruni lui a aussi écrit des chansons en 2001, mais trop personnelles, Vanessa Paradis a finalement laissé la future première dame les interpréter. Au cinéma, Jean-Pierre Jeunet lui a proposé le rôle d'Audrey Toutou dans "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain" mais elle a dû y renoncer à cause d'un album à lancer et d'un film à tourner. Dans sa vie affective, elle a croisé quelques stars, comme Florent Pagny (1988 à 1991) et surtout, Johnny Depp (1998 à 2012) avec qui elle a eu deux enfants dont l'actrice Lily-Rose Depp. Accusé de violences conjugales, l'acteur américain a été soutenu par son ancienne compagne qui ne l'a jamais connu violent et qui a témoigné au procès contre "The Sun" en affirmant que son ancien mari était « une personne et un père gentil, attentif, généreux et non-violent ».

J'ai eu le bonheur d'assister à un de ses concerts le 27 novembre 2018 au Studio 104 de la Maison de la Radio, retransmis en direct sur France Inter (on peut le réécouter ici), dans le cadre de ses activités pour promouvoir son dernier album "La Source" sorti le 16 novembre 2018 (avec un titre prémonitoire, "Kiev"). J'ai entendu une chanteuse avec beaucoup de personnalité et de créativité, électron libre de la chanson française, très loin de l'image de la midinette ado de Joe le Taxi.

Voici quelques vidéos pour mieux la connaître...


1. Vanessa Paradis : "Joe le Taxi" (1987)






2. André Manoukian raconte "Joe le Taxi" (2022)






3. Vanessa Paradis : "Marilyn & John" (1988)






4. Serge Gainsbourg : "Élisa" (1995 pour la bande originale)






5. Vanessa Paradis : "Kiev" (2018)






6. Vanessa Paradis : "Ces mots simples" (2018)






7. Vanessa Paradis remercie le personnel soignant pendant la crise du covid-19 (2020)







8. Vanessa Paradis invitée du journal télévisé de 20 heures le 12 septembre 2021 sur France 2






Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2022)
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Pour aller plus loin :
Concert de Vanessa Paradis du 27 novembre 2018 au Studio 104 de la Maison de la Radio (fichier .mp3 à télécharger).
Jane Birkin.
Patrick Bouchitey.
Carla Bruni.
Vanessa Paradis.
Laurent Gerra.
Desireless.
Robert Clary.
Olivia Newton-John.
Michel Berger.
France Gall.
Marilyn Monroe.
Guy Marchand.
Vangelis.
Renaud.
Michel Sardou.
Michel Jonasz.
Patricia Kaas.
Kim Wilde.

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7 décembre 2022 3 07 /12 /décembre /2022 04:43

« En douce, [je] vais [au cinéma] autant que je peux, parfois en resquillant quand je n’ai pas d’argent et pour en avoir, je vole dans le porte-monnaie de maman ou bien je supplie mon père qui se laisse faire. Parfois j’arrive à voir deux films le mercredi, deux le samedi et encore le dimanche après-midi… et puis, à cette époque, on peut entrer quand on veut, même si le film est déjà commencé et rester à plusieurs séances. » (Mylène Demongeot, 2007).




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L'actrice Mylène Demongeot est morte le jeudi 1er décembre 2022 à Paris, des suites d'une saleté de maladie à l'âge de 87 ans (à moitié ukrainienne et un quart italienne, elle est née Marie-Hélène le 29 septembre 1935 à Nice). Son plus grand malheur aurait été de « mourir sans personne pour me tenir la main », j'espère qu'elle n'a pas connu cela à l'hôpital.

Elle a fait partie de ces comédiennes qui furent, jeunes, des égéries du cinéma et qui, acceptant la progression des années, au lieu de se protéger des projecteurs comme Brigitte Bardot, ont accepté de prendre des rôles de femmes mûres voire de grand-mères, à l'instar de Simone Signoret mais aussi de plein d'autres, Jeanne Moreau, Danielle Darrieux, Line Renaud, etc. et des actrices comme Catherine Deneuve font de même, avec une belle élégance.

Brièvement top model, Mylène Demongeot a suivi le cours Simon sur recommandation de ses amies, où elle a croisé entre autres Guy Bedos, Jean Amadou et Nadine de Rothschild.

À partir de 1953, Mylène Demongeot a multiplié les petits rôles au cinéma et les poses photographiques pour des publicités (son premier mari fut un photographe), et l'une des photographies a convaincu le réalisateur Raymond Rouleau de l'enrôler pour "Les Sorcières de Salem" (sorti le 26 avril 1957), aux côtés du couple mythique Simone Signoret et Yves Montand. Il s'agissait de faire une critique du maccarthysme en évoquant les procès en sorcellerie du XVIIe siècle, une adaptation du roman d'Arthur Miller scénarisé par Jean-Paul Sartre.

Mylène Demongeot a raconté le dernier quart d'heure de tournage avec Raymond Rouleau, en évoquant son personnage Abigaïl Williams, une servante qui, par vengeance, a accusé beaucoup de personnes de sorcellerie : « Sa vie est finie, son échec est total. Elle a fait mourir des tas de gens pour rien (…). "Tu fais ce que tu veux, me dit-il d’un ton rogue. Je ne la tournerai qu'une fois". Piquée au vif, je mets tout mon "art" dans cette prise. Tiens ! Je vais lui montrer ! Je deviens folle de douleur ! Et c'est mon meilleur plan du film, sans aucun doute. En tout cas, mon préféré. Rouleau est tout surpris. Il me semble me souvenir qu'il va même jusqu'à me féliciter… Voilà. Le film est fini. Tout le monde est sur les rotules, surtout Rouleau, mais lui, maintenant, doit s'attaquer au montage. ».

Ce fut un bon succès en salles et chez les critiques, et le film a véritablement lancé la carrière cinématographique de Mylène Domongeot à l'âge de 21 ans, au point de rivaliser avec Brigitte Bardot (qui était par ailleurs son amie). Bien plus tard, dans une émission de radio le 19 août 2009 sur Europe 1, elle confia qu'Arthur Miller avait bloqué ce film (car il détenait les droits d'auteur), ce qui expliquait pourquoi ce film était difficilement trouvable pendant très longtemps, car il voulait se venger d'Yves Montand, scandalisé par sa liaison avec Marilyn Monroe, son épouse.

À la différence de Brigitte Bardot, Mylène Demongeot a tenté de diversifier ses rôles, mais les plus appréciés étaient toutefois ceux de la jeune femme blonde sensuelle. Elle a joué notamment dans "Bonjour tristesse" d'Otto Preminger (sorti le 15 janvier 1958), l'adaptation du premier roman de Françoise Sagan, avec Deborah Kerr, Jean Seberg et David Niven ; "Sois belle et tais-toi" de Marc Allégret (sorti le 7 mai 1958) avec Béatrice Altariba, Henri Vidal, Roger Hanin, Darry Cowl, Robert Dalban et deux débutants, Jean-Paul Belmondo et Alain Delon (Roger Vadim en a fait le scénario pour Brigitte Bardot et comme elle ne pouvait ou voulait pas le tourner, ce fut Mylène Demongeot qui l'a remplacée : « Film gentil. Film charmant. Comédie bébête qui marchera bien commercialement et m’apporte encore de nouveaux admirateurs, mais film que je n’aurais jamais dû faire. ») ; "Les Garçons" de Mauro Bolognini (sorti le 12 novembre 1959) avec Laurent Terzieff, aussi Jean-Claude Brialy ; "La Bataille de Marathon", un péplum de Jacques Tourneur, Mario Brava et Bruno Vailati (sorti le 3 décembre 1959) avec Steve Reeves.

