« Figure de la vie politique et du parti socialiste, il œuvra sa vie durant pour défendre ses idéaux de progrès et de fraternité, avec une érudition qui n’empêchait pas la franchise. » (communiqué de l'Élysée du 25 novembre 2023).
C'est l'un de barons originels du macronisme qui vient de mourir ce samedi 25 novembre 2023 à Lyon à l'âge de 76 ans. Né le 20 juin 1947 à Chalon-sur-Saône, Gérard Collomb avait indiqué sur Twitter le 16 septembre 2022 qu'il souffrait d'un cancer de l'estomac. Il a reçu les hommages de nombreuses personnalités politiques, en particulier du Président de la République Emmanuel Macron, mais aussi de François Bayrou, Élisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet, François Hollande, etc., et même Marine Le Pen.
L'hommage de Marine Le Pen n'est pas anodin, parce qu'à sa démission de Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur, le 3 octobre 2018, Gérard Collomb avait prononcé des mots qui ont été par la suite repris ad nauseam par l'extrême droite : « C’est la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. (…) Aujourd’hui, on vit côte à côte (…), je crains que demain, on vive face à face. », mais toujours en omettant la suite du discours où il appelait à adopter « une vision d'ensemble » pour éviter la ghettoïsation et « recréer de la mixité sociale », élément complémentaire bien sûr systématiquement effacé des discours de l'extrême droite qui, aujourd'hui, a le toupet d'associer cette déclaration supposée prophétique aux récents événements comme les émeutes à la suite de la mort de Nahel ou à l'assassinat de Thomas à Crépol le week-end dernier.
Gérard Collomb, qui tenait déjà ce genre de discours dès juin 2015 dans un discours au 77e congrès du PS, bien avant d'être ministre donc, avait refusé de débattre à l'époque des émeutes de cet été, probablement aussi à cause de sa maladie, car il refusait ce rôle de pseudo-prophète et se savait instrumentalisé par l'extrême droite. Du reste, la collombamania de Marine Le Pen était très nouvelle puisque lorsque l'ancien "édile" de Lyon officiait comme "premier flic de France", celle-ci réclamait à grands cris sa démission, notamment en janvier 2018 en fustigeant la « culture du déni » du ministre et son « angélisme de la vieille gauche ».
En fait, Gérard Collomb n'a jamais été un type normal chez les siens. Certes, professeur agrégé de lettres classiques, franc-maçon (qu'il se disait volontiers) et engagé au sein du parti socialiste dans les années 1970, il avait été élu jeune député de Lyon dès juin 1981, au lendemain de son 34e anniversaire, dans la foulée de la victoire de François Mitterrand à la Présidence de la République. Il était typique de ces élus socialistes vainqueurs de l'année. Mais c'était aussi le départ d'une très longue et prestigieuse carrière politique qui l'a amené à exercer les mandats de député de 1981 à 1988 (il a échoué aux législatives de 1988, 1993 et 1997), puis de sénateur de 1999 à 2017, et enfin, son bâton de maréchal, maire de Lyon de 2001 à 2020 sauf pendant son ministère (et président du Grand Lyon de 2001 à 2017). François Mitterrand l'a nommé au Conseil Économique et Social en 1994 (il y resta jusqu'en 1999) pour compenser sa perte de mandat parlementaire.
Conseiller municipal depuis 1977 (pendant quarante-six ans !), il avait tenté de conquérir la mairie de Lyon déjà en 1989 et en 1995, alors que c'était une forteresse de la droite classique voire traditionnelle. C'était justement en adoptant des positions barro-compatibles qu'il a pu séduire les Lyonnais et devenir le successeur de Raymond Barre, également dans un contexte de division du centre droit (comme Bertrand Delanoë en avait aussi bénéficié à Paris au même moment). Depuis une vingtaine d'années, prenant soin d'être un représentant attentif et reconnu des Lyonnais, il était devenu une sorte de "socialiste de droite", poisson volant étonnant qui était toutefois la raison de ses victoires municipales successives.
Très tôt, Gérard Collomb s'est converti au macronisme. Il voyait en Emmanuel Macron le moyen de rendre les socialistes plus adaptés à la réalité économique du monde nouveau. Il n'est pas exagéré de dire qu'il fut pour Emmanuel Macron un faiseur de roi, c'est d'ailleurs ce que le nouveau Président de la République a confié à l'oreille de son prédécesseur, François Hollande, quand il a pris ses fonctions le 14 mai 2017 : « Je lui dois tout. ».
Oui, tout pour pouvoir être un candidat à l'élection présidentielle victorieux. Ce fut Gérard Collomb qui s'est occupé des parrainages des élus locaux alors qu'Emmanuel Macron n'a jamais su ce qu'était un maire (encore maintenant), et surtout, il a été l'entremetteur, précieux et crucial, pour convaincre François Bayrou de se rallier à la candidature d'Emmanuel Macron, ces quelques pourcentages de voix supplémentaires qui ont fait la différence dans la dynamique de campagne. Il a aussi obtenu du candidat marcheur de retirer de son programme la dépénalisation de certaines drogues, mauvais signal quand au contraire il faut plus d'autorité.
Lorsqu'il a rencontré des journalistes de "L'Express" le 24 novembre 2021 pour évoquer ses relations avec Emmanuel Macron, Gérard Collomb a lâché un peu d'amertume : « Je croyais qu’Emmanuel Macron était mon meilleur ami. Finalement, j’étais peut-être le dernier des naïfs. ». Au fil des mois pendant qu'il était Place Beauvau, Gérard Collomb s'est éloigné d'Emmanuel Macron. Il a été particulièrement affecté par l'affaire Benalla, dont il avait si peu d'information qu'il en était humilié, lui qui aurait dû être l'homme le mieux informé de France. Le 19 septembre 2018, renonçant à moyen terme à ses fonctions de ministre, il a annoncé qu'il comptait se représenter à la mairie de Lyon, prenant ainsi plus de recul. Après plusieurs tentatives de démission (l'Élysée les rejetait), il a enfin obtenu l'autorisation de quitter le gouvernement, et finalement de quitter la macronie. Le premier des ministres a donc perdu toute influence auprès de celui qu'il a fait roi.
Les relations se sont normalisées lorsque le Président de la République a remis à son ancien ministre les insignes d'officier de la Légion d'honneur le 8 mars 2022 dans la salle des fêtes du Palais de l'Élysée en présence entre autres de Brigitte Macron, François Bayrou, Christophe Castaner, Yann Cucherat, et de ses enfants Thomas, Alexandre et Anne-Laure et de nombreux élus lyonnais : « Votre secret, c’est le dépassement politique. Vous avez d’ailleurs beaucoup donné de votre santé. Vous êtes aussi cette voix qui n’a jamais peur de s’exprimer. Vous avez été un grand artisan de ce que fut ma victoire. Je sais, cher Gérard, tout ce que je vous dois. Élu Président de la République, c’est naturellement que je vous propose de devenir Ministre d’État. Par amitié, vous acceptez la charge. La tâche est difficile. Pendant vos dix-huit mois, vous n’avez cessé de penser à Lyon. C’est votre chair. Je voulais vous remercier de ce sacrifice. À la tête de ce ministère, vous avez œuvré sans relâche. (…) Je voulais vous dire que vous pouvez être fier de vos dix-mois mois à la tête du Ministère de l’Intérieur. J’ai toujours eu un ministre loyal, franc et déterminé. ».
Les élections municipales de 2020, dans un contexte de grave crise du covid-19 et de forte abstention, a été une catastrophe pour Gérard Collomb, un échec monumental : il était candidat à la présidence de la métropole de Lyon tandis que son poulain Yann Cucherat était candidat à la mairie de Lyon pour le compte de LREM. Finalement, en raison d'une liste LREM dissidente, il n'a obtenu que 17,3%, en quatrième place au premier tour pour les élections métropolitaines, et aux municipales, la liste LREM a été en troisième position avec 14,9%. Pour le second tour, la liste LREM a fait alliance avec la liste LR d'Étienne Blanc, mais cette alliance n'a pas suffi à écarter la victoire de l'écologiste Grégory Doucet.
C'est ainsi que la carrière politique de Gérard Collomb s'est achevée sur un goût d'inachevé, un peu dans cette impression qu'a donnée François Hollande, qui l'a longtemps fréquenté dans les couloirs du parti socialiste, dans son hommage : « Comme ministre, il n’eut pas le temps de traduire en actes sa lucidité sur les risques de fracturation de notre société. Gérard était doté d’une inépuisable ténacité, d’un rare courage et d’une vive intelligence. ».
Quant à l'Élysée, il a publié un communiqué très complet, en particulier : « Familier des joutes du parti socialiste, secrétaire national à de multiples reprises, responsable d’une des plus puissantes fédérations de France, il tenta d’imposer sa ligne sociale-démocrate, européenne, pragmatique et girondine, auprès des candidats socialistes successifs à la présidentielle. Car Gérard Collomb nourrissait moins une ambition personnelle qu’il ne menait une aventure de pensées et d’idées. Il fut l’un des artisans de l’approfondissement intellectuel entrepris par le parti socialiste, avec la création de la Fondation Jean Jaurès. Porteur de la figure de Saint-Simon, il croyait dans les forces du progrès pour changer la vie. (…) Le Président de la République et son épouse saluent avec chagrin la mémoire d’un ami cher, d’un maire qui voua ses talents exceptionnels de dialogue et d’imagination pour bâtir une ville à son image, d’un homme d’État qui incarnait l’ascension et l’autorité républicaines. ».
« Il y a une forme de déception puisque l'Assemblée Nationale a passé trois jours à débattre de plus de 2 000 amendements sur un index des seniors (…). Ceux qui nous disent "vous ne faites pas assez pour les seniors" suppriment l'index. » (Olivier Dussopt, le 15 février 2023 sur France Inter).
L'article 2 du texte, prévoyant l'institution d'un "index des seniors", a été rejeté par les députés ce mardi 14 février 2023 (scrutin n°972), par 256 voix contre 203 députés favorables à l'article, sur 467 votants (parmi les votes pour, seulement 140 députés Renaissance sur 170, 39 MoDem sur 51 et 24 Horizons sur 29). Le groupe Les Républicains a été l'arbitre de ces votes en rejetant l'index seniors par 38 députés LR sur 61 (6 se sont abstenus, les autres, dont Éric Ciotti, n'ont pas participé au vote). Les députés LR ont trouvé que l'index était trop contraignant, ceux de la Nupes et du RN qu'il n'était pas assez contraignant. C'est évidemment un camouflet pour le gouvernement, et ce n'était pas faute d'une meilleure mobilisation de la majorité. En effet, si tous les députés de la majorité avaient voté (à l'exception de la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet qui ne participe jamais aux votes), seulement 46 voix seraient venus en renfort de la majorité et cela aurait été insuffisant pour rattraper les 53 voix de retard.
Adopté au conseil des ministres et déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale le 23 janvier 2023 ("projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, n°760"), le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement est examiné par l'Assemblée Nationale en séances publiques depuis le lundi 6 février 2023. En plus d'une semaine, on mesure à quel point le débat démocratique a du mal à s'installer même au cœur de la démocratie parlementaire, l'hémicycle du Palais-Bourbon.
En n'ayant qu'une majorité relative, le gouvernement savait que ces débats parlementaires seraient difficiles, mais n'imaginait sans doute pas à quel niveau les députés du groupe FI seraient tombés dans l'invective, l'insulte, les mensonges, l'obstruction. En déposant plus de 18 000 amendements, l'opposition populiste de gauche avait un objectif : dénaturer les débats parlementaires et donner à la rue le rôle principal. Sauf qu'en démocratie, ce ne sont pas les pavés qui gouvernent mais les urnes.
Il est vrai que les quatre journées de manifestations ont été plutôt une réussite malgré le froid hivernal : 1,1 million de manifestants le 19 janvier, 1,27 million de manifestants le 31 janvier, 757 000 manifestants le 7 février et 963 000 manifestants le 11 février (j'ai repris les statistiques du Ministère de l'Intérieur bien plus proches de la réalité que celle des syndicats, si l'on les compare avec le décompte neutre d'Occurrence ; la CGT a donné, de son côté, l'estimation de 2,5 millions tant pour le 31 janvier que pour le 11 février). La prochaine journée a lieu ce jeudi 16 février 2023 et les syndicats promettent un blocage complet du pays à partir du 7 mars 2023.
Mais cette protestation, aussi respectable soit-elle, ne peut remplacer la parole sacrée de l'ensemble des électeurs (et le candidat Emmanuel Macron avait clairement annoncé cette réforme avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2022). Alors que le monde se trouve dans une crise stratégique majeure avec l'agression par la Russie de l'Ukraine et ses risques d'embrasement mondial, qu'il est en train de sortir d'une longue crise sanitaire d'une gravité inédite depuis un siècle et que se profilent les menaces du bouleversement climatique en cours, la France risque de se retrouver paralysée dans un bras de fer d'un autre temps.
Au cours du débat parlementaire, les députés FI ont multiplié les incidents afin de retarder le processus parlementaire. Leur objectif, celui de la "bordélisation" de l'Assemblée, c'est de ne pas avoir le temps d'arriver au vote de l'article 7 de la réforme (il y a 18 articles dans le projet !) qui institue l'âge légal de la retraite à 64 ans. Pourtant, ce serait le meilleur moyen de faire prendre leurs responsabilités aux députés, savoir qui vote quoi.