Mylène Demongeot est devenue une star populaire très appréciée après la sortie de deux séries de films très célèbres, celle des "Trois Mousquetaires" de Bernard Borderie, avec, entre autres, Gérard Barray, Georges Descrières et Jean Carmet (sortie en octobre 1961), elle jouait Milady de Winter, et celle des "Fantomas" d'André Hunebelle, avec Louis de Funès et Jean Marais (sortie entre 1964 et 1967). Ces deux séries sont les plus mémorables souvenirs populaires pour Mylène Demongeot. Sur le tournage de "Fantomas", l'actrice a témoigné : « Avec [Louis de Funès], on travaille dur sur le rythme, mais c’est payant. Il est exigeant et il a raison. J’aime ça. Hunebelle est un vieux monsieur délicieusement courtois et bien élevé. Tournage très agréable. ».

Ses partenaires au cinéma étaient nombreux, comme (en plus de ceux cités, avant ou après) Roger Moore, Curd Jürgend, Sami Frey, Claude Rich, Bernard Blier, Claude Piéplu, Charles Vanel, Michèle Laroque, Hélène de Fougerolles, Michel Duchaussy, Valérie Kaprisky, Zinedine Soualem, etc. Elle appréciait aussi beaucoup Henri Salvador (témoin de son second mariage), Pierre Richard et Francis Blanche. De 1966 jusqu'à la mort en 1999, elle est mariée en secondes noces avec Marc Simenon, le fils aîné du grand romancier et également réalisateur, et Mylène Demongeot a préféré l'aider dans la production de ses films en ralentissant sa propre activité d'actrice, tout en jouant dans ses quelques films.

Notamment le dernier, "Signé Furax" (sorti le 1er avril 1981), d'après un scénario de Pierre Dac et Francis Blanche, avec un grand nombre d'acteurs, comme Bernard Haller, Pierre Tchernia, Maurice Risch, Claude Villers, Pierre Tornade, Dany Saval, Pierre Desproges, Coluche, Jean-Pierre Darras, Michel Galabru, Jean-Marc Thibault, Roger Carel, Paul Préboist, Michel Constantin, Jean Le Poulain, Pierre Mondy, Daniel Gélin, Xavier Gélin (également coscénariste), Fanny Cottençon, Gérard Hernandez, Jean Richard, Jacques Rouland, Philippe Castelli, Henri Virlojeux, Mario David, etc. Malgré le casting exceptionnel et la renommée du titre, le film a été un échec commercial, peut-être à cause de sa sortie en pleine campagne présidentielle.

Des années 1970 jusqu'aux années 2020, Mylène Demongeot n'a jamais disparu des écrans, tant du cinéma que de la télévision, voire de la scène du théâtre. Ses partenaires au théâtre étaient entre autres Michel Serrault, Didier Long, Jean Babilée, Daniel Auteuil, Bernard Giraudeau, etc. (« Jouer avec Giraudeau, c’est vraiment bien. Certains soirs nous atteignons une espèce de folie violente. J’aime ça. »). Elle a eu certes un énorme passage à vide après la mort de son mari en octobre 1999, le théâtre pour surnager, puis le retour au cinéma avec "36 Quai des Orfèvres" (voir plus loin).

À la télévision, elle a tourné la petite série "Marion" réalisée par Jean Pignol, diffusée sur TF1 du 28 mai 1982 au 9 juillet 1982, où elle est le personnage principal, détective d'une agence d'assurance (avec Florent Pagny, Henri Virlojeux, Xavier Deluc, Yves Barsacq, etc.). Pour la télévision, elle a aussi accepté de participer à quelques émissions, comme l'incontournable "Vivement Dimanche" de Michel Drucker le 8 mars 2015, mais aussi d'autres émissions moins connues, comme celle qui l'a montrée en compagnie de ses neuf chats chez elle, près de Château-Gontier, dans la Mayenne, le 10 novembre 2019 sur TF1, "La vie secrète des chats", intitulée spécialement pour l'actrice "Naturellement chat !".

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Au cinéma, on retiendra évidemment son grand retour dans le cinéma populaire avec la série "Camping" de Fabien Onteniente (sortie de 2006 à 2016), où elle est Laurette Pic, la femme de Jacky, joué par Claude Brasseur, un couple de campeurs, vieux habitués du même camping (elle ne connaissait pas du tout ce milieu), aux côtés de Franck Dubosc, Mathilde Seigner, Gérard Lanvin, Frédérique Bel, Antoine Duléry, Richard Anconina, etc.

Mais encore récemment, Mylène Demongeot a joué dans des films différents, comme "Victoire" de Stéphanie Murat (sorti le 22 décembre 2004), avec Sylvie Testud, dont elle est la mère, Pierre Arditi, le père de la fille, et le regretté Philippe Khorsand, son amant ; "Elle s'en va" de la réalisatrice et actrice Emmanuelle Bercot (sorti le 18 septembre 2013), le rôle d'une ancienne miss locale aux côtés de Catherine Deneuve et Claude Gensac ; "Sage Femme" de Martin Provost (sorti le 22 mars 2017), avec Catherine Frot et Catherine Deneuve (Mylène Demongeot est la copine de Catherine Deneuve qui, elle, était la maîtresse du père de Catherine Frot qui s'est suicidé quand elle l'a quitté trente ans auparavant).

D'autres films ont marqué également comme "Les Toits de Paris" d'Hiner Saleem (sorti le 21 novembre 2007). Il traite de la vieillesse et de la solitude autour du couple Michel Piccoli et Mylène Demongeot. Le réalisateur a évoqué le thème général du film le 21 novembre 2007 pour Senioractu.com : « Quand on a dépassé l'âge où l'on est productif et indépendant, on entre dans la salle d'attente… Les humains sont étiquetés comme des denrées périmées, et parqués avant le passage des poubelles. Comment, en Occident, le bien-être de certains peut-il cohabiter avec autant de souffrance ? ». Hiner Saleem a aussi expliqué pourquoi le choix de Mylène Demongeot : « Elle ressemble à une quantité de femmes qui travaillent dans les cafés parisiens. Des femmes qui ont été très belles, et dont on se demande quelle vie elles ont pu avoir pour se retrouver là, à leur âge, à servir dans un bar. J'ai retrouvé chez Mylène Demongeot cette opacité et cette beauté. ». Pour l'actrice, un film essentiel : « Le plus beau film que j’ai fait à mon humble avis. Un partenaire magique, Michel Piccoli. Dès le début du tournage, j’ai senti que je faisais un travail qui pour moi serait inoubliable. J’ai compris ce que voulait faire Hiner, où il voulait aller et je lui ai donné tout ce qu’une actrice peut donner avec une confiance totale. (…) Je sais qu’après ce film, je peux m’arrêter si je le désire. J’ai toujours dit que je n’avais pas encore rencontré "le" film dont je serais totalement fière. Eh bien, ça y est ! ».

Son dernier film est "Maison de retraite" de Thomas Gilou (sorti le 16 février 2022), avec Kev Adams (coscénariste), homme à tout faire dans une maison de retraite dirigée par un directeur véreux et autoritaire joué par Antoine Duléry, Mylène Demongeot fait partie des pensionnaires aux côtés de Gérard Depardieu, Jean-Luc Bideau, Firmine Richard, Marthe Villalonga, Daniel Prévost, etc.

Mylène Demongeot a beaucoup écrit au cours de son existence (elle a commencé sur une promesse faite à sa mère avant de mourir du cancer), des essais autobiographiques mais aussi des ouvrages qui défendent l'une des causes pour lesquelles elle s'était engagée, la protection des animaux, qu'elle avait en commun avec Brigitte Bardot, son alter ego au cinéma : « Mariée avec Marc qui était encore plus fou que moi, nous avons donné libre cours à notre passion pour les animaux et avons fini par avoir une véritable ménagerie : chats, chiens, renard, couleuvre, boa, chouette, pics épeiches, une bondrée apivore [un rapace diurne proche de la buse] et pour couronner le tout, un lionceau pendant six mois dans notre appartement très bourgeois de Saint-Cloud. » (2005). Elle a aussi eu sept mangoustes, aussi bavardes que des pies. Et plein d'autres animaux sauvages : « Aujourd’hui, je suis devenue sage. Je sais, j’ai appris qu’apprivoiser un animal sauvage, c’est le dénaturer. Je ne le ferai plus. Pourtant quand vous établissez le contact, c’est tellement merveilleux. Vous avez la sensation d’être en osmose avec la Terre, de faire partie d’un grand tout. ».

Mylène Demongeot n'aura eu aucun César, seulement deux nominations tardives comme meilleure actrice dans un second rôle, en 2005 pour "36 Quai des Orfèvres" d'Olivier Marchal (sorti le 24 novembre 2004), avec Daniel Auteuil, André Dussollier, Gérard Depardieu et Roschdy Zem, et en 2007 pour "La Californie" de Jacques Fieschi (sorti le 25 octobre 2006), avec Nathalie Baye, Ludivine Sagnier (qu'elle appréciait beaucoup car elle lui faisait penser à elle-même jeune) et Roschdy Zem.

Parmi les nombreuses causes et engagements qu'on peut lire sur son site Internet, cette donatrice et bénévole régulière pour le Secours populaire et la Croix-Rouge, par ailleurs ancienne candidate aux élections régionales de 1992 en PACA sur les listes de Bernard Tapie, s'est particulièrement impliquée dans le combat contre la corrida : « Cette torture est pour l'instant scandaleusement autorisée en public, devant une foule déplorablement excitée par cette pulsion de mort qui habitent les humains encore si peu civilisés, vieux instincts barbares, partie honteuse et animale de l'Homme. ».



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Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2022)
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Pour aller plus loin :
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Gérard Jugnot.
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Brigitte Bardot.
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4 décembre 2022 7 04 /12 /décembre /2022 04:42

« Je fus déconcerté par l'aspect romantique et intellectuel du jeune acteur que je voyais. » (René Clair, découvrant le jeune comédien à la création de "Caligula").



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J'aurais pu aussi écrire dans le titre l'archange du cinéma français. Gérard Philipe est né à Cannes il y a 100 ans, le 4 décembre 1922, et ce centenaire permet de montrer qu'il reste bien ancré dans la mémoire collective même si, par l'effet des générations qui passent, il est devenu plus un souvenir historique qu'un personnage vivant dans le cœur des hommes.

La soirée de ce dimanche 4 décembre 2022 (à partir de 16 heures) est ainsi consacrée à la célébration du centenaire de la naissance de Gérard Philipe à l'Espace Albert-Raphaël, à Ramatuelle (11 chemin de la Calade), avec la présentation d'une nouvelle biographie par Geneviève Winter, la projection d'un documentaire inédit de Patrick Jeudy, adapté d'une œuvre de Jérôme Garcin, gendre de Gérard Philipe, suivies d'un apéritif. En outre, jusqu'au 15 décembre 2022, une exposition promenade à Ramatuelle donne des aperçus de la vie de Gérard Philipe.

Déjà, me permettra-t-on d'insister sur un point d'orthographe dont beaucoup, peut-être, se moquent, mais qui est important quand même : le patronyme de l'acteur est bien écrit ainsi, Philipe, avec un seul p à la fin suivi du e. En fait, il s'appelait Gérard Philip sans e, mais pour rassurer sa mère superstitieuse, il a adopté son nom de scène en rajoutant un e pour que Gérard Philipe puisse faire treize lettres. Alors fuyez ceux qui parlent de Gérard Philippe comme ceux qui confondent Simone Veil et Simone Weil ! (Certes, je sais bien que personne n'est à l'abri d'une coquille).

Son père, Marcel Philip, était un avocat très aisé qui possédait de nombreux hôtels sur la Côte d'Azur. Ce qui était plutôt honorable que honteux. En revanche, son engagement aux Croix-de-Feu puis, surtout, au PPF (parti populaire français) de Jacques Doriot qui voulait l'avènement du national-socialisme en France n'avait rien d'engageant... pour les historiens. Il a ainsi proposé aux staffs italiens fascistes puis allemands nazis de les héberger dans ses palaces de rêve. Pour intelligence avec l'ennemi, il a été condamné à mort par contumace, avec dégradation nationale et confiscation de ses biens, mais il s'était exilé à temps, en Espagne, à Barcelone.

Gérard, lui, n'était pas de ce bord. Il a eu le bac au début de la guerre, c'est la génération des 20 ans en 1942, il était en faculté de droit, des études voulues par son père juriste, mais il les a interrompues pour se consacrer totalement à son métier de comédien. Il s'est engagé tardivement dans la Résistance, ses copains hésitaient à l'inclure dans leur groupe craignant qu'il ne fût pas fiable en raison des idées de son père. Gérard Philipe a quand même participé à la Libération de Paris sous les ordres du futur journaliste Roger Stéphane.

Par cet engagement, il s'est montré complètement patriote, sans risquer d'être confondu avec son père. L'engagement, il l'a vécu tout au long de sa vie, aux côtés des communistes, sans prendre sa carte mais en y mettant son cœur et sa réputation, et aussi sa pratique. Quand il jouait dans le théâtre national populaire de Jean Vilar, à une époque où sa renommée mondiale n'était plus à rappeler, il acceptait d'être payé comme un comédien novice et avait l'humilité, sur les affiches, d'avoir la place de son nom selon l'ordre alphabétique et pas en premier en gros caractères. Un engagement militant effectif, prouvé, donc, afin de permettre aux personnes peu aisées, aux fins de mois difficiles, de vivre quand même les joies du spectacle du théâtre, pour l'occasion subventionné par l'État.

Dans Marianne le 23 octobre 2019, Régis Debray reprenait cette partie du portrait : « La tête d’affiche avait cette particularité, propre à l’époque, d’avoir son nom écrit en petit, de même taille que ses partenaires, alignés sur ladite affiche par ordre alphabétique. Son moi s’inscrivait dans un nous,celui d’une troupe, d’un pays, d’un héritage et de son histoire longue. Gérard (...) était un homme comme les autres, marié avec une intellectuelle militante, Anne, deux enfants, Anne-Marie et Olivier, et un appartement dans le sixième, certes, mais pas à Neuilly ou dans le seizième. ».

La carrière de Gérard Philipe commença très vite dès 1942-1943 parallèlement au théâtre et au cinéma. Très vite aussi, sa réputation fut faite. Plutôt grand, d'un grand charisme, il est devenu rapidement un acteur recherché. Marc Allégret l'a découvert à la même époque. Puis René Clair en 1945 lors de la création de "Caligula". Le premier rôle du personnage principal dans un film au cinéma, il l'a eu en 1946. Théâtre et cinéma, il a été un boulimique de travail pour son talent d'interprète.