Je citerai juste deux gros incidents, le premier a eu lieu le 10 février 2023 avec le député FI Thomas Portes qui a refusé de présenter ses excuses après avoir publié la veille une photo qui pouvait être considérée comme un appel au meurtre d'Olivier Dussopt, le Ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion. Il a été immédiatement sanctionné d'exclusion de l'Assemblée Nationale pendant quinze jours de séances, la plus sévère des sanctions (qu'un député du RN avait également eue le 4 novembre 2022). Après cet incident, l'Assemblée n'a repris ses travaux que le lundi à 16 heures. Le 13 février 2023, rebelote, si j'ose écrire, avec un autre député FI (qui ne mérite pas qu'on cite son nom) qui a traité Olivier Dussopt d'imposteur et d'assassin. La séance a été interrompue mais, au contraire de Thomas Portes, il a fait amende honorable, a présenté ses (strictes) excuses (Olivier Dussopt le 15 février 2023 : « Il y a des mots qui ne se pardonnent pas : moi ce que je sais, c'est que j'ai beaucoup de mémoire. »).
Ce climat d'extrême violence verbale n'est pas à la mesure des enjeux politiques et socio-économiques et ne redonnera certainement pas l'envie aux nombreux abstentionnistes des élections législatives de juin 2022 de reprendre le chemin de l'isoloir pour élire la prochaine Assemblée.
Dans ces discussions, le RN se pose en modérateur. Sous la présidence de Sébastien Chenu, vice-président de l'Assemblée, le 13 février 2023, il montrait un désir d'ordre dans les débats qui donnait au RN toute l'illusion d'être un jour responsable et en capacité de gouverner, même si, très temporairement, Marine Le Pen a chuté dans les sondages au profit de Jean-Luc Mélenchon parce qu'elle refuse de se prêter au jeu de rôle des manifestations. Les Insoumis devraient se méfier de leurs comportements particulièrement contre-productifs, leurs électeurs commencent à se dire qu'ils ont élus des voyous, et je pense surtout que ce sont des députés immatures, souvent élus par surprise ou de justesse et qui ne s'y attendaient pas.
Je propose de reprendre succinctement l'historique des débats pour comprendre où les députés en sont.
Tout d'abord, l'opposition a déposé, comme l'y autorise le règlement intérieur de l'Assemblée, trois demandes pour empêcher le débat dès le départ.
La première est une motion de rejet préalable déposée par la présidente du groupe FI Mathilde Panot, qui a été rejetée le 6 février 2023 (scrutin n°908) par 292 députés contre 243 sur 538 votants (parmi ceux qui ont voté pour cette motion, on retrouve 85 députés RN sur les 88 au total, la totalité des 74 députés FI, 26 députés PS sur 31, la totalité des 22 députés EELV et 18 députés PCF sur 22). Sans état d'âme, les députés de la Nupes ont joint leur suffrages à ceux du groupe RN pour tenter de rejeter immédiatement le projet de loi. Il faut insister sur le fait qu'il y a plus de députés RN qui ont voté cette motion de rejet préalable que de députés FI qui en étaient pourtant les initiateurs (ce qui est logique vu que le groupe RN est plus nombreux).
La deuxième demande est la motion référendaire avec une polémique sur laquelle devait être présentée aux votes. Je rappelle juste, pour faire simple, que le règlement de l'Assemblée ne prévoie le vote que d'une seule motion référendaire par texte en examen. Or deux motions référendaires ont été déposées, une émanant du groupe RN et une autre des groupes de la Nupes. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivert a résolu cette difficulté de procédure en procédant à un tirage au sort qui a bénéficié au groupe RN. Au dernier moment, Charles de Courson, du petit groupe technique LIOT, a déposé une troisième motion référendaire qui n'a pas été prise en compte (car trop tardive), tandis que les députés de la Nupes voulaient en profiter pour faire un nouveau tirage au sort. Par ailleurs, le règlement impose que la totalité des signataires de la motion référendaire soit présents en séance pour qu'on puisse procéder au vote. 60 députés RN avaient présentés cette motion et parmi eux, certains députés ont reçu de faux appels téléphoniques qui leur annonçaient qu'une personne proche était à l'hôpital et qu'il fallait aller auprès d'elle, dans le but de les éloigner de l'hémicycle (j'espère qu'une enquête permettra d'en déterminer l'origine).
Cette motion référendaire, qui vise à soumettre le texte examiné au vote populaire, présentée par Marine Le Pen et 59 députés RN, a été rejetée le 6 février 2023 (scrutin n°909) par 272 députés contre 101 sur 381 votants (parmi ceux qui ont voté pour cette motion, on retrouve 86 députés RN et 2 non-inscrits, Emmanuelle Ménard et Nicolas Dupont-Aignan, mais aucun député de la Nupes qui ne voulait pas mélanger ses voix avec le RN).
Enfin, la troisième demande est la "demande de constitution d'une commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi pour une retraite universellement juste" présentée par André Chassaigne, le président du groupe communiste, là encore, comme le permet le règlement de l'Assemblée. J'y reviendrai plus loin.
Il a fallu attendre le 10 février 2023 pour l'adoption de l'article 1er du texte, qui concerne la suppression des régimes spéciaux de retraite (scrutin n°947). Ce premier article a été adopté par 181 députés contre 163 sur 346 votants. Parmi les votes pour, il y avait 117 députés Renaissance, 14 LR, 31 MoDem, 18 Horizons ; parmi les votes contre, 61 RN, 59 FI, 19 PS, 12 PCF et10 EELV. Comme on voit, il y a eu beaucoup de députés absents.
Dans les débats publics, tant dans l'hémicycle (examen du texte et questions au gouvernement) que dans les médias, l'opposition s'est focalisée sur la mesure sociale du relèvement de la pension minimale (qui n'a rien à voir avec le minimum vieillesse). En effet, selon un économiste (Michaël Zemmour), la mesure des 1 200 euros de pension mensuelle ne concernerait pas tous les retraités. Mais à cela, rien de surprenant : le gouvernement a toujours communiqué que ces 1 200 euros étaient dans le cas d'une carrière complète en temps plein avec un salaire au moins au SMIC. Le contraire serait croire au Père Noël. Donc, au fil des interpellations, l'opposition a changé son fusil d'épaule et a réclamé le nombre de bénéficiaires pour lesquelles cette mesure s'appliquerait, dans le but de dire que cela ne concernerait que très peu de monde. C'était encore le sujet des questions au gouvernement lors de la séance du 14 février 2023.
Invité de la matinale de ce mercredi 15 février 2023 sur France Inter, Olivier Dussopt a donné des indications chiffrées. Elles ne sont pas forcément simples à comprendre parce que le système des retraites est compliqué en lui-même, chaque situation personnelle était un cas différent.
Voici sa réponse qui montre que la mesure du gouvernement n'est pas aussi négligeable que fustigée par l'opposition : « L'engagement d'une retraite à 85% du SMIC a toujours été pris pour une carrière complète à temps plein. C'est cet engagement que nous allons tenir (…). Grâce à cette réforme, 1,8 million de retraités actuels vont voir leur pension revalorisée. Parmi eux, 900 000 auront une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros. Comme ce sont les retraités actuels, et que nous connaissons mieux leurs situations, vous en avez 125 000 qui vont aller jusqu'au maximum des 100 euros de revalorisation. Cela peut paraître peu et en fait, c'est énorme. Cela signifie que nous avons 250 000 retraités supplémentaires qui vont franchir le cap des 85% du SMIC. Lorsqu'on regarde les 800 000 nouveaux retraités, 200 000 auront une pension revalorisée. Parmi eux, un tiers aura une revalorisation supérieure à 70 euros. 40 000 personnes de plus chaque année passeront le cap des 85% du SMIC [parmi les nouveaux retraités] grâce à cette seule réforme. (…) Pourquoi 40 000 sur 200 000 ? Parce que ceux qui resteront en-dessous [de ce seuil] sont ceux qui ont des carrières incomplètes. Sur les 17 millions de retraités, on en a plus de 5 millions qui ont une retraite inférieure à 1 000 euros brut. Et derrière ces 1 000 euros brut, ce sont des carrières très incomplètes. Notre système de retraite renvoie les parcours de vie et les inégalités de vie. ».
Olivier Dussopt a, par ailleurs, confirmé l'information de la veille d'un amendement qui serait déposé par le gouvernement sur l'article 8 du projet de loi sur les carrières longues, une concession pour le groupe LR qui s'est dit satisfait de la décision : « Un amendement du gouvernement va permettre de le mettre en œuvre. On va faire quatre dispositifs : un pour ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans, ils sont très peu nombreux, ils continueront à partir à 58 ans. Nous créerons un dispositif pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans. À 60 ans, si vous avez 43 annuités, vous pouvez partir. Il y a un dispositif pour ceux qui ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans. À 62 ans, vous pouvez partir si vous avez vos 43 annuités. Enfin il y a un nouveau dispositif si vous avez commencé entre 20 et 21 ans, si, lors de vos 63 ans, vous avez vos 43 annuités, vous partez. ».
Autre sujet très important, la capacité, pour ceux qui ont un métier pénible, de se reconvertir en cours de carrière ou de quitter en douceur leur emploi avec du temps partiel : « La question forte, c'est la capacité que nous avons à trouver du sens et du plaisir dans le travail. (…) Cela renvoie aux questions de pénibilité et de reconversion. (…) Dans le cadre de la modernisation du compte professionnel de prévention pour les métiers les plus pénibles. Nous créons la possibilité d'un congé de reconversion pour vraiment pouvoir changer de métier et se réorienter. Je pense que cette possibilité doit être ouverte plus largement. Changer de métier, avoir un autre avenir, permet de durer plus longtemps (…). Nous allons très largement faciliter pour le secteur privé, et ouvrir le droit dans le secteur public, à la retraite progressive. C'est une façon de lever le pied, décélérer en passant au temps partiel payé par l'employeur et le reste du temps payé par la caisse de retraites tout en continuant à valider des trimestres. C'est aussi une façon d'accompagner la fin de carrière. ».
Le ministre a aussi confirmé que l'article 49 alinéa 3 de la Constitution n'était pas à l'ordre du jour car, avec le groupe LR, il existe une majorité à l'Assemblée en faveur de la réforme : « Nous considérons que nous avons une majorité sur ce texte-là, mais pour avoir une majorité, il faut aller au vote et pour aller au vote, il faut en finir avec l'obstruction. ».
Je termine en revenant à la séance du 7 février 2023 et sur la demande d'une commission spéciale. De la part de l'opposition, tout est bon pour éviter le débat de fond. C'est la raison pour laquelle cette commission spéciale a été demandée alors que l'opposition a bloqué les travaux de la commission des affaires sociales en déposant une vingtaine de milliers d'amendements. La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a pris la parole pour s'opposer, avec beaucoup de combativité, à la constitution d'une telle commission spéciale.
Voici son intervention complète : « Chers collègues du groupe GDR [communiste], pourquoi donc vous jetez-vous ainsi dans les bras de la Nupes et de toutes les manœuvres de vos alliés LFI ? Vous qui aimez tant le Parlement et la vie parlementaire, vous voilà alliés de leurs méthodes, de leurs 18 000 amendements, de leur obstruction systématique et de leurs incohérences. Hier, vous qui en appeliez au peuple, vous avez préféré déserter pendant le vote d’une motion référendaire. Pourtant, quand il s’agit de vos motions de rejet, joindre vos voix à celles du Rassemblement national ne vous gêne absolument pas. Si vous ne voulez pas entretenir la confusion entre vous et l’extrême droite, alors cessez d’employer leurs méthodes ! À défaut de pouvoir couper court à nos débats, vous avez désormais recours à un nouveau stratagème reposant sur l’article 31 de notre règlement. Libre à vous, chers collègues, de faire usage de votre droit d’initiative parlementaire, mais comment comprendre que vous souhaitiez débattre des retraites au sein d’une commission spéciale, alors que vous refusez de le faire ici, dans l’hémicycle ? Puisque vous nous invitez au débat, nous y sommes évidemment prêts. Parlons donc, en quelques mots, de votre projet : avec la Nupes, c’est l’obstruction et la taxation ; 18 000 amendements et 130 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Un ouvrier dans l’automobile, qui gagne 2 000 euros par mois et travaille une heure supplémentaire par semaine, perdra 150 euros de salaire net sur l’année, parce que la Nupes veut rétablir les charges que nous avons supprimées sur les heures supplémentaires. C’est la vérité, la triste vérité de votre politique. Un fleuriste paiera 700 euros de charges supplémentaires par mois pour un salarié au SMIC, parce que la Nupes veut supprimer les allégements de cotisations patronales que nous avons votés sur les bas salaires. Parlons aussi des fausses informations, celles qui circulent sur les réseaux sociaux, celles que vous relayez dans les manifestations et, matin, midi et soir, dans les médias. L’une d’entre elles est particulièrement indécente, celle selon laquelle 25% des Français les plus pauvres seraient déjà morts au moment où ils prennent leur retraite. Heureusement, c’est faux, vous le savez pertinemment, mais vous continuez à diffuser cette fausse information. Vous continuez à faire peur et à inquiéter sur un projet qui doit nous rassembler. Parlons enfin de ce contre quoi vous voterez en rejetant demain ce texte. Vous voterez contre le fait de garantir une retraite décente à tous les Français qui ont une carrière complète. Vous voterez contre le fait de percevoir enfin une pension égale à 85% du SMIC net, ce qui est tout simplement de la justice sociale, et ce que nous voulons au sein de la majorité. Vous voterez contre le fait que des Français qui veulent travailler et ne peuvent trouver un emploi en raison de leur âge aient demain la garantie d’en trouver un. Vous voterez contre un index seniors qui permettra de mesurer les inégalités et, surtout, de les corriger, car c’est évidemment ce que nous devons faire. Vous voterez contre l’amélioration de la situation des femmes, dont vous avez tant parlé. Assumons ce débat. Assumons que, demain, avec la réforme, les femmes partiront plus tôt que les hommes. Assumons qu’elles bénéficieront de la revalorisation de la retraite minimale, puisque 60% de ceux qui la touchent actuellement sont des femmes. Assumons que nous allons créer des trimestres supplémentaires pour les aidants familiaux, qui sont principalement des femmes. Oui, le débat a lieu ici et maintenant, pas demain ou après-demain. C’est aujourd’hui que cette réforme doit se mener, et c’est aujourd’hui que nous la mènerons. Car il y va de l’avenir des Français, de l’avenir des plus vulnérables, dont le seul capital est la solidarité nationale et la solidarité intergénérationnelle, autrement dit notre régime par répartition. Vos alliés et vous répétez à l’envi que vos 18 000 amendements visent à enrichir nos débats et non à les obstruer. Faites en donc la démonstration ! Débattons ici et maintenant, et non demain au sein d’une commission spéciale. C’est maintenant que nous devons débattre et voter. C’est pourquoi nous rejetterons votre demande de constitution d’une commission spéciale. ».