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Partenaire au théâtre ou au cinéma de comédiennes de légende, elles aussi, comme Maria Casarès, née deux semaines avant lui, ou encore Micheline Presle qui a fêté son centenaire l'été dernier, Gérard Philipe a joué dans plus d'une quarantaine de films au cinéma, dans près d'une trentaine de pièces de théâtre entre 1942 et 1959, et il a trouvé le temps en outre d'enregistrer, à partir de 1952, de très nombreux disques, des lectures comme "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry, "Pierre et le loup" de Prokofiev, Apollinaire, Victor Hugo, La Fontaine, François Villon, Louis Aragon, Paul Éluard, etc. et même Karl Marx !

Au théâtre, Gérard Philipe a notamment joué dans "Caligula" de Camus (1945), "Le Cid" de Corneille (1951), "Mère Courage" de Bertolt Brecht (1951), "La Tragédie du roi Richard II" de Shakespeare (1954), "Ruy Blas" de Victor Hugo (1954), "On ne badine pas avec l'amour" d'Alfred de Musset (1959), etc.

Son partenariat avec le metteur en scène Jean Vilar, au TNP et au Festival d'Avignon à partir de novembre 1950, fut très fructueux pour faire venir des spectateurs plus populaires et plus jeunes. Jean Vilar tomba sous son charme dès la première rencontre. Wikipédia cite les deux sentiments croisés.

Celui de Jean Vilar : « Tout en me démaquillant ce soir-là, je regardais du coin de l’œil ce garçon célèbre que je connaissais mal. Grand, dressé, le geste rare, le regard clair et franc, sa présence était faite à la fois de force calme et de fragilité. Je lui dis que je préparais Avignon 1951, c'est-à-dire le cinquième Festival, et que c'était la seule entreprise dont je pouvais l'assurer. Il me répondit aussitôt qu'il serait donc du prochain Avignon. Deux jours après, je lui remettais "Le Prince de Hombourg". Il dit oui. J'ajoutais : Et "Le Cid" ? Il baissa la tête, sourit, puis se tut. » [Gérard Philipe lui avait refusé le rôle de Rodrigue deux ans auparavant].

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Et ce fut réciproque, le sentiment de Gérard Philipe : « Une conversation avec Vilar, ses propos sur le théâtre, son avis sur les pièces que je brûlais de jouer, me laissèrent conquis. Une des grandes qualités de Vilar est sa patience. Moi, je jouais les impatients. Mais lorsqu'il m'eut fait lire "Le Prince de Hombourg", je n'hésitai plus à le suivre. ».

Au cinéma, Gérard Philipe a éclaté l'écran notamment dans "Le Diable au corps" de Claude Autan-Lara (1947) avec Micheline Presle et Denise Grey (Jacques Tati y joue aussi), "La Chartreuse de Parme" de Christian-Jaque (1948) avec Renée Faure, Maria Casarès et Louis Seigner, "Une si jolie petite plage" d'Yves Allégret (1949), "La Ronde" de Max Ophüls (1950), l'adaptation d'une pièce d'Arthur Schnizler, avec Simone Signoret, Serge Reggiani, Simone Simon, Danielle Darrieux, Jean-Louis Barrault et Daniel Gélin, "Fanfan la Tulipe" de Christian-Jaque (1952) avec Gina Lollobrigida (et Geneviève Page en marquise de Pompadour), "Les Belles de nuit" de René Clair (1952) avec Martine Carol, Gina Lollobrigida et Magali Vendeuil, "Les Orgueilleux" d'Yves Allégret (1953) avec Michèle Morgan, "Monsieur Ripois" de René Clément (1954) avec Valérie Hobson et Natasha Parry, "Le Rouge et le Noir" de Claude Autan-Lara (1954) avec Danielle Darrieux, "Les Liaisons dangereuses 1960" de Roger Vadim (1959) avec Jeanne Moreau, Jean-Louis Trintignant, Boris Vian et Jeanne Valérie, etc. Le dernier film qu'il a joué est sorti après sa mort, le 6 janvier 1960, "La fièvre monte à El Pao" de Luis Bunuel avec Jean Servais et Maria Félix.

Son truc d'interprète ? « Il n'y a pas de différence entre moi et les personnages que j'incarne, si ce n'est que le travail à faire et le trajet à accomplir pour rejoindre chacun d'eux. ».

Sans doute si le temps le lui avait permis, Gérard Philipe aurait tourné dans des séries télévisées, car il était fasciné par la télévision : elle était un précieux support, irremplaçable, pour rendre plus populaire la culture, pour permettre à de nombreuses personnes d'accéder à la culture, au même titre que le théâtre national populaire et les festivals de théâtre.

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Dans une légende, le clap de fin est aussi important que la carrière. Mourir jeune, très jeune, c'est rester jeune éternellement, dans la mémoire des gens qui l'ont aimé, puis de ceux à qui ils ont transmis cette mémoire. Gérard Philipe avait souvent les poumons fragiles, pourtant, il est mort en quelques semaines sans avoir été mis au courant du mal qui l'avait rongé, d'un cancer du foie. Dans son numéro du 26 novembre 1959, le journal "Ouest France" a titré en une : « Gérard Philipe est mort : crise cardiaque à 36 ans ». "Paris Match" du 5 décembre 1959, de son côté : « Gérard Philipe : la mort du Cid ».

Une telle fin aussi brutale, au sommet de sa gloire, alors qu'il avait tant de choses encore à faire, a ému la nation entière, et l'a rangé parmi les légendes vivantes du siècle, ces artistes trentenaires qui n'ont fait que passer en éclair après avoir donné au maximum de leur talent, à l'instar de Boris Vian (parti quelques mois avant l'acteur), Yves Klein, Thierry Le Luron et quelques autres auxquels j'ajouterais aussi, bien qu'il allât être bientôt quinquagénaire, Albert Camus dont Gérard Philipe a adoré la pièce "Caligula" qu'il a contribué à créer en 1945 et à en faire un grand succès littéraire.

Il y a une vingtaines d'années, je me souviens avoir découvert le petit cimetière et m'être recueilli sur sa tombe, j'imaginais l'acteur habillé de son costume du Cid, alors que je me hasardais avec des amis dans le beau village de Ramatuelle. À deux pas d'une des plus belles plages de la côte, contrée qu'il adorait où il passait ses vacances. Il y avait comme un air d'évidence, à la fois modestie sobre et présence diffuse partout dans cette région qui n'a pas fini d'honorer ses artistes.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gérard Philipe.
Mylène Demongeot.
Contagion.
Kirk Douglas.
Robert Clary.
Quai d'Orsay.
Thierry Lhermitte.
Dupont Lajoie.
Emmanuelle Bercot.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221204-gerard-philipe.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/gerard-philipe-l-archange-du-245344

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/03/39732293.html




 

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26 novembre 2022 6 26 /11 /novembre /2022 04:04

« Toute l'expérience a été un cauchemar total, la façon dont ils nous ont traités, ce que nous avons dû faire pour survivre. Nous étions moins que des animaux. » (Robert Clary sur sa vie dans les camps).



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L'acteur et le chanteur français Robert Clary est mort à Los Angeles le 16 novembre 2022 à l'âge de 96 ans (il est né le 1er mars 1926 à Paris sous le nom de Robert Max Widerman). D'origine juive polonaise, sa famille s'était installée à Paris quelques années avant la naissance de l'acteur, en 1923.

Le plus jeune de la fratrie de quatorze enfants, Robert Clary a été découvert par une dénicheuse de talents dès l'âge de 12 ans, ce qui lui a permis de chanter à la radio. Mais pendant qu'il découvrait sa vocation, quatre plus tard, il allait vivre une tragédie familiale et mondiale, la Shoah. Dans l'immeuble de l'Île de la Cité, dans le quatrième arrondissement de Paris (immeuble neuf construit à sa naissance) où il avait vécu les seize premières années de sa vie, heureuses et insouciantes, une plaque rappelle la mémoire de cent douze habitants, dont quarante enfants, qui ont été déportés et assassinés dans les camps d'extermination nazis.

Douze membres de sa famille ont été déportés à Auschwitz entre juin et septembre 1942. Une fois arrivés au camp, ses deux parents ont été directement amenés et assassinés dans une chambre à gaz. Raflé comme les autres par la police française, Robert Clary aussi faisait partie du convoi du 25 septembre 1942 avec ses parents au départ de Drancy pour Auschwitz (il avait alors 16 ans). Mais il n'est pas allé jusqu'au bout, car il a été réquisitionné pour des travaux forcés au camp de Blechhammer (une annexe d'Auschwitz). En plus de ses travaux habituels, il devait chanter devant des soldats allemands pour les divertir. Il a été tatoué à l'avant-bras gauche de son numéro de matricule. La chanson a été son alliée, c'était probablement son talent qui lui a permis de survivre.

En janvier 1945, il fut évacué par les nazis comme tous les autres déportés dans des conditions effroyables pour fuir les Alliés venus libérer Auschwitz. Il a séjourné au camp de Gross-Rosen avant d'atteindre Buchenwald : « Nous n'étions même pas des êtres humains. Arrivés à Buchenwald, les SS nous ont poussés dans une salle de douche pour y passer la nuit. J'avais entendu les rumeurs sur les pommeaux de douche factices qui étaient des jets de gaz. J'ai pensé : "Ça y est". Mais non, c'était juste un endroit pour dormir. Les huit premiers jours là-bas, les Allemands nous ont gardés sans une miette à manger. Nous nous accrochions à la vie par nos tripes pures, dormant les uns sur les autres, nous réveillant chaque matin pour trouver un nouveau cadavre à côté de toi. ».

Les Alliés sont arrivés et ont libéré le camp de Buchenwald le 11 avril 1945. Cette période l'a toujours hanté : « Parfois, je rêve de ces jours. Je me réveille en sueur, terrifié par la peur d'être envoyé dans un camp de concentration, mais je ne garde pas rancune parce que c'est une grande perte de temps. Oui, il y a quelque chose de sombre dans l'âme humaine. Pour la plupart, les êtres humains ne sont pas très gentils. C'est pourquoi, lorsque vous trouvez ceux qui le sont, vous les chérissez. ». De retour à Paris, il a appris que trois de ses frères et sœurs n'ont pas été déportés et ont survécu à la guerre.

Après la guerre, il a chanté avec un orchestre dans un dancing à Paris et a été remarqué par le musicien Harry Bluestone qui lui a permis d'enregistrer en 1948 son premier disque aux États-Unis, un disque qui a eu du succès. Ainsi, il est parti aux États-Unis en octobre 1949 et a fait toute sa carrière artistique loin de la France dont il n'avait plus beaucoup d'attaches à la fin de la vie : « À l’époque, je ne parlais pas un mot d’anglais et j’ai appris l’intégralité des chansons en phonétique ! Pour moi qui adorais l’Amérique, c’était l’occasion rêvée de partir. D’autant que rien ne me retenait vraiment en France : mes parents avaient tous les deux été tués dans la Shoah, et mes frères et sœurs survivants étaient tous mariés… (…) Partir, c’était l’occasion de mettre ce lourd passé derrière moi et me concentrer sur ma carrière artistique. ».

Robert Clary était de petite taille, il ne dépassait pas 1 mètre 55, mais il était très à l'aise devant un micro à chanter et aussi à parler, à faire rire, il pouvait faire des sketchs. Sa carrière a évolué au milieu des années 1950 dans l'enregistrement de séries américaines, de sitcoms (c'était nouveau à l'époque, sur NBC et sur CBS notamment). Il jouait aussi dans des comédies musicales à Broadway et était très apprécié du public, construisant ainsi une belle renommée.

Grâce à l'Internet, on peut écouter deux échantillons de ses prestations, le premier de 1952 avec la chanteuse Eartha Kitt et le second de 1960 en compagnie d'Inga Swenson, Virginia de Luce et Susanne Cansino.








Ce fut une vingtaine d'années après son arrestation et sa déportation que Robert Clary semblait recroiser sa funeste histoire, mais dans une fiction, une longue fiction. En 1963, alors qu'il était au creux de la vague, sa carrière patinant, on lui proposa de jouer le rôle d'un caporal français dans la future série télévisée à renommée internationale "Hogan's Heroes" (sous le nom en français de "Papa Schultz" ou encore "Stalag 13").

La série, qui s'est déclinée en cent vingt-huit épisodes de 25 minutes pendant six saisons, diffusés la première fois sur la chaîne CBS du 17 septembre 1965 au 4 avril 1971 (il a fallu attendre 1987 pour sa version française diffusée sur Canal Plus puis en 1991 sur la chaîne M6), met en scène des prisonniers alliés (américains, britanniques, français) dans un camp de prisonniers en Allemagne sous commandement allemand. Les prisonniers alliés peuvent en fait s'échapper du camp (car les gardes allemands sont particulièrement stupides) mais reviennent chaque fois dans leur cellule car c'est leur QG pour monter des coups contre les Allemands ou aider des soldats alliés.

Parmi les acteurs de ce sitcom comique d'un humour pas forcément très raffiné, Robert Clary n'a pas été le seul acteur à avoir été pourchassé par les nazis. John Banner (le sergent Hans Schultz), Werner Klemperer (le colonel Wilhelm Klink) et Leon Askin (le général Burkhalter) ont aussi été, d'une manière ou d'une autre, victimes des nazis (acteurs avec lesquels Robert Clary a continué à entretenir des relations amicales bien après la fin du tournage de la série) : « Les gens me demandent souvent : comment faites-vous pour jouer un rôle comique dans cette série, alors que vous êtes vous-même un survivant des camps de concentration ? Je leur explique que même si les conditions de vie dans un stalag étaient terribles, cela n’avait rien à voir avec l’expérience concentrationnaire. (…) Quant à ce qu’il m’est arrivé pendant la guerre, il me fallait de toute façon tourner la page, pardonner pour pouvoir avancer. ».

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Pendant le tournage de cette série, rien n'était improvisé. Certes, le lundi, aux séances de répétition, quand le producteur ou le réalisateur étaient présents, à la lecture du scénario et des dialogues, les acteurs pouvaient faire quelques corrections, mettre leur grain de sel, mais pendant les jours de tournage, rien ne devait changer par rapport au texte. Dans la série, le caporal de l'armée de l'air française qu'il jouait portait le matricule n°19176546.