Finalement, la demande de commission spéciale a été rejetée le jour même (scrutin n°912) par 260 députés contre 127 sur 413 votants. Parmi ceux qui étaient favorables à cette commission spéciale, 3 RN, 59 FI, 22 PS, 17 EELV et 18 PCF. Et également un non-inscrit, le député Adrien Quatennens, qui a fait dans la soirée du 7 février 2023 sa première intervention depuis l'été et son "affaire", sous les huées de certains députés de la majorité, choqués qu'il ne restât pas discret pendant sa peine de quatre mois de prison avec sursis.
« C'est un coup de poignard dans le dos de ces combattantes qu'enfoncent certaines néoféministes en condamnant toute critique du voile au prétexte de ne pas nourrir l'islamophobie. (…) Combien faudra-t-il de morts à Téhéran pour que l'héroïsme des Iraniennes les force à ouvrir les yeux et les oreilles et pour qu'elles cessent de danser le moonwalk de Michael Jackson en faisant semblant de faire avancer la cause des femmes tout en la faisant reculer ? » (Claude Malhuret, le 5 octobre 20220 au Sénat).
Depuis un mois, de nombreuses manifestations ont lieu en Iran pour s'attaquer à la dictature islamique du Guide suprême. La cause, le catalyseur, a été l'arrestation à Téhéran de la jeune étudiante iranienne d'origine kurde (et sunnite) Masha Amini (22 ans) le 13 septembre 2022 par la police dite des mœurs pour tenue indécente ("port de vêtement inapproprié" : elle portait mal le hijab et avait laissé dépasser une mèche de cheveux).
Le jour même, elle a été conduit à l'hôpital, tombée dans le coma, et elle est morte sans s'être réveillée le 16 septembre 2022, enterrée le lendemain. Selon les autorités iraniennes, elle n'aurait pas été tabassée et serait morte dans la première version d'un problème cardiaque et dans une seconde version d'une maladie au cerveau alors que sa famille a affirmé qu'elle était en excellente santé et qu'elle s'est procurée un scanner faisant état de coups et blessures sur la tête.
Dès le 16 septembre 2022, le peuple iranien s'est mis courageusement à manifester et à protester dans les principales villes iraniennes, en particulier kurdes mais aussi à Téhéran et dans les universités. La police a réprimé violemment les manifestants et entre le 16 septembre et le 2 octobre 2022, l'organisation Iran Human Rights a décompté au moins 92 manifestants iraniens tués. La cible des manifestants est le Guide suprême Ali Khamenei, qui a accusé le 3 octobre 2022 « les États-Unis, le régime sioniste et leurs mercenaires » d'être à l'origine de cette déstabilisation du régime.
Un an après la mort de l'ancien Président Bani Sadr, le peuple iranien et en particulier les femmes iraniennes, se mettent à rêver d'une libéralisation du régime après plus de quarante-trois ans de dictature islamique, tandis que les plus conservateurs du régime avaient gagné l'an dernier l'élection présidentielle avec la victoire du religieux chiite Ebrahim Raïssi, probable successeur du guide de la révolution.
Cette actualité sanglante a ému le monde entier, en particulier en France où des manifestations ont été organisées dans plusieurs grandes villes pour soutenir les femmes iraniennes dans leur liberté de choisir leurs vêtements. Des mobilisations diverses et variées ont eu lieu (en particulier des actrices françaises), et le Sénat a aussi choisi de faire un débat sur le sujet ("Atteintes aux droits des femmes et aux droits de l'homme en Iran") le mercredi 5 octobre 2022 après-midi à l'initiative de son Président, Gérard Larcher.
La séance fut présidée par l'ancien Ministre de la Défense Alain Richard, actuel vice-président du Sénat, et a consisté en des interventions de chaque groupe avec une conclusion prononcée par la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna qui a résumé l'horreur ainsi : « Une vie détruite. Et pourquoi ? Pour une mèche de cheveux dépassant d'un voile... ».
Parmi les orateurs, il y a eu le sénateur de l'Allier Claude Malhuret, actuel président du groupe Les Indépendants, République et Territoires, ancien Secrétaire d'État chargé des Droits de l'homme entre 1986 et 1988 (le premier du genre), ancien maire de Vichy, ancien président de Médecins sans frontières et cofondateur du site Doctossimo (avec Laurent Alexandre).
Soutenant les femmes iraniennes, Claude Malhuret a fustigé les militantes hypocrites qui récupéraient ce combat alors qu'elles défendent le port du voile en France. Comme son intervention a été excellente du début à la fin, je propose ici de la reproduire. La source est le compte rendu intégral des débats du Sénat.
M. le président (Alain Richard).La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret.Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps des dictateurs est revenu. Les démocraties, au terme d'une lutte implacable, avaient vaincu au XXe siècle les deux totalitarismes aux dizaines de millions de morts. Certains les croyaient disparus à jamais.
Sous nos yeux, l'internationale des tyrans se reforme. Le boucher de Moscou, le génocidaire des Ouïghours en Chine, le docteur Folamour de Corée du Nord, le massacreur de femmes de Téhéran et quelques autres se sont regroupés. Leur seul but : se venger, abattre l'Occident, mettre à bas la liberté et, en premier lieu, celle des femmes.
Le pire est que, comme au siècle précédent, ils comptent des alliés dans nos propres pays : les adorateurs de Poutine, indifférents au massacre des Ukrainiens ; les complices de Xi, qui se moquent des Ouïghours et de Taïwan ; les alliés de Khamenei, expliquant, au moment où les Iraniennes meurent, que le voile est seyant ; en un mot, les populistes de tous bords, qui partagent une idée fixe avec les despotes : la haine de la démocratie.
Depuis le début de la révolte en Iran, et jusqu'à la manifestation de dimanche dernier à Paris, ces professionnels de l'indignation, ceux qui battent le pavé chaque semaine pour crier que la police tue ou dénoncer le racisme systémique en France, avaient disparu. Où étaient-ils lors des deux premiers rassemblements en soutien des femmes iraniennes ? En week-end sans doute, comme lors des manifestations pour l'Ukraine ! Leurs comptes Twitter, qui dénoncent chaque jour le patriarcat et l'islamophobie, sont devenus muets : pas un mot de soutien, pas un appel contre la mollarchie et sa police des mœurs ! Pendant qu'à Téhéran, les femmes meurent sous les coups et les balles, ils préfèrent dénoncer le virilisme du barbecue, faire l'éloge d'un gifleur ou juger les harceleurs dans des "comités de transparence", qui sont l'oxymore le plus grotesque inventé depuis la dictature du prolétariat.
Quelques-uns d'entre eux ont réapparu dimanche dernier lors du rassemblement place de la République à Paris. Les Iraniens et les Iraniennes présents leur ont donné une grande leçon de laïcité. En signifiant à Mme Rousseau qu'elle n'était pas la bienvenue, ils ont rendu clair pour tout le monde cette évidence : on ne peut pas en même temps être pour le voile à Paris et défendre celles qui brûlent leur voile à Téhéran. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.) En sifflant Mme Manon Aubry, ils ont signifié qu'un parti ne peut pas marcher avec les islamistes en 2019 et soutenir les victimes de la République islamiste en 2022. En un mot, ils nous ont montré qu'on ne peut à la fois être communautaristes et universalistes : il faut choisir.
En Iran, des femmes risquent leur vie pour se débarrasser du voile. Ici, les intersectionnels le présentent comme une liberté. Écoutons ce que leur répond Chantal de Rudder : "Le voile n'est pas un objet cultuel, mais un objet politique. C'est le produit phare de l'islamisme. Et c'est désormais une affirmation anti-occidentale et antidémocratique".
Ce morceau d'étoffe, Bourguiba l'appelait "l'épouvantable chiffon". Aux naïfs qui croient que se voiler est un choix, aux décoloniaux qui n'ont jamais lu un livre d'histoire, il faut rappeler que la lutte contre le voile n'est pas une oppression néocoloniale : les grands dirigeants musulmans ayant compris que la soumission de la femme était l'une des causes principales du déclin de leur pays l'ont combattu. Atatürk, le premier, l'a interdit dans les années 1920 en Turquie ; puis, ce fut Reza Chah dans les années 1930 en Iran, et Bourguiba plus tard en Tunisie. Nasser, en Égypte, s'en moquait publiquement devant le grand mufti d'al-Azhar.
Ce combat, gagné par eux, a été perdu depuis la révolution islamique de 1979. Les femmes iraniennes reprennent aujourd'hui ce flambeau contre les mollahs, les ayatollahs, les dictateurs, les talibans et leur police des mœurs.
C'est un coup de poignard dans le dos de ces combattantes qu'enfoncent certaines néoféministes en condamnant toute critique du voile au prétexte de ne pas nourrir l'islamophobie. C'est un coup de poignard dans le dos lorsque Sandrine Rousseau déclare que le voile peut être un "embellissement" ou que Rokhaya Diallo ose affirmer : "La liberté peut aussi être dans le hijab".
Combien faudra-t-il de morts à Téhéran pour que l'héroïsme des Iraniennes les force à ouvrir les yeux et les oreilles et pour qu'elles cessent de danser le moonwalk de Michael Jackson en faisant semblant de faire avancer la cause des femmes tout en la faisant reculer ?
Le XXIe siècle s'annonce aussi dangereux que le précédent ; il est temps de s'en rendre compte. Ceux qui croient que nous ne sommes pas en guerre ou qui, pour se rassurer, se forcent à le croire commettent une erreur tragique, car les dictateurs et les ayatollahs, eux, savent qu'ils sont en guerre contre nous.
Puissent les admirables femmes iraniennes, les héroïques soldats ukrainiens et les courageux dissidents chinois nous convaincre de nous rallier à leur cri : "Liberté !" (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)
« Le jour du dépassement mondial, c’est aujourd’hui. Le jour du dépassement pour la France, c’est le 5 mai. Et il ne faudrait pas qu’en communiquant sur le 28 juillet, on se dise : on a finalement que 156 jours de dépassement. Si on vivait tous comme des Français, à l’échelle mondiale, le jour du dépassement serait le 5 mai, je le redis, et il nous faudrait 2,9 planètes. » (Christophe Béchu, le 28 juillet 2022 sur LCI).
Ce jeudi 28 juillet 2022 est le jour du dépassement de la Terre. C’est un jour de l’année calculé par une ONG américaine, le Global Footprint Network, à partir duquel on a fini de consommer l’ensemble des ressources que la planète est capable de regénérer pendant une année. En quelque sorte, en tant que rentiers de la planète, c’est le jour de l’année à partir duquel on ne vit plus des intérêts (ou des dividendes) mais carrément du capital (qui se réduit donc).
On pourra toujours discuter de la manière de calculer cette date, c’est le rapport entre la biocapacité (capacité de production biologique de la Terre) et l’empreinte écologique de l’humanité. Il y a certainement d’autres méthodes de calcul et, je le répète, ici, tout est discutable dans les détails, mais dans la tendance, cela signifie, et intuitivement, on peut l’imaginer, qu’on dilapide le capital planétaire sans lui permettre de "respirer". C’est une manière de communiquer, on pourrait aussi dire que l’humanité aurait besoin d’environ 1,7 planète comme la Terre pour vivre sans dilapider les ressources naturelles. En d’autres termes, nous, humains, vivons au-dessus de nos moyens. Mais nous le savions déjà.
Notons que cette notion n’a rien à voir avec le bouleversement climatique, enfin, presque rien, puisque la pollution censée engendrer ce bouleversement compte quand même dans la part de dilapidation de la planète. Entre autres effets, les réserves minières en chute libre et la biodiversité en danger.
Ce qui est plus intéressant, car donner cette date de manière brutale n’a pas beaucoup d’intérêt sinon de nourrir l’anxiété déjà bien entretenue des populations sur le devenir de la planète, c’est d’en connaître l’évolution.
La perfection serait que cette date soit le 31 décembre 2022, c’est-à-dire, que pendant toute l’année 2022, l’humanité n’ait dépensé comme ressources planétaires que celles que la planète est capable de reproduire par elle-même, naturellement. Mais le second principe de thermodynamique interdit en fait cette perfection (l’entropie est toujours strictement positive dans la réalité). En 1971, il y a plus de cinquante ans, cette date était le 25 décembre (et en apprenant cela, l’anxiété redouble d’intensité).
Avec la rationalisation de l’industrie et de l’agriculture, la globalisation des échanges et plus généralement de l’économie, un accroissement de la consommation mondiale (qui, insistons là-dessus, a amélioré les conditions de vie de la plupart des Terriens et qui a fait augmenter leur espérance de vie), cette date n’a jamais cessé (en tendance lourde) de reculer jusqu’à ce 28 juillet 2022. J’indique pour les tendances, car de manière ponctuelle, il peut y avoir quelques exceptions vertueuses, en particulier lors des deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la crise financière de 2008 et bien sûr, la crise sanitaire du covid-19 (passage du 29 juillet en 2019 au 22 août en 2020). Les vertus pour les uns (moins de pollution) sont des vices pour les autres (paupérisation, chômage, etc.).
En 2022, on a eu une toute petite amélioration par rapport à 2021 (30 juillet) en raison de la crise du pétrole et du gaz. Globalement, la plupart des pays savent qu’il faut faire un effort pour préserver la planète, mais cette prise de conscience est rarement suivie d’effets efficaces rapidement. En continuant ainsi, le jour de dépassement serait le 28 juin en 2030.
Bien entendu, il y a aussi une grande disparité selon les pays. Ainsi, pour prendre deux extrêmes, en 2018, le jour du dépassement était le 9 février pour le Qatar et le 16 décembre pour le Maroc, le 20 décembre pour le Vietnam. On peut aussi, comme je l’ai indiqué plus haut, donner l’information en nombre de Terres qu’il faudrait si toute l’humanité vivait comme le pays donné (il suffit de faire une règle de 3) : pour l’Australie et les États-Unis, il faudrait cinq planètes Terre, tandis que l’Inde ne nécessiterait que 0,6 planète (il n’y aurait donc pas de jour de dépassement). Le problème, c’est que 86% de la population mondiale vit dans des pays qui ont besoin de plus d’une planète. Parmi les pays les plus polluants, on peut citer : la Russie, les États-Unis, le Canada, l’Australie.
Et la France dans tout cela ? Le jour du dépassement était bien plus tôt que le 28 juillet, le 5 mai 2022 (en 1961, c’était le 30 septembre). Cela signifie qu’il faudrait 2,9 planètes Terre pour pouvoir regénérer les ressources naturelles. Il faut cependant se méfier des chiffres. Si tous les pays se comportaient comme la France, il faudrait certes 2,9 planètes Terre, certes, mais la France n’utilise que 1,8 fois plus que ce que la biocapacité de la France peut lui fournir.
La France se situe dans la moyenne des pays du même genre, un peu au-dessus du Royaume-Uni, du Japon, de l’Italie et de l’Espagne, un peu en dessous de l’Allemagne, de la Suisse, etc. En 2018, on considérait que la France avait cumulé une dette écologique de 33 ans depuis 1961.
Autre évidence : la France ne représente pas grand-chose par rapport à l’ensemble des autres pays du monde. Par conséquent, si la France seule fait un effort, il n’y aura pas un énorme progrès écologique. C’est donc bien un effort mondial concerté qui est nécessaire, et c’est l’objet des COP.
Depuis 2017, le jour de dépassement s’est stabilisé au 5 mai en France et ne pourrait pas s’améliorer mieux que de quelques jours avec les mesures déjà prises antérieurement. Il faut donc impulser de nouveaux comportements. C’état ainsi l’objet de la présence de Christophe Béchu à la matinale de LCI du 28 juillet 2022.
Christophe Béchu est devenu l’une des figures montantes de la vie politique (il a été longtemps un jeune espoir). Secrétaire général de Horizons, le parti de l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe, depuis le 9 octobre 2021, il est depuis le 4 juillet 2022 l’important Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, succédant à Amélie de Montchalin battue aux dernières législatives, après avoir été nommé Ministre délégué chargé des Collectivités territoriales le 20 mai 2022.
À 48 ans, Christophe Béchu, avocat de formation, engagé longtemps à l’UMP, est un vieux routier de la vie politique. Conseiller municipal à 21 ans, adjoint et conseiller général à 24 ans, il a été élu à 29 ans le plus jeune président du conseil général (de Maine-et-Loire) de 2004 à 2014. Malgré le soutien de l’ancien maire socialiste Jean Monnier et un accord avec le MoDem, Christophe Béchu a échoué de peu à conquérir la mairie d’Angers en mars 2008 face au maire socialiste sortant. Élu député européen en 2009, conseiller régional des Pays de la Loire de 2010 à 2011, sénateur de 2011 à 2017, il a finalement été élu maire d’Angers en 2014, réélu en 2020, fonction qu’il vient d’abandonner au profit de son ministère. Il a soutenu Alain Juppé à la primaire LR de 2016. S’il n’est pas forcément spécialiste de l’écologie, il connaît parfaitement les problématiques des collectivités territoriales.
Sur LCI, Christophe Béchu s’est montré alarmiste sur le chemin à parcourir, et a affirmé : « Les ONG vous disent : si on prend un certain nombre de mesures fortes, on peut reprendre un mois, à l’échelle de notre pays. ».
Et ces mesures nombreuses, lesquelles sont-elles ? C’est de faire 700 000 rénovations thermiques urbaines par an, c’est de diminuer la part de l’automobile dans les transports, d’augmenter la part des véhicules électriques, augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, de limiter l’étalement urbain, faire 25% de terres bio, de réduire de moitié l’utilisation des pesticides, de manger moins de viande, etc. : « Quand vous mettez tout ça bout à bout (…), on est capable de gagner trente-cinq jours. ».
Christophe Béchu a rappelé aussi que l’engagement international de la France, ce n’est pas seulement de limiter le déficit à 3% (engagement européen), mais aussi de suivre la trajectoire carbone qui demande de réduire de 55% en 2050 les émissions de carbone par rapport à 1990 : « Le sujet de ce jour du dépassement, c’est qu’il a une vertu énorme : c’est cette capacité pédagogique à faire prendre conscience aux gens de l’importance des efforts collectifs que nous avons à faire. Ce qui nous manque, aujourd’hui, malgré les décisions qui ont été prises, c’est une cohérence dans une trajectoire qui permette d’expliquer aux Français que les choix que nous faisons, que les réorientations que nous décidons, que les décisions politiques que nous prenons, elles visent à diminuer le réchauffement climatique, à reculer le jour du dépassement et à faire en sorte qu’on puisse préserver une planète qui soit davantage viable. ».
Le ministre a conclu sur la nécessaire unité des Français pour adhérer à ces mesures de salubrité planétaire : « Il faut faire attention à ne pas être dans un discours d’ayatollah dans lequel, au motif qu’on a des enjeux monstrueux autour de la transition écologique, on en finirait par considérer que la fin du monde justifierait de ne pas se préoccuper totalement de la fin du mois. Parce que la vérité, c’est que pour enclencher cette transition écologique (…), il faut que tous les Français soient en capacité aussi d’enclencher cela. (…) Toute la difficulté, c’est comment on accompagne les Français les plus fragiles, les plus modestes pour ne pas avoir des explosions de budget qui provoquent aussi des explosions sociales, sans dévier d’une trajectoire dans laquelle nous devons sortir des énergies fossiles. (…) Plus on opposera les deux, plus on risquera de faire de la transition écologique un champ de bataille dans un pays qui a besoin d’apaisement et qui a besoin d’unité surtout sur ce sujet. (…) Il ne faut pas une écologie d’invectives, il ne faut pas une écologie de slogans, il faut une écologie de solutions et d’actions. C’est la raison pour laquelle je suis là. ».
Ceux qui fustigeaient Christophe Béchu parce que son CV ne comportait aucune action écologique particulière vont pouvoir se rendre compte que, la limitation du cumul des mandats aidant, l’ancien maire d’Angers est totalement à fond dans la réalisation de ses objectifs de transition écologique. Sa charge mentale est à 100% sur ce sujet, et il semble avoir la capacité à convaincre les Français que c’est le meilleur chemin à prendre pour préserver l’avenir. Il restera aussi à convaincre un Parlement un peu éclaté et très pollué par des postures politiciennes.
« Une République de l’engagement, celle qui s’adresse à toutes les petites filles de notre pays. C’est donc avec beaucoup d’émotion que je prends la parole après vous, sous l’œil bienveillant de la première femme élue à la Présidence de l’Assemblée Nationale. Ce sont encore deux femmes qui me succéderont à cette tribune. Quel symbole au regard de l’histoire de France et des combats qui nous ont précédés, au regard du mépris et des quolibets qu’ont dû, ici, supporter tant de femmes parlementaires et ministres ! » (Aurore Bergé, le 6 juillet 2022 dans l’hémicycle).
Et de poursuivre : « Le temps des femmes est venu et c’est historique. Le temps des femmes est venu et il durera. Soyez assurés que nous saurons user de nos nouvelles responsabilités avec bienveillance, mais surtout avec pugnacité. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas être les premières, mais de nous inscrire dans le temps long. (…) Nous sommes collectivement dépositaires d’un héritage, la Constitution de la Cinquième République ; moi-même comme l’ensemble des députés de mon groupe y restons fidèles. Fidèles à celui qui l’a inspirée : le Général De Gaulle. Fidèles à ceux qui l’ont fait évoluer : Jacques Chirac, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy. Fidèles au subtil équilibre des pouvoirs prévu par notre texte fondamental : un Président légitime, un gouvernement qui a les moyens d’agir, une Assemblée Nationale ayant la capacité de légiférer en toute liberté. Voilà le cadre commun : non pas le blocage ni l’idée bien peu républicaine que les résultats des élections peuvent être contestés dans la rue, mais cette Cinquième République qui nous fait, qui nous tient et que, dans cette majorité présidentielle, nous voulons faire vivre. ».
Cette femme qui s’adressait ainsi à la Première Ministre Élisabeth Borne, première oratrice dans le débat qui a suivi la déclaration de politique générale du gouvernement le mercredi 6 juillet 2022, c’est Aurore Bergé, députée de Rambouillet, qui, à 35 ans, a obtenu son bâton de maréchal.
Connue pour son ambition dévorante, réélue aux législatives de juin 2022 avec 63,3% face à un candidat de la Nupes, Aurore Bergé a en effet été élue le 22 juin 2022, dès le premier tour, présidente du groupe Renaissance (ex-LREM), avec 88 voix sur 153 (57,5%) contre Guillaume Vuilletet, Rémy Rebeyrotte et Stella Dupont. C’était une première dans l’histoire de la République et dans l’histoire du Parlement, puisqu’il n’y avait encore jamais eu de femme élue à la présidence du premier groupe de l’Assemblée, groupe majoritaire (ici composé de 172 membres et apparentés). Un ministre confiait au journal "Le Parisien" : « Elle tient sa revanche, c’est mérité ! ». Aurore Bergé avait fait une campagne active auprès des députés LREM pour ce scrutin.
Aurore Bergé, élue pour son premier mandat parlementaire en juin 2017 avec 64,8% contre le député sortant Jean-Frédéric Poisson, investi par LR, avait déjà cherché à conquérir la présidence du groupe LREM. Le 9 septembre 2020, elle avait déstabilisé l’ancien Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner en le mettant en ballottage, avec 81 voix sur 269 (30,1%) face à Christophe Castaner (35,1%), François de Rugy (21,9%) qui a soutenu Aurore Bergé au second tour et Coralie Dubost (9,7%). Toutefois, Aurore Bergé avait dû s’incliner le lendemain au second tour avec seulement 45,3% mais elle n’avait que 25 voix de retard sur celui qui aurait dû être incontesté. En juin 2022, la situation était un peu différente puisque Christophe Castaner avait été battu aux législatives.
Comme elle l’indiquait en introduction à son discours du 6 juillet 2022, Aurore Bergé n’est pas la seule présidente femme de groupe, car les trois groupes les plus importants de cette législature sont effectivement présidés par une femme : avec Renaissance, les groupes RN et FI sont également présidés par une femme, respectivement Marine Le Pen et Mathilde Panot.
La majorité présidentielle s’est ainsi dotée d’un trio de choc qui va être stratégique pour les cinq prochaines années : Élisabeth Borne, Première Ministre et chef de la majorité, Yaël Braun-Pivet au perchoir et Aurore Bergé, l’exécutante, chef opérationnelle des députés de la majorité.
Pour Aurore Bergé, c’est l’étape logique dans une carrière qu’elle veut prometteuse. En effet, "animal politique" et grande communicante, elle s’est engagée dans la vie politique très tôt au sein de l’UMP, dès 2002 (elle avait 16 ans) pour répondre à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Étudiante à l’UNI, elle a travaillé auprès de Roselyne Bachelot députée européenne, qu’elle a retrouvée un peu plus tard ministre et, aux côtés de l’ancien ministre Pierre Moscovici, témoin de son mariage avec un futur député socialiste. Elle, UMP considérée comme à l’aile gauche pour son libéralisme sociétal, a tenté de gravir les échelons électifs.
À la succession du maire historique de Versailles (où elle a vécu) Étienne Pinte, aux élections municipales de mars 2008, Aurore Bergé n’a pas été élue car elle était sur la mauvaise liste, la liste UMP officielle tandis que la liste DVD menée par François de Mazières a gagné la bataille. Elle n’est pas élue non plus aux élections régionales sur la liste de Valérie Pécresse en mars 2010 car trop éloignée des places éligibles.