Comme dit plus haut, il justifiait sa participation comique à cette série parce qu'il y avait une grande différence entre les camps de concentration et les stalags, en précisant : «  Le Stalag 13 n'est pas un camp de concentration ; c'est un camp de prisonniers de guerre, et il y a un monde de différence. Vous n'avez jamais entendu parler d'un prisonnier de guerre gazé ou pendu. Quand dans le spectacle à l'antenne, on m'a demandé si j'avais des scrupules à faire une série comique sur les nazis et les camps de concentration, j'ai dû expliquer qu'il s'agissait de prisonniers de guerre dans un stalag, pas dans un camp de concentration, et bien que je n'aie pas voulu diminuer ce que les soldats ont enduré pendant leurs internements, c'était comme la nuit et le jour de ce que les gens ont enduré dans les camps de concentration. ».

Dans son film "La vie est belle" (sorti le 31 décembre 1997), l'acteur et réalisateur Roberto Benigni (qui vient de fêter ses 70 ans) a, lui, fait sa comédie la moitié du film dans le cadre d'un camp d'extermination, avec plus ou moins de succès. Mais c'était trente ans plus tard, la parole des déportés s'était libérée entre-temps.

Robert Clary a fait de nombreux cauchemars pendant des décennies sur ce qu'il avait vécu dans les camps et ce ne fut qu'au bout d'une trentaine d'années qu'il a pu raconter ses souvenirs, témoigner de l'horreur, aller dans les écoles, faire le tour des États-Unis et du Canada pour faire de nombreuses conférences sur le sujet, bref, transmettre la mémoire : « Pendant 36 ans, j'ai gardé ces souvenirs de la guerre enfermés en moi. Mais ceux qui tentent de nier l'Holocauste, mes souffrances et les souffrances de millions d'autres m'ont forcé à parler. ». Il a aussi participé à de nombreuses émissions de télévision, à un documentaire en 1985 sur PBS consacré à son témoignage, et a publié en 2001 une autobiographie au titre très évocateur : "De l'Holocauste à Papa Schultz".

Pendant toute sa carrière, Robert Clary a côtoyé des stars du cinéma, comme Carl Reiner (1922-2020) et Mel Brooks (né le 26 juin 1926), aussi Kirk Douglas avec qui il a joué dans un film de guerre ("Remembrance of Love", diffusé le 6 décembre 1982 sur NBC), ou encore Eddie Cantor dont il est devenu le gendre en 1965 à titre posthume pour trente-deux ans (Eddie Cantor est mort en 1964 et sa fille Natalie en 1997).

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Membre du parti démocrate, Robert Clary a été désolé de voir Donald Trump triompher en novembre 2016 et voir aussi Marine Le Pen accéder au second tour de l'élection présidentielle en 2017 (et en 2022) en France. Il fustigeait les candidats populistes qui n'avaient rien compris des leçons du passé : « Après ce qu’il s’est passé pendant la guerre en Europe, cela me dégoûte. (…) Le monde entier semble encore avoir du mal à tirer les leçons de ses erreurs passées. ».

Français, il se plaisait en Californie. Robert Clary n'a jamais pensé revenir vivre en France depuis son départ en 1949. Il disait en 2017 : « C’est normal que je me sente plus Américain que Français. Ça fait soixante-dix ans que je vis ici ! Et l’Amérique m’a tellement apporté. ». Il est mort aux États-Unis, dans ce qui ressemblait à un ranch à Beverly Hills.

Robert Clary avait-il un secret pour vivre aussi vieux ? Peut-être pas, si ce n'est que malgré les horreurs absolues qu'il a pu vivre, il ne s'est pas victimisé et au contraire, il a même su en rire. Le sens de l'humour comme meilleur vaccin pour la vie...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La Shoah.
Kirk Douglas.

Emmanuel Macron à Pithiviers.
Robert Clary.
Quai d'Orsay.
Thierry Lhermitte.
Dupont Lajoie.
Emmanuelle Bercot.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221116-robert-clary.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/robert-clary-matricule-a-5714-245004

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/24/39721954.html





 

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24 novembre 2022 4 24 /11 /novembre /2022 04:55

« Les réseaux sociaux, c'est un bon truc sociologique pour juger de l'état de l'opinion, mais là c'est carrément angoissant. » (Thierry Lhermitte, "Le Point" le 11 septembre 2016).




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Le célèbre comédien Thierry Lhermitte fête son 70e anniversaire ce jeudi 24 novembre 2022. Un comble de devenir vieillard (bon, c'est vrai, à 70 ans, on était vieillard en 1970, maintenant, il faut avoir au moins 90 ans pour être vieillard !) quand on a commencé sa carrière sur le souvenir de Popeye, ce playboy séducteur, symbole agaçant de la jeunesse en bonne santé (plus affective que mentale).

En fait, justement, non ! On aurait pu imaginer que Thierry Lhermitte voulût rester dans ce registre qu'il a acquis, en même temps que le succès, au sein de la Troupe du Splendid dans des comédies hyperconnues comme "Les Bronzés" ou "Le Père Noël est une ordure", et si cela lui a profité au début de sa carrière pour se faire connaître, il n'est heureusement pas resté prisonnier de ce type de rôle.

Au contraire, la vieillesse, ou plutôt, l'arrivée de la maturité lui a profité pour construire des rôles et des personnages plus subtils. Contrairement à son compère et ami Christian Clavier, camarade de classe à Neuilly-sur-Seine avec Michel Blanc et Gérard Jugnot, l'âge ne lui a pas fait prendre du volume à l'instar de Gérard Depardieu, physiquement mais aussi peut-être caricaturalement. Il est resté au contraire un jeune homme longiligne, ce qui lui a apporté la crédibilité du médecin, breton d'adoption, qu'il incarnait dans la série télévisée "Doc Martin" (diffusée sur TF1 du 10 janvier 2011 au 27 avril 2015).

J'ai été bluffé après une grosse inquiétude par sa prestation dans "Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013), une adaptation de l'excellente bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac (Antonin Baudry), alors que j'avais adoré l'œuvre originale et justement, je craignais que Thierry Lhermitte fût trop lui-même... Or, au contraire de nombreux acteurs largement confirmés, Thierry Lhermitte a su s'effacer derrière son personnage, celui de Dominique de Villepin (Alexandre Taillard de Worms), dynamique mais fatigant Ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac (épuisant tous ses conseillers) : « Le "mulot" de Chirac, ce n'est pas une blague. En préparant l'adaptation de "Quai d'Orsay", j'ai découvert que Dominique de Villepin, que j'ai par ailleurs trouvé très sympa, ne savait pas se servir d'un ordinateur. Du reste, il n'y a pas Internet au Quai d'Orsay pour des raisons de sécurité. C'est incroyable ! » ("Le Point").

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Si la comédie de Tavernier a été excellemment bien servie par Raphaël Personnaz (très en vogue cette année-là avec aussi la saga Malaussène, "Au bonheur des ogres"), le parfait Niels Arestup en indispensable directeur de cabinet qui règle tous les problèmes (César 2014 du meilleur acteur dans un second rôle), et la dircab adjointe, malicieuse nymphomane, jouée par Julie Gayet (qui sortait des fictions élyséennes), Thierry Lhermitte y a apporté tout son talent de l'interprétation du personnage central.

Près de cent cinquante films au cinéma (du film "Les Valseuses" au numéro deux de "Joyeuse retraite !"), quelques dizaines interprétations pour la télévision et le théâtre (encore très récemment, au festival d'Avignon en 2022), Thierry Lhermitte est pourtant un comédien dilettante, se permettant de choisir les films et les personnages qu'il jouerait. Au-delà des succès des trois "Bronzés" (1978, 1979, 2006) et du "Père Noël est une ordure" (1982), il a aussi joué dans "Clara et les chics types" (1981), les trois numéros de la série "Les Ripoux" avec Philippe Noiret (1984, 1990 et 2003), "Le Zèbre" (1992), "Le Placard" (2001), et surtout, il a contribué à l'immense succès d'un film pièce de théâtre, dans le style de la grande époque du Splendid mais sans ses autres amis de la troupe, à savoir "Le Dîner de cons" de Francis Veber (sorti le 15 avril 1998), même si l'apport de Jacques Villeret et de Daniel Prévost m'a paru capital. Il a généralement un rôle de dirigeant, chef, cadre supérieur, profession libérale, bourgeois, etc.

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Dans un autre film où il s'est essayé au scénario (ce n'était pas le seul), "Un Indien dans la ville" de Hervé Palud (sorti le 14 décembre 1994), lui aussi un immense succès (qui a relancé la carrière de l'acteur après plusieurs échecs), Thierry Lhermitte, également producteur du film, avait demandé à tous les figurants présents aux Champs-Élysées d'être équipés d'un téléphone mobile pour illustrer le grand contraste technologique avec le jeune Indien débarquant dans le monde moderne, et les gens autour de lui se marraient en se disant que c'était de la science fiction (que tout le monde fût doté de téléphone mobile). C'était en 1994 !

Effectivement, Thierry Lhermitte, petit-fils et neveu de deux neurologues de renom, a toujours été un passionné des nouvelles technologies. Si après son baccalauréat scientifique (filière C), il n'a pas vraiment poursuivi ses études pour apprendre le métier de comédien et jouer avec le Splendid, Thierry Lhermitte a toujours appris sur le tas, possédant dès les années 1980 un ordinateur Amstrad 6128 (il était pote avec Bernard-Pierre Donnadieu, lui aussi utilisateur d'un Amstrad). Adorant les mathématiques, Thierry Lhermitte est toujours resté très informé de l'actualité scientifique et technologique, réfléchissant sur les avancées de l'informatique, imaginant l'importance grandissante de l'Internet et anticipant les probables progrès médicaux d'une association homme-machine (sans forcément tomber dans le délire du transhumanisme).

Ci-dessous, une vidéo fort intéressante de janvier 1996 où Thierry Lhermitte montrait l'intérêt de l'Internet à Jean-Luc Delarue et Jean-Claude Brialy. Michel Boujenah, également présent sur le plateau de l'émission, semblait déjà initié.





Passionné, il faisait encore récemment une chronique mensuelle sur les sciences sur France Inter après avoir officié au "Magazine de la Santé" de France 5. Il a également investi dans des start-up de haute technologie sans pour autant gagner au jackpot (il a reconnu qu'il y avait perdu pas mal d'argent). Il a sympathisé avec l'inventeur de la carte à puce Roland Moreno, qui était venu l'écouter au théâtre et ils sont devenus très rapidement amis au restaurant, même si à la fin de la vie de ce dernier, Thierry Lhermitte était en froid après une discussion où il remettait en cause les droits d'auteur (alors que lui-même avait reçu des millions de rente sur les redevance de son brevet).

Pour comprendre sa passion de geek, il faut relire son entretien accordé à Guillaume Grallet et Thomas Mahler publié dans "Le Point" du 11 septembre 2016, où il assumait clairement son soutien à la loi Hadopi qui protégeait les droits d'auteur : « À l'époque, personne n'a osé dire : "Moi, je vous emmerde, c'est mon boulot. Et mon boulot je le vends. Et si vous voulez le voler, je vais vous attaquer ". Tout le monde était gêné. ».

L'acteur avait conscience déjà qu'il perdait beaucoup de temps avec les réseaux sociaux : « Internet, c'est super, mais c'est aussi une perte de temps car tellement addictif ! Twitter, c'est le café du commerce à grande échelle. Je regarde mon profil Facebook vingt-cinq fois par jour en me demandant quelle nouvelle connerie je vais y trouver. En plus, comme je fais du cheval, j'ai accepté plein de gens de plein de milieux différents. Mais il y a des monstres et des racistes ! ».

Mais le plus croustillant qu'il a confié, c'est qu'il s'amusait follement à un petit jeu qui s'apparente beaucoup avec le Dîner de cons. En effet, régulièrement, Thierry Lhermitte s'amuse à proposer des citations, mais totalement inventées de lui : « Ce que j'aime bien faire sur Facebook, c'est poster de fausses citations, juste pour voir le nombre d'abrutis qui vont liker. (…) Celle qui a le mieux marché, c'est un faux Voltaire : "Ne jugez pas ce que l'avenir a condamné, le passé pourrait bien vous en absoudre". Évidemment, ça ne veut rien dire. Heureusement, mes enfants n'ont pas "liké". J'ai été très fier d'eux. ».

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Plus sérieusement, Thierry Lhermitte, qui a développé une véritable expertise personnelle sur l'avancée des sciences grâce à ses visites régulières dans des laboratoires de recherches pour ses documentaires télévisés, a une certaine idée sur les futurs développements de la technologie : « Je crois que c'est dans la biologie que les choses incroyables vont nous arriver. La communication a connu un bond prodigieux en vitesse, mais dès que tu te confrontes au vivant, tu restes à la vitesse du vivant. ».

Alors, c'est vrai que la carrière de comédien ne sera jamais achevée tant qu'il n'aura pas joué dans un film qui explique une facette de la science. À l'âge de la maturité, il sera probablement très crédible dans le débat philosophique qui tourne autour de la physique quantique. Je ne le vois pas en Albert Einstein, mais pourquoi pas en Niels Bohr, en Paul Dirac ou encore en Alain Aspect ?


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Quai d'Orsay.
Thierry Lhermitte.
Dupont Lajoie.
Emmanuelle Bercot.
Jacques Tati.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221124-thierry-lhermitte.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/thierry-lhermitte-geek-passionne-244892

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/21/39717723.html









 

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13 novembre 2022 7 13 /11 /novembre /2022 04:05

La grande dame très respectée à travers le monde vient d'atteindre son centenaire.



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La société de radio et télévision publiques du Royaume-Uni fête son centenaire. Fondée le 18 octobre 1922, la British Broadcasting Corporation, autrement dit BBC (société de radiodiffusion publique) est née de manière très pragmatique : les fabricants de postes de radio voulaient augmenter l'offre de diffusion pour accroître leur nombre d'acheteurs, tandis que le service des postes et télécommunications ne voulait pas se lancer dans la diffusion d'émissions radios. La BBC était donc l'association de plusieurs entreprises d'intérêts privés et du service public, et l'un des objectifs a été de ne surtout pas diffuser beaucoup d'informations afin de ne pas concurrencer la presse écrite.

Dirigé par John Reith jusqu'en 1938, le consortium était composé notamment de Marconi, GEC, British Thomson Houston, Metropolitan-Vickers et Western Electric. BBC signifiait alors Bristish Broadcasting Compagny (société de droit privé) devenue en 1927 Bristish Broadcasting Corporation (société de droit public). Au fil de son développement, de nombreuses filiales ont été créées, radios et télévisions dans le monde entier.

La BBC a innové dans beaucoup de domaines, ouvrant la voie des radios puis télévisions des autres pays du monde entier. Elle reste la première société d'audiovisuel du monde, diffusant en 42 langues et bénéficiant de l'écoute de près de 500 millions d'auditeurs chaque semaine. Son atout est d'abord l'excellente image dont elle jouit, un gage de sérieux et de référence. Entre autres sujets d'excellence, les documentaires animaliers.