On s’est beaucoup moqué d’Aurore Bergé sur ses soutiens successifs au sein de l’UMP. Ainsi, en 2007, elle a soutenu Nicolas Sarkozy, éblouie par le dynamisme du futur Président de la République. Elle a été proche de Valérie Pécresse et de Pierre Bédier en raison de son ancrage local : Pierre Bédier était le président du conseil général des Yvelines dans ces années-là (entre 2005 et 2009 et depuis 2014), Valérie Pécresse était présidente de la fédération UMP des Yvelines et était la députée de son lieu d’ancrage. En automne 2012, face à Jean-Pierre Copé (pourtant proche de Pierre Bédier), Aurore Bergé a soutenu François Fillon dans la conquête de la présidence de l’UMP. Néanmoins, en 2013, elle a défendu Nadine Morano et Jean-François Copé, ainsi que Nicolas Sarkozy.
Encouragée par Valérie Pécresse, elle s’est présentée aux élections municipales de Magny-les-Hameaux en mars 2014 (elle s’y est installée l’année précédente) pour mener la liste UMP-UDI, mais a échoué face au maire socialiste sortant (proche de Benoît Hamon) avec seulement 41,8%. Elle fut toutefois élue conseillère municipale et aussi conseillère de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle tenta une place éligible sur la liste UMP de la région Île-de-France aux élections européennes de mai 2014 mais n’y est pas parvenue à cause de sa position en faveur du mariage pour tous.
En automne 2014, elle a apporté son soutien à Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP face à …Bruno Le Maire, tandis qu’en 2016, proche de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé, elle a soutenu… Nathalie Kosciusko-Morizet à la primaire LR de novembre 2016, NKM qu’elle avait aussi activement soutenue aux élections municipales à Paris en mars 2014. Après la victoire à la primaire de François Fillon, elle l’a soutenu …avant de finalement quitter LR et de rejoindre LREM le 14 février 2017 pour soutenir Emmanuel Macron et en devenir l’une de ses porte-parole officieuses (et très médiatiques).
Après la victoire d’Emmanuel Macron, elle fut logiquement investie aux élections législatives, mais pas dans sa circonscription "naturelle", la 2e des Yvelines, celle de Valérie Pécresse (Jean-Noël Barrot, actuel ministre, y allait être élu député LREM), plutôt dans la 10e des Yvelines, celle de Rambouillet, le fief de Gérard Larcher et aussi l’ancienne circonscription de Christine Boutin. Elle fut alors soutenue par Emmanuel Macron, Nicolas Hulot, Alain Juppé et Erik Orsenna.
En mars 2020, elle a tenté de ravir la municipalité de Rambouillet dans une liste LREM où elle était en 4e place, mais la liste menée par son suppléant s’est retrouvée seulement en troisième position au second tour avec 16,1% et n’a obtenu que trois élus. En revanche, elle a été élue conseillère régionale de l’Île-de-France en juin 2021 en tant que tête de la liste LREM des Yvelines.
Son credo se résume en quatre mots : libérale, progressiste, féministe et européenne. Depuis cinq ans comme députée, Aurore Bergé n’est pas restée inerte et a beaucoup communiqué, s’est engagée sur beaucoup de sujets, était présente dans de nombreux médias et débats, au point d’agacer même ses camarades de la majorité qui la considèrent comme faisant partie de l’aile droite de LREM (après avoir fait partie de l’aile gauche de LR !).
Ses prises de position claires ont clivé : sur la laïcité (interdiction des voiles pour les parents accompagnateurs de sorties scolaires), sur la PMA, sur l’allongement du délai pour l’IVG, etc. Elle a beaucoup travaillé aussi sur l’audiovisuel public au point de présenter le 4 octobre 2018 quarante propositions pour une nouvelle régulation de l’audiovisuel (dans le cadre de ses travaux au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et d’une mission sur la révision de la loi du 30 septembre 1986 dont elle était la rapporteure). Le 17 février 2020, elle a présenté soixante propositions pour promouvoir une politique d’émancipation artistique et culturelle.
Présidente du groupe d’amitié France-Israël depuis mai 2019, Aurore Bergé était régulièrement pressentie comme future membre du gouvernement à chaque remaniement, en particulier en juillet 2020, lors de la formation du gouvernement de Jean Castex, beaucoup de rumeurs indiquaient qu’elle serait nommée secrétaire d’État auprès de Roselyne Bachelot chargée de la réforme de l’audiovisuel, mais la Ministre de la Culture aurait écarté sa nomination.
Ce n’est que partie remise : présidente du groupe politique le plus important d’une Assemblée qui n’a pas de majorité absolue, son poids parlementaire a été considérablement renforcé et son importance politique est désormais du même ordre que celle de celle de Jean-François Copé entre juin 2007 et novembre 2010. D’autant plus qu’en supervisant l’ensemble de la majorité présidentielle, elle ne devient plus la cliveuse mais la rassembleuse.
Aurore Bergé a terminé son discours du 6 juillet 2022 par la ligne directrice de ce que sera le comportement des députés Renaissance : « Nous serons loyaux et fidèles au Président de la République et au projet qui nous a conduits ou reconduits ici. Certains nous diront soumis, mais cela ne nous empêchera pas de réaffirmer notre loyauté et notre fidélité, loin des caricatures. Nous sommes libres de mener nos combats politiques en faveur de nouvelles conquêtes sociales pour les Français. On nous dira affranchis, mais cela ne nous empêchera pas d’engager des actions, ni de faire des propositions, fidèles en cela au mandat que les Français nous ont confié. Nous l’avons déjà fait, sans jamais sombrer dans la démagogie, mais en croyant résolument au rassemblement et au dépassement politique. Les membres du groupe que j’ai désormais l’honneur de présider emprunteront ce chemin de crête, "en même temps" du temps parlementaire, déterminés et sereins. J’en sais l’exigence et la complexité, j’en sais surtout la nécessité, pour que les Français nous jugent utiles, pour eux et pour leurs enfants. Je le répète, ils ont choisi d’élire une Président fort et une Assemblée forte. (…) En 1967, le Président De Gaulle déclarait : "Un jour viendra, sans doute, où notre Constitution avec tout ce qu’elle implique sera devenue comme notre seconde nature". Il nous appartient désormais, par nos sens des responsabilités, par la pratique de notre mandat, de lui donner raison. Car cela correspond à nos convictions et, surtout, au verdict des urnes. ».
Dans cette configuration sans majorité absolue où les négociations pour trouver un compromis pour avancer sur des textes essentiels, la présence massive des femmes dans le jeu parlementaire est sans aucun doute bienvenue et un atout pour les prochaines années qui s’avèrent délicates. Et Aurore Bergé n’aura pas la dernière place dans cet édifice subtil.
« Ces pensées formaient comme un brouillard dans son intelligence peu propre à la méditation, et il restait debout, cherchant à y voir clair. En ce moment apparut dans la rue une figure pour laquelle il éprouvait une violente antipathie (…). Tout le monde a fait de ces rêves pleins d’événements qui représentent une vie entière, et où revient souvent un être fantastique chargé de mauvaises commissions, le traître de la pièce. » (Balzac, "César Birotteau", 1837).
En l’occurrence, cet "être fantastique chargé de mauvaises commissions" était Mélanie Thomin, enseignante de français de 38 ans, élue le 19 juin 2022 députée Nupes-PS de la 6e circonscription du Finistère, celle de Jean-Yves Cozan et de Kofi Yamgnane. Avec 50,9% des voix, elle a battu le député sortant Richard Ferrand qui fête son 60e anniversaire ce vendredi 1er juillet 2022.
Pour Richard Ferrand, c’est un peu l’histoire de César Birotteau en politique. Il n’est plus rien alors qu’il y a à peine un mois, il était le quatrième personnage de l’État, l’un des dirigeants suprêmes de la coalition majoritaire Ensemble et responsable du parti macroniste LREM. Symbole des premiers grognards du Président Emmanuel Macron, Richard Ferrand représentait trop le quinquennat précédent pour ne pas mobiliser ses adversaires dans une circonscription qui a souvent donné des résultats très serrés entre un candidat de centre droit et un candidat de centre gauche.
Pas breton mais aveyronnais (il est né à Rodez et y a passé une partie de son enfance), Richard Ferrand a adhéré au PS en 1980, attiré par François Mitterrand. À l’origine journaliste puis conseiller en communication, il fait partie de ces personnes complètement dédiées à la vie politique, apparatchik. Collaborateur du ministre Kofi Yamgnane (aux Affaires sociales) en 1991, il l’a suivi sur les terres bretonnes après son passage au gouvernement. L’ancien ministre lui a alors trouvé un job, directeur général des Mutuelles de Bretagne en 1998.
Parallèlement, Richard Ferrand s’est fait élire conseiller général du Finistère de mars 1998 à mars 2011 (Christian Traodec lui a succédé, également vainqueur de la mairie de Carhaix-Plouguer face à lui en mars 2001 et mars 2008) et conseiller régional de Bretagne de mars 2010 à juin 2021 (où il fut battu). Au conseil régional, il n’a jamais vraiment eu de courant qui passait avec le président, Jean-Yves Le Drian. Richard Ferrand était aussi vice-président du conseil général et président du groupe PS au conseil régional.
Pendant toutes ces années de militantisme et de socialisme bretonnant, Richard Ferrand s’est plutôt positionné à l’aile gauche du PS, soutenant la candidature à l’élection présidentielle de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Henri Emmanuelli, puis celle de François Hollande en 2007 (pas candidat), enfin celle de Martine Aubry en 2012. Si les personnes soutenues n’ont jamais été candidates à l’élection concernée, elles étaient toutes premier secrétaire du PS au moment de la campagne (c’est ainsi que justifiait Richard Ferrand a posteriori son positionnement, le légitimisme et pas l’aile gauche). Cependant, pendant le quinquennat de François Hollande, Richard Ferrand était considéré comme un député "frondeur" jusqu’en octobre 2014.
Entre-temps, effectivement, après une infructueuse tentative en juin 2007 (où il avait échoué avec 49,8% des voix), Richard Ferrand a réussi à se faire élire député PS du Finistère en juin 2012 avec 58,4% des voix. Le Premier Ministre de l’époque Manuel Valls l’a nommé en mission auprès du Ministre de l’Économie Emmanuel Macron du 3 octobre 2014 au 4 novembre 2014, afin de préparer la réforme des professions réglementées (ce fut la loi Macron ou loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dont il fut le rapporteur général). Les arrière-pensées de Manuel Valls étaient de "mouiller" les frondeurs du PS afin d’avoir le soutien de tout le groupe socialiste. Mal lui en a pris, car c’est par ce travail commun avec Emmanuel Macron qu’il est devenu l’un des rares parlementaires (avec Christophe Castaner) à avoir soutenu le futur Président de la République.
En effet, dès octobre 2016, Richard Ferrand a apporté son soutien à la candidature d’Emmanuel Macron, et fut bombardé secrétaire général d’En Marche (futur LREM). Après la victoire d’Emmanuel Macron à l’Élysée, il fut nommé Ministre de la Cohésion des territoires dans le premier gouvernement d’Édouard Philippe. S’il fut réélu député en juin 2017 avec 56,5% malgré la présence d’un candidat soutenu par le PS, il n’a pas fait partie du second gouvernement d’Édouard Philippe (comme François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard), à cause d’une mise en cause personnelle dans une affaire judiciaire. Pourtant, pendant toute la campagne présidentielle, Richard Ferrand ne s’était pas privé de charger le concurrent François Fillon sur l’honnêteté et la probité.
À la demande d’Emmanuel Macron, Richard Ferrand fut élu président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale le 25 juin 2017, un groupe pléthorique de 308 députés (il a eu 306 voix), souvent novices en politique et qui ne se connaissaient pas. Richard Ferrand leur a servi de "guide" pour leurs premiers pas au Palais-Bourbon. Peu présent dans les travaux parlementaires, il était le rapporteur général de la réforme des institutions avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois.
Profitant de la démission du ministre Nicolas Hulot, Richard Ferrand est parvenu à conquérir ce qu’il convoitait le 12 septembre 2018 : la Présidence de l’Assemblée Nationale. Pour remplacer le ministre démissionnaire, Emmanuel Macron a opportunément nommé François de Rugy, libérant ainsi le perchoir. Son élection a été très laborieuse. Il a d’abord subi une primaire au sein du seul groupe LREM où il affrontait Barbara Pompili (proche de François de Rugy), Cendra Motin (députée de l’Isère proche d’Édouard Philippe) et Philippe Folliot (proche de Jean Arthuis). Yaël Braun-Pivet avait tenté de se présenter mais elle a subi certaines pressions "amicales" pour y renoncer.
Mécontents de ne pas avoir été associés à cette primaire, les députés du MoDem ont présenté la candidature de leur président, Marc Fesneau, qui a obtenu un score bien plus important que celui de son groupe politique, 86 voix, dont des dizaines du groupe LREM (ce bon score l’a conduit à bientôt être nommé au gouvernement). Ce 12 septembre 2018, Richard Ferrand a évité de justesse le second tour en recueillant seulement 254 voix sur 484 suffrages exprimés (et 505 votants, dont 21 blancs ou nuls), ce qui était fort peu (à seulement 10 voix de la majorité absolue). Annie Genevard (LR) a obtenu 95 voix, l’ancienne ministre Ericka Bareigts (PS) 31 voix et Mathilde Panot (FI) 17 voix.
Dans son discours à la suite de son élection au perchoir, le nouveau Président a déclaré : « Notre institution est sacrée, et je veillerai de toute mon énergie à sa vigueur comme au respect qu’elle appelle, sans lesquels notre République serait mise à mal. Nos débats sont souvent passionnés, et nos comportements, généreux d’enthousiasme, disons-le ainsi. Veillons ensemble à ce que les passions légitimes qui nous animent ne dégradent pas l’idée que nos compatriotes peuvent se faire de nous collectivement. Veillons à ce que la pertinence soit toujours mieux entendue que la seule impertinence. ». Apparemment, ce message n’a pas été entendu, puisqu’il y a eu plus d’abstention aux élections législatives suivantes qu’aux précédentes, après ses trois ans et demi de Présidence de l’Assemblée.
Pendant ces trois ans et demi, ce fut l’apogée de la carrière politique de Richard Ferrand : jamais il n’a eu autant d’influence sur la vie politique nationale, avec une oreille attentive du Président de la République. Mais peu apprécié par la classe politique, contesté pour son affaire judiciaire qui l’a empêché de revenir au gouvernement (mais pas d’aller au perchoir). Il fut battu aux élections régionales de juin 2021 puis fut battu aux élections législatives de juin 2022 : à ses 60 ans, le voici sans aucun mandat électif. En quelque sorte, Jean-Luc Mélenchon a décidé pour lui : la retraite à 60 ans !
« Fidèle à sa méthode faite de discrétion et d’efficacité, Le Drian a travaillé ses dossiers, évitant les rodomontades à la Kouchner ou les initiatives malencontreuses d’un Ayrault n’aboutissant à rien (..). Il est vrai que face à l’inexpérience de Macron, Le Drian bénéficiait déjà d’un solide réseau tant à Washington qu’auprès des généraux en Algérie, des chefs d’État en Afrique noire et dans les pays du Golfe. » (Hubert Coudurier, "Le Télégramme" du 30 décembre 2017).
L’ancien ministre Jean-Yves Le Drian fête son 75e anniversaire ce jeudi 30 juin 2022. Il n’est pas si "ancien" que cela puisque, malgré l’âge avancé (avec lui, c’est la retraite à 75 ans), il vient juste de quitter son ministère le 20 mai 2022 avec la formation du nouveau gouvernement.
Pendant dix ans, bénéficiant d’une remarquable popularité, Jean-Yves Le Drian a été parmi les premiers-ministrables récurrents de la vie politique. Militant socialiste depuis 1974, il a quitté le PS pour rejoindre LREM en 2018. Malgré une grande amitié pour François Hollande, il s’est éloigné de lui pour s’investir au service du candidat Emmanuel Macron à partir du 23 mars 2017 après avoir soutenu Manuel Valls au sein du PS en 2017 (et Ségolène Royal en 2007). Il est l’un des derniers grands dinosaures de la politique de "l’ancien monde", celui où l’on était un seigneur féodal dans son fief breton, et parfois, un cumulard (dans le temps et en même temps).
En fait, Jean-Yves Le Drian s'était rapproché d'Emmanuel Macron dès l'automne 2016, furieux contre son ami Président de la publication du livre "Un Président ne devrait pas dire ça" de Gérard Davet et Fabrice Lhomme où les deux journalistes ont reproduit des documents secret défense révélés par François Hollande. Prudent, il était resté dans la loyauté avec le PS en soutenant Manuel Valls, mais son cabinet avait déjà pris des contacts avec Emmanuel Macron ...et aussi avec François Fillon. Pendant la campagne en 2017, Emmanuel Macron lui a promis qu'il resterait au Ministère de la Défense où il jouissait d'une grande autonomie et de nombreux réseaux, mais finalement, au moment de la formation du gouvernement, il le nomma au Quai d’Orsay dont il ne connaissait rien, dans le cadre d'une reprise en main présidentielle de ces deux ministères (très autonomes sous François Hollande, confiés à Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius).
Breton, il l’est depuis toujours : né à Lorient, Jean-Yves Le Drian a passé son agrégation d’histoire en 1971 à Rennes, et côtoyait d’autres étudiants, Bernard Poignant, futur maire de Quimper, et Jean-Michel Gaillard. Tous les trois furent subjugués par François Mitterrand et ont adhéré au PS. À 29 ans, Jean-Yves Le Drian a obtenu son premier mandat, celui d’adjoint au maire de Lorient en mars 1977. Mais ce fut surtout l’année suivante qu’il a pris son envol électif en se faisant élire député du Morbihan à 30 ans en mars 1978 : le député socialiste sortant ne se représentait pas et il a su éviter une candidature d’un socialiste résistant maire d’une commune de la circonscription. Il était soutenu par Pierre Mauroy et aussi Haroun Tazieff.
Dans les années 1980 au PS, dans le cadre du club Témoin, Jean-Yves Le Drian s’est retrouvé avec Jean-Michel Gaillard, Jean-Pierre Mignard, François Hollande et Ségolène Royal dans les transcourants du parti (refusant de jouer le jeu des motions). Dans la seconde moitié de cette décennie, c’était déjà François Hollande, proche de Jacques Delors, qui cherchait à faire la synthèse européenne et social-démocrate de l’ensemble des courants. Jean-Yves Le Drian fut surnommé le "saumon rose" parce qu’il remontait les courants du PS. Le 22 août 1985, Jean-Yves Le Drian et François Hollande ont inauguré les premières rencontres avec Jacques Delors à Lorient, qui est revenu chaque année jusqu’en 1996. Jacques Delors était alors Président de la Commission Européenne.
Sa carrière est alors celle d’un élu national et local classique pour cette époque : député de 1978 à 2007 sauf entre 1993 et 1997 où il a été battu, maire de Lorient de juillet 1981 à mars 1998 (conseiller municipal de 1977 à 2004), il a été aussi élu président de la structure intercommunale de Lorient (district puis communauté d’agglomération) de 1990 à 2004. Investi aussi pour la région Bretagne, il fut le très influent président du conseil régional de Bretagne de mars 2004 à juin 2017, sauf de 2012 à 2015 (car ministre), et conseiller régional de mars 1998 à juin 2021.
Sur la scène nationale, Jean-Yves Le Drian a gagné en importance plus tardivement. Après une courte expérience ministérielle dans le gouvernement de la première femme Première Ministre Édith Cresson, du 18 mai 1991 au 2 avril 1992 comme Secrétaire d’État à la Mer (auprès de Paul Quilès), il a voulu attendre l’élection de son ami François Hollande à la Présidence de la République pour obtenir l’un des ministères clefs et celui-ci sur une longue durée. "Voulu", car Jean-Yves Le Drian, plus social-démocrate que socialiste, était la figure cible de la politique d’ouverture du Président Nicolas Sarkozy : ainsi ce dernier lui a proposé, à trois reprises, la Défense, en mai 2007, en juin 2007 puis en mai 2009, et à chaque fois, par fidélité à son camp, il a refusé.
Finalement, ses refus ne l’ont pas empêché d’avoir une brillante carrière ministérielle. En effet, il a été ministre important pendant deux quinquennats sans discontinuité : Ministre de la Défense du 16 mai 2012 au 10 mai 2017 dans les gouvernements de Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, il fut ensuite nommé par Emmanuel Macron Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères du 17 mai 2017 au 20 mai 2022, dans les gouvernements de l'ex-député LR Édouard Philippe et de Jean Castex (où il était alors le numéro deux du gouvernement avec des attributions élargies), ayant peu à peu une ressemblance avec son lointain prédécesseur Claude Cheysson. Peu de responsables politiques peuvent afficher une telle longévité dans des postes ministériels cruciaux, d’autant plus qu’à la Défense, il y a dû organiser l’intervention militaire française au Mali et au Sahel, et au Quai d'Orsay, il a dû gérer la guerre en Ukraine.
Parmi ses réussites à la Défense, si on peut parler de réussite pour cela, Jean-Yves Le Drian a obtenu beaucoup de commandes pour notre industrie militaire : la vente d’armes est passée de 4,6 à 20 milliards d’euros entre 2012 et 2016. Aux Affaires étrangères, il a bénéficié d’une baisse de la diplomatie américaine à cause de l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump.
Et comme il n’y a pas de petites victoires, Jean-Yves Le Drian s’est réjoui le 21 mai 2022, en quittant son ministère pour le transmettre à Catherine Colonna, que le Premier Ministre australien Scott Morrison a perdu les élections fédérales australiennes du même jour au profit de son adversaire travailliste : « La défaite du Premier Ministre me convient bien (…). Les actes posés au moment où ils ont été posés étaient d’une brutalité et d’un cynisme, et je serais même tenté de dire d’une incompétence notoire. (…) J’espère que nous pourrons renouer avec l’Australie un dialogue franc et constructif dans l’avenir. ». Il évoquait la rupture du contrat de vente avec la France pour 50 milliards d’euros.
Au cours d’un message vidéo diffusé le 18 novembre 2020 aux Rencontres Campus France 2020 (rencontre virtuelles à cause du covid-19), Jean-Yves Le Drian a redit l’importance des relations internationales dans les universités et la recherche : « Les échanges scientifiques et universitaires sont (…) un levier essentiel de notre politique d’influence, ainsi qu’un instrument très précieux au service de notre politique de développement. Car, sans les mille visages qui apportent un peu de la diversité du monde dans leurs amphithéâtres, nos universités ne seraient pas tout à fait les mêmes ! Et, sans les mille liens humains et intellectuels tissés par les étudiants étrangers venus étudier dans notre pays, c’est la France, au yeux du monde, qui ne serait pas tout à fait la même ! ».
Il a aussi souligné l’importance de la coopération européenne : « Les universités et les liens qui les unissent sont, depuis plus de cinq siècles, au cœur de la construction culturelle, morale et, bien sûr, scientifique de notre Europe. La crise, qui complique les échanges avec les autres continents, doit nous permettre de redécouvrir et réinvestir pleinement cette évidence de l’Europe académique. ». Depuis 2020, son ministère était également chargé du rayonnement de la France, de son attractivité internationale et du commerce extérieur.
Et Jean-Yves Le Drian a vu aussi l’essentiel pour l’avenir : « De toute évidence, les étudiants sont notre futur du devenir même de ce modèle européen que nous avons en partage avec nos partenaires des 27. Modèle qui, à mes yeux, est à la fois la clef de notre unité et notre meilleure boussole dans la mondialisation. ».
« Ces accusations relatent des actes ou des gestes qui me sont tout simplement impossibles à raison de mon handicap. J’ai toujours été discret sur ce handicap, sur les contraintes qu’il m’impose, sur la façon dont il limite mes mouvements et mes gestes du quotidien. Je suis contraint aujourd’hui de préciser que, dans ma situation, l’acte sexuel ne peut survenir qu’avec l’assistance et la bienveillance de ma partenaire. Qu’il ne m’est nullement possible d’imposer telle ou telle pratique, tel ou tel geste. Que sans le consentement et la participation pleine et entière de l’autre, rien n’est possible. » (Damien Abad, le 22 mai 2022 sur Facebook).
Je voudrais revenir sur la polémique concernant Damien Abad, le nouveau Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Dès le lendemain de l’annonce de sa nomination ont "refleuri" deux accusations de viols et d’agressions sexuelles sur deux femmes, accusations catégoriquement rejetées par l’intéressé.
Lorsqu’on ne connaît pas l’affaire, l’observateur candide se retrouve dans ce dilemme d’une parole contre une autre. Quitte à accuser un innocent, Jean-Luc Mélenchon a alors annoncé le 22 mai 2022 sur LCI qu’il choisissait de croire les femmes plutôt que l’accusé. Il y a un malaise général dans ce genre de situation : soit on croit les accusatrices et alors on balaie la présomption d’innocence d’un revers de main (ce qu’a fait allègrement le chef de la NUPES), soit on croit la personne accusée qui récuse ces accusations, et alors on est conspué au nom même de la cause des femmes agressées ou violées.
Pourtant, il ne s’agit pas de simples accusations : être accusé d’un viol, c’est être accusé d’un crime, ce n’est pas rien. Dans ce domaine (que ce soit pour un crime ou un délit d’ailleurs), ni des journalistes, ni des responsables politiques ne sont habilités à dire qui dit la vérité et qui ment. Seul, le juge peut faire la part du vrai et du faux, peut-être avec des erreurs mais hors de toute pression médiatique et certainement mieux que ceux qui ne sont pas des juges.
Imaginer que certaines femmes accusatrices puissent dire un mensonge est-il plus pénible qu’imaginer un homme politique qui est exposé depuis une dizaine d’années soit un violeur ? L’un et l’autre sont possibles. L’idée d’affabulatrice (des plaignantes) est malheureusement possible, même si ce n’est pas certain. Et l’idée d’un ministre violeur est également plausible, même si ce n’est pas certain non plus.
L’affaire d’Outreau a montré que des enfants pouvaient être affabulateurs, et cela ne retire rien de l’importance de la parole des enfants ni, sur le cas d’Outreau, de la réalité qu’il y a bien eu des viols, mais parmi les personnes accusées à tort et aujourd’hui blanchies, l’une s’est suicidée et d’autres sont traumatisées à vie. Il faut donc être très prudent. Dans ce même contexte, on peut aussi rappeler la rumeur qu’avait subie Dominique Baudis, personnage public de grande importance qu’on avait accusé des pires horreurs à Toulouse (et bien entendu, lavé de tout soupçon).
Damien Abad compte sans doute ses soutiens politiques. De ses anciens amis de LR, il ne peut compter sur aucune clémence, et ses nouveaux amis de la Macronie le connaissent encore assez peu. Comme je l’avais indiqué précédemment, Damien Abad était à l’origine centriste, plus exactement issu du Nouveau centre dont il a fondé la branche Jeunes, puis il fut poussé par Hervé Morin à se faire élire député européen sur la liste de la majorité présidentielle en 2009. Damien Abad a négocié un premier virage politique en 2012 en rejoignant l’UMP pour se faire élire député de l’Ain en 2012. Cette ingratitude a agacé les centristes qui avaient pourtant misé sur lui. Damien Abad comprenait néanmoins que face à la gauche et face à l’extrême droite, seule l’UMP pourrait faire le poids, selon lui.