La première émission radio a été diffusée du studio londonien de Marconi le 14 novembre 1922 à 18 heures, heure de Londres, un bulletin d'information suivi d'un bulletin météo. Les premiers mots furent le nom de la radio expérimentale : « 2LO calling ! ». En guise d'information, seulement un bulletin quotidien fourni par les agences de presse. L'idée était surtout de proposer des émission de divertissement à un public appréciant les nouvelles technologies, sans pour autant entraîner la chute des journaux écrits. Mais c'est grâce à une grève très dure de la presse écrite en 1926 que la BBC a obtenu l'autorisation de diffuser régulièrement des informations, avec sa propre rédaction.

Les microphones coûtaient très cher au début des années 1930, si bien que la BBC a développé avec Marconi son propre microphone qui a abouti en 1934 au micro traditionnel des radios, qu'on peut apercevoir par exemple sur les photos représentant De Gaulle s'exprimant entre 1940 et 1943 à la BBC à Londres.

Au début, il y a eu une réelle inquiétude que la BBC concurrençât les communications officielles du gouvernement. Cependant, on a trouvé aussi dans la radiodiffusion une caisse de résonance inouïe pour les communications officielles. Ainsi, le 19 décembre 1932, la BBC a retransmis pour la première fois un message radiodiffusé du roi George V, son message pour Noël, diffusé partout dans le monde. Étrennant son nouveau service de télévision, la BBC a retransmis pour la première fois le couronnement du roi George VI le 12 mai 1937. Plusieurs millions de téléspectateurs étaient déjà au rendez-vous. Le premier programme en langue étrangère fut lancé en 1938. George VI s'exprima sur la BBC au début de la guerre le 3 septembre 1939 en prononçant son fameux discours raconté dans le films "Le discours d'un roi" de Tom Hooper (sorti le 22 décembre 2010). La télévision est passée à la couleur dès juillet 1967 avec la retransmission d'un match de tennis à Wimbledon (mais la couleur fut généralisée dans tout le groupe BBC seulement en 1976).

Le suicide d'Hitler fut annoncé par la BBC le 1er mai 1945, puis, quelques jours plus tard, le 7 mai 1945, la fin de la guerre pour le lendemain. Le déroulement des jeux olympiques de 1948 organisés à Londres fut retransmis par la BBC. Le couronnement de la reine Élisabeth II a marqué un événement mondial vu le 2 juin 1953 par une vingtaine de millions de téléspectateurs, puis, le 29 juillet 1981, 750 millions de personnes dans le monde ont assisté à la retransmission du mariage de Lady Diana et du Prince Charles. Et ce furent 4 milliards de téléspectateurs qui ont assisté aux funérailles de la reine Élisabeth II le 19 septembre 2022.

Par ailleurs, la BBC a produit de nombreuses fictions. Son premier feuilleton fut "The Archer" lancé en mai 1950. Le premier épisode de "Dr Who" fut diffusé en novembre 1963, le premier documentaire en 1974, le premier numéro de la série animalière "Life On Earth" en janvier 1979 et la série qui a été la plus regardée, "EastEnders", un soap opera, a commencé le 19 février 1985 et elle continue toujours (plus de 6 600 épisodes à ce jour), le troisième plus ancien programme encore en cours (et encore inédit dans les pays francophones).

Peter Ian Donaldson, présentateur de BBC Radio 4, mort à 70 ans en novembre 2015, prêta sa voix dans les années 1980 pour un message préenregistré qui aurait été diffusé en cas d'attaque thermonucléaire. Les auditeurs britanniques l'auraient ainsi entendu à la radio : « Ce pays a été attaqué par des armes nucléaires. Ne sortez pas de chez vous sous aucun prétexte ! ». Et il donnait quelques recommandations comme « L'eau] ne doit pas être utilisée pour tirer la chasse d'eau. ».

Malgré l'image prestigieuse de la BBC, elle n'a pas évité quelques scandales au fil de ce centenaire, notamment certains écarts de déontologie de la part de journalistes de la BBC qui enquêtaient sur la famille royale, sujet toujours très couru des rédactions.

Régulièrement, la BBC est contestée par la classe politique pour son indépendance de ton. Fustigée tant par les conservateurs (encore récemment par Liz Truss quand elle était Première Ministre) que par les travaillistes, elle risque d'être démantelée. Son financement par la redevance est assuré seulement jusqu'en 2027 et de nombreux services d'éducation, d'information et de divertissement sont remis en cause avec le changement des comportements, les télévisions sur Internet par streaming, les réseaux sociaux, etc. En janvier 2020, la direction de la BBC a annoncé un plan de suppression de 450 emplois dans sa rédaction, une coupe franche visant à dégager de quoi investir dans le numérique. (En France aussi, l'audiovisuel public reçoit moins de dotation et ne perçoit plus la redevance payée par les contribuables chaque année).

Longtemps la BBC était connue comme un modèle, ce dernier connaît donc maintenant ses limites avec le développement des nouvelles technologies. En France, elle reste encore la référence de l'audiovisuel public même si les deux sociétés françaises n'ont pas à rougir de honte : Radio France, qui regroupe les stations de radio du service public, affiche une influence record, l'audience de sa station phare France Infer continue à grimper pour hanter les sommets de Médiamétrie depuis plusieurs années, alors que l'audience de toutes ses concurrentes s'effondre avec le changement de comportement des plus jeunes. Et France Télévisions, qui regroupe les chaînes de la télévision publique, n'a pas non plus à rougir (quant au service public de l'audiovisuel extérieur, regroupant RFI et France 24 sous la société France Médias Monde, il dépend du Quai d'Orsay).

Depuis quelque temps, il est d'ailleurs vaguement question de réunir France Télévisions et Radio France, au risque de recréer l'ancienne ORTF à l'époque où l'information demeurait gouvernementale, alors que les succès ont pu être atteints en raison de leur autonomie respective. Ce sera d'ailleurs l'enjeu de la nomination dans quelques semaines pour la prochaine présidence de Radio France, disputée entre la présidente sortante sollicitant sa reconduction à la suite d'un mandat brillant de ses réussites, à l'antenne et sur Internet (premier producteur de podcast), et une ancienne secrétaire générale probablement plus proche d'une optique de fusion (mais ça reste à confirmer, je reviendrai peut-être sur le sujet plus tard). La chaîne de télévision franceinfo: est déjà un premier bébé commun à France 2 et France Info né le 1er septembre 2016, mais cette chaîne d'information continue reste encore à moitié confidentielle même si elle a progressé au fil des années de 0,3% à environ 0,8% de part de marché.

En revanche, pour le centenaire, les deux sociétés françaises de l'audiovisuel public devront encore attendre un certain temps. Radio France, née le 6 janvier 1975, n'a pas encore 50 ans, tandis que France Télévision vient de fêter ses 30 ans le 7 septembre 1992 après trois ans de présidence commune aux deux chaînes de télévision Antenne 2 et FR3. BBC est une sorte de vieille tante encore plein d'atours pour tous les audiovisuels publics dans le monde.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La BBC fête son centenaire.
Philippe Alexandre.
Alain Duhamel.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221114-bbc.html

https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/la-bbc-en-piste-pour-un-second-244348

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/08/39702086.html








 

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