La trahison en politique est-elle justifiée ? Ou est-elle, déjà ? Car Damien Abad a raison de penser que la politique que propose le Président Emmanuel Macron est peu éloignée de celle préconisée par LR, à l’exception de ses extrémistes, et "aller à la soupe" ne répond donc pas seulement à une logique carriériste, mais aussi à une logique politique, "prendre ses responsabilités", une démarche engagée aussi par beaucoup d’anciens LR : Éric Woerth, Jean-Pierre Raffarin, Christian Estrosi, Hubert Falco, Renaud Muselier, Franck Riester, Roseline Bachelot, Catherine Vautrin, Christophe Béchu, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Bruno Le Maire, Jean Castex, Édouard Philippe, etc.
Du reste, les informations publiées par Mediapart ont une source et lorsqu’il est dit "chez LR, on savait", la source ne fait pas vraiment de mystère, c’est certainement LR qui a lâché le morceau. C’est souvent le cas dans les "affaires", ce sont les proches du même parti qui informent avec malveillance, tout simplement parce que ce sont les seules à connaître l’information (au début de la Présidence de Jacques Chirac, Alain Juppé, qui venait d’être nommé à Matignon, s’est retrouvé personnellement accusé dans l’affaire des appartements de la ville de Paris, une information d’origine balladurienne, dirons-nous par euphémisme !).
La seule chose qui soit positive dans cette mousse médiatique, c’est qu’on n’a pas ménagé Damien Abad en raison de son handicap. Il est considéré comme tout autre responsable politique et ce droit à l’indifférence du handicap est un élément important d’insertion des personnes en situation de handicap dans la société, à savoir, quand on considère qu’il y a des raisons pour cela, savoir fustiger une personne indépendamment de son état. Ne plus en faire des victimes mais des citoyens à part entière. Damien Abad y a réussi au-delà de toute espérance !
Tout dans les mots de vocabulaire employés concourt à condamner Damien Abad, ne serait-ce qu’en qualifiant ses deux accusatrices de "victimes" : si elles sont victimes, alors, évidemment, Damien Abad est coupable et est un salaud. Mais voilà, la seule plainte qui a été déposée a été classée sans suite après avoir interrogé celui qui à l’époque n’était que député de l’Ain. Ce n’est pas lui qui a classé sans suite, c’est la justice, le procureur de la République, qui a jugé qu’avec les informations dont il avait à disposition, il n’y avait pas lieu d’en faire un procès. Ces femmes, jusqu’à nouvel ordre, ne sont donc pas des "victimes" mais des "plaignantes" qui est un terme neutre qui ne préjuge pas de la culpabilité ni de l’innocence de Damien Abad.
Il est important d’observer la réaction des personnes accusée dans ce genre d’affaire. Par exemple, je ne suis pas juge, mais la réaction du politologue Olivier Duhamel, ainsi que la réaction de député écologiste parisien Denis Baupin, pour des faits différents mais qui ont trait à des agressions sexuelles (d’ordre très différent), ont semblé confirmer leur réalité. Loin de récuser les faits, ils se sont fait tout petits et ont démissionné de leurs responsabilités professionnelles ou politiques.
D’autres personnes accusées, au contraire, ont catégoriquement rejeté les accusations. C’est le cas de Damien Abad, mais aussi de Nicolas Hulot, de Patrick Poivre d’Arvor, de Richard Berry, etc. La fille de Richard Berry, Coline, qui avait accusé son père et déposé plainte pour "inceste, viols, agressions sexuelles et corruption de mineur" le 25 janvier 2021, a même été condamnée pour diffamation le 14 avril 2022 parce qu’elle avait accusée de complicité la compagne de son père à l’époque Jeane Manson.
Probablement que la responsable politique la plus vindicative est l’ancienne candidate écologiste Sandrine Rousseau, qui a été parmi les accusatrices dans l’affaire Baupin et qui avait quitté son parti EELV entre 2017 et 2020. Invitée de la matinale de LCI le 24 mai 2022, Sandrine Rousseau n’a laissé aucune chance à Damien Abad et prenait des airs de Robespierre, celui qui envoyait à la guillotine le moindre "suspect".
En effet, elle a parlé des rumeurs comme arguments ! C’est invraisemblable de prendre ses informations dans les poubelles. Dominique Baudis a aussi été accusé par des rumeurs de provenance nauséabonde. Et ces rumeurs, quelles étaient-elles ? Chez LR, on savait que Damien Abad était un "dragueur lourd". C’est le vrai problème du mouvement MeeToo, celui de mélanger les graves atteintes à la personne que sont par exemple des viols (ce sont des crimes) avec de simples faits de drague lourde (qui est du registre de l’agacement, même pas du harcèlement). Mélanger crime, délit et drague, c’est une position totalitaire typiquement robespierriste.
Sandrine Rousseau a brandi le "principe de précaution" pour renvoyer Damien Abad du gouvernement. Elle a proposé qu’on prenne six mois pour vérifier si les accusations sont fondées ou pas, pendant ce temps, Damien Abad n’est plus membre du gouvernement et en cas de disculpation, il reviendrait au gouvernement. C’est presque naïf (faussement naïf) d’imaginer cela, alors qu’un ministère, il faut un titulaire, sinon, pas la peine de le nommer, cela ne peut pas attendre. Ce que Sandrine Rousseau exige, c’est que Damien Abad soit sacrifié sur la seule foi des rumeurs. En outre, la justice est déjà passée par là, elle a déjà considéré qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre.
La militante écolomélenchoniste qui est candidate NUPES aux législatives aurait plutôt dû brandir la seule chose qui vaille dans un État de droit pour les affaires judiciaires : la présomption d’innocence. Mais c’est trop tentant quand l’accusé est du bord opposé, car cela ferait un coupable idéal.
Enfin, pour se convaincre qu’elle avait raison, Sandrine Rousseau a évoqué les cas de PPDA et de Nicolas Hulot comme si ces derniers avaient été déjà condamnés par la justice. Là encore, je ne sais rien de la culpabilité ou de l’innocence de ces deux personnalités, probablement qu’elles ont joui pendant longtemps d’un statut de star audiovisuelle intouchable qui pouvait les encourager à la drague lourde, mais à ce jour, ni l’un ni l’autre n’ont fait l’objet d’une reconnaissance, par la justice, d’un début de culpabilité et encore moins de condamnation, ce qui rend l’argumentation de Sandrine Rousseau pour le moins fragile. Au contraire, le journaliste a même déposé plainte pour diffamation contre les plaignantes. (Je le répète et j’insiste lourdement : n’étant pas juge, je ne sais rien sur eux et ils peuvent être aussi bien coupables qu’innocents que le principe de présomption d’innocence n’en changera pas, il reste le fondement essentiel de l’État de droit).
L’exemplarité que demande le statut de membre du gouvernement est nécessaire et bienvenue dans une société qui a peu confiance à sa classe politique. Mais la moindre accusation ne peut pas suffire à mettre entre parenthèses une carrière politique qui a fait beaucoup de jaloux. Au-delà de l’honneur d’un homme qui laisse beaucoup de monde indifférent, il s’agit de l’honneur de la politique et surtout de l’honneur de la justice. Celle-ci doit être intraitable, mais avec les seuls coupables. Les autres, qu’ils retrouvent leur respectabilité, qu’on les aime ou qu’on les déteste.
Damien Abad sait bien que ça va tanguer pour lui ces prochaines semaines. Il a pour l’instant le soutien de l’Élysée et de Matignon car ils ne peuvent pas se déjuger quelques jours après sa nomination. Mais sa candidature dans sa circonscription de l’Ain va être difficile, concurrencée par un candidat LR. Il ne jouira probablement d’aucun soutien national de la majorité pendant la campagne électorale. Son éventuelle réélection ne signifiera d’ailleurs pas qu’il est innocent (ce n’est pas la conception d’une justice populaire qui convient dans un État de droit) mais qu’il aura convaincu ses électeurs de son innocence. S’il sort intact de ce passage difficile d’ici à la fin du mois de juin 2022, alors il aura montré le cuir des grands politiques.
Toutefois, le secret espoir des grands chefs de la majorité pourrait être tout autre : que Damien Abad ne se fasse pas réélire, qu’il quitte alors le gouvernement pour cette raison (règle imposée par Élisabeth Borne à ses ministres candidats, elle-même est candidate)… ce qui permettrait de fermer cette page de polémiques superfétatoires en douceur, sans risquer qu’elle ne se rouvre quelques mois ou années plus tard.
« Mediapart rapporte des accusations de violences sexuelles à mon encontre par deux femmes pour des faits allégués survenus respectivement en 2011 et 2010. (…) Je conteste avec la plus grande force ces accusations de violences sexuelles. Je conteste avoir exercé quelque forme de contrainte que ce soit sur aucune femme. Je conteste enfin tout abus de pouvoir lié aux fonctions que j’ai occupées. Les relations sexuelles que j’ai pu avoir tout au long de ma vie ont toujours été mutuellement consenties. » (Damien Abad, le 22 mai 2022).
Président du groupe Les Républicains à l’Assemblée Nationale du 6 novembre 2019 au 19 mai 2022, Damien Abad a été nommé le vendredi 20 mai 2022 membre du premier gouvernement dirigé par Élisabeth Borne comme Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Précisons que c’est un ministère plein et que dans l’ordre protocolaire, il est à la onzième place, devant notamment la Culture, l’Agriculture, la Fonction publique, etc. C’est la seule "prise de guerre" de ce second quinquennat parmi les élus LR.
Dès le lendemain de sa nomination, Mediapart a fait état de deux accusations de viols et violences sexuelles de la part de femmes. La Première Ministre Élisabeth Borne n’était pas au courant et Damien Abad a rejeté catégoriquement ces accusations.
Avant d’en parler, revenons à la trajectoire politique de Damien Abad. À 42 ans, il a déjà "grimpé" très haut dans la vie politique en quelques années. C’est typiquement une personnalité que j’apprécie pour sa rigueur et son travail. Né à Nîmes, IEP Bordeaux et Paris, il a raté plusieurs fois le concours de l’ENA. Membre de l’UDF, il était collaborateur du groupe UDF à l’Assemblée Nationale, puis du groupe du Nouveau centre dont il a créé et présidé la formation des jeunes.
Élu municipal de la majorité à Vauvert dans le Gard en mars 2008 (jusqu’en 2010), il a rapidement été repéré comme un jeune espoir centriste : poussé par Hervé Morin (le président de NC) pour le mettre à une place éligible, Damien Abad a été élu à 29 ans député européen en juin 2009 (jusqu’en 2012), l’un des plus jeunes de l’histoire.
Non seulement il est entré tôt sur la scène nationale, mais il s’est implanté localement dans l’Ain après une tentative dans les Yvelines puis dans le Gard. Tête de liste régional UMP et alliés dans l’Ain, il a été élu conseiller régional de Rhône-Alpes en mars 2010 (jusqu’en 2015), puis, en juin 2012, Damien Abad est élu député de l’Ain sous l’étiquette UMP à 32 ans, avec 56,4% des voix, réélu en juin 2017 avec 67,0% des voix, un succès personnel malgré l’échec de LR à l’élection présidentielle de 2017. En mars 2015, il s’est fait élire conseiller départemental et dans la lancée, président du conseil départemental de l’Ain jusqu’en juillet 2017 où il a dû démissionner en raison de la loi contre le cumul des mandats, préférant son mandat parlementaire.
Parallèlement, il a apporté son soutien à Bruno Le Maire à la primaire LR de 2016, puis a soutenu jusqu’au bout le candidat François Fillon à l’élection présidentielle de 2017, a parrainé la candidature de Laurent Wauquiez à l’élection de président de LR en décembre 2017 et est devenu vice-président de LR de décembre 2017 à octobre 2019.
Enfin, sa consécration nationale a eu lieu le 6 novembre 2019 en se faisant élire président du groupe LR à l’Assemblée Nationale, le deuxième groupe à l’Assemblée, premier de l’opposition, fort d’une centaine de députés, pour remplacer Christian Jacob élu président de LR. Il n’était pas le favori et a été élu par 64 voix contre 37 à Olivier Marleix, le favori. À ce poste, Damien Abad était donc l’une des têtes de l’opposition contre les gouvernements du premier quinquennat du Président Emmanuel Macron. Soutenant activement la candidature de Xavier Bertrand au congrès LR, puis celle de Valérie Pécresse, la candidate désignée à l’élection présidentielle de 2017, il a clairement appelé à voter pour Emmanuel Macron lors du second tour.
Personnellement, je me réjouis de le voir entrer au gouvernement, mais je regrette qu’il soit affecté aux "Personnes handicapées", car il a beaucoup plus d’envergure que d’être "la personne handicapée de service". Néanmoins, son ministère est très important et répond à une forte attente, cette grande loi sur l’autonomie, le financement de l’autonomie. Sa nomination redonne donc grand espoir à ceux qui attendent une telle loi depuis au moins 2011, promise par Nicolas Sarkozy.
Pourquoi ai-je parlé de "la personne handicapée de service" ? Parce que, alors que je ne l’ai pas encore évoqué, Damien Abad est effectivement une personne en situation de handicap. Cela se voit aisément dans ses prestations télévisées, une difficulté à marcher et des membres supérieurs qui ont des défauts d’articulation (il a depuis la naissance une maladie appelée arthrogrypose). Je ne l’aurais pas évoqué si lui-même n’avait pas dû l’évoquer ce week-end. En effet, même s’il a été mis en avant souvent à cause de son handicap, Damien Abad lui-même a toujours refusé de l’étaler sur la place publique, refusant toute pitié, toute victimisation voire toute instrumentalisation, et voulant être jugé comme les autres sur ses actes, sur ses engagements, sur ses convictions.
Très étrangement, deux accusations pour agression sexuelle contre Damien Abad sont sorties le 21 mai 2022, juste après sa nomination ministérielle, alors que les faits allégués auraient eu lieu en 2010 et en 2011. À l’évidence, ces accusations semblent provenir d'une manipulation politicienne.
Elles peuvent être fondées, c’est possible, mais ce n’est pas à moi ni aux médias d’en juger. On ne peut pas écraser la présomption d’innocence aussi allègrement que Sandrine Rousseau, tant qu’une condamnation n’a pas eu lieu. Ce serait aujourd’hui beaucoup trop facile de briser les carrières des rares personnalités politiques qui ont quelque chose à dire par des accusations dont rien ne prouve la réalité (c’est parole contre parole). Ce serait faire injure aux femmes réellement agressées ou violées, et surtout à cette cause de les inciter enfin à parler, que de considérer que toute accusation vaut condamnation.
Sur Facebook le 22 mai 2022, Damien Abad a donc dû employer un argument massue, peut-être que ces deux femmes ne s’en étaient pas aperçues : « Ces accusations relatent des actes ou des gestes qui me sont tout simplement impossibles à raison de mon handicap. J’ai toujours été discret sur ce handicap, sur les contraintes qu’il m’impose, sur la façon dont il limite mes mouvements et mes gestes du quotidien. Je suis contraint aujourd’hui de préciser que, dans ma situation, l’acte sexuel ne peut survenir qu’avec l’assistance et la bienveillance de ma partenaire. Qu’il ne m’est nullement possible d’imposer telle ou telle pratique, tel ou tel geste. Que sans le consentement et la participation pleine et entière de l’autre, rien n’est possible. Quant aux propos rapportés qui insinuent que j’aurais pu droguer puis transporter, déshabiller et violer une femme inconsciente, ils sont tout simplement inconcevables et abjects. ».
Une plainte avait été déposée en 2017 sur des faits allégués survenus en 2011. Damien Abad avait alors été interrogé au cours d’une enquête du parquet de Paris qui avait classé l’affaire sans suite le 5 décembre 2017. Cependant, la femme en question aurait saisi le 13 mai 2022 "l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles" (je ne sais pas ce qu’est exactement cet organisme qui semble plus être une association qu’une institution) qui aurait transmis le signalement au procureur de la République, à LR et à LREM. Pourquoi avoir attendu le 13 mai 2022 alors que cela daterait de 2011 ? Et pourquoi le signaler au parquet de Paris en 2022 alors qu’il avait classé cette accusation sans suite en 2017 ? Mystère et boule de gomme.
Alors, oui, dans le cas très particulier de Damien Abad, son handicap s’ajoute à la présomption d’innocence et tant qu’une condamnation n’a pas eu lieu, je considérerai Damien Abad innocent et hors de cause. Cela rappelle d’ailleurs qu’une accusation abusive peut être considérée comme une dénonciation calomnieuse.
Soutien à Damien Abad, soutien à son action future dans ce grand ministère spécialement conçu pour faire de l’autonomie et l’accompagnement de la dépendance l’une des très grandes priorités du quinquennat qui commence, loin de toute manœuvre politicienne.
« À défaut d’études supérieures, je me suis inspiré de ce que je connaissais le mieux : un long apprentissage de la nature, de la montagne, de leurs gardiens que sont les paysans, les bûcherons, les moniteurs de ski, les guides… Puis les voyages qui m’ont conduit sur tous les continents, au prix de risques parfois déraisonnables. Et surtout, la patiente observation d’une faune exposée à tous les dangers et toujours plus menacée par les activités humaines. À l’image du renard du Vercors. » (Jean Faure, novembre 2021).
Le titre n’est pas très original car il reprend en partie le titre de sa récente autobiographie sortie en novembre 2021 chez Glénat. Il est triste car il annonce la triste nouvelle : l’ancien sénateur centriste Jean Faure est mort le vendredi 13 mai 2022 à l’âge de 85 ans (il est né le 14 janvier 1937 à Autrans).
J’avais eu l’occasion de fréquenter Jean Faure en Isère pendant les années 1990, il était le président du Centre des démocrates sociaux (CDS) de l’Isère tandis que j’étais président des Jeunes démocrates sociaux (JDS) de l’Isère, une formation centriste incluse dans l’UDF et alliée au RPR au niveau national. Ce n’était pas commode car l’allié RPR était très encombrant et très médiatique, puisqu’il s’agissait du jeune maire de Grenoble Alain Carignon qui a fait deux mandats à la mairie et quatre mandats comme président du conseil général de l’Isère, à partir de 1985 (jusqu’en 1998), ravissant le siège au puissant Président de l’Assemblée Nationale, le mitterrandien Louis Mermaz.
À cette triste nouvelle, Alain Carignon a naturellement évoqué son « long compagnonnage politique et amical entamé en 1984 » en soulignant l’homme de terroir et l’homme d’action : « Il était avant tout le produit et le représentant d’une histoire, d’un territoire, ce Vercors sublime, et comme élu, un homme qui cumulait dans l’action une finesse aux nuances infinies avec une ténacité qui ne lâchait rien. Il avait les pieds bien dans la terre du plateau et des rêves dans la tête. (…) Il a mené au Sénat, auquel son tempérament de conciliateur correspondait parfaitement, une très brillante carrière. Avec Jean Faure, l’Isère démontre qu’elle peut apporter au pays le meilleur d’elle-même. ». De son côté, Nathalie Béranger, conseillère régionale et conseillère municipale LR de Grenoble, présidente d’Alpexpo, l’a ainsi décrit : « L’air de rien mais au courant de tout, Jean était un homme humble et vrai. "Quand on parle trop, on finit par se contredire", m’avait-il dit un jour avec un air malicieux. ».
La première chose qui frappait lorsqu’on croisait Jean Faure, c’était son profil d’honnête homme. On lui aurait donné le bon dieu sans confession. Mais comme il le revendiquait lui-même, il était un renard, malin voire malicieux. En tout cas, très habile politique, très tacticien. Cette figure d’enfant de chœur, il l’a probablement eue de manière innée, dans son package de naissance, avec son origine paysanne, ses débuts comme moniteur de ski. Car on ne peut dissocier la trajectoire politique de la trajectoire géographique : Jean Faure était un enfant d’Autrans, village de neige et de ski, au cœur du Vercors, dans ce territoire si lointain de la très urbaine et technologique Grenoble.
Je me souviens avoir discuté avec lui vers 1995 du télétravail. Pour lui, c’était une disposition indispensable pour permettre aux habitants du Vercors de ne pas quitter la montagne tout en ayant un emploi. À l’époque, Internet était à ses débuts (ses tout premiers débuts), rien n’était câblé (encore moins dans les montagnes), pas de smartphone, pas de connexion… mais cette idée de dématérialisation du travail qui lui était chère tout en ne se faisant aucune illusion sur le plan national, la lourdeur du code du travail étant ce qu’il est. C’est d’ailleurs étonnant qu’il a fallu une pandémie d’ordre donc mondial, plus de 6,3 millions de décès enregistrés, probablement le double voire le triple en réalité, pour qu’enfin, le télétravail se conçoive sérieusement, autrement que de manière anecdotique. Il me semble (mais je n’en suis pas sûr) qu’il avait rédigé un rapport sénatorial sur le sujet.
Ah oui, un rapport sénatorial, car Jean Faure, s’il fallait résumer sa vie, a été le sénateur-maire d’Autrans. Certes, il faudrait bien séparer les mandats, les locaux et le national, mais tous ses mandats étaient à la fois locaux et nationaux : maire d’Autrans de mars 1983 à mars 2008 (vingt-cinq ans), sénateur élu trois fois de septembre 1983 à septembre 2011 (vingt-huit ans !), d’abord dans le groupe de l’Union centriste (UC) puis à l’UMP (à partir de 2002). Pourquoi a-t-il rallié l’UMP alors qu’il n’en avait politiquement pas besoin ? Le besoin d’une unité de l’opposition départementale qui avait perdu (et pour longtemps) la mairie de Grenoble et la présidence du conseil général de l’Isère ?
Car Jean Faure avait aussi un autre mandat très important qui le reliait à Alain Carignon, c’était conseiller général de Villard-de-Lans de 1979 à 2004 et surtout, vice-président du conseil général de l’Isère de 1985 à 1992, auprès d’un président qui était à la fois maire de Grenoble et même ministre (Alain Carignon). Il fut par ailleurs conseiller régional de Rhône-Alpes de mars 1983 à mars 1986, à l’époque pas élu au suffrage universel direct.
Jean Faure était un expert en tourisme montagnard : il a été engagé très tôt tant dans le syndicalisme agricole que dans le tourisme en montagne, directeur du village olympique à l’époque des Jeux olympiques de 1968 à Grenoble. Il y avait beaucoup d’équipements construits dans le Vercors, en particulier le fameux tremplin de Saint-Nizier-du-Moucherotte, au pied des Trois Pucelles, tremplin qui a très mal vieilli. La commune d’Autrans a accueilli les épreuves olympiques de ski nordique et de biathlon. Jean Faure a contribué, en tant qu’élu mais aussi qu’en tant que professionnel, à créer le Parc naturel régional du Vercors.
Le mandat qui lui était le plus cher, c’était évidemment le Sénat. Jean Faure tenait avant tout à ce rôle de sénateur qu’il a su pleinement remplir. À l’époque, il y avait deux types de sénateurs : les actifs et les retraités pour qui c’était plus un privilège qu’une fonction (heureusement, ce second type devient très rare). Jean Faure fut un actif, très actif. Il faut dire qu’il était encore relativement jeune : en septembre 1983, il n’avait que 46 ans, et il s’est plu autant au travail de fond qu’aux honneurs.
Il a multiplié les rapports d’information, et c’est lui qui me donna à lire mon premier rapport sénatorial (je crois qu’il s’agissait du rapport d’information n°285 du 9 mai 1990 sur l’évolution économique de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de la Hongrie). À l’époque, il faut insister, il n’y avait pas Internet, ce n’était pas en kilooctets de fichiers .pdf qu’un rapport se mesurait mais bien en kilogrammes de papier. Il était à la commission des Affaires étrangères (et de la défense et des forces armées pour être exact), et il se plaisait à faire des voyages d’études, jamais pour l’agrément mais pour comprendre les relations internationales et parfaire sa culture des autres nations. Il était fier d’être aussi le président du groupe parlementaire d’amitié France-Madagascar, il est allé souvent à Madagascar et était très honoré (très ému) de pouvoir assister à une de ces cérémonies de retournement des morts (un ou deux ans après le décès d’un proche). Il était très apprécié à Madagascar.
Il faut bien dire aussi que le poste dont il était le plus fier était celui de premier vice-président du Sénat, assez longtemps, puisque de 1992 à 2001. Il l’a obtenu lors de l’élection du centriste René Monory à la Présidence du Sénat, il a gardé cette première vice-présidence lors de l’élection de Christian Poncelet en 1998. Il me racontait souvent sa fierté d’être reçu à l’Élysée lorsque le Président Jacques Chirac recevait officiellement le Sénat. Jean Faure était alors placé selon l’ordre protocolaire à droite du Président de la République, lui, le petit moniteur de ski qui n’avait pas beaucoup de diplôme, avait réussi à faire toute sa place, et toute sa respectabilité dans la grande République des énarques et des surdiplômés. Il fut ensuite, de 2001 à 2008, questeur, qui est un poste stratégique au Sénat.
Tourisme, montagne, neige était donc l’un de ses sujets de prédilection mais bien loin d’être l’unique puisque les relations internationales l’ont beaucoup préoccupé, aussi l’Europe, car qui dit centriste dit forcément européen.
À la fin de sa carrière politique, il a été accusé de viols et d’agressions sexuelles sur une jeune fille mineure, une accusation extrêmement grave, ce qui lui a valu de voir son immunité parlementaire levée en 2003 et d’être traduit devant les assises de Paris le 1er juillet 2009 au cours d’un procès à huis clos qui s’est terminé le 4 juillet 2009 par un acquittement à l’issue de cinq heures et demie de délibérations. L’avocat général avait réclamé une peine de six à huit ans d’emprisonnement, ne croyant guère aux dénégations de l’accusé et parlant d’une « part d’ombre dans sa personnalité » alors que le sénateur avait toujours réfuté catégoriquement les accusations.
C’est aussi à cette époque, en fait, un peu auparavant, en 2001, que Jean Faure, qui fut happé par un service militaire de deux ans en Algérie à l’âge de 20 ans, a sorti ses "Carnets d’Algérie 1957-1959" sous le titre "Au pays de la soif et de la peur" (éd. Flammarion), ce qu’il a vu et vécu en Algérie pendant cette sale guerre et qu’il n’avait encore jamais raconté ni en senti le besoin.
En novembre 2021, Jean Faure était encore à Paris pour abandonner la présidence de l’Amicale du Sénat qu’il a assurée pendant une dizaine d’années. Gérard Larcher, le Président du Sénat, était présent pour l’honorer. Depuis quelques jours, c’est toute la France qui l’honore et en particulier, le Dauphiné, l’Isère, le Vercors et Autrans. Je conseille de regarder le documentaire qui lui est consacré, réalisé en 2019 par Lucile Dailly